Lorsqu’on parle de la police, c’est souvent pour la blâmer et parfois, mais plus rarement, pour saluer une réussite : l’arrestation d’un assassin, le sauvetage d’un enfant… Mais qui connaît la vie de son commissariat ? C’est toujours avec une certaine appréhension que l’on pousse la porte… Un univers différent, un endroit qui a sa propre vie, ses propres règles. Et on est bien content d’en sortir.
C’est donc sans grande conviction, que je suis allé voir Commissariat, le film de Ilan Klipper et Virgil Vernier*. En traînant les pieds. Avec en plus la crainte de m’enquiquiner pendant une heure et demie.
J’avais tort. Je suis resté scotché à mon siège avec parfois la larme à l’œil. L’affiche souligne qu’il s’agit d’un film d’amour, mais c’est la détresse qui domine. La misère au quotidien. Et de la compassion, autant pour ces jeunes flics qui se cherchent que pour leurs « clients ».
Un film tout simple. Des séquences mises bout à bout. Et bizarrement, on n’en sort pas indemne. Encore maintenant, les images me tournent dans la tête.
Sûr, on est loin d’une série télé ! Ici, les « criminels » sont des gens ordinaires. Comme cet alcoolique qui s’est fait plus ou moins bastonner par ses voisins, sans doute lassés d’entendre ses vociférations. Et c’est sans pudeur, comme à un psy, qu’il se confie à l’officier de police qui l’a mis en garde à vue. « Je ne fais de mal à personne, dit-il en résumé, de temps en temps, je bois un coup, ou je fume un joint, ou les deux. » Il est touchant. Il a le même regard que Houellebecq et il parle comme Modiano. Ou le contraire, c’est selon.
Et cette jeune femme, Samantha, avec sa beauté toute simple, soulignée, comme une provocation, par une méchante cicatrice au menton. Il y a tant de vie passée, tant de tristesse dans son regard…
Quant aux policiers, surtout les plus jeunes, on les sent aussi perdus que les autres. Déracinés, loin de chez eux, affectés dans une ville qu’ils ne connaissent pas, avec l’impression qu’ils portent un uniforme trop grand pour eux. Ils ne sont pas encore flics et ils ne sont plus tout à fait pas flics.
Ils supportent mal d’être marginalisés, de ne pas être aimés. Aussi, lorsqu’ils sauvent un enfant des flammes, un jeune Marocain, c’est comme une réconciliation. « Peut-être, maintenant, vont-ils nous voir autrement… ». L’image de la fliquette qui danse de joie devant l’immeuble en feu s’affiche comme un symbole. « Le plus beau moment de ma vie », dira-t-elle plus tard.
Mais si le commissariat est un lieu de vie, c’est plutôt de la vie des autres dont il est rempli. Des histoires qui passent, un procès-verbal plus long que nécessaire, un peu d’écoute, des conseils… puis le boulot qui reprend le dessus : « Allez, signe là ! »
Et le film se termine par une sorte de parabole, un gros plan sur l’employé qui nettoie les geôles de garde à vue – au karcher, car le commissaire trouve que ça décape mieux.
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@ notamment Faucon-Vert
En effet, comme le souligne JPF, il n’y a pas, de la part de l’administration, de volonté particulière d’éloigner les fonctionnaires de leurs lieux de vie d’origine. Les jeunes recrues (que ce soit dans la police ou dans toute autre administration) sont affectées en priorité là où les postes sont vacants. Et donc en ce qui concerne les flics, les premières places qui se libèrent se situent surtout en Ile de France, souvent dans les coins les moins attrayants, les « anciens » aspirant à un peu de tranquillité après quelques années de dur labeur. Ainsi si vous êtes parisien ou banlieusard, vous avez de fortes chances de vous retrouver près de chez vous. Les policiers étant originaires de toute la France, la plupart d’entre eux, les provinciaux, se retrouvent donc « déracinés ». Personnellement, j’ai pris mes premières fonctions à 600 km de chez moi. Et comme les postes ne se libèrent pas dans mon « pays » d’origine, j’ai peu de chance de rentrer « à la maison ». Mais certains, plus « chanceux », y parviennent.
Bref, je ne suis donc pas certain que l’administration, cette grande vicieuse, fasse en sorte de déraciner les jeunes fonctionnaires. Sinon, elle enverrait les parisiens à Nice, Biarritz ou Strasbourg. Ce qui n’est pas le cas. Rappelons au passage que l’administration n’impose pas d’affectation, elle ne fait que proposer une liste de postes au sein de laquelle chacun piochera selon ses convenances.
Vous devez comprendre que si les jeunes qui rentrent dans la Police sont en majorité affectés en région parisienne et dans les grandes métropoles ce n’est pas par brimade, mais parcequ’il n’y a pas de places pour tout le monde dans les villes de province d’ou ils sont souvent originaires, bien que de maintenant ils hésitent beaucoup avant de se déracinner. Avant 1968, tout fonctionnaire de police qui rentrait à la Préfecture de Police devait s’il ne passait pas de concours terminer sa carriére en région Parisienne ce qui n’est plus le cas aujourd’hui et c’est malheureusement et une des causes de ce que vous dénnoncez en soulignant la jeunesse de nos fonctionnaires de police à Paris et dans les grandes villes. A cette époque également il fallait faire quelques années dans les CRS pour pouvoir intégre un commissariat de province. Pour ce qui concerne les policiers qui aprés quelques années passées à Paris, en banlieue ou dans une grande ville retournent prés de leur famille, ils sont dans beaucoup de cas déçus car le travail et les charges ne sont plus les mêmes compte tenu du peu d’effectif dont disposent les commissariats des villes de moyenne ou plus petite importance. Mais sachez qu’avec l’allongement de l’âge de la retraite pour tous ces gens là, Policiers, Postiers profs et autres le retour au pays sera encore plus long et lorsque l’ont à fondé une famille, acheté un appart ou une maison, que l’on a des enfants ados, le retour est trés difficilement envisageable.etc..etc….
Oui… enfin… euh…
C’est pour ça qu’on l’applique aussi aux postiers et aux professeurs ? Parce qu’ils risqueraient de se faire corrompre par les destinataires de recommandés et les parents d’élèves ?
Le jeune fonctionnaire qui reviendrait dans sa région d’origine, n’étant pas déraciné connaîtrait le terrain et pourrait y être plus efficace.
Pour répondre aux personnes qui s’étonnent que les policiers soient affectés loin de leur région natale, il me semble que c’est une mesure de précaution prise exprès pour éviter la corruption et les pressions sur le jeune policier, sur l’air de : »allez, on a été à l’école ensemble, tu me connais, tu ne peux pas me faire ça, etc… ». Il me semble que c’est donc pour permettre à ces policiers d’exercer leur métier en toute indépendance et impartialité, et on un brimade pour les « déraciner » comme on a pu lire ci-dessus.
@janssen JJ, cher monsieur, en nous mettant tous les trois dans le même pannier (JPF, Péhéne et Bénédicte) vous avez du comprendre que nous au moins nous savons de quoi nous parlons en défendant l’institution policiére car nous avons du travailler ensemble dans le même département et même si je ne suis pas toujours d’accord avec les propos de Bénédicte, elle au moins elle a été gardien de la paix à Nanterre puis officier de Paix sur le 18eme, je vous assure que c’est trés formateur.Ce n’est pas de cas de cette demoiselle Souid qui n’a jamais vu un commissariat de police de sa vie à part pour déposer plainte contre ses collégues.
Ils manquent de repère car ils ne travaillent pas dans la ville où ils ont grandi”
Et on trouve ça normal ? (Pour les flics, les profs, les postiers ou autres fonctionnaires, qu’est-ce que c’est que ces nominations « au plus on déracine les gens, au mieux c’est ?)
@ Janssen J-J
Votre immuable volonté de m’égratigner vous emporte (une fois de plus). Premièrement, à aucun moment je n’ai signalé à mon interlocuteur ce qu’il devait penser du témoignage de Mademoiselle SOUID. Deuxièmement, je ne faisais que proposer, dans le cadre ses sollicitations, de prendre au passage connaissance (si ce n’était déjà fait) de l’opinion d’une blogueuse elle aussi « fliquette », sans pour autant indiquer que ses chroniques me plaisaient tant.
J’espère, cher collègue, que vous êtes un peu plus rigoureux dans votre travail et que vous respectez un tant soit peu le sens des déclarations de vos interlocuteurs.
Quant à la dernière chronique de Mademoiselle Desforges, elle m’a amusé puisqu’il y a maintenant pas mal d’années lors d’un important contrôle routier auquel j’assistais en qualité d’officier stagiaire, un jeune gardien était venu me voir pour m’indiquer qu’une jeune et ravissante femme (j’ai vérifié, c’était exact) lui avait proposé d’exaucer le fantasme sexuel de son choix s’il s’abstenait de la faire souffler dans le « ballon ».
La part misérable de notre condition de flics de base ?… Depardon l’avait déjà adlmirablement montrée il y a quelques années, et ce nouveau documentaire semble en conforter la dimension : avoir directement affaire avec la misère, c’est en effet la grandeur et la servitude de notre boulot, sa noblesse aussi, elle nous contamine inévitablement, on la prend en pleine gueule et on fait ce qu’on peut pour s’en protéger…
Merci de le rappeler à vos lecteurs, Georges.
Cela dit, je regrette que vous ayez cru bon de donner cette précision : « Aussi, lorsqu’ils sauvent un enfant des flammes, un jeune Marocain, c’est comme une réconciliation. Peut-être, maintenant, vont-ils nous voir autrement… »
Il était fatal que cette incise allait provoquer un appel au meurtre, ou du moins à un nouveau débat sur le témoignage de Mlle Sioud… avec, sortant du bois, les trois inévitables qui viennent signaler au demeuré Le Pandore, tout ce qu’il devrait en penser (car de quoi, vous ne saviez pas que JP F, Péhenne et Mme Desforges avaient déjà dit tout ce qu’il fallait en penser sans avoir vraiment lu ce bouquin…).
Georges, ne cédez pas à la tentation de l’évoquer sur votre blog ! Il n’est tout au plus qu’un mensonge intégral sur les attributs personnels de son auteure, et une vérité indiscutable sur les moeurs de la PAF.
Vous ne feriez en effet que ranimer de sordides débats sur « l’identité nationale vue par la police française », et on a eu vraiment notre dose ! Il est temps de passer à autre chose.
L’affiche du film nous dit : « un film d’amour »?… Je me demande s’ils ne seraient pas allés pêcher dans l’imagination débridée de Melle Desforges, par hasard ???…
Et puisqu’apparemment d’aucuns se sentent en devoir de forcer la main du tôlier, allons-y à notre tour : Georges, pourquoi ne vous fendriez vous pas d’une recension des dernières chroniques de miss Desforges, qui plaisent tant à notre Pé-haine nationale : ‘Police, mon amour’ ?
Ce que j’en dit, c’est que vous faites comme vous le sentez, hein ?…
@ Le Gendarme
C’est de la provoc, hein ! Plus sérieusement, j’ai été tenté d’acheter le livre, mais je ne l’ai pas fait. Donc, je ne l’ai pas lu. Facile comme excuse me direz-vous ! C’est vrai ! Mais après tout, on n’est pas obligé de se faire mal… Et franchement, il me manque l’envie…
@ Le gendarme
Une proposition : plutôt que d’en appeler au Maître des lieux, lisez les recueils de Mesdames Desforges et Souid et soumettez nous une petite critique constructive de leurs témoignages respectifs.
Je trouve le témoignage lui-même beaucoup plus intéressant que ce commentaire qui pourfend la forme, mais très peu le fond, dans le fond…
Personnellement, je ne pense pas que cette jeune femme avait d’autre choix que de sortir un livre sous cette forme, après ce qui lui est arrivé. Pour la forme : elle n’a donc pas vraiment d’autre choix!
Pour le fond : votre si peu sympathique (et un peu copieuse blogueuse!) Bénédicte ne conteste pas non plus les faits.
Mais l’important, c’est surtout d’éviter de parler du fond, n’est-ce pas ?
Dans le fond…
Je re-demande donc à Georges humblement s’il ne veut pas nous faire part de son avis là dessus en nous faisant un joli petit article dont il a le secret.
@ Le gendarme
Bénédicte Desforges s’est fendue d’un petit article sur le sujet. Intéressant.
http://police.etc.over-blog.net/article-omerta-dans-la-police-sihem-souid-58828768.html
@G Moréas
Si le film est vraiment le refflet de ce que vous laissez ressentir, il faudrait le projeter dans tous les commissariats de France et de Navarre. Mais pour y avoir vécu, il y a bien longtemps c’est vrai et être encore proche des « Policiers de base » comme vous dites je pense que dans la majorité des cas ces jeunes gardiens de la paix sont bien dans leur peau et ne souscriraient pas à votre analyse « dérangeante », de plus, contrairement à ce qui se passait il y à quelques années, les jeunes policiers ont un vécu que nous n’avions pas de notre temps, et trouvent quoique l’ont en dise une hiérarchie plus à l’écoute de leurs problémes en plus des psy et des travailleurs sociaux qui travaillent au quotidien dans les commissariats. (le nettoyage des violons au karcher je ne l’ai jamais vu car rare sont les services qui en disposent, encore un clin d’oeil à qui vous savez)
@ le gendarme : Sihem Souid n’est pas policiere mais agent administratif je l’ai déja dit sur ce blog et son livre est sa vérité embellie ou noircie sans doute pas la réalité avérée.
Oui, Georges, « Flic c’est pas du cinoche ».
Nous en reparlerons bientôt.
Amitié
Marc
Effectivement ce billet donne envie d’aller voir ce documentaire.
Une phrase que je retiens par dessus les autres: « Pas encore flic et plus tout à fait pas flic »
Je ressens exactement la même chose dans la profession d’avocat, qui ne souffre pourtant pas de la même mauvaise réputation.
J’y retourne d’ailleurs, courage aux professionnels du droit et de la justice si souvent critiqués (entre eux-mêmes d’ailleurs)
@ Georges Moréas
Merci pour votre réponse.
Ayant moi-même exercé quelques années dans un commissariat « moyen » en très proche banlieue parisienne, et ayant donc été maintes fois témoin de petites et parfois grandes « tragédies humaines », j’ai l’impression, sans avoir vu ce documentaire, de comprendre vos sentiments à son égard.
Le quotidien d’un commissariat est loin des clichés des film de genre. Et les affaires médiatiques ne reflètent pas non plus ce qui se passe dans cet univers. Toute tentative de mieux faire connaître notre métier et ce à quoi nous sommes confrontés, ne peut qu’être saluée.
Votre billet donne vraiment envie d’aller voir ce documentaire ; il faudrait que je me renseigne pour savoir si une diffusion TV qui toucherait un plus large public est prévue …
J’en profite pour vous remercier de la grande qualité et de l’humanité qui se dégage de vos billets, que je lis régulièrement.
Continuez je vous prie, et merci encore.
@ Péhène
Sur ce blog, il est question d’affaires de police, de sécurité, des libertés, de choses qui paraissent importantes… Ce documentaire m’a rappelé qu’au-delà des mots, il y a le mal-vivre au quotidien. Le lot des policiers de base, pas nécessairement prêts, surtout dans leur tête, à faire face à la détresse des autres. Ce film fait réfléchir. Il m’a vraiment remué.
Peut-être parce que le Georges a royalement oublié de parler du bouquin de Sihem Souid «Omerta dans la police» et que du coup : il a confondu les deux…
Est-ce qu’il dérange Georges Moreas et les habitués de son blog/bouge/troqué mal famé, le bouquin de cette jeune fliquette qui s’est faite violée et qui a eu du mal a porter plainte auprès de ses propres collègues ?
Est-ce que vous pensez qu’elle tiendra longtemps dans le métier ?
Elle est jolie, en tout les cas…
Peut-être que c’est ça qui dérange le plus ?
« Ils manquent de repère car ils ne travaillent pas dans la ville où ils ont grandi » Mais comme la très grande majorité des jeunes qui ont trouvé un emploi, je ne parle même pas des jeunes profs qui après avoir réussi un concours très difficile doivent travailler sur plusieurs établissement difficiles de banlieue.
Une simple et innocente question, Georges Moréas : pourquoi, dans votre titre, qualifiez vous ce film de dérangeant ?