LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Du Flash-ball à la dispersion d’un attroupement

Les forces de l’ordre sont-elles autorisées à utiliser le Flash-ball pour disperser un attroupement ? Ces jours-ci, à la suite des incidents de Montreuil1, on a lu tout et son contraire. Petite tentative pour faire le point.

la_manifestation_lacusongirl_carnet-de-croquis.1247824154.jpgIl faut d’abord distinguer l’attroupement de la manifestation.

La manifestation relève des libertés publiques car elle a pour objet d’exprimer une opinion. Par nature pacifique, elle doit faire l’objet d’une déclaration préalable et être autorisée.

L’attroupement est défini par l’article 431-3 du Code pénal : « Constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public ».

La notion de « lieu public » est importante. Ainsi des ouvriers qui occupent les locaux de leur entreprise, comme c’est le cas actuellement, ne forment pas un attroupement au sens juridique. Leur évacuation ne peut se justifier que par l’existence d’un crime ou d’un délit, l’obligation de porter assistance à une personne en danger ou l’exécution d’une décision de justice.

Toutefois, tout rassemblement sur la voie publique ne constitue pas nécessairement un attroupement. Il appartient aux responsables des forces de l’ordre de faire preuve de bon sens. Et en dernier ressort, c’est à l’autorité judiciaire de trancher.

Dans l’ancien Code pénal, l’attroupement était interdit. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais il peut en revanche être dissipé par la force publique.

« La dispersion de l’attroupement et l’éventuel usage de la force, nous dit le commissaire divisionnaire Didier Perroudon2 (photo), résultent de l’enchaînement plus ou moins visible de trois phases toutes aussi didier-perroudon_zoom42.1247824647.jpgfondamentales les unes que les autres. La dispersion de l’attroupement doit avoir été décidée par l’autorité civile présente sur les lieux, les sommations doivent avoir été effectuées dans leur solennité, la foule doit se maintenir sur les lieux. »

Il existe cependant deux cas dans lesquels l’usage de la force peut être mis en œuvre sans que les sommations soient nécessaires :

– Les forces de l’ordre font l’objet de violences ou de voies de fait. A condition que les violences présentent une certaine gravité. « L’acte isolé d’un individu, des voies de fait bénignes ne sauraient justifier un recours à la force sans sommations », note le commissaire divisionnaire Jean Montreuil

– Le nouveau code pénal autorise également le recours à la force sans sommations, lorsque les membres de la force publique ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent (une préfecture, un bâtiment…).

« Dans toutes les autres situations, l’absence de sommations rendrait illégal l’usage de la force, et les agents de la force publique ne pourraient se prévaloir du fait justificatif de l’ordre de la loi et du commandement de l’autorité légitime. Seule, la légitime défense de soi-même ou d’autrui pourrait, le cas échéant, être évoquée » (Vitu et Montreuil).

Par « emploi de la force », il convient d’entendre l’utilisation violente de la force physique comme les mouvements de refoulement, bonds offensifs, charges comportant l’usage en tant que de besoin des bâtons de défense, bâtons de police à poignée (tonfa), etc. Constituent également un usage de la force, l’utilisation des grenades lacrymogènes, la mise en œuvre d’engins lanceurs d’eau et de véhicules anti-barricades (Circ. min. Int. du 4 mars 1987).

L’ouverture du feu ne peut se concevoir que dans des situations d’une exceptionnelle gravité. Une instruction interministérielle précise qu’à l’exception du cas de légitime défense, il faut éviter l’usage des armes « en faisant preuve jusqu’aux dernières limites de calme et de sang-froid ».

Alors, pour en revenir au Flash-ball…

Le Flash-ball est une arme trop récente pour être mentionnée dans les textes, mais dans la mesure où elle a été classée en 4° catégorie, au même titre qu’un revolver, on peut en déduire que son utilisation est réservée aux cas de légitime défense.
Elle ne pourrait donc être utilisée pour disperser un attroupement qu’après une décision de l’autorité civile et les sommations d’usage.
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1/ Sur ce blog : Montreuil, le Flash-ball en question.

2/ Au moment où il a écrit son recueil sur l’attroupement (dont je me suis inspiré), Didier Perroudon était professeur à l’École nationale supérieure de la police et professeur associé à la Faculté de droit de l’université Jean Moulin à Lyon. Il est aujourd’hui (je crois) directeur départemental de la sécurité publique de Seine-Maritime.

9 Comments

  1. un flic

    Je note que tous les flash ball ne sont pas classés en 4 ème catégorie …Il y en a classés en 7 ème …

  2. Gilbert

    Merci. Dommage que ce soit les anciens flics comme vous où votre collègue cinéaste Olivier Marchal qui aient une vision humaine et républicaine de votre ancien métier. N’y a-t-il que les grosses brutes qui ont envie de rester ?

  3. GM

    Dont acte !

  4. Gilbert

    J’ajouterais, pour terminer, que ça me plairait assez que Georges Moréas commente la réaction des collègues du flic mis en cause.

  5. Gilbert

    Voilà donc que les bœufs carottes ont reconnu que le flic qui a crevé un œil à Joaquim Gatti n’était pas en état de légitime défense et que ce n’était pas à la BAC d’intervenir. Que le gars soit devenu infirme à cause de ce salopard, ses collègues n’en ont rien à foutre si l’on en juge par cet article du Monde :
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/07/30/affaire-joachim-gatti-l-auteur-du-tir-de-flash-ball-n-etait-pas-en-legitime-defense_1224174_3224.html

    Aussi sec, les flicards du commissariat de Montreuil, au lieu de jouer profil bas, ont convoqué Jean-François Herdhuin, directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), pour lui dire que si on leur cherchait des poux dans la tête, ils n’iraient plus travailler dans les quartiers difficiles.

    À gerber !

    Et quand je disais, à la lumière du Procès Papon et de ce que je vois tous les jours dans mon quartier de Barbès, que la mentalité flicarde ne change pas et que j’ai des doutes sur le fait que la police soit une police républicaines, certains sur ce forum m’ont accusé de fantasmer.

  6. Gilbert

    En raison du défaut de maîtrise par les policiers des armes qu’ils ont entre les mains, le plus sage est effectivement de leur retirer l’usage des joujoux susceptibles de tuer ou mutiler des jeunes gens qui n’ont eu que le tort d’aider des pkus précaires qu’eux.
    C’est sans doute la raison pour laquelle des élus Verts ont déposé une PPL (Proposition parlementaire de loi afin d’interdire l’usage de ces engins.

    Voir ici :
    http://www.noelmamere.fr/article.php3?id_article=1610

  7. kem08

    Merci pour ce rappel de la loi.
    La loi ne dit pas « tirez dans le tas », elle décrit les étapes de la mise en oeuvre de la force publique, c’est rassurant…
    La loi est rassurante mais ceux qui sont chargés de la faire appliquer, beaucoup moins !
    Beaucoup d’amateurisme, un sentiment d’impunité révoltant, une propension à la brutalité et un mepris affiché des valeurs républicaines, tel est le portrait peu flatteur que je fais de la police française.
    Je pense que les choix politiques de ces dernières années comme le démantèlement de la police de proximité, la politique du chiffre etc, y sont pour beaucoup mais ils n’expliquent pas tout malheureusement.
    Le mal est beaucoup plus profond, incrusté dans les usages policiers depuis des décennies.
    La police française a eu un comportement très troublant il y a 60 ans, je pense qu’il en est resté qqch, l’autre fléau de la police réside selon moi dans le corporatisme de la profession qui est incapable d’adopter un regard critique sur ses pratiques.
    Comment comprendre ces syndicalistes au parti pris systématique y compris quand les fait sont accablants !
    On ne peut pas comprendre la police si on ne mesure pas l’étendue de la gangrène morale et mentale qui travaille cette profession.
    Cette police me fait honte, il est grand temps pour le bien de tous et en premier lieu, pour le bien des français, de faire un grand ménage dans la profession.
    Je suis triste pour les bons policiers qui ont à coeur de servir la population, ils subissent au quotidien les effets de cette image catastrophique, leur métier est de plus en plus difficile, mais qu’il sachent que s’ils veulent que les choses changent, ils doivent regarder leur profession en face et en tirer les conclusions au lieu de rester passifs.

  8. Marc

    Quand on lit toutes les étapes théoriques à respecter avant de disperser un attroupement, on comprend mieux les raisons pour lesquelles la France s’enfonce dans la délinquance chronique. Il suffit de voyager en Europe pour constater que le nombre incroyable d’agressions, d’incivilités et le sentiment d’impunité des voyous sont une particularité française.
    Quant à l’usage des armes à feu… Quand les CRS se font tirer dessus à coups de fusils à pompe en banlieues, ils ne répliquent jamais.
    C’est désolant car on en accordant une mansuétude inacceptable à des crapules sans foi ni loi, on expose chaque jour un peu plus les citoyens honnêtes à des agressions sauvages.

  9. titi

    Je vous signale un trés bon article en ligne sur le site du Monde:
    « comment être un bon flic dans ce climat de haine »

    http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/07/17/nous-les-policiers-on-nous-traite-comme-des-moins-que-rien_1219754_3224.html

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