LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Les fichiers (Page 3 of 4)

EDVIGE pas mort

Le décret instituant la mise en place du fichier EDVIGE n’a pas été annulé. Pire, le nouveau décret qui prévoit la création d’EDVIGE II (ou plus exactement EDVIRSP) n’envisage pas l’abrogation du premier. En l’état, le décret d’origine est donc applicable – et appliqué.

Voyeurisme_blogmonlegionnaire.jpgC’est du moins l’avis de Corinne Lepage, la présidente du mouvement écologique Cap 21. Elle a déposé il y a quelques jours, un recours devant le Conseil d’État. Grosso modo, elle affirme que le Gouvernement utilise le laps de temps nécessaire pour la validation du nouveau décret pour mettre l’ancien en pratique.

Pour elle, il y a donc urgence à suspendre ce texte litigieux dont l’application permet de ficher des gens qui dans quelques semaines ne seront plus « fichables ».

En effet EDVIGE II rectifie le tir. Ainsi les personnalités, notamment politiques, ne seront plus mentionnées, ni les citoyens lambdas, sauf à troubler l’ordre public – alors qu’auparavant il suffisait d’une simple menace à l’ordre public.

Dans son recours, Madame Lepage ajoute même que si le Gouvernement s’opposait à la demande de suspension, ce serait avec l’arrière-pensée de  « créer un fichier dont l’objectif avoué serait de rester totalement secret… »

Alors, tandis que l’on palabre, EDVIGE est-il opérationnel ? La réponse est probablement oui, car les structures sont en place et un fichier de police, tout comme la nature, a horreur du vide.

Mais si EDVIGE est un fichier neuf, un fichier qui part de zéro, il n’y a pas le feu au lac. En revanche, s’il est alimenté par d’autres fichiers, RG et tutti quanti, il sera rempli avant d’être remplacé par son petit frère.

Et c’est là où le bât blesse, car dans la police on ne détruit pas des archives. Au mieux on les met en sommeil.

Je me souviens de ce vieux flic un peu alcoolo, auquel son patron avait demandé de classer des documents… « Bien chef ! » qu’il avait dit. Et un à un, il avait glissé les précieux feuillets dans des bouteilles (vides,le suicidaire_blog-danielriot.jpg évidemment) avant d’y mettre le feu.

Puis il avait soigneusement aligné les bouteilles remplies de cendres, une étiquette de scellé accrochée au goulot, sur laquelle étaient inscrites toutes les références des dossiers.

Un autre temps où dans les services de police on buvait, on clopait et l’on tapait le carton – et où on ne mettait pas les archives en sommeil, mais… en bouteilles.

Les fichiers de police

Les mésaventures de la pauvre « Edvige » ont attiré l’attention sur un mal nécessaire : les fichiers de police.

Ils trouvent leur origine dans le besoin de différencier les délinquants primaires des récidivistes. En effet, le début du XIX° siècle voit l’abolition de la marque infâme des bagnards et autres résidants des cours des miracles. Une loi libertaire en quelques sortes… Mais, en sommiers-judiciaires-1912_archives-pp.1222100540.jpgl’absence de cette marque et de tout document d’état-civil, impossible de reconnaître les bons des méchants. D’où la création des « sommiers judiciaires ». Il s’agit d’énormes registres (et non pas de plumards) tenus par la préfecture de police et sensés contenir toutes les condamnations pénales prononcées sur le territoire français. Un travail titanesque d’archivage pour un résultat des plus médiocres. En effet, pour rechercher un individu, il faut consulter des colonnes et des colonnes de noms. Et comment différencier un Dupont d’un autre Dupont, même avec un d…

Aussi, un peu plus tard, décide-t-on de remplacer les registres par des fiches cartonnées. Une méthode beaucoup plus souple et suffisamment efficace pour qu’en 1872 on envisage de recopier les archives vieilles de 80 ans. Dix millions de bristols à établir. On imagine les plumitifs à manchettes tirant la langue en s’appliquant aux pleins et aux déliés… Toute une carrière à remplir des fiches. Car l’aventure dura plus de 20 ans. Je crois même qu’elle ne fût jamais achevée.

Peut-être existe-t-il encore dans une soupente de l’auguste maison, un fonctionnaire vieillissant oublié de tous qui poursuit sa pointilleuse besogne… Hors du temps.

Le principe de la fiche cartonnée est conservé pour la mise en place (moins officielle) des « sommiers de police ». Toujours des fiches cartonnées, mais qui cette fois renvoient à des dossiers. C’est ainsi que naissent les archives de la préfecture de police (APP).

Cela paraît bien archaïque, et pourtant le système a perduré jusqu’aux années 80. Je veux dire 1980.

Dans ces années-là, les enquêteurs disposent des outils suivants :

– Les archives de la préfecture de police (PJ/PP et RG/PP) ;

– Le fichier central du ministère de l’Intérieur qui gère à la fois les dossiers criminels et les dossiers administratifs (FC/DC et FC/DA) ;

– Les fichiers régionaux, au sein de chaque SRPJ.

Le FC du ministère se trouvait, si j’ai bonne mémoire, au dernier étage sur cour de la rue des Saussaies. On racontait alors que le poids des dossiers était tel qu’on était obligé de classer les plus anciens dans les sous-sols… La tête du préposé lorsqu’on lui demandait de sortir un dossier « cave » ! D’où l’utilité du monte-charge.

Voici le mécanisme d’une recherche d’archives telle que je l’ai vécu : On inscrit sur une fiche cartonnée les nom, prénom et date de naissance de la personne sur qui l’on enquête. On fait signer le chef de service. Ensuite, on se rend soit quai des orfèvres, soit rue des Saussaies, soit au siège du SRPJ. On fait la queue en taillant la bavette avec des collègues et en tirant sur sa clope. On donne sa petite fiche à un fonctionnaire racorni, et tandis qu’il effectue votre recherche, on repapote avec les collègues. Enfin, l’archiviste revient, parfois en essuyant d’un revers de manchette la trace du petit blanc qu’il a lapé au passage, et ici, deux cas de figure : 1/ Il extériorise sa rancœur d’avoir été affecté à un poste aussi débile en flanquant un magistral coup de tampon « INCONNU » sur votre fiche ; 2/ Il inscrit la date du fumeur-bobocoverblogcom.1222100710.jpgjour, votre nom, votre grade et votre service au revers d’un dossier poussiéreux qu’il vous tend comme à regret. Avec un commentaire, du genre : « Magne-toi, on ferme à 17 heures ». Et vous cherchez un petit coin de table pour consulter votre dossier et prendre des notes.

Car, bien sûr, il n’y a pas de photocopieuse.

Aujourd’hui, les flics ne papotent plus. En un clic de souris, ils ont le résultat qu’on mettait une demi-journée à obtenir. Comme le nombre d’affaires résolues n’a pas vraiment augmenté, j’me demande bien à quoi qu’ils passent leur temps ! D’autant qu’ils n’ont même pas la possibilité de fumer une clope ou de se taper un coup de blanc…

Je blague, bien sûr ! D’ailleurs, ma petite histoire s’arrête là, sur ce simple constat en forme de parabole : Les fichiers de police existent depuis longtemps – mais pas l’informatique.

 

Le tohu-bohu d'Edvige

Le tohu-bohu qui entoure la mise en place du fichier Edvige est-il justifié ? Le mécontentement s’est cristallisé sur la possibilité de ficher des mineurs de 13 ans et de faire mention de nos affinités sexuelles. Et accessoirement aussi sur le fait de s’intéresser de trop près à certaines personnalités (ce dernier point n’est pas nouveau). Mais au fait, c’est quoi le fichier Edvige ?

espionnage_image-google.1221062776.jpegC’est tout simplement l’outil de travail qui suit la fusion des RG avec la Sécurité publique. Puisqu’on mélange les genres, se sont dit quelques grosses têtes de l’Intérieur, il est normal de créer un fichier qui englobe les deux activités. Prenons un exemple : le militant écolo intéresse les RG, mais lorsqu’il passe à l’action dans un champ de maïs transgénique, il commet un délit et il trouble l’ordre public. Du coup, il intéresse la Sécurité publique. CQFD.

Edvige est donc un fichier fourre-tout, même si on n’a pas très bien compris comment il allait être alimenté… Bien sûr, il est fait pour notre bien, pour notre sécurité, tatata, tatata…

Il est « ouvert » pour les 4.000 policiers de la DCRI qui peuvent donc l’interroger librement et il est semi-protégé pour les autres. Ce qui signifie que son utilisation doit faire l’objet d’une autorisation de la hiérarchie. J’ai entendu le représentant d’un syndicat des commissaires de police le défendre (un peu gêné, m’a-t-il semblé). C’est peut-être son rôle. C’est surtout son rôle de se demander comment les commissaires, ou les officiers de police, vont en assurer le contrôle ? Car tout manquement va de fait leur retomber sur le poil.

Certes, les policiers étaient demandeurs. Il leur fallait un outil adapté aux réformes successives et aux technologies modernes. Mais là, c’est presque trop. A la longue, Edvige pourrait bien devenir une maîtresse encombrante.

Ce fichier fait partie d’un lot. Il suit la création, en janvier 2008, du fichier PERS, dont personne n’a pratiquement parlé.

Le fichier PERS est tenu par les agents du fisc. Il ne concerne ni les délinquants, ni les personnalités, ni les homosexuels… Il concerne tout le monde. Son objet est d’archiver tous les Français, et toutes les entreprises françaises, en répertoriant le maximum d’informations (état–civil, filiation, mariage, domicile, mail, téléphone, profession, biens fonciers, comptes en banque, etc.). Chaque français se voit ainsi attribuer pour la circonstance un « numéro séquentiel d’identification ».

Ces deux fichiers s’ajoutent à tous les autres, Adn, empreintes digitales, voitures, etc.

lemonde.1221063833.jpg

Bien entendu, aucun n’est croisé. Mais si un jour ils devaient l’être, nous serions tous aussi transparents que du verre. On pourrait par exemple d’un clic de souris déterminer le comportement «éventuellement» délictueux d’un individu en fonction de la loi des grands nombres.

Amusant, non !

Intervenir avant le crime ou le délit… Le rêve d’une société parfaite.

 

La DCRI et le fichier EDVIGE

Il y a quelques semaines, la DCRI a officiellement vu le jour. On nous a dit alors que la France allait se doter d’un grand service de renseignement qui remplacerait à la fois le service de contre-espionnage (la DST) et la direction centrale des renseignements généraux (DCRG).

singe_terresacreeorg.1216822357.jpgST et RG sont assez mal connus du grand public – et même de la presse.

Ce qui est d’ailleurs normal, puisque la ST était un service secret et les RG un service qui nous « faisait » des  secrets.

Ces deux directions de la police nationale se sont parfois trouvées en doublon sur des affaires de terrorisme, mais de fait, elles n’ont jamais été réellement concurrentielles. On peut même dire qu’elles étaient complémentaires.

La première était un service de police judiciaire (à compétence nationale) chargé de lutter contre l’espionnage et l’ingérence de pays étrangers. La seconde avait pour mission de renseigner le gouvernement (quel qu’il soit) sur la «société française». Ainsi, le professeur d’une école de police définissait les RG comme le baromètre du pays.

Plus récemment, on avait rajouté à leur palette la lutte contre le terrorisme.

On voit bien que les deux missions de base de ces directions étaient complètement différentes. Alors qu’en sera-t-il de la DCRI ?

On croit comprendre que la mission RG est dévolue aux policiers de sécurité publique (les commissariats) et que le nouveau service levalloisien va s’occuper de tout le reste. Sauf sur le ressort de la préfecture de police de Paris, où rien ne change (du moins sur le papier).

C’est énorme : 4000 policiers dotés de moyens considérables vont demain agir (pour la plupart) sous la protection du « secret défense ». Un domaine où la justice ne peut pas mettre son nez, sauf à obtenir l’accord du Premier ministre. Ce qui est assez rare.

4000 policiers sous l’autorité d’un préfet qui possède une ligne directe avec l’Elysée.

Une partie de la presse a claironné en annonçant un FBI à la française. C’est évidement une… bêtise. Le FBI est un service fédéral de police judiciaire – et – de renseignement. Placé sous l’autorité du département fbiseal.1216823767.pngde la Justice des Etats-Unis, il traite les enlèvements, le crime organisé, la criminalité financière, la lutte contre le terrorisme et les renseignements généraux. À noter que pour l’accomplissement de toutes ces missions (et pour un pays gigantesque par rapport au nôtre), ses agents actifs sont au nombre de 10 à 12.000.

Les flics américains seraient-ils meilleurs que les flics français ?

Concomitamment à cette création, par un décret du 1er juillet 2008, le gouvernement a donné à la DCRI un outil impressionnant : EDVIGE.

On fera abstraction de cet acronyme en forme de clin d’œil (exploitation documentaire et valorisation de l’information générale) pour s’interroger. Passant outre à l’avis de la CNIL, dans ce nouveau fichier, on a tout mélangé : les politiciens, les syndicalistes, les journalistes, les artistes, les homosexuels, les croyants, etc.

Il faut bien reconnaître que cette liste à la Prévert ne correspond àjesigne.1216822485.png aucune mission de police telle qu’on la conçoit dans une démocratie. Ce fichier n’a aucun objectif autre que celui de ficher la population française. La question est donc la suivante : Au nom de la sécurité, sommes-nous d’accord ?

Je n’ai pas lu de sondages sur ce sujet. Il est vrai que la presse a peu réagi, les hommes politiques non plus. Mais, peu à peu, la blogosphère s’est mise en marche. Et en une douzaine de jours, une pétition lancée sur Internet a recueilli plus de 45.000 signatures (Voir la pétition sur la Ligue des droits de l’Homme). Et je dois avouer que je ne sais pas quoi faire…

Avec ces 4000 policiers agissant sous le sceau du secret, avec ce fichier, avec les techniques modernes, d’écoute, de surveillance, de localisation…, le DCRI va devenir un outil « sécuritaire » à la  pointe de la technologie – et un peu effrayant.

Le progrès technique, disait Albert Einstein, est comme une hache qu’on aurait mis dans les mains d’un psychopathe.

Prenons garde que cet outil ne se retourne contre nous, ça serait «hachement» grave.

 

PERS, un nouveau fichier

Dans pratiquement tous les pays, les techniques modernes incitent les gouvernements au fichage systématique des informations concernant notre vie privée. Rapprochements, recoupements, statistiques, etc., sont automatisés. Ainsi, chaque jour, au nom de l’efficacité, notre intimité est violentée.

lenfant_perso.1213282741.jpgEt l’on s’habitue. Certes, on peut toujours se dire qu’on n’a rien à se reprocher et que finalement ce flicage est le prix à payer pour une justice… disons égalitariste. D’abord, on sait que c’est faux, et ensuite… désire-t-on vraiment une telle vie ?

« Une justice infaillible et sûre, une justice qui lirait dans les consciences, une justice telle que le châtiment suivrait infailliblement la faute, y a-t-il un homme, un seul, qui la désire au fond de son cœur ? » Cette citation de Rémy de Gourmont, vieille de plus d’un siècle, devrait nous faire réfléchir.

Un exemple. Dans l’indifférence générale, un arrêté du 17 janvier 2008 a entériné la mise en service d’un nouveau fichier, dénommé PERS.

Voici grosso modo ce que nous dit ce texte :

Art.1 – Le traitement des données personnelles dénommé PERS est mis en œuvre par la direction générale des impôts […]

Art.2 – Le traitement assure, au plan national, la gestion des informations d’identification concernant les personnes physiques ou professionnelles […]

Art.3 – La base nationale est mise à jour par […] les agents de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique ou (c’est moi qui souligne) communiqués par l’Institut de la statistique et des études économiques (INSEE).

Art.4 – (je résume) Les données à caractère personnel traitées sont les suivantes : nom, prénoms, titre, sexe, date et lieu de naissance, adresses, date du décès, type de décès, numéro séquentiel d’identification, numéro de téléphone, de télécopie, adresse de messagerie électronique, etc.

Dans une étude intitulée COBOL (ou la cinématique de fichiers), l’ Université de Nantes donne des exemples (théoriques, va sans dire) de recoupements de fichiers.

« On dispose d’un fichier PERS de personnes décrites par leur numéro d’INSEE, leur nom et leur âge. Il est trié selon le numéro d’INSEE, qui constitue une clé. On dispose par ailleurs d’un fichier AUTO de véhicules, chacun décrit par le numéro INSEE du propriétaire et le numéro d’immatriculation de la voiture. Il est trié sur le couple (numéro INSEE, numéro d’immatriculation) qui constitue une clé. »

On peut ainsi obtenir la liste des personnes qui possèdent au moins un véhicule, mais qui ne sont pas répertoriées dans le fichier PERS. Et l’informatique va automatiquement les pointer en situation irrégulière.

On peut également déterminer, le nombre de personnes de plus de 70 ans qui possèdent une voiture, le nombre de femmes, de jeunes, etc.

L’exemple ne concerne que le fichier AUTO. Imaginons les renseignements que l’on pourrait obtenir en croisant le fichier PERS avec d’autres fichiers… On pourrait ainsi (mais la loi ne l’autorise pas) détecter les automobilistes susceptibles de commettre des imprudences au volant en fonction de certaines caractéristiques génétiques. Etcetera.

Le bébé naît. Le papa va à la mairie pour le déclarer. Avec amour sans doute, les parents ont choisi un joli prénom. Trop tard ! Il possède déjà, un patronyme composé de quinze chiffres. Ce qu’on appelle le numéro de sécurité sociale, qui est en fait le numéro d’identification des personnes (NIR) – et qu’en d’autres temps, moins hypocrites, ont appelait « le numéro de français ».

Voici la signification de ces chiffres mystérieux dans un tableau recueilli sur Wikipédia.

Cas

Positions

Signification

Valeurs possibles

Tous

1

sexe : 1 pour les hommes, 2 pour les femmes [1]

1 ou 2

2 et 3

deux derniers chiffres de l’année de naissance (ce qui donne l’année à un siècle près)

de 00 à 99

4 et 5

mois de naissance

de 01 à 12, ou 20 [2]

A

6 et 7

département de naissance métropolitain (2A ou 2B pour la Corse) [3]

de 01 à 95

8, 9 et 10

numéro d’ordre de la commune de naissance dans le département [3] [4]

de 001 à 989, ou 990 [2]

B

6, 7 à 8

département de naissance en outre-mer [3]

de 970 à 989

9 et 10

numéro d’ordre de la commune de naissance dans le département [3] [4]

de 01 à 89, ou 90 [2]

C

6 et 7

naissance hors de France [3]

99

8, 9 et 10

identifiant du pays de naissance [3]

de 001 à 989, ou 990 [2]

Tous

11, 12 et 13

numéro d’ordre de l’acte de naissance dans le mois et la commune (ou le pays) [4]

de 001 à 999

14 et 15

clé de contrôle modulo 97 [5]

de 01 à 97

 

On devrait quand même se méfier. Cette idée a germé dans la tête d’un polytechnicien, le contrôleur général des armées René Carmille, pour recenser les français en vue d’une mobilisation générale (et secrète) afin de libérer le pays de l’envahisseur. C’était en 1941, la France était occupée. Mais on dit que plus tard, cette codification fut reprise pour recenser les juifs, les musulmans… Comme quoi la meilleure idée du monde…

Pour en revenir au fichier PERS, dans l’article 4 de l’arrêté susmentionné (il s’agit des clés d’accès au fichier), on parle d’un mystérieux « numéro séquentiel d’identification ».

Je suppose qu’il s’agit du numéro de sécurité sociale, complété peut-être d’autres chiffres cabalistiques. Or, notre bon vieux numéro de sécu constitue une base de données phénoménale qui fait languir d’envies plein de gens plus ou moins bien intentionnés.

L’exemple le plus récent remonte à une petite année, lorsque notre chercrocodile_gif-anime-org.1213281588.gif président Sarkozy a envisagé de prélever nos impôts chaque mois, sur la feuille de paie (idée tombée à la trappe). Les banques ont dit d’accord pour assurer la gestion – à condition de pouvoir utiliser l’identifiant sécu.

J’ai quand même cherché si ce numéro séquentiel d’identification avait déjà été utilisé, et j’ai trouvé.

C’est un système international employé pour marquer les peaux de crocodiles, afin d’éviter le braconnage, pour sauver une espèce menacée.

Vous avez dit une espèce menacée…

 

 

Libertad

Contraintes, obligations, interdictions…, les mesures s’enchaînent et réduisent au fil des jours notre liberté d’aller, de venir, de faire ou de ne pas faire, de dire, d’écrire et bientôt (je n’ose y penser) de penser.

C’est pour notre bien, pour notre sécurité, pour notre santé… Français,la-biometrie_biometricsysteme.1210949326.jpeg on sait ce qui est bon pour vous ! Restez sages, soyez tranquilles, « Nous », on va faire votre bonheur.

Il y a quelques jours, le gouvernement a décidé la mise en place prochaine du passeport biométrique. Enfin, je veux dire du passeport tout court, car au dernier moment, on a supprimé le « biométrique » qui avait un petit côté angoissant. Donc, pour confectionner ce passeport, on va numériser une foule d’informations nous concernant (identité, photos, empreintes digitales, etc.) Tout cela sera enregistré sur une carte à puce et dans une base de données.

La CNIL (commission nationale de l’informatique et des libertés) a donné un avis très réservé sur ce passeport. Elle s’étonne que les mesures retenues soient largement surdimensionnées par rapport aux exigences du règlement du Conseil européen du 13 décembre 2004. À mots pesés, elle s’interroge notamment sur la raison qui pousse le gouvernement à enregistrer les empreintes digitales de huit doigts (alors que le conseil en demande deux) et à conserver toutes les données dans un système baptisé DELPHINE « qui pourrait constituer, dit la CNIL, la première base centralisée de données biométriques à finalité administrative portant sur des ressortissants français. »

enqueteur.1210948320.jpgCette base de données n’est absolument pas envisagée par le Conseil Européen. On peut même se demander si ses juristes n’y verraient pas une atteinte aux libertés individuelles… En Allemagne, par exemple, les données seront uniquement enregistrées sur le support électronique, autrement dit la puce intégrée au passeport, ledit passeport se trouvant dans la poche du titulaire.

Ils sont timorés ces Allemands !

Mais qu’on se rassure ! Ce nouveau fichier (puisqu’il faut appeler un chat un chat) ne sera pas croisé avec le JUDEX de la gendarmerie qui doit prochainement fusionner avec le STIC de la police, ni avec le fichier de la DST, qui prochainement va fusionner avec celui des RG, ni… etcetera.

Alex Türk, le président de la CNIL a déclaré (Le Monde du 6 mai 2008) : grenouille_collectiftramwayfreefr.1210949140.jpg« Une grenouille plongée dans l’eau bouillante va tenter d’en sortir le plus rapidement possible, mais si vous la mettez dans une eau froide, dont vous faites monter progressivement la température, elle n’a aucune réaction. »

Lorsqu’elle saute sur le chiffon rouge qu’on agite devant son nez, la grenouille sait-elle qu’elle va mourir ?

L'adn de trop

Le gouvernement les députés et les sénateurs jouent au ping-pong avec l’adn des candidats au regroupement familial, la gauche s’accroche aux wagons, trop contente d’une polémique au nom des grands principes, et nous, les gens d’en bas, on regarde cette agitation sans bien comprendre.

adn_idh-toulon.1191487476.jpgDe quoi s’agit-il ? De donner la possibilité à un étranger, régulièrement installé sur notre territoire, de prouver que cet enfant ou ce proche, dont il demande la venue en France, est bien de sa famille. Pas de fichage, pas de fichier. C’est oui ou c’est non. Cette recherche est d’ailleurs possible sous certaines conditions pour tout un chacun. Elle se pratique librement dans d’autres pays d’Europe. Et, comme dans bien d’autres domaines, les Français qui envisagent cette démarche franchissent une frontière ou se connectent à l’Internet. Bon, on a l’habitude ! Ce qui est interdit ou strictement réglementé chez nous, est souvent libre de l’autre côté de l’Hexagone. C’est ça l’Europe!

Mais cette mesure sur le regroupement familial chatouille tellement notre émotivité, que même Pasqua émet des réserves. « Cela nous rappelle de trop mauvais souvenirs », grognonne-t-il.

Pourtant, cela ne toucherait que quelques milliers de personnes, et, après retouches du texte initial, la démarche serait facultative, gratuite, et exécutable uniquement avec l’accord d’un juge. (On a oublié de demander aux magistrats leur avis, mais une fois de plus, ils vont servir de parapluie.)

Alors, que faut-il penser de tout ce charivari ? Je ne sais pas. On sent bien que dans ce débat, des souvenirs cinquantenaires et plus se confrontent à la réalité d’aujourd’hui. Mais, ce qui est perturbant, c’est que tous ces gens qui rouspètent, restent absolument muets sur une réalité : le fichage génétique.

Rappelons que le fichier génétique, le fameux FNAEG, a été créé en 1998. Au départ, il était prévu pour répertorier les délinquants sexuels. Puis, petit à petit, sous la pulsion de ministres de droite comme de gauche, son champ a été étendu.

Il ne faut pas croire qu’il s’agit d’un fichier des criminels. On y retrouve pêle-mêle des assassins, des voleurs, des casseurs ou des… faucheurs d’OGM. Mais également des suspects ou de simples personnes placées en garde à vue. C’est selon l’humeur de l’OPJ. (Refuser un prélèvement est un délit.) Et comme les consignes sont de remplir le fichier… Il y a quelques mois, la Grande-Bretagne (l’ex-modèle de démocratie) a fait une tentative pour ficher les bébés, dès la naissance. La France envisage de faire de même. L’Europe n’y est pas opposée. Les autorités de police, les hauts magistrats sont pour. Seuls les avocats ont manifesté des craintes.

Donc, nous serons bientôt tous fichés génétiquement – à l’exception des étrangers peut-être – pour notre plus grand bien et pour notre sécurité. Le tout dans l’indifférence générale. Le comité consultatif national d’éthique a parlé récemment de l’endormissement de nos libertés…

C’est une question d’efficacité, nous dit Frédéric Péchenard, le directeur général de la police nationale. Et sur ce plan, il a raison. Au 31 août 2007, le FNAEG comportait 545.000 « profils génétiques ». Et il a permis de résoudre environ 9.000 enquêtes, dont certaines, sans cette aide, auraient été classées sans suite. Et, pour nous rassurer, on ajoute que la loi interdit l’utilisation de l’adn à d’autres fins qu’une simple comparaison. Comme pour les empreintes digitales. Mais alors, pourquoi la France est-elle un des rares pays à conserver l’intégralité des prélèvements, alors que le classement et les recherches utilisent un simple code-barre ? Pourquoi garder ces prélèvements pendant 40 ans ? Pourquoi… En fait, il y a plein de questions qui attendent des réponses.

Il y a danger. Car, en dehors de son utilisation judiciaire, pour beaucoup, ce fichier est une mine d’or. Déjà les compagnies d’assurances ont chiffré les bénéfices colossaux qu’elles pourraient tirer de cette base de données larroseur-arrose_kino-geschichte.1191489595.gifexceptionnelle. Récemment, des statisticiens ont demandé l’accès pour établir une carte démographique (ethnique ?) de la France. En principe, la loi protège nos gènes. Mais qui peut nous dire ce que sera la loi dans 40 ans ?

Le cocasse, c’est qu’on parle à présent de ficher en priorité l’adn de tous les policiers et gendarmes. Il s’agit de pouvoir effectuer des comparaisons, en cas de la pollution accidentelle d’une scène de crime. Alors, chers collègues, vous êtes d’accord ?

Depuis le premier film comique des frères Lumière, l’arroseur arrosé, ça fait toujours sourire.

 

 

 

L'ADN à toutes les sauces

Plusieurs centaines d’affaires, crimes ou délits, auraient été résolues grâce au fichier génétique. On nous assène ce résultat comme un justificatif à son décuplement. Pourtant, personne ne chicane sur son efficacité. Ce que bon nombre contestent, c’est son utilisation. Ou plutôt l’utilisation qui pourrait en être faite dans un avenir relativement proche.

couverture-meilleurdesmondes.1182519804.jpgCar, qu’on ne s’y trompe pas, le clonage des hommes est en marche. Demain, nos descendants seront peut-être programmés génétiquement pour s’intégrer dans l’une des cinq catégories de la population (de l’élite intellectuelle à la classe des travailleurs), comme dans le livre d’Aldous Huxley, Le meilleur des mondes. Il faut espérer que non. Mais…

Tout commence avec la découverte de l’ADN. On attribue celle-ci aux recherches sur des pneumocoques effectués en 1928, par l’anglais Fred Griffith. Toutefois, malgré les preuves qui s’accumulent, la communauté scientifique traîne les pieds. Elle n’accepte pas le principe d’un support matériel de l’hérédité. Sans doute un rien de religiosité chez nos érudits, ou le désir inavoué d’entretenir le côté magique de la vie. La structure en double hélice, tel qu’on représente l’ADN aujourd’hui, est finalement démontrée par Jim Watson et Francis Crickadn-collection-corbis.1182529636.jpg, en 1953.

Rapidement, la médecine s’empare de cette découverte. Les chercheurs les plus sérieux tentent d’identifier les malformations génétiques susceptibles d’expliquer certaines maladies, tandis que d’autres fouillent les gènes des criminels et des pervers à la recherche de « la petite bête » qui justifierait leur comportement asocial. On assiste à l’accroissement des tests génétiques. Puis on se dit, qu’il serait plus simple d’éviter les maladies plutôt que de les soigner. On s’attaque alors aux embryons. Avec une fâcheuse tendance à inciter à l’avortement les futures mamans, lorsque leur bébé présente un ADN douteux. Il faut dire que les parents admettent difficilement un rejeton qui ne correspondrait pas aux critères de notre époque. Pourquoi s’en priver, puisqu’on peut choisir… Les premiers pas d’une sélection prénatale sont donc franchis. Comme disait, il y a un demi-siècle, un responsable malfaisant d’un pays voisin : On veut une jeunesse saine. De nos jours, si la société se penche sur ce problème, ce n’est pas pour sélectionner une « race pure », mais pour de banales raisons économiques.

Revenons au fichier génétique français, le FNAEG, qui fait l’orgueil de certains hauts fonctionnaires de la police nationale. Il serait, dit-on, déjà gros de plus de quatre cent mille noms. Mais ce n’est pas suffisant. Pour qu’un fichier soit efficace, tout le monde vous le dira, il faut qu’il contienne un maximum de données. L’idéal serait donc d’archiverrg-renseignemente-generaux-fiches_umourcom.1182520222.jpg l’ensemble de la population. C’est quasiment fait. La Grande-Bretagne a rejeté – mais de peu – le projet de Tony Blair qui consistait à prélever l’ADN de tous les nouveau-nés. Et, dans l’aréopage européen, personne ne semble opposé à cette éventualité. Question d’efficacité. Pour nous rassurer, on nous dit que seules les parties non codantes du gène sont archivées. Oui, mais elles sont conservées 40 ans pour les condamnés et 25 ans pour les autres (100 ans en Grande-Bretagne). Aucune amnistie, aucun retrait possible. Il s’agit bien d’un stockage de données « à toutes fins utiles ». De son côté, le comité d’éthique (comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé) met de l’huile sur le feu en affirmant : « […] les régions non codantes sont vraisemblablement les plus riches en informations diverses. » Or, dans quelques années, affirment les chercheurs, l’ADN aura été entièrement décortiqué. Et qui peut prédire ce qui nous attend dans quarante ans ! Aujourd’hui, en 2007, le plus grand pays du monde, par son étendue et sa population, procède à la sélection des enfants à naître. Les Chinois ont en effet une démographie qui ne correspond pas à l’ambition économique de leurs dirigeants. Ils n’en sont pas encore à tripatouiller les gènes, mais cela pourrait bien venir. Qu’on ne s’y trompe pas, cette colossale base de données que constitue le FNAEG attire les fouineurs de tout crin. Certains se penchent sur le profil génétique du criminel, comme d’autres, en d’autres temps, ont palpé le crâne des enfants, à la recherche de la bosse des maths, ou pire encore. Le profiler de demain, n’aura rien à voir avec celui des séries télé. Il portera blouse blanche et ne s’intéressera guère au comportement psychologique des individus. Il se contentera d’éplucher des morceaux d’ADN.

Huxley, dans son livre, qui date de 1932, nous décrit une société où tous les enfants sont des bébés-éprouvette. Ils sont génétiquement programmés en fonction des besoins de la collectivité. Une sorte d’immigration contrôlée (à quand le ministère du contrôle prénatal ?). Et pour empêcher les gens de prendre conscience de leur servitude, on distribue le soma, la pilule du bonheur.

gandhi_google.1182520412.jpegAu XIX° siècle, un Américain a refusé de payer un impôt qu’il trouvait injuste. Il a du même coup inventé la désobéissance civile. En d’autres circonstances, Mohandas Gandhi et Martin Luther King, ont repris le flambeau. Chez nous, ceux qui refusaient la guerre d’Algérie, les objecteurs de conscience, n’ont pas agi différemment. Et, d’une certaine manière, n’a-t-on pas reproché à Maurice Papon d’avoir été incapable de faire front à un gouvernement fantoche, et de ne pas avoir fait preuve de désobéissance civile ? Alors, faut-il comme certains refuser le prélèvement ADN et se mettre ainsi hors la loi ? Faut-il encourager à la désobéissance civile ? Ce n’est pas à moi de répondre. Mais il ne me semble pas raisonnable de prendre le moindre risque pour notre avenir, même au nom de la sécurité, de l’efficacité, ou du progrès. Après tout, on nous rebat les oreilles sur les conséquences de la pollution à quelques dizaines d’années, sans posséder plus de certitudes sur l’évolution de la planète.

Le comité d’éthique demande la mise en place d’un contre-pouvoir et nombre de personnalités réclament un débat public. Mais rien n’y fait. Devant l’indifférence des gens, le rouleau compresseur poursuit son avancée. Je suis étonné de l’absence de réaction de certains cadres de la police, dont je connais la droiture, ou des syndicats de policiers ou de magistrats, d’habitude pourtant si prompts à réagir. Tous paraissent hypnotisés par la course aux résultats. Il y a quelques dizaines d’années, certains services de police obtenaient des bilans époustouflants – grâce à des méthodes beaucoup plus artisanales. Et pourtant, personne ne parle de réintroduire la « gégène » dans les commissariats. Dans l’immédiat, notre seule garantie est représentée par la commission nationale informatique et liberté (CNIL), un « machin » aux statuts flous et aux moyens dérisoires.hurle-a-la-lune.1182520523.jpg

Je crois qu’il faut soutenir les personnalités qui appellent à un débat public sur l’archivage de notre ADN. Je pense qu’il faut instituer un pendant au pouvoir exorbitant de ceux qui ont accès à ce fichier. Durant la campagne présidentielle que l’on vient de… subir, on a entendu bien des âneries, mais la pire, celle qui fait froid dans le dos, a sans doute été : « Je veux protéger les Français. »

Je pense qu’il faut recracher la pilule du bonheur.

 

 

 

 

 

Un fichier… gênant

Le fichier génétique, a été mis en place, on s’en souvient, pour protéger les enfants des méchants pédophiles. C’était en 1998. Dix ans plus tard, le texte, fortement induré par l’intervention efficace de deux ministres de l’intérieur, Daniel Vaillant et Nicolas Sarkozy, incitent les gendarmes à l’utiliser contre deux enfants de 8 et 11 ans.

On croit rêver. Pourtant, les gendarmes ne font qu’appliquer la loi, comme c’est leur rôle. Mais le pire, c’est qu’ils ne se posent pas de questions, comme s’ils voulaient s’intégrer à tout prix dans la mythologie grandguignolesque de la maréchaussée.

Je me souviens de cet adolescent qui avait fait bien pire que ces deux bambins-là… Le commissaire de police le prend entre quatre zieux dans son bureau. Il lui fait un sermon musclé – et il classe le dossier. En ce temps-là, les commissaires étaient un peu des juges de paix, et les flics des gardiens de la paix. Peu à peu, on a supprimé le mot « paix » du vocabulaire policier, et les flics sont devenus des combattants. Ils se battent pour lutter contre le terrorisme, le banditisme, le blanchiment d’argent, etc. Ce sont des guerriers. D’ailleurs, on leur a collé un uniforme sur le dos. Mais les militaires ne pensent jamais à la paix. Ce n’est pas leur problème. Ce commissaire face à cet ado aux frontières de la délinquance, ne l’a pas considéré comme son ennemi. Il n’a pas pensé à la rentabilité de son service. À cette petite croix qu’il pourrait ajouter sur la liste de ses statistiques. Il a dû se dire que ce garnement aurait pu être son fils, et que ce n’était pas forcément une graine de «blouson noir», comme on disait alors.

C’était il y a bien longtemps. Le vieux flic est mort, mais moi…, je me souviens.

enfants-genes-delinquants_umourcom.1178962790.jpgOn n’est pas des robots. Ces lois, voulues par des politiciens et rédigées par des technocrates, c’est vous policiers, gendarmes, qui êtes en charge de les utiliser, de les manier, dans la vraie vie, dans la rue. C’est vous qui êtes en première ligne. Inutile de se retourner vers le procureur ou le juge d’instruction. Car devant eux, c’est trop tard. Ce sont des magistrats. Ils sont là pour exécuter les lois, pour faire tomber la sentence.

Tandis que le policier, le gendarme, dispose de plus de latitude. Il lui appartient de relativiser l’importance de la bévue, de l’erreur, voire du délit, et de mettre en balance les conséquences de la faute et les conséquences de la sanction. Face à une justice parfois… désincarnée, il faut avoir le courage de fermer les yeux.

Certes, il est plus facile de solliciter des instructions que de prendre des décisions, mais c’est une mauvaise voie de se retrancher derrière la hiérarchie. Une voie, qui en d’autres temps, nous a conduits au Veld’Hiv.

L'ADN des vingt-sept

Le 15 janvier 2007, les vingt-sept ministres de l’intérieur de l’union européenne sont tombés d’accord pour mettre en place un croisement informatique de leurs fichiers ADN et celui des empreintes digitales. Le seul obstacle à surmonter n’était pas moral, ni éthique ; pas la moindre anxiété à leur sereine résolution, non ! Uniquement un problème de gros sous. Cet argument a été balayé par le représentant allemand qui a déclaré que le coût en 2006, pour son pays, se montait seulement à un million d’euros.

molecule-adn.1169547215.jpgDepuis que le britannique Alex Jeffreys a imaginé une méthode d’identification de chaque individu en fonction de son ADN, Alphonse Bertillon* doit se retourner dans sa tombe. Il semble que tous les états du monde n’aient plus qu’une seule obsession : ficher leurs ressortissants. Nul besoin d’une prise de sang, un peu de salive sur un coton-tige et quelques « clics » plus loin, nous voilà « encartés », telles les belles-de-nuit du temps de la mondaine. Et tout ça pour un prix minime. Si vous êtes allergique au coton-tige, on utilisera la ruse (voir loi Perben 2) en subtilisant votre brosse à dents, un mégot de cigarette, un verre, etc.

Lorsqu’on analyse l’ADN d’un individu, les chromosomes ne représentent que 10 % de la masse globale. Le reste est composé de séquences récurrentes dont on ignore encore l’utilité. Ce sont ces cycles, traduits en chiffres, puis en codes-barres, qui forment la signature génétique et qui sont archivés. On ne peut actuellement, semble-t-il, tirer d’informations personnelles de ces 90 % (ça viendra, disent les scientifiques), qu’on désigne pour cette raison sous le terme de « non codants ». Cette signature génétique est unique. Elle peut donc valablement être comparée avec des traces ADN recueillies sur les lieux d’une atteinte criminelle – et c’est uniquement à cet effet qu’elle doit être utilisée par les services de police et de gendarmerie.

Les 10 % d’ADN qui ne sont pas employés pour le code-barres constituent notre patrimoine génétique. Notre moi le plus profond – et celui de nos parents, et de nos descendants. Ils ne sont pas utilisés dans le fichier génétique. Ils ne servent donc à rien. La plupart des démocraties (sauf la Grande-Bretagne qui en quelques années a perdu tout éclat en matière de liberté) l’admettent et détruisent systématiquement le prélèvement ADN, une fois la fiche établie. Une toute petite satisfaction…

Mais, pas pour nous ! En France, les prélèvements ne seront détruits qu’au bout de 40 ans – ou lorsque le donneur aura atteint l’âge de… 80 ans. On croit rêver.

Frédéric Péchenard, le directeur de la PJ parisienne, a défendu ce projet en assurant qu’il pouvait permettre aussi bien d’incriminer un suspect que l’innocenter. C’est vrai, mais c’est un argument, un rien… chattemite, mon cher collègue. Aux États-Unis, depuis 1989, date à laquelle le FBI a commencé à recourir aux analyses ADN, des dizaines de prisonniers (dont plusieurs condamnés à mort) ont pu démontrer leur innocence et être ainsi libérés. Combien chez nous ? Existe-t-il un individu condamné qui a pu profiter de cette opportunité de démontrer son innocence ? Existe-t-il un texte de loi qui le prévoit ? Existe-t-il un magistrat qui en a le pouvoir ? Existe-t-il un homme (au sens générique et non génétique, évidemment) qu’il soit policier, gendarme ou magistrat qui en ait eu seulement l’idée ?

On a ouvert avec le fichier génétique une véritable boîte de pandores (Et cette fois, sans jeu de mots). On enregistre des données dont personne, à l’heure actuelle, ne peut déterminer les potentialités, ni l’utilisation qui en sera faite. Déjà, les compagnies d’assurances lorgnent sur la possibilité de détecter certaines maladies, donc de limiter leurs risques. De leurs côtés, quelques grandes entreprises françaises, à l’occasion d’un banal examen de santé, mettent en boîte les données ADN du personnel. Question de sécurité, disent-elles. Demain, cela pourrait être bien pire. Et demain, nous serons tous fichés. Pour faire bonne mesure, on ajoutera aux empreintes digitales et ADN, les empreintes vocales et les empreintes iriennes, et toutes ces données seront introduites dans la puce de notre carte Vitale. Et pour ne pas nous encombrer, on pourra même nous l’implanter sous la couenne, comme aux chiens.

Je n’exagère pas. À la réunion des ministres de l’intérieur des vingt-sept, Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire, et émissaire de Nicolas Sarkozy, a déclaré : « Les citoyens seraient mieux protégés si leurs données ADN étaient recueillies dès leur naissance. »

J’espère qu’il s’est fait tancer par son maître. Pour se dédouaner, il a ajouté qu’ilpitbull_gentil.1169801665.jpg s’agissait d’une boutade – à la Montebourg, peut-être !

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* Bertillon a créé en 1870 le premier laboratoire de police scientifique d’identification criminelle. Mais il a surtout été le premier au monde à utiliser la comparaison d’empreintes digitales pour confondre un assassin (aff. Léon Scheffer, le 16 octobre 1902). La dactyloscopie était née. Il est donc devenu, paradoxalement, l’inventeur d’une science criminelle à laquelle il ne croyait pas réellement, tant il était convaincu que le système anthropométrique, qu’il avait mis au point, était l’avenir de la police scientifique.

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