À la fin juin, la cour d’assises de Douai va avoir à se prononcer sur une affaire peu ordinaire : un octuple infanticide. La femme qui se trouvera dans le box a reconnu, qu’après avoir par huit fois accouché clandestinement, elle a tué ses nouveau-nés. Elle est mise en accusation pour meurtres par ascendant et meurtres sur mineurs de 15 ans, le tout avec préméditation, mais se présentera libre à l’audience.
Lorsqu’en juillet 2010, les propriétaires d’une ancienne ferme de Villers-au-Tertre (Nord), creusent leur jardin pour y installer un bassin, ils découvrent les ossements de deux bébés. Dominique Cottrez., la fille de l’ancien propriétaire des lieux est soupçonnée. Elle reconnaît avoir enterré les deux cadavres et dans la foulée avoue qu’il en existe six autres dans la maison qu’elle occupe actuellement. Cette femme, âgée aujourd’hui d’une cinquantaine d’années, a dissimulé ses grossesses successives et tué ses enfants à leur premier souffle de vie. Des faits qui se seraient étalés sur une dizaine d’années, entre 1989 et 2000. Elle justifie en partie ses gestes meurtriers par la crainte que ses enfants ne soient ceux de son propre père, Oscar Lempereur, aujourd’hui décédé, dont elle subissait l’inceste depuis son enfance.
Les faits datant de plus de 10 ans, ses avocats demandent l’abandon des poursuites en faisant valoir la prescription.
L’infanticide n’existe plus – C’était auparavant le meurtre de l’enfant nouveau-né, normalement âgé de moins de 3 jours et non déclaré à l’état civil. Il n’apparaît plus dans le code pénal de 1992. Cette qualification se confond désormais avec les actes criminels contre les mineurs de moins de 15 ans. Si l’infanticide demeure dans le langage courant, il a donc disparu du droit, aussi bien comme meurtre aggravé que comme meurtre spécifique. On peut s’en étonner, car lorsque la loi utilise des mots simples, elle est plus lisible. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui poussent certaines associations à demander l’inscription de l’inceste dans le code pénal. |
Les avocats de Madame Cottrez ont-ils eu raison ? La réponse n’est pas évidente puisqu’il a fallu plusieurs décisions de justice avant de connaître la vérité. Du moins la vérité judiciaire, qui rejoint ici la morale mais qui s’éloigne de la position du législateur.
Traditionnellement, si l’action publique n’est pas exercée dans un certain délai, elle ne peut plus l’être après l’expiration de ce délai. Elle prive le titulaire d’un droit d’agir lorsqu’il est resté trop longtemps inactif. On parle de « prescription extinctive ». La prescription trouve son origine dans les articles 635 et suivants du code d’instruction criminelle de 1808.
En pénal, la prescription extinctive existe tant pour la peine que pour l’action publique. Pour cette dernière, le délai varie suivant la qualification de l’infraction. Il est de 10 ans pour les crimes, de 3 ans pour les délits et d’un an pour les contraventions (art. 7 à 9 du CPP). Tandis que le délai de la prescription de la peine, qui prend date après la condamnation définitive, est de 20, 5 ou 3 ans (art. 132-2 à 133-6).
Mais les exceptions se sont accumulées. Ainsi, certaines infractions criminelles sont prescrites par 30 ans en matière de stupéfiants et de terrorisme et sont même totalement imprescriptibles en cas de crime contre l’humanité. Pour les délits liés aux stupéfiants ou au terrorisme, la prescription est de 20 ans. Les délits de presse, eux, sont prescrits au bout de 3 mois. Mais une loi de 2004 a modifié la loi du 29 juillet 1981, allongeant à un an le délai de prescription s’agissant de la publication de propos négationnistes ainsi que de diffamations, injures ou provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale ou sectaire.
Lors d’un récent débat à l’Assemblée nationale sur la prescription, Madame Taubira a exprimé le souhait de différencier cette dernière infraction selon que les propos sont tenus par un journaliste ou par un blogueur ou encore sur des réseaux sociaux. Une prescription de un à trois ans selon que le « délinquant » aurait ou non une carte de presse ! |
Puis, une loi de 2004, puis une autre de 2011, ont ajouté des exceptions aux exceptions concernant par exemple la vulnérabilité du fait de l’âge de la victime, d’une maladie, d’une infirmité, etc., suivant la nature du crime ou du délit. Au point qu’il est devenu bien difficile de s’y retrouver, alors qu’une bonne visibilité est importante, notamment pour les victimes. En effet, lorsque l’action publique n’est pas exercée dans les délais, elle s’éteint, et le délinquant ne peut plus être poursuivi : l’infraction restera impunie.
Comment justifier cette « clémence » ? – La prescription repose essentiellement sur l’idée que, passé un certain temps, il est préférable d’oublier l’infraction plutôt qu’en raviver le souvenir. Et il n’est sans doute pas souhaitable de montrer que l’autorité judiciaire a été défaillante. C’est pour cette dernière raison que les magistrats ont du mal à accepter la prescription. Ils la vivent comme un échec.
C’est à eux, en effet, qu’il appartient d’interrompre le délai de prescription en réalisant un acte de poursuite ou d’instruction. On rejoint là la politique pénale. Si certaines voix ne s’étaient pas manifestées quelques mois avant la fin du délai de prescription, le parquet n’aurait probablement pas relancé l’affaire d’Outreau (ce qui n’aurait pas été plus mal) tandis, qu’a contrario, si les juges antiterroristes n’avaient pas été vigilants, l’attentat de la rue des Rosiers serait aujourd’hui un dossier classé et la diffusion de mandats d’arrêt sur des suspects découverts sur le tard aurait été impossible. Ce délai de prescription fait aussi naître une certaine discrimination. Ainsi, si chacun veille, aussi bien la famille que la justice, à ce que l’enquête sur la disparition d’Estelle Mouzin ne s’éteigne jamais, qui se souvient encore de la disparition du jeune Antoine, en 2008 ?
Cependant, la victime de l’infraction peut également interrompre le délai de prescription. Par citation directe en cas de contravention, ou en se constituant partie civile en cas de crime ou de délit. Mais il s’agit là d’une démarche personnelle qui nécessite de l’énergie, du temps et de l’argent, comme c’est le cas pour l’affaire Boulin, décédé en 1979, dont la fille n’a de cesse de relancer l’enquête. Allant jusqu’à utiliser des arguties juridiques, comme cette nouvelle plainte pour enlèvement et séquestration – comme l’avait fait autrefois la mère d’Agnès Le Roux (recel de cadavre), la disparue du casino de Nice. Sans porter de jugement, cela reste une justice de riches, ou du moins d’initiés. Même si les victimes plus démunies ou leurs proches peuvent trouver appui auprès d’associations ou d’avocats, dont certains consacrent une fraction de leur temps à une activité pro bono.
La particularité du crime d’empoisonnement – Prévu par l’article 221 – 5 du code pénal, ce crime est constitué par le fait de vouloir attenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entraîner la mort. Dans ce cas, même si la mort intervient des années plus tard (et même si elle ne se produit pas), le point de départ de la prescription pénale démarrera au jour de l’administration du produit mortifère. On parle d’une infraction formelle. Si l’on imagine un poison capable d’agir après dix années, on ne serait pas loin du crime parfait. |
L’affaire Cottrez montre bien la complexité qui entoure la prescription. Ni le juge ni la chambre d’instruction n’ont suivi ce raisonnement : « Le secret entourant les naissances et décès concomitants (…) a constitué un obstacle à l’exercice de l’action publique ». Et, du coup, le point de départ du délai de prescription devient le jour où l’on a déterré le premier bébé. Alors que normalement, l’homicide est un acte instantané et que c’est la mort de la victime qui marque le point de départ de la prescription.
Mais bizarrement la chambre criminelle prend le contre-pied. Nouveau gymkhana judiciaire avant d’avoir une décision définitive : « la clandestinité des naissances et des morts caractérisait un obstacle insurmontable à l’engagement des poursuites. De ce fait, le délai de prescription s’est trouvé suspendu jusqu’à la découverte des corps » (pour les juristes, voir l’avis de M. Bonnet, avocat général, en pdf ).
La théorie du droit pénal a laissé la place au pragmatisme et ce décalage entre le droit écrit et le droit pratiqué a incité les parlementaires à se pencher sur la question.
En décembre 2014, la commission des Lois décide de créer une commission d’information sur la prescription en matière pénale. Par le choix de deux parlementaires de sensibilité différente, les députés Georges Fenech (UMP) et Alain Tourret (RRDP), on peut dire qu’il s’agit d’une réflexion apolitique. Ils ont procédé à une quarantaine d’auditions : magistrats, avocats, universitaires, psychiatres, représentants d’associations, responsables de la police technique et scientifique… Et, bien entendu, Madame la garde des Sceaux.
Mercredi 20 mai 2015, la commission des lois a autorisé la publication du rapport de la mission d’information sur la prescription en matière pénale présenté par Georges Fenech et Alain Tourret.Après avoir dressé le bilan du droit existant et mis en lumière sa trop grande complexité, les rapporteurs de la mission d’information, appartenant pour l’un à la majorité et pour l’autre à l’opposition, formulent quatorze propositions pour une réforme équilibrée, destinée à moderniser le droit de la prescription et répondant à la fois à l’exigence de répression et à l’impératif de sécurité juridique, aujourd’hui mis à mal (extrait du site de l’Assemblée Nationale). |
Comme la réforme constitutionnelle de 2008 l’a rendu possible, j’ai cru comprendre que le Conseil d’État devrait être saisi pour avis avant le dépôt de la proposition de loi. Parmi les mesures envisagées figureraient une prolongation des délais de prescription de l’action pénale et la fin des quiproquos sur les infractions « occultes ou clandestines ». Comme dans cette affaire Cottrez.
Il reste à connaître la position du gouvernement !
Si le projet suit son cours, les modifications devraient adapter la loi pénale à l’évolution de la société. En effet, depuis le code d’instruction criminelle, l’espérance de vie a presque doublé et la police scientifique ouvre des horizons jusque-là inconnus. Et puis, on oublie moins. Il suffit d’un clic pour retrouver tous les détails de ce crime sordide commis il y a 10 ou 20 ans… Avec l’Internet, nous nous sommes tous faits greffer une prothèse de mémoire.
La prescription. Encore une opportunité d’échappatoire au glaive de la justice, forgée par des représentants du peuple au mépris de la Constitution. Spoliant ainsi le pouvoir judiciaire de sa capacité d’appréciation des actes commis et de leur ancienneté relative.
Il convient de rappeler la portée de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, en son Article 1er : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. (…) ».
Ainsi que de la Constitution de la République française du 4 octobre 1958, également de son Article 1er : « La France (…) assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens (…) ».
Alors, quand les droits de citoyens varient dans le temps, au lieu de demeurer constants, du fait de cette prescription, applicable ou non.
Alors, lorsque l’égalité des citoyens varie en fonction de l’agrément de poursuivre, qui leur est concédé ou non, du fait de cette prescription.
La Constitution est ouvertement bafouée.
Ce qui entérine le fait que la France n’est pas une véritable démocratie, qu’une oligarchie dispose de la mainmise sur ce pays, que la corruption qui en découle le classe 26ème dans le monde, que cette délinquance en col blanc a bien besoin de se voir prescrire toute action contre ses malversations, au cas où la justice à sa botte se réveillerait …
Chercher, chercher longtemps , très longtemps la vérité ou les corps de ses parents ,ou avoir une explication vérifiable, c’est un besoin humain quelque soit sa nationalité…Le service des armées des USA a retrouvé et identifié un soldat mort en Corée il y a plus de 60 ans , sa veuve a dit : « Je l’attendais »
Le frère d »un jeune garçon, Charles Moore, victime d’un crime raciste lié au Ku Klux Klan a réussi à emmener l’agresseur devant les juges plus de 43 ans après
Il a dit après le prononcé du jugement :
» Je laisse là les chaînes de la haine et de la vengeance qui m’emprisonnaient . Je peux commencer une autre vie .L’assassin de mon frère a été jugé »
Il n’était pas riche