L’affaire du Carlton de Lille se termine par une déculottée des juges d’instruction. Elle montre les limites de l’enquête pénale dans notre système judiciaire et le danger de ces infractions qui s’emboîtent comme des poupées gigognes. À force de triturer les lois, au nom de la sécurité, et de plus en plus souvent de la morale, notre pays souffre aujourd’hui d’un autre mal, plus tortueux : l’insécurité juridique.
L’insécurité juridique commence lorsque l’on ressent une inquiétude dans l’accomplissement d’une tâche familière. C’est le cas, par exemple, au volant de sa voiture, tant il est difficile d’éviter les chausse-trappes d’une signalisation parfois imprévisible. Mais c’est autrement plus grave dans notre vie quotidienne. Ainsi, pour revenir dans le domaine de la prostitution et de son corollaire, le proxénétisme, que risque-t-on à prêter son appartement à un ami dans l’hypothèse où il passerait la nuit avec une prostituée ?
L’insécurité juridique, c’est ne plus savoir ce qui est interdit, autorisé, légal ou obligatoire. Ce risque indéterminé incline à modifier son comportement, parfois même à renoncer à un projet, une envie. Puis-je cliquer sur ce site sans être confondu avec un pervers ou un terroriste ?
L’insécurité juridique nous fait baisser la tête car tout ce qui dépasse est suspect.
Mais la complexité du droit ne s’applique pas qu’aux citoyens lambda. À lire les attendus du président du tribunal correctionnel de Lille, dans l’affaire du Carlton, on est effaré de voir trois juges d’instruction commettre autant de bévues : qualification erronée, prescription pour certains faits, erreur dans les dates, etc. Pire, des suspects n’auraient pas été mis en examen… C’est comme-ci ces magistrats, obnubilés par le gros poisson qu’ils voulaient ferrer à tout prix, avaient négligé le menu fretin. Ainsi, les deux responsables du Carlton pouvaient à coup sûr tomber pour proxénétisme hôtelier : la qualification n’a pas été retenue. Et même Dodo la Saumure s’en est tiré. Il n’en revient pas, le bougre !
Dominique Strauss-Kahn, assène le président Lemaire, « a eu un comportement de client, non répréhensible par la loi pénale ». Et si demain la loi change et que le client devient punissable, comme il en est question, il fera l’objet d’une simple contravention. Rien à voir.
Comment des professionnels du droit ont-ils pu accumuler tant d’erreurs ? Pour tenter de comprendre, il faut remonter le temps. L’enquête de la PJ démarre en juin 2010, sans en informer le parquet – ce qui n’est pas inhabituel. Il s’agit d’établir l’existence d’un réseau de proxénétisme hôtelier : écoutes administratives, surveillances ponctuelles et vérifications. La routine. Le nom de DSK apparaît-il à ce moment-là ? Si c’est le cas, le ministre de l’Intérieur est évidemment informé. À l’époque, c’est Brice Hortefeux, remplacé en février 2011 par Claude Guéant. C’est justement en février que les policiers décident de monter une procédure et de la transmettre au procureur. Celui-ci ouvre une information judiciaire. Le nom de DSK n’y figure pas. Il n’apparaîtra qu’en mai 2011, au moment où éclate le scandale du Sofitel de New York. Comme par magie !
C’est sur ce dossier tordu et sur celui de l’instruction qui va suivre que les juges vont se forger une opinion. Mais au lieu de prendre leurs distances, ils s’impliquent dans l’enquête – comme des flics.
C’est toute l’ambiguïté du juge d’instruction : est-il enquêteur ou magistrat ?
À son apparition, au début du XIXe siècle, le juge était en fait un officier de police judiciaire auquel le parquet confiait des dossiers à « instruire ». Puis, rapidement, ses pouvoirs se sont accrus. Au point, quelques dizaines d’années plus tard, qu’il devient l’homme le plus puissant de France. Du moins si on en croit Balzac : « Aucune puissance humaine, ni le roi, ni le garde des sceaux, ni le premier ministre ne peuvent empiéter sur le pouvoir d’un juge d’instruction… » En 1959, à l’apparition du Code de procédure pénale, il acquiert son indépendance. Mais de tels pouvoirs, liés à la fragilité humaine, ne sont pas faciles à gérer. Et au nom de l’efficacité, certains en abusent. Le juge Renaud et le juge Michel y laisseront la vie. Ces dernières décennies, pour calmer leur pétulance, les juges d’instruction ont perdu certaines de leurs prérogatives, notamment la possibilité de décider de la mise en détention provisoire.
Mais, parallèlement, l’instruction est devenue la phase principale du procès pénal. Elle s’éternise dans le temps et s’étale dans la presse. C’est une condamnation avant l’heure. De plus, si durant des mois, des années, le juge se contente d’accumuler des preuves à charge, le déséquilibre entre lui et la défense devient abyssal. L’avocat a la possibilité d’effectuer des recours, mais ils aboutissent rarement. Pourtant, un simple contrôle judiciaire peut briser la vie d’une personne (interdiction d’assurer son travail, de fréquenter ses amis, ses collègues, obligation de changer de domicile, etc.), alors que celle-ci sera peut-être innocentée en bout de chaîne, lors du son procès.
Alors, faut-il supprimer le juge d’instruction ? La question est récurrente. En Allemagne, pays qui n’a rien à nous envier en matière de justice et de libertés publiques, le juge d’instruction a disparu en 1975. Depuis, c’est le ministère public qui assure la phase préliminaire de la procédure afin de déterminer s’il y a lieu de prononcer une mise en accusation. Les policiers, qui effectuent le travail, sont considérés comme des auxiliaires de justice. Ils sont sous les ordres du ministère public. En fait, ils disposent d’une grande autonomie. Dans ce système, le rôle du juge est limité aux mesures qui portent atteinte aux droits et aux libertés : écoutes, surveillances techniques, perquisitions… Et c’est lui qui décide de la mise en détention provisoire.
Sur ce blog, « Le juge d’instruction dans 7 pays d’Europe ».
Finalement, avec l’apparition, il y a une quinzaine d’années, du juge des libertés et de la détention, on n’est pas très éloigné de l’enquête préliminaire à la française. Seuls les dossiers traités par les cabinets d’instruction échappent à cette règle. Environ 4%. Mais il s’agit des affaires les plus graves (l’information est obligatoire en matière criminelle) ou les plus compliquées. Faut-il les faire entrer dans le pot commun et effacer le juge d’instruction de notre procédure ?
En 2009, c’était l’avis du Comité de réflexion sur la justice pénale. Ses participants envisageaient à la majorité de supprimer la phase de l’instruction et de faire du procureur l’unique directeur de l’enquête. Le contre-pouvoir étant assuré par un juge de l’enquête et des libertés.
Mais la réflexion est tombée à l’eau. C’est pas avec ça qu’on va être réélu !
L’insécurité juridique ?… une revendication d’avocat, sans doute, mais surtout une nécessité pour l’action policière.
La « sécurité juridique », ça n’a jamais existé et ça n’existera jamais, heureusement d’ailleurs. C’est la morale et la déontologie personnelles des juges qui gouvernent leurs pratiques imparfaites car humaines avec de multiples garde-fous extérieurs (et théoriquement intériorisés) censés les baliser… Tout le reste, ce ne sont que balivernes, balourdises et autres billevesées.
L’organisation de l’enquête en Allemagne ressemble à la France sans juges d’instruction ? Peut-être, mais il s’agit d’organisation, qui n’est rien sans les Hommes qui agissent.
En France, le parquet est soumis organiquement au pouvoir politique, au point que la Cedh refuse de le considérer comme un pouvoir judiciaire indépendant. Voilà une particularité française rendant indispensable le juge d’instruction inamovible et tout.
Les magistrats – du parquet aussi – avaient manifesté pour garder le juge d’instruction. Je me le rappelle avec gratitude, et ne dois pas être le seul.
Le mauvais juge
http://www.lejournaldepersonne.com/2015/06/le-mauvais-juge/
Il est temps de juger les juges!
– Vous l’avez attaché, bâillonné ?
Vous pouvez nous laisser maintenant !
Salut !
(et au bout de quelques secondes de suspension)
Vous me regardez comme si vous ne m’aviez jamais vue ?
On dirait que vous ne m’avez pas reconnue ?
Vu le nombre de justiciables que vous avez détruit, vous êtes excusable.
La justice vous doit une fière chandelle Monsieur le Justicier, parce que vous l’incarnez à la perfection.
Puisque vous êtes et depuis belle lurette celui qui rend la justice possible, la vérité nécessaire et le jugement réel. Seul maître en la demeure qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire… quasiment absolu.
Vous êtes juge d’instruction qui juge en premier mais dont le jugement s’apparente à un jugement dernier. Vous êtes à la fois le Roi Salomon et le lieutenant Colombo… avec la duplicité d’un serpent qui vous mord parce que c’est le seul moyen pour lui de se sentir plus fort.
– Le prisonnier : Mmmmm! Mmmm!
Non… ne l’ouvrez surtout pas, vous l’avez assez ouverte comme ça… je vous demande de la fermer pour une fois… je crois que vous n’avez guère le choix.
Le très haut m’a confié votre dossier pour que je l’instruise selon ma propre faculté de juger. De prendre le mal à la racine sans me tromper de racine.
Vous ne vous souvenez toujours pas, de votre belle proie? Vous vous êtes abattu sur MOI rien qu’en vous fiant à votre maudite intuition… comment vous l’appeliez autrefois ? UNE INTIME CONVICTION
Vous m’avez mise en examen puis inculpée puis incarcérée… ça ne vous revient toujours pas ?
Vous l’ignorez peut être mais le parlement a décidé de supprimer la fonction de juge d’instruction, pour mettre fin à leur pouvoir arbitraire et créer une nouvelle partition pour fonder en raison les décisions de justice. C’est trop tôt ou trop tard!
Mais comme je suis passée par là, j’ai jugé bon en mon âme et conscience de me charger moi-même de mon propre juge d’instruction.
Le supprimer moi-même parce que je suis persuadée qu’il ne survivra pas à cette suppression institutionnelle : c’est du moins mon intime conviction.
Je lis dans vos yeux, quelque fureur que vous avez du mal à dissimuler. Peut-être parce que vous craignez de me voir commettre une erreur judiciaire ?
Je vous rassure et contrairement à vous, j’ai bien instruit votre dossier et retenu tout autant les éléments à charge que les éléments à votre décharge, à votre corps défendant, comme on dit… et j’ai abouti à la seule conclusion qui s’impose : vous êtes coupable… sans l’ombre d’un doute.
Je ne dispose pas seulement de quelques faisceaux de présomptions mais de quelques preuves accablantes.
Vous êtes coupable et vous ne bénéficierez d’aucune circonstance atténuante : parce que vous saviez ce que vous faisiez.
Coupable de quoi?
C’est ce que vous avez l’air de me demander. Je vous le dirai après mon premier et dernier coup de feu.
Bang! Bang!
Ça y est, vous êtes mort ? Vous n’avez donc plus besoin de savoir ce qui vous a valu cette mort
Adieu poulet !
Ouais… presque beau disait-on de DSK en 2011.
On aurait voulu nuire à l’homme le plus en vue à l’époque, qu’on ne s’y serait pas pris autrement.
Alors, complot ou pas ?
Quant à la réforme de la justice, elle est plus que nécessaire : ça devient indispensable.
la France sera-t-elle encore à la traîne d’une brouettée de calendrier, comme d’habitude ?
« c’est tout l’occident qui en est infecté et c’est le monde entier qu’elle tente d’infecter » : vous connaissez beaucoup de régions du monde où la justice est plus indépendante qu’en Occident ??
Contrairement à ce vous signifiez, c’est bien l’Occident qui reste un modèle à suivre en matière de justice… malgré toutes les contrefaçons que vous dénoncez à juste titre.
La Justice indépendante… mais indépendante de qui ?
Quand un barbouze français a-t-il été condamné la dernière fois ? Ceux ayant perpétré l’attentat terroriste meurtrier contre le Rainbow Warrior étaient condamnés, ils ont brisé leur contrôle judiciaire, la justice française n’a pas bougé le petit doigt.
Des membres de la Dst ont assisté à Guantánamo à « l’interrogatoire » de citoyens français enlevés et séquestrés. Ces barbouzes sont-ils condamnés ?
Un cas encore plus simple à juger : les deux Rg ayant tenté de voler des télécartes chez un vendeur qui était intervenu efficacement – lui. La Justice a les noms, les faits, la video. Silence total.
Ok, je suis d’accord avec vous: la justice Française n’est pas idéale.
Mais vous nous dites que hors occident la justice est bien meilleure. Là je sèche: quel est ce pays à la justice idéale?