LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

La DCRI et le fichier EDVIGE

Il y a quelques semaines, la DCRI a officiellement vu le jour. On nous a dit alors que la France allait se doter d’un grand service de renseignement qui remplacerait à la fois le service de contre-espionnage (la DST) et la direction centrale des renseignements généraux (DCRG).

singe_terresacreeorg.1216822357.jpgST et RG sont assez mal connus du grand public – et même de la presse.

Ce qui est d’ailleurs normal, puisque la ST était un service secret et les RG un service qui nous « faisait » des  secrets.

Ces deux directions de la police nationale se sont parfois trouvées en doublon sur des affaires de terrorisme, mais de fait, elles n’ont jamais été réellement concurrentielles. On peut même dire qu’elles étaient complémentaires.

La première était un service de police judiciaire (à compétence nationale) chargé de lutter contre l’espionnage et l’ingérence de pays étrangers. La seconde avait pour mission de renseigner le gouvernement (quel qu’il soit) sur la «société française». Ainsi, le professeur d’une école de police définissait les RG comme le baromètre du pays.

Plus récemment, on avait rajouté à leur palette la lutte contre le terrorisme.

On voit bien que les deux missions de base de ces directions étaient complètement différentes. Alors qu’en sera-t-il de la DCRI ?

On croit comprendre que la mission RG est dévolue aux policiers de sécurité publique (les commissariats) et que le nouveau service levalloisien va s’occuper de tout le reste. Sauf sur le ressort de la préfecture de police de Paris, où rien ne change (du moins sur le papier).

C’est énorme : 4000 policiers dotés de moyens considérables vont demain agir (pour la plupart) sous la protection du « secret défense ». Un domaine où la justice ne peut pas mettre son nez, sauf à obtenir l’accord du Premier ministre. Ce qui est assez rare.

4000 policiers sous l’autorité d’un préfet qui possède une ligne directe avec l’Elysée.

Une partie de la presse a claironné en annonçant un FBI à la française. C’est évidement une… bêtise. Le FBI est un service fédéral de police judiciaire – et – de renseignement. Placé sous l’autorité du département fbiseal.1216823767.pngde la Justice des Etats-Unis, il traite les enlèvements, le crime organisé, la criminalité financière, la lutte contre le terrorisme et les renseignements généraux. À noter que pour l’accomplissement de toutes ces missions (et pour un pays gigantesque par rapport au nôtre), ses agents actifs sont au nombre de 10 à 12.000.

Les flics américains seraient-ils meilleurs que les flics français ?

Concomitamment à cette création, par un décret du 1er juillet 2008, le gouvernement a donné à la DCRI un outil impressionnant : EDVIGE.

On fera abstraction de cet acronyme en forme de clin d’œil (exploitation documentaire et valorisation de l’information générale) pour s’interroger. Passant outre à l’avis de la CNIL, dans ce nouveau fichier, on a tout mélangé : les politiciens, les syndicalistes, les journalistes, les artistes, les homosexuels, les croyants, etc.

Il faut bien reconnaître que cette liste à la Prévert ne correspond àjesigne.1216822485.png aucune mission de police telle qu’on la conçoit dans une démocratie. Ce fichier n’a aucun objectif autre que celui de ficher la population française. La question est donc la suivante : Au nom de la sécurité, sommes-nous d’accord ?

Je n’ai pas lu de sondages sur ce sujet. Il est vrai que la presse a peu réagi, les hommes politiques non plus. Mais, peu à peu, la blogosphère s’est mise en marche. Et en une douzaine de jours, une pétition lancée sur Internet a recueilli plus de 45.000 signatures (Voir la pétition sur la Ligue des droits de l’Homme). Et je dois avouer que je ne sais pas quoi faire…

Avec ces 4000 policiers agissant sous le sceau du secret, avec ce fichier, avec les techniques modernes, d’écoute, de surveillance, de localisation…, le DCRI va devenir un outil « sécuritaire » à la  pointe de la technologie – et un peu effrayant.

Le progrès technique, disait Albert Einstein, est comme une hache qu’on aurait mis dans les mains d’un psychopathe.

Prenons garde que cet outil ne se retourne contre nous, ça serait «hachement» grave.

 

2 Comments

  1. mutuelle

    Merci pour cette article

  2. janssen j-j

    Est-il si sûr que les RG aient été une police « complémentaire » à la ST par le passé ? A regarder comment fonctionnent les deux sous-cultures au sein de l’actuelle DCRI où les types d’une partie des RG seraient prétendument mélangés à ceux de la ST, il apparaît que les résultats ne sont pas vraiment à la hauteur des attentes. beaucoup disent que le seul bénéfice réel de la fusion serait de leur avoir permis de se montrer plus unis contre une DGGN plus offensive sur le domaine du renseignement, et demandant sa part de gateau. Mais la vérité est à la grande faiblesse de nos autres polices de terrain, où les DDSP n’ont plus rien à donner à manger aux petits et moyens préfets. D’où une stratégie gendarmique bien plus avisée et phasée qui trouve là un bon moyen de se hausser du col à leur égard, ce qu’elle a déjà réussi vis à vis de bien des procureurs.
    Restera à savoir si et comment notre gendarmerie, serait-elle mise sous tutelle du MI., deviendra plus performante que notre police, dans l’anticipation etla prévention des actions terroristes en préparation, par exemple…

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