LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Les fichiers de police

Les mésaventures de la pauvre « Edvige » ont attiré l’attention sur un mal nécessaire : les fichiers de police.

Ils trouvent leur origine dans le besoin de différencier les délinquants primaires des récidivistes. En effet, le début du XIX° siècle voit l’abolition de la marque infâme des bagnards et autres résidants des cours des miracles. Une loi libertaire en quelques sortes… Mais, en sommiers-judiciaires-1912_archives-pp.1222100540.jpgl’absence de cette marque et de tout document d’état-civil, impossible de reconnaître les bons des méchants. D’où la création des « sommiers judiciaires ». Il s’agit d’énormes registres (et non pas de plumards) tenus par la préfecture de police et sensés contenir toutes les condamnations pénales prononcées sur le territoire français. Un travail titanesque d’archivage pour un résultat des plus médiocres. En effet, pour rechercher un individu, il faut consulter des colonnes et des colonnes de noms. Et comment différencier un Dupont d’un autre Dupont, même avec un d…

Aussi, un peu plus tard, décide-t-on de remplacer les registres par des fiches cartonnées. Une méthode beaucoup plus souple et suffisamment efficace pour qu’en 1872 on envisage de recopier les archives vieilles de 80 ans. Dix millions de bristols à établir. On imagine les plumitifs à manchettes tirant la langue en s’appliquant aux pleins et aux déliés… Toute une carrière à remplir des fiches. Car l’aventure dura plus de 20 ans. Je crois même qu’elle ne fût jamais achevée.

Peut-être existe-t-il encore dans une soupente de l’auguste maison, un fonctionnaire vieillissant oublié de tous qui poursuit sa pointilleuse besogne… Hors du temps.

Le principe de la fiche cartonnée est conservé pour la mise en place (moins officielle) des « sommiers de police ». Toujours des fiches cartonnées, mais qui cette fois renvoient à des dossiers. C’est ainsi que naissent les archives de la préfecture de police (APP).

Cela paraît bien archaïque, et pourtant le système a perduré jusqu’aux années 80. Je veux dire 1980.

Dans ces années-là, les enquêteurs disposent des outils suivants :

– Les archives de la préfecture de police (PJ/PP et RG/PP) ;

– Le fichier central du ministère de l’Intérieur qui gère à la fois les dossiers criminels et les dossiers administratifs (FC/DC et FC/DA) ;

– Les fichiers régionaux, au sein de chaque SRPJ.

Le FC du ministère se trouvait, si j’ai bonne mémoire, au dernier étage sur cour de la rue des Saussaies. On racontait alors que le poids des dossiers était tel qu’on était obligé de classer les plus anciens dans les sous-sols… La tête du préposé lorsqu’on lui demandait de sortir un dossier « cave » ! D’où l’utilité du monte-charge.

Voici le mécanisme d’une recherche d’archives telle que je l’ai vécu : On inscrit sur une fiche cartonnée les nom, prénom et date de naissance de la personne sur qui l’on enquête. On fait signer le chef de service. Ensuite, on se rend soit quai des orfèvres, soit rue des Saussaies, soit au siège du SRPJ. On fait la queue en taillant la bavette avec des collègues et en tirant sur sa clope. On donne sa petite fiche à un fonctionnaire racorni, et tandis qu’il effectue votre recherche, on repapote avec les collègues. Enfin, l’archiviste revient, parfois en essuyant d’un revers de manchette la trace du petit blanc qu’il a lapé au passage, et ici, deux cas de figure : 1/ Il extériorise sa rancœur d’avoir été affecté à un poste aussi débile en flanquant un magistral coup de tampon « INCONNU » sur votre fiche ; 2/ Il inscrit la date du fumeur-bobocoverblogcom.1222100710.jpgjour, votre nom, votre grade et votre service au revers d’un dossier poussiéreux qu’il vous tend comme à regret. Avec un commentaire, du genre : « Magne-toi, on ferme à 17 heures ». Et vous cherchez un petit coin de table pour consulter votre dossier et prendre des notes.

Car, bien sûr, il n’y a pas de photocopieuse.

Aujourd’hui, les flics ne papotent plus. En un clic de souris, ils ont le résultat qu’on mettait une demi-journée à obtenir. Comme le nombre d’affaires résolues n’a pas vraiment augmenté, j’me demande bien à quoi qu’ils passent leur temps ! D’autant qu’ils n’ont même pas la possibilité de fumer une clope ou de se taper un coup de blanc…

Je blague, bien sûr ! D’ailleurs, ma petite histoire s’arrête là, sur ce simple constat en forme de parabole : Les fichiers de police existent depuis longtemps – mais pas l’informatique.

 

5 Comments

  1. Autissier Michel pierre

    As t on besoin d ennuyer les citoyens francais pour des clopinettes qui coutes des fortunes..
    Y a des chosees plus interessantes a produires dans la vie que de raconter constament des histoires qui ne tiennes pas la route et qui mettes mal a l aise certaines categories de gens qui ne sont plus a l aise dans leurs facons d exister..
    faisont des choses utiles et non le contraire..
    Merci a toutes et tous!

  2. titi

    Je me demande si dans un siècle ou deux , les clics permettrons de retrouver des infos aussi rapidement ,aussi précisement que les bonnes vieilles fiches Trop d’infos tuent l’info…
    Les écrits de toutes les civilisations du monde ,gardés partout si précieusement ,ne peuvent ,je crois, être remplacés par la page fugace du net ,aussi grosses soient les « mémoires »

  3. Dominique Hasselmann

    J’aime bien l’idée de science-fiction du « fonctionnaire vieillissant oublié de tous qui poursuit sa pointilleuse besogne… Hors du temps. »

    Mais au 36, quai des Orfèvres en la matière, ne faudrait-il pas aussi, en plus de l’informatique, et par mesure de sûreté, installer des fenêtres qui ne s’ouvrent pas toutes grandes sur la cour intérieure ?

  4. titi

    PS:
    Merci à la justice d’avoir maintenu les recherches

  5. titi

    Un exemple parmis beaucoup d’autres ci dessous
    Une victime anonyme violée sur une aire d’auto route…qui va garder avec son mari devenu invalide toute sa vie les marques de son agression…merci aux gendarmes et merci à l’informatique

    Aix : l’ADN, un outil précieux pour les enquêteurs

    Comment une terrible affaire de viol a été résolue 9 ans après les faits
    Depuis 1999, les gendarmes n’ont pas abandonné l’enquête. Qui a connu un rebondissement en novembre dernier.
    C’est l’une de ces histoires comme la justice en a le secret, avec des rebondissements qu’on n’osait plus espérer et un épilogue digne d’un thriller américain: les trois auteurs présumés d’un viol terrible, commis sur une aire de repos de Châteauneuf-le-Rouge (lire l’article), viennent d’être confondus par leur ADN, plus de neuf ans après les faits. L’occasion pour les enquêteurs de revenir sur la complémentarité entre l’enquête de terrain et le volet scientifique.

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