LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Justice (Page 8 of 25)

Grève des avocats : faut-il aller vers une « sécurité sociale » du droit ?

Il y a quelques jours, un jeune homme est convoqué devant une chambre correctionnelle pour des violences volontaires à la suite d’une bagarre de rue. Au dernier moment, l’avocat qu’il avait choisi lui a fait faux bond. Pris par le temps, il décide de demander un avocat commis d’office. À l’accueil du public de l’ordre des avocats, porte close : c’est la grève ! Il décide alors de se défendre tout seul. Pour cela, il lui faut prendre connaissance de son dossier. Oui mais pour avoir accès à votre dossier, lui répond-on au greffe, il faut venir avec votre avocat.

Avocat 5On n’en sort pas. Il se retrouve donc bien seul devant ses juges mais le ténor de la partie adverse (qui lui ne fait pas grève), ne veut rien savoir : il exige une décision immédiate. Après avoir vérifié la bonne foi du prévenu, le président a estimé que le jugement ne serait pas équitable : Affaire renvoyée !

Ce n’est pas toujours le cas.

La justice, c’est souvent l’histoire du pot de terre contre le pot de fer. C’est la raison d’être de l’aide juridictionnelle. Le meilleur moyen de se rapprocher de l’engagement de toute société démocratique : l’égalité de tous devant la loi. Continue reading

Renseignement : la peau de banane du Conseil constitutionnel

La loi sur le renseignement a été publiée au JO telle qu’elle a été votée par une forte majorité des parlementaires, à l’exception de 3 articles censurés par le Conseil constitutionnel. Ce qui laisse augurer d’une nouvelle loi. Et peut-être d’un nouveau débat de société – ce qui n’est pas fameux pour l’image du pouvoir en place. Mais il est intéressant de noter qu’en quelques lignes, les Sages ont de nouveau marqué leur terrain en rappelant que les pouvoirs exceptionnels de surveillance accordés par cette loi ne peuvent pas être utilisés pour des enquêtes judiciaires.

manifestant-seul-dans-fumee-gaz_manifs-lyon-2010_extrait-film-lyon-capital.1297499333.JPGLes techniques utilisées sont donc constitutionnelles uniquement dans la mesure où elles s’appliquent à la prévention des infractions et à la préservation de l’ordre public (la manifestation des éleveurs ?). Elles ne peuvent pas être mises en œuvre pour constater une infraction (faire un flag, par exemple) ou pour rassembler des preuves ou rechercher les auteurs d’un crime ou d’un délit. Continue reading

Insécurité juridique : l’hôtel Carlton sur l’autel du droit

L’affaire du Carlton de Lille se termine par une déculottée des juges d’instruction. Elle montre les limites de l’enquête pénale dans notre système judiciaire et le danger de ces infractions qui s’emboîtent comme des poupées gigognes. À force de triturer les lois, au nom de la sécurité, et de plus en plus souvent de la morale, notre pays souffre aujourd’hui d’un autre mal, plus tortueux : l’insécurité juridique.

L’insécurité juridique commence lorsque l’on ressent une inquiétude dans l’accomplissement d’une tâche familière. C’est le cas, par exemple, au volant de sa voiture, tant il est difficile d’éviter les chausse-trappes d’une signalisation parfois imprévisible. Mais c’est autrement plus grave dans notre vie quotidienne. Ainsi, pour revenir dans le domaine de la prostitution et de son corollaire, le proxénétisme, que risque-t-on à prêter son appartement à un ami dans l’hypothèse où il passerait la nuit avec une prostituée ?

L’insécurité juridique, c’est ne plus savoir ce qui est interdit, autorisé, légal ou obligatoire. Ce risque indéterminé incline à modifier son comportement, parfois même à renoncer à un projet, une envie. Puis-je cliquer sur ce site sans être confondu avec un pervers ou un terroriste ?

L’insécurité juridique nous fait baisser la tête car tout ce qui dépasse est suspect. Continue reading

Vers une réforme de la prescription

À la fin juin, la cour d’assises de Douai va avoir à se prononcer sur une affaire peu ordinaire : un octuple infanticide. La femme qui se trouvera dans le box a reconnu, qu’après avoir par huit fois accouché clandestinement, elle a tué ses nouveau-nés. Elle est mise en accusation pour meurtres par ascendant et meurtres sur mineurs de 15 ans, le tout avec préméditation, mais se présentera libre à l’audience.

Lorsqu’en juillet 2010, les propriétaires d’une ancienne ferme de Villers-au-Tertre (Nord), creusent leur jardin pour y installer un bassin, ils découvrent les ossements de deux bébés. Dominique Cottrez., la fille de l’ancien propriétaire des lieux est soupçonnée. Elle reconnaît avoir enterré les deux cadavres et dans la foulée avoue qu’il en existe six autres dans la maison qu’elle occupe actuellement. Cette femme, âgée aujourd’hui d’une cinquantaine d’années, a dissimulé ses grossesses successives et tué ses enfants à leur premier souffle de vie. Des faits qui se seraient étalés sur une dizaine d’années, entre 1989 et 2000. Elle justifie en partie ses gestes meurtriers par la crainte que ses enfants ne soient ceux de son propre père, Oscar Lempereur, aujourd’hui décédé, dont elle subissait l’inceste depuis son enfance.

Les faits datant de plus de 10 ans, ses avocats demandent l’abandon des poursuites en faisant valoir la prescription. Continue reading

Tarnac : peut-on parler de justice politique ?

Le parquet de Paris a requis le renvoi devant le tribunal correctionnel de trois des personnages mis en examen dans l’affaire de Tarnac sous la qualification d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Or, le fait d’utiliser des mots quasi identiques pour incriminer, par exemple, l’assistance apportée par les complices supposés de Coulibaly ou des frères Kouachi, et la tentative d’immobiliser un TGV en le privant d’électricité, a évidemment quelque chose d’incompréhensible.

Drôles_googleEt dans une société où la défiance est de mise, certains dénoncent une décision politique contre une mouvance qui n’a démontré sa dangerosité qu’à travers des écrits et – peut-être – un vandalisme dans un but de nuisance.

Alors, chez nous, en France, avons-nous une justice politique ?

Si la juxtaposition de ces deux mots est choquante, la réponse est néanmoins oui – car justice et politique sont indissociables. Continue reading

Pour les militaires, une justice presque ordinaire

Ainsi, depuis neuf mois, une enquête préliminaire est en cours pour vérifier si des soldats français ont commis des viols ou des agressions sexuelles contre de jeunes enfants en Centrafrique… On peut dire que cette discrétion est étonnante alors que, dans bien des affaires, notamment lorsqu’elles touchent des hommes politiques, on a pris l’habitude de lire dans la presse des extraits des procès-verbaux, voire des écoutes téléphoniques.

Bangui capture d'écran Francetv infoLa « grande muette » est donc fidèle à sa réputation – et la justice a respecté cette tradition. Du coup, nous, nous avons appris l’information d’un journal britannique. Ce qui la fiche plutôt mal. Et comme il en est de même pour les autorités de Centrafrique, cette affaire s’annonce comme un véritable bide diplomatique.

Devant ce mutisme, il n’est pas anormal de s’interroger : les militaires seraient-ils au-dessus des lois ? Absolument pas, a répondu le porte-parole du ministère chargé de la défense, les militaires sont des citoyens comme les autres. Continue reading

Terrorisme : comment se tirer une balle dans le pied

Les explications qui ont suivi l’arrestation de Sid Ahmed Ghlam, étudiant algérien de 24 ans, soupçonné d’avoir voulu commettre un acte terroriste contre une ou deux églises de Villejuif, laissent perplexe. Ce pied nickelé se serait blessé lui-même après ou avant avoir tué Aurélie Châtelain pour lui voler sa voiture.

Puis il aurait appelé les secours. Et les policiers auraient suivi la piste des gouttes de sang jusqu’à son propre véhicule dans lequel ils auraient remarqué des sacs de sport susceptibles de contenir un « arsenal de guerre », comme on a pu le lire dans la presse.

Une balle dans le piedSous le feu des déclarations anxiogènes des autorités, je me suis dit, comme beaucoup, qu’on avait eu chaud. Et puis, en réaction à une communication excessive, j’ai été victime du syndrome de l’éclairage du frigo : comment savoir si la lumière est éteinte une fois que l’on a refermé la porte !

Mais n’est-il pas normal de devenir suspicieux, voire parano, dans une société où les acteurs politiques sont sans cesse en représentation ! Une pièce sans entracte dans un théâtre où l’on est mal assis. Continue reading

La Cour règle son compte à la PJ

La Cour des comptes a récemment rendu public la synthèse de son contrôle sur « la fonction de police judiciaire dans la police et la gendarmerie nationales » ainsi que ses recommandations.

Impression générale : un bon point pour la préfecture de police de Paris et carton jaune pour les autres services. Si le coût de l’ensemble de l’activité de la police judiciaire est impressionnant (plus de 4 milliards d’euros en 2013), les dix pages du rapport avancent peu de chiffres, mais tentent plutôt une analyse technocratique de sa gestion.

Organigramme police gendamerie au MID’ailleurs, comment traduire en arithmétique binaire une activité tellement diversifiée ! En fait, en mettant l’accent sur la rivalité entre les services, derrière les mots, j’ai eu l’impression d’un lâcher de ballon-sonde sur un sujet brûlant : la fusion de la police et de la gendarmerie.

La police judiciaire est, avec le procureur, le juge et l’avocat, au centre de l’enquête pénale. Mais lorsque l’on parle de police judiciaire, on a tendance à focaliser sur la PJ, voire sur le Quai des Orfèvres. Il s’agit là d’une image de fiction parfois captivante mais bien loin de la réalité. En fait de nombreux fonctionnaires ou militaires effectuent des actes de police judiciaire. Le nombre d’OPJ ou d’APJ spécialisés ne cessant d’ailleurs d’augmenter. On cite le plus souvent les agents des douanes et ceux des services fiscaux, mais ce sont des dizaines d’agents publics ou privés et de militaires qui assurent des fonctions de police judiciaire. Dans des domaines que parfois on ne soupçonne même pas, comme l’environnement, la pollution de l’air, la santé publique ou les infractions commises en Antarctique. Continue reading

Qui veut la peau de la PP ?

Bernard Petit, le directeur du 36 quai des Orfèvres, la PJ de la préfecture de police, vient d’être mis en examen. On lui reproche d’avoir violé le secret de l’instruction dans l’affaire Rocancourt et d’avoir fourni des informations au préfet Christian Prouteau.

Plaque Quai des OrfèvresOr, si la violation du secret de l’instruction est un délit banal et rarement poursuivi, le deuxième chef d’inculpation est plus grave. C’est une infraction créée par la loi du 9 mars 2004, dite Perben II. Elle vise toute personne qui, du fait de ses fonctions, a connaissance d’informations issues d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant un crime ou un délit, et qui en informerait « sciemment » un suspect dans le dessein d’entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité (art. 434-7-2 du CP).

Je ne crois pas me tromper en disant qu’à l’origine, ce texte visait essentiellement les avocats. Continue reading

Police, justice, etc. : Ce qui va changer en 2015

En début d’année, il est courant de prendre de bonnes résolutions. Pour les policiers, magistrats et gendarmes, c’est une nécessité : 2015 s’annonce chargée. Le changement est en marche, souvent sous la pression européenne. Dès le 1er janvier, plusieurs mesures modifient le déroulement de l’enquête pénale, d’autres l’application des peines. Et certaines égratignent nos libertés individuelles. Sans porter aucun jugement, voici un panorama laconique des principales modifications :

Audition libre dans l’enquête : Dorénavant, toute personne soupçonnée d’avoir participé à un crime ou un délit (puni d’une peine d’emprisonnement) qui fait l’objet d’une audition libre a le droit d’être assistée par un avocat. Celui-ci peut, comme lors d’une garde à vue, recommander à son client de parler ou de se taire ; mais il peut, en plus, lui conseiller soit de rester soit de partir.

Jusqu’alors, le suspect ne pouvait bénéficier que de conseils juridiques obtenus dans une structure d’accès au droit (maisons de justice et du droit, antennes de justice, point d’accès au droit, associations…)

La personne entendue librement (ce qui suppose qu’elle soit là de son plein gré) bénéficie donc des mêmes droits que si elle faisait l’objet d’une garde à vue. Mais il lui appartient de régler les honoraires de son avocat, sauf si ses ressources lui permettent de prétendre à l’aide juridictionnelle. Elle peut également renoncer à l’avocat et se débrouiller toute seule.

Confrontation de la victime avec son agresseur : Si la victime de l’infraction doit être confrontée au suspect, elle aussi, a la possibilité d’être assistée d’un avocat, dans les mêmes conditions tarifaires que ci-dessus.

Contrainte pénale : Cette sanction peut remplacer l’emprisonnement Continue reading

« Older posts Newer posts »

© 2025 POLICEtcetera

Theme by Anders NorenUp ↑