LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Justice (Page 21 of 25)

Vous filmez des violences, vous risquez la prison

Le simple fait de sortir votre téléphone portable pour filmer des violences vous rend complice de ces violences. C’est une loi de mars 2007 reprise dans le Code pénal (art. 222-33-3), qui dit : « est constitutif d’un acte de complicité des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne (…) le fait d’enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission de ces infractions ».

prisonnier_londonstimesus.1239605368.jpgAinsi, il suffit de filmer ou de prendre en photo des violences pour être « légalement » complice de ces violences. Et si ces actes entraînent le décès de la victime, vous voilà présumé complice d’un meurtre. Et cela même si vous n’avez aucun lien avec les agresseurs.

Au départ il s’agissait de lutter contre le happy slapping (joyeuse baffe), ce comportement de collégiens qui consiste à filmer des scènes violentes pour ensuite en diffuser les images, situation où le plus souvent le « caméraman » est de connivence avec les agresseurs. Mais mine de rien, le législateur est allé beaucoup plus loin : il a créé un délit autonome. Ce que les juristes appellent un cas de présomption légale de complicité.

Ainsi, un badaud filme avec son téléphone portable une agression dont il est le témoin, peu importe ses intentions : il est coupable et il encourt les mêmes peines que les agresseurs. Aucune justification possible, aucune possibilité de preuve contraire. Les faits sont dits irréfragables. Et le quidam se retrouve complice d’un délit ou d’un crime dont il ignore tout. À la merci d’une peine qui peut aller de 3 ans d’emprisonnement (et 45.000 € d’amende) à la réclusion criminelle à perpétuité. Il existe seulement deux exclusions : « lorsque l’enregistrement ou la diffusion résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice ».

Les journalistes sont donc exclus de ce texte, mais du bout des lèvres. À eux de prouver qu’ils agissaient dans l’exercice de leur profession. Pour un photographe de presse free-lance, pas évident !

Mais de quelles violences parle-t-on ?

Cela vise les crimes et délits prévus aux articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31. Autrement dit, violences légères, torture, viol, actes de barbarie, etc. Dans un document paru dans la documentation juridique LexisNexis, Stéphane Detraz, maître de conférences à l’Université Paris XI, nous dit que la définition va bien au-delà de la forme classique du happy slapping, «  elle recouvre non seulement ce type de comportement (…) mais également le fait de filmer, par exemple, des violences accomplies sur le mode « humoristique » à l’encontre d’un individu consentant, la rébellion d’une personne contre des fonctionnaires de police – ou, à l’inverse, un « passage à tabac » de leur part – ou encore des bagarres survenant lors d’une manifestation ».

On en arrive à un paradoxe étonnant où une personne qui filmerait des violences policières (illégitimes, s’entend) se verrait poursuivie comme complice des policiers qui ont commis ces violences.

Elle est pas belle, la vie !

Bien sûr, vous vous dites que ce n’est pas possible. Les juges vont apprécier les faits, ne pas appliquer le texte, un peu comme ils le font pour le délit d’assistance. Et dans quelques décennies, on aura sans doute un autre Éric Besson qui nous dira : « En 65 ans d’application de cette loi, (…) personne en France n’a jamais été condamné ».

Quel drôle de pays où les élus pondent des lois sans en mesurer les conséquences, à charge aux juges de s’en dépatouiller !

Si l’on veut rapprocher le Code pénal de l’actualité, on parvient à cette conclusion : à Strasbourg, le manifestant qui a filmé des représentants de l’ordre en train de lancer des pierres peut être poursuivi et condamné si lesdits représentants de l’ordre sont eux-mêmes poursuivis et condamnés*.

Bon, vous me direz, l’enquête est en cours…

La complicité « automatique » ne vise que l’enregistrement. Pour la diffusion des images, le législateur a créé un délit distinct, punissable de 5 ans de prison et 75.000 € d’amende. On pourrait donc penser que le policier qui a diffusé sur Facebook la vidéo d’une agression dans un autobus risque de le payer cher. Mais pas du tout ! Ces images ont été prises par une caméra de surveillance, pour servir de preuves, et dans ce cas l’alinéa 3 de l’article 222-3-3 précise que ledit article « n’est pas applicable ». Cette vidéo peut donc être diffusée sur le Net (ce qui n’est plus le cas, puisqu’elle a été retirée) alors que les vidéos des manifestations anti-Otan tombent sous le coup de la loi et ne devraient pas être diffusées (alors qu’elles y sont toujours). Bizarre, non !

À noter que si l’on applique à ce délit de complicité la définition habituelle de la complicité,trucs-en-vrac-par-gotlieb.1239598556.jpg le simple fait de prêter par exemple son appareil-photo, peut constituer une «complicité de complicité». Et pour la clarté du texte, il est bon de rappeler que le complice du complice encourt les mêmes peines que l’auteur principal et ses complices.

Je me demande, en racontant tout ça, si je ne me fais pas le complice de quelque chose…

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* Il semble d’après un lecteur juriste confirmé que le filmeur d’une agression pourrait être poursuivi même dans l’hypothèse où les auteurs ne seraient pas identifiés.

En réponse à certains commentaires : Cette loi existe. Je me suis contenté de mettre en exergue son aspect  déraisonnable, et à mon avis excessif. A chacun de se forger sa propre opinion. C’est d’ailleurs la ligne de conduite de ce blog, où l’on échange des idées, pas des injures.

Justice : une réforme sans appel

Les procès chaotiques du berger Colonna et du braqueur Ferrara ont apporté de l’eau au moulin de Jean-Claude Magendie, le Premier président de la Cour d’appel de Paris. Quoique le projet ait été repoussé par deux fois lors d’un vote à bulletins secrets, il a décidé de passer en force et de réformer la plus grande juridiction d’appel du pays, et dans la foulée les Cours d’assises.

datisoldes_jym-mgcdblogspotcom.1238571258.jpgDes changements importants qui devraient intervenir ce 1er avril.  À ce jour, la répartition des juges dans les différentes juridictions se fait chaque année, par ordonnance, selon des textes de loi. Dorénavant, ils seront nommés pour une durée indéterminée et affectés à des « pôles », en fonction des contentieux (social, environnement, grande criminalité, etc.) Huit pôles au total.

Quant aux Cours d’assises (CA), elles seront divisées en deux pôles. Un pour le « tout venant » et un autre pour le terrorisme et la grande criminalité. La majorité des présidents de CA sont opposés à cette spécialisation : une CA spécialisée pour juger le terrorisme s’apparente fortement à la résurgence de la cour de sûreté de l’État. Et puis, la tentation serait grande de profiter de cette réforme pour évincer certains magistrats à trop forte personnalité. C’est la crainte de l’association Droits, Justice & Sécurité, qui parle « d’écarter des magistrats dont l’indépendance d’esprit ajoutée à l’expérience les rend insusceptibles d’entendre les messages subliminaux » (ça, c’est un message subliminal…). Ses membres, juristes, universitaires, magistrats, avocats, etc., craignent que cette grande juridiction soit « suspectée dans sa composition et son impartialité ». Ils ont saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Ils appréhendent également que ce nouvel organigramme, quasi militaire, ne nuise à la collégialité de la justice et que Monsieur Magendie ne dispose désormais des moyens de déplacer les magistrats à sa guise, ou selon les circonstances (voir la lettre au CSM sur Médiapart).

Certains syndicalistes vont plus loin et parlent de « dérive autocratique » et d’une probable chasse aux sorcières.

Pour le moment, Didier Wacogne et Janine Drai, les deux présidents de la Cour d’assises qui ont jugé Yvan Colonna et Antonio Ferrara, sont sur la sellette. Le premier conserve son poste jusqu’à l’été 2009, et la seconde a dû avoir des sueurs froides en découvrant sur une dépêche AFP reprise dans l’Express (ici) les déclarations de son « patron » : « Les deux présidents, Mme Drai et M. Wacogne, sont des magistrats qui ont toute ma confiance… ». Il a d’ailleurs ajouté que le départ de M. Wacogne n’avait rien à voir avec le procès Colonna.

archimede_intelligence-creativecom.1238571327.jpgQu’on ne s’y trompe pas, la réforme de la Cour d’appel de Paris est l’un des échelons de la reprise en main de la justice. Elle fait partie d’une stratégie d’ensemble. Bonne ou mauvaise, à chacun de… juger. Et si je peux me permettre de me citer, j’écrivais sur ce blog, avant les élections présidentielles, en parlant du candidat Sarkozy : « Il durcira la législation pour les multirécidivistes et pour les mineurs de plus de 16 ans. Et sans doute, réglera-t-il ses comptes avec la justice, peut-être avec un Garde des sceaux sorti du rang… » (ici).

Comme disait Raymond Devos : « On a toujours tort d’essayer d’avoir raison devant des gens qui ont toutes les bonnes raisons de croire qu’ils n’ont pas tort ! »

Quand l'ADN décode

bisou-adn_notre-adn-et-nous.1238345262.jpgLe fichier génétique renferme ce qu’on a de plus secret : nos gènes. On est pour ou contre, mais peu de gens contestent son efficacité. On aurait même tendance à le considérer comme infaillible.

Voici en trois petites histoires de quoi y réfléchir…

La première serait amusante si l’on ne parlait pas d’affaires criminelles :

Les policiers allemands traquent une tueuse en série. On la soupçonne de nombreux crimes et délits. Notamment du meurtre d’une policière de 22 ans, tuée d’une balle dans la tête, en avril 2007. On suit même sa trace en Autriche et en France. À force d’en parler sans jamais rien découvrir sur elle, sur son identité, les enquêteurs ont fini par la surnommer « le fantôme de Heilbronn », une ville du sud de l’Allemagne. Et puis, au bout d’une quinzaine d’années, ils se rendent compte d’un certain nombre d’invraisemblances. Au point « d’oser » mettre l’Adn en question. Finalement, ils découvrent que les bâtonnets utilisés pour effectuer les prélèvements sont pollués (probablement) par l’Adn d’une employée de l’atelier de fabrication. Cet assassin en jupon n’a jamais existé et l’enquête doit repartir de zéro.

La seconde est assez dérangeante, mais elle se termine bien:

En décembre 2002, le corps d’une femme de 39 ans découpée en morceaux est découvert dans des sacs, à Mulhouse. Peu d’indices. Un cheveu dont la comparaison avec l’Adn de son mari amène celui-ci tout droit en prison, même si l’un des experts admet une très légère marge d’incertitude (2 %). Il y restera quatorze mois avant que le juge ne le remette en liberté, sous contrôle judiciaire. Je ne sais pas qui a eu la bonne idée d’aller livre-marc-macin.1238345537.jpgfarfouiller dans les fiches Adn ? En tout cas, cet enquêteur curieux découvre que l’empreinte génétique du suspect correspond à la fiche d’un individu, condamné pour proxénétisme, et décédé en 2007. Le mari de la victime vient d’être définitivement blanchi. Ce proxénète était-il nouvellement inscrit au fichier génétique ou s’agit-il d’un loupé ? On ne sait pas. Il faut espérer que le FNAEG n’est pas dans le même état que le STIC…

Et la troisième, pour un homme qui croupissait en prison, c’est un conte de fées :

Il avait 19 ans, il était un peu paumé et il a reconnu avoir tué une femme, sous le Pont de Neuilly. En 2004, il est condamné à 18 ans de réclusion. L’année dernière, un autre détenu s’accuse du meurtre. On ne le croit pas. adn-test.1238345645.jpgPourtant, le procureur de Nanterre demande un test Adn. Bingo ! Marc Machin est innocent. Libéré en septembre 2008, il attend la révision de son procès. Il a écrit un livre, Seul contre tous ! éditeur Pascal Galodé.

Le problème de la preuve scientifique, c’est qu’elle est utilisée par des gens qui ne sont pas des scientifiques : magistrats, policiers, gendarmes… Et le risque existe de prendre l’avis d’un expert pour argent comptant, sans chercher à comprendre, sans chercher plus loin…

La partie non codée représente 90 % de notre masse Adn (ici). C’est celle qu’on utilise pour obtenir la signature génétique. Et, petit détail amusant, l’homme et le chimpanzé ont 98,5 % d’Adn codant en commun*.

Vous allez dire, c’est pas une raison pour faire le singe.

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* D’après Colin Masters, Notre ADN et nous, aux éditions Vuibert (les dessins viennent de son livre).

Yvan Colonna : et après ?

vangogh-lachaisejpg.1238167876.jpgLes débats ont été houleux, les propos parfois outranciers, et finalement Colonna et son cartel d’avocats ont choisi la stratégie de la chaise vide. Ont-ils eu raison ? Persuadés sans doute que ce procès était perdu, à l’évidence, ils ont préféré se donner des arguments pour le futur – non pour se défendre, mais pour attaquer.

De quels moyens disposent-ils ?

Ils ont cinq jours francs pour se pourvoir en cassation. Rappelons que la Cour de cassation n’est pas juge du fait mais seulement juge de droit. Elle ne se prononcerait pas sur la culpabilité du condamné mais uniquement sur des manquements à la loi. Colonna pourrait-il se prévaloir d’une méconnaissance de ses droits fondamentaux ? Honnêtement, je n’ai pas la réponse. On est dans la haute voltige. Ce qui pourrait poser problème, me semble-t-il, ce n’est pas l’absence de l’accusé aux débats, mais l’absence de ses avocats. Mais peut-on arrêter de juger sous prétexte que la défense, sentant la cause perdue, décide de plier bagages ?

Les avocats de Colonna visent plutôt la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). En créant un climat délétère, en cherchant les incidents d’audience, et finalement en se retirant, ils ont peut-être réussi à marquer suffisamment le procès pour que la CEDH accepte de se saisir de l’affaire. Et dans ce cas, si elle donnait tort à la France, on pourrait alors s’acheminer vers un nouveau jugement.
C’est un amendement déposé (in extremis, dit-on) par Jack Lang, lors du projet de loi sur la présomption d’innocence, qui a introduit dans le droit français la possibilité de réexaminer une décision pénale, suite à un arrêt de la CEDH.
Il s’agit donc bel et bien d’une nouvelle voie de recours extraordinaire. Que la doctrine a baptisé « pourvoi dans l’intérêt des droits de l’homme ».

Peut-on envisager que la CEDH dise que les droits de la défense n’ont pas été respectés ?

Un exemple (d’école) : Le 8 décembre 1989, Abdelhamid Hakkar est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour meurtre, tentative, etc. Or, à l’ouverture des débats, l’un des avocats est empêché et le second se désiste. Le président refuse de renvoyer l’affaire, et deux avocats sont commis d’office, mais sans disposer du temps nécessaire à l’étude du dossier. Le 27 juin 1995, à l’unanimité, la commission de la CEDH a estimé que les droits de la défense avaient été violés.

Et un second : En 2005, Cesare Battisti saisit la CEDH en affirmant que son extradition vers l’Italie porterait atteinte à son droit à un procès équitable. Il est débouté. Les juges strasbourgeois ont estimé que Battisti avait « renoncé d’une manière non équivoque à son droit de comparaître personnellement et d’être jugé en sa présence en prenant la fuite… » De plus, durant sa cavale, il était régulièrement représenté par des avocats, donc informé de la procédure.

Bien sûr, chaque cas est un cas particulier. Je cite ces deux exemples uniquement pour la réflexion.

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À mon humble avis, il y a peut-être du grain à moudre sur la saisine de la Cour d’assises spéciale (ici)- et même sur son existence.

On peut comprendre la nécessité de faire appel à des jurés-magistrats pour des dossiers particulièrement complexes, ou qui touchent à la défense nationale. Mais devant un fait aussi simple : un homme a été tué…, comment justifier une juridiction d’exception ?

Et pourtant, devant une Cour normalement constituée, le procès aurait eu une autre dimension. Face à des citoyens lambdas, les avocats se seraient comportés différemment, en renonçant à la provocation pour tenter la démonstration, la persuasion… Le procès y aurait gagné en sérénité. Le verdict aurait peut-être été identique, mais au moins, on aurait eu le sentiment d’une justice rendue « au nom du peuple français ».

Mais le peuple français on ne lui fait plus confiance, ni pour juger ni pour modifier la Constitution !

Est-il possible d'éviter les erreurs judiciaires ?

arrestation_koi29be.1237891177.jpgEn novembre 2000, dans un petit village de Loire-Atlantique, un ouvrier agricole de 47 ans est arrêté par les gendarmes : une adolescente l’accuse d’agressions sexuelles. Il clame son innocence, mais le juge d’instruction le place en détention provisoire. Au bout d’un an, il est libéré. L’instruction judiciaire suit son cours. En 2003, il est convoqué devant la Cour d’assises. Une simple formalité, pense-t-il. Verdict : 16 ans de réclusion criminelle.

Aujourd’hui, la « victime » n’est plus une adolescente, mais une jeune femme de 22 ans. Et elle revient sur ses accusations. « J’ai raconté beaucoup de bêtises », avoue-t-elle.

Ce lundi 23 mars 2008, la Cour de révision a demandé un complément d’information avant de se prononcer. En attendant, Loïc Sécher reste en prison. Mais cela fait un an que la jeune femme a avoué ses mensonges. Un an de « complément d’information », c’est long – surtout quand on est en prison.

Alors, on peut se poser une question : est-on armé pour faire face aux erreurs judiciaires ? Lorsqu’on pense à des affaires récentes, comme l’affaire d’Outreau, Dils, Machin…, on se dit que oui, même si l’on a parfois l’impression que la justice traîne les pieds pour reconnaître ses erreurs.

C’est probablement en raison des remous de l’affaire Seznec qu’une loi du 23 juin 1989 a modifié la procédure de révision des condamnations pénales. Auparavant, il fallait un fait nouveau susceptible d’innocenter l’accusé. Pas évident. Aujourd’hui, il faut apporter la preuve d’un doute raisonnable. Dans l’affaire Dils, par exemple, la révision a été accordée en raison de la présence de Francis Heaulme sur les lieux du crime.

La demande de révision peut émaner soit du ministre de la justice, soit du condamné, soit, après la mort de ce dernier, de son conjoint, de ses enfants ou de ses parents. De 1989 à 2005, 33 condamnations ont été annulées, la plupart d’ordre correctionnel (ici). La justice ne parle pas d’erreur judiciaire mais d’annulation de condamnation.

Il est vrai qu’une erreur judiciaire va dans les deux sens. Cela peut être la condamnation d’une personne innocente ou l’acquittement d’une personne coupable. Toutefois, la révision est à sens unique. Contrairement à ce qui se passe en matière criminelle (appel d’une décision d’acquittement de la Cour d’assises : aff. Agnelet), le procureur général ne peut pas demander la révision d’une décision d’acquittement.

Dernier recours pour un condamné, la Cour européenne des droits de l’homme. Elle a pour but d’assurer la garantie des droits énoncés dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Toute personne s’estimant victime d’une violation de la Convention et qui a épuisé les voies de recours devant les juridictions de son pays, peut saisir la Cour. À défaut de solution amiable, la Cour prend un arrêt que l’autorité nationale mise en cause est tenue d’appliquer.

En fait, en prenant un peu de recul, on a l’impression d’un décalage entre une justice « automatique » et des condamnations « subjectives ». Ainsi, le président de la Cour d’assises demande aux jurés de « s’interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement, et de chercher dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont fait, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense ». Autrement dit : « Avez-vous une intime conviction ? » (art. 353 du CPP).
C’est le cas, également lors d’une demande de révision, puisque les magistrats doivent estimer s’il existe un doute sur la culpabilité du condamné.image-senat.1237891255.jpg

Alors que les éléments de preuves se basent sur des notions de plus en plus techniques, n’y a-t-il pas là une certaine … antinomie. Que se passerait-il par exemple si un détenu condamné pour un crime commis il y a une dizaine d’années demandait à bénéficier d’un test Adn pour prouver son innocence ? S’agirait-il d’un élément suffisant pour entraîner la révision de son procès ?

Je n’ai pas les réponses. Mais cela ne doit pas être un problème, car à ma connaissance aucune modification n’est prévue dans le projet de réforme de la procédure pénale, tant sur la révision des affaires jugées que sur la procédure de jugement de la Cour d’assises.

Petit dossier sur le secret

Depuis quelques jours, Wikipédia affiche l’organigramme de la DCRI (direction centrale du renseignement intérieur) et fournit le nom de certains de ses chefs de service. Des éléments classés « secret-défense ». D’après Le Monde, un internaute nantais serait à l’origine de cette mise à jour de l’encyclopédie participative. Que risque-t-il ?

confidentiel_destructeurscom.1237380271.gifSur le plan juridique, il n’existe qu’une forme de secret : le secret de la défense nationale. Sa violation tombe sous le coup de la loi, et les peines encourues sont de sept ans d’emprisonnement, pour les personnes officiellement dépositaires du secret (personnes habilitées), et de cinq ans pour les autres (art. 413-10 et 11, du Code pénal).

Il existe une classification du secret sur trois niveaux :
– Très Secret-Défense ;
– Secret-Défense ;
– Confidentiel-Défense.

On peut donc imaginer qu’un tribunal qui aurait à se prononcer tiendrait compte de cette classification pour graduer la peine. À noter que dans ce domaine, la négligence peut être coupable. Et le dépositaire d’un secret de la DN doit se plier à une procédure très stricte. Ainsi par exemple, si l’on veut détruire un document Secret-Défense, il doit être broyé en particules de 5 mm2, ce qui représente environ 15.000 particules pour une feuille de format A4 (source Destructeurs).

Pour accéder à un document classifié, il faut réunir deux conditions : posséder une habilitation du Premier ministre pour le Très Secret-Défense ou du ministre concerné dans les autres cas, et avoir une raison valable.

On s’interroge régulièrement sur le bien-fondé de l’utilisation du secret par les responsables politiques, et certaines affaires (écoutes de l’Élysée, frégates de Taiwan…), ont renforcé dans l’opinion publique l’idée d’un secret défense de complaisance. Une façon pour ceux qui détiennent le pouvoir de s’arroger une immunité de fait.

Pour se débarrasser de ce soupçon, Lionel Jospin a institué en 1998 une autorité indépendante, la CCSDN (Commission consultative du secret de la Défense nationale). Elle comprend un membre du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, ainsi qu’un député et un sénateur, et doit être saisie dès qu’un juge sollicite d’accéder à une information classifiée. Toutefois, il s’agit d’une simple consultation. Sa décision ne s’impose pas.

Mais, dans le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, le législateur a prévu d’encadrer plus sévèrement l’accès aux documents et aux lieux protégés, suivant en cela les recommandations du Conseil d’État. Il s’agit d’établir des règles aux perquisitions effectuées dans certains endroits (notamment les ministères) et à la saisie de documents dits sensibles. Pour ce faire, la loi renforce les prérogatives du président de la SSCDN, lequel doit être informé à l’avance, un peu comme le bâtonnier est avisé avant une perquisition au cabinet d’un avocat.

Inutile de dire que les syndicats de la magistrature sont farouchement opposés à cette restriction du pouvoir des juges. Ils y voient un moyen de limiter le champ des investigations dans les affaires politico-judiciaires.

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Pour revenir à l’internaute nantais, il semble ne pas risquer grand-chose. Les informations fournies sur Wikipédia sont presque toutes du domaine public. On trouve certains éléments sur Internet, dans La documentation française (ici), ou sur Légifrance (ici). Seule la diffusion de la liste des noms peut réellement poser problème. D’ailleurs une nouvelle loi est sous le coude pour assurer une protection spécifique de l’anonymat des « agents secrets ».

La raison d’État justifie la notion de secret de la DN. Mais en y mettant trop de choses, trop de gens, ne prend-on pas le risque de faire naître la suspicion ?

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Voir aussi dans ce blog : Le secret dans la police (ici)

Le juge d'instruction dans 7 pays d'Europe

Les sénateurs se sont penchés sur le projet de réforme pénale en se livrant à une étude comparative de la procédure dans les sept pays d’Europe les plus proches de chez nous. Le résultat est assez surprenant. Ainsi, l’Allemagne et l’Italie ont supprimé le juge d’instruction depuis plus de 20 ans, et l’Espagne demeure le seul pays où un juge dirige l’instruction.

senat_adminet.1237137993.jpgD’une manière générale, on a assisté ces dernières années à une reprise en main du pouvoir exécutif et le ministère public tient un rôle de plus en plus important dans la poursuite des affaires pénales.

Celui-ci n’est indépendant qu’en Italie et au Portugal. Deux pays qui ont subi le joug de la dictature.

En Italie, depuis la réforme de 1989, le juge d’instruction et la phase d’instruction ont été supprimés. À la place, on a une enquête préliminaire menée par le ministère public.
Mais celui-ci est indépendant à l’égard des autres pouvoirs.

Au Portugal, le nouveau code de procédure pénale entré en vigueur en 1987 a transféré au ministère public toute la phase qui précède le jugement. Toutefois, à l’issue de l’enquête, la personne mise en cause, ou la victime, peut demander l’ouverture d’une information judiciaire. (Cela n’a pas été le cas dans l’enlèvement de la petite Maddie, raison pour laquelle l’enquête a été classée.) Depuis 1992, l’autonomie du ministère public est inscrite dans la Constitution.

En Allemagne, le juge d’instruction a été supprimé en 1975 et les procureurs sont des fonctionnaires hiérarchisés, un peu comme en France.

Aux Pays-Bas, le ministère public est au centre de la procédure pénale depuis 1926. Il peut demander l’ouverture d’une information judiciaire. De fait, c’est exceptionnel, car la police possède les moyens d’investigation autrefois réservés au seul juge.
Le ministère public est placé sous l’autorité du ministre de la justice.

Au Royaume-Uni, le fonctionnement de la justice est atypique. L’enquête est réalisée par la police qui jouit d’une grande indépendance (elle ne dépend pas du ministre de l’Intérieur). Avant, c’était elle qui rédigeait l’acte d’accusation. Depuis la réforme de 2003, elle se contente d’établir le dossier et la décision de poursuite est prise par le Crown Prosecution Service (CPS). Ces dernières années, à coup de petites lois, on tente de réduire l’autonomie de la police pour renforcer le pouvoir du ministre de l’Intérieur.

En Suisse, un nouveau code de procédure pénale a été adopté en octobre 2007 afin d’unifier les textes sur l’ensemble du territoire. Son entrée en vigueur est prévue pour 2011. Ce nouveau code instaure un modèle unique de poursuite pénale, dans lequel le juge d’instruction disparaît au profit du ministère public.

La procédure pénale espagnole est inspirée du code français d’instruction criminelle de 1808. Il a été plusieurs fois modifié, mais sans faire l’objet d’aucune réforme fondamentale. Les infractions les plus graves font l’objet d’une instruction judiciaire. Le juge d’instruction jouit d’une grande indépendance.

En France, nous rappellent en préambule les juristes du Sénat (ici), l’instruction des affaires pénales est obligatoire pour les crimes et facultative pour les autres infractions. Le juge dispose de nombreux pouvoirs (perquisitions, saisies, écoutes téléphoniques, auditions des témoins, des parties civiles et des personnes mises en examen, etc.), dont la plupart peuvent être délégués à des officiers de police judiciaire.
Depuis le 1er janvier 2001, le juge d’instruction ne peut plus décider de placer une personne en détention provisoire : c’est le juge des libertés et de la détention qui ordonne une telle mesure à la demande du juge d’instruction.
À l’issue de l’enquête, le juge d’instruction rend une
declaration-droits-homme.1237112755.jpgordonnance de non-lieu, de renvoi devant la juridiction pénale, ou de mise en accusation si l’infraction relève de la compétence de la cour d’assises.
Les décisions du juge d’instruction peuvent faire l’objet d’un appel devant la chambre d’instruction, présente dans chaque cour d’appel.

C’est un peu technique, mais cela éclaire « autrement » la réforme de la procédure pénale voulue par le président de la République. En fait, nous sommes à la traîne par rapport à nos voisins. Et, abstraction faite de toute opinion politique, l’honnêteté intellectuelle oblige à admettre que des changements sont nécessaires (ici), aussi bien dans les textes que dans les mentalités. D’autant que les choses bougent également au niveau de l’Europe.

Mais quel exemple, quel panache, si demain la France inscrivait l’indépendance du ministère public au fronton de sa Constitution !

Migrants de Calais : délit d’assistance ?

bourgeois-de-calais.1237029997.jpgÀ l’occasion du film de Philippe Lioret, on a beaucoup parlé des migrants de Calais. Une lectrice assidue de ce blog me dit qu’elle est bouleversée d’apprendre qu’on ne peut pas porter secours à un clandestin sans tomber sous le coup de la loi. Je vais tenter de répondre à ses questions…

J’ai lu dans le Monde que des policiers de Calais ont mis en garde à vue une femme qui avait rechargé les téléphones portables de migrants. Est-ce qu’ils avaient le droit de faire ça ?

La législation sur les étrangers est fixée dans ce qu’il est convenu d’appeler le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. L’article L 622-1 dit que : « Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 Euros. »

Il est évident qu’il appartient aux juges d’interpréter ce texte en fonction des principes du respect de la dignité humaine. À de nombreuses reprises, les juridictions de l’ordre judiciaire ont affirmé que la loi nationale devait s’effacer devant un « ordre public affectif ». Aussi, ce texte ne peut-il viser « ni les comportements humanitaires ni les attitudes inspirées uniquement par l’amour et l’affection des intéressés » (TGI Toulouse 30 oct. 1998).

Mais les policiers ne sont pas dans l’affectif. Eux doivent se contenter de faire respecter les textes – sans les interpréter. Leur travail doit permettre d’établir si cette femme a agi par respect humanitaire (les migrants voulaient appeler leur famille) ou pour aider à la circulation ou au séjour d’étrangers (par exemple, besoin d’un contact avec leur passeur).

Les policiers n’avaient-ils pas d’autres solutions que la garde à vue ?

Si cette femme avait été retenue dans un local de police contre son gré, sans la procédure de garde à vue, les policiers auraient pu faire l’objet d’une plainte et de poursuites judiciaires. Cette mesure est subie comme une humiliation alors que c’est le seul moyen – actuel – de garantir certains droits de la personne. Dans le projet de réforme de la procédure pénale, on envisage 6 heures de « retenue » sans aucun droit. C’est ça qu’on veut ?

Que risque un policier qui n’obéirait pas à un ordre ?

Si son chef légitime (autorité administrative ou judiciaire) lui donne l’ordre d’intervenir en fonction d’un texte de loi, le fonctionnaire de police ne peut pas refuser. Sinon, c’est le conseil de discipline, avec des sanctions qui peuvent aller jusqu’à la révocation. Mais il y a plusieurs moyens d’obéir à un ordre, avec plus ou moins d’élégance.

Voilà, j’ai répondu aux questions, mais même si cela n’acesar-2009_blog-lexpress.1237030073.jpg rien à voir, on peut noter que Philippe Lioret est l’un des 31 signataires d’une pétition en faveur du projet de loi sur le téléchargement illégal (Le Monde du 9 juillet 2008).

Hier, il appelle à voter une loi exorbitante du droit commun et aujourd’hui il nous donne des leçons de liberté. Cet homme est étonnant.

Allez, on espère que son film fera beaucoup d’entrées.

Le jugement d'un accusé absent

code-penal_francesoir.1236853691.jpgDevant une Cour d’assises, un accusé peut être jugé en son absence dans deux conditions précises : soit il est en fuite, soit il refuse de comparaître. Les conséquences ne sont pas les mêmes. Dans le premier cas, il peut bénéficier d’un nouveau jugement, dans le second, la décision de jugement est reconnue contradictoire. Alors qu’Yvan Colonna a décidé de claquer la porte de son procès, j’ai mis le nez dans les livres pour estimer les conséquences de sa décision. Voici l’avis du Dalloz CPP 49° édition et de la Procédure pénale de François Fourment.

Accusé en fuite :

Autrefois, un individu accusé d’un crime et volontairement absent à son procès était jugé par contumace. Puis la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est venue mettre son grain de sel dans notre procédure pénale. Statuant dans « l’affaire Krombach contre la France », elle a estimé que lors d’un jugement rendu par contumace, les droits fondamentaux de la défense n’étaient pas respectés : droit à un avocat, droit à un double degré de juridiction.

Pris à contre-pied, le législateur a substitué à la procédure de contumace la procédure de défaut criminel (loi du 9 mars 2004).

Cette procédure concerne les accusés en fuite, ou qui (sauf excuse recevable) ne se présente pas à l’audience. Dans ce cas, la Cour d’assises peut renvoyer l’audience à une session ultérieure ou statuer sur l’affaire – mais sans l’assistance des jurés.

Un individu condamné selon cette procédure sera rejugé s’il est arrêté avant la fin de la durée de la prescription.

Colonna était en fuite lors du premier procès concernant le meurtre du préfet Erignac, en juin 2003. La justice a préféré dissocier son cas de celui des accusés présents à l’audience, de crainte, sans doute, de se retrouver devant la CEDH.

Accusé emprisonné :

Si l’accusé est emprisonné, le principe veut qu’il comparaisse « libre et seulement accompagné de gardes pour l’empêcher de s’évader » (art. 318 du CPP).

Dans l’hypothèse où un accusé refuse de comparaître, sommation lui est faite par voie d’huissier. S’il n’obtempère pas, le président peut soit ordonner qu’il soit amené par la force devant la Cour, soit décider de poursuivre les débats en son absence. Dans ce cas, après chaque audience, le greffier de la Cour d’assises donne lecture des débats à l’accusé. Et le jugement est réputé contradictoire (art. 320 du CPP).

S’il s’agit d’une décision de la Cour d’assises, statuant en appel, comme dans le procès contre Colonna, le jugement rendu sera définitif.

Police et réforme pénale

En parcourant le rapport préparatoire sur la réforme pénale, dont Le Monde a publié l’intégralité, les policiers ont dû pousser un ouf ! de soulagement : la police judiciaire ne sera pas rattachée au ministère de la Justice. Les arguments avancés sont un régal. Il s’agit de garantir la démocratie :
flic_indecis_lesso.1236667433.jpg– en maintenant policiers et gendarmes sous une double hiérarchie (administrative et judiciaire) ;
– en conservant une force de sécurité civile et une force de sécurité militaire (alors que depuis le 1er janvier les gendarmes sont rattachés au ministère de l’Intérieur).

Pourtant, avant de se réjouir, les officiers de police devraient y regarder de plus près et relire avec attention cette petite phrase : « Il a toutefois été jugé qu’il serait opportun que la loi précise que les officiers de police judiciaire agissent toujours sous le contrôle de leurs chefs hiérarchiques ».

On appelle ça une reprise en main.

Donc, exit le juge d’instruction et nous aurons à la place des procureurs universels. Ça renâcle dur du côté des syndicats de magistrats : « Le parquet deviendrait le seul maître des procédures pénales sans aucune modification de son statut », disent-ils dans un communiqué commun.

C’est marrant comment les gens qui n’ont pas les mains dans le cambouis voient les choses… Car actuellement, le procureur est – déjà – le maître de l’enquête (rappelons que c’est lui qui décide de saisir un juge d’instruction), mais tous les flics vous le diront, il s’agit d’une autorité symbolique qui n’intervient réellement que dans un nombre limité de cas. La plupart du temps, les contacts entre l’OPJ et le proc se limitent à un coup de fil au moment du renouvellement de la garde à vue, et un autre coup de fil, pour fixer l’heure de la présentation des suspects. Je schématise, évidemment.

Le véritable patron dans une enquête, c’est celui qui fait l’enquête : le policier. De quels pouvoirs disposent-ils ? L’arrestation, les perquisitions, les saisies et… la garde à vue. Question : augmente-t-on les pouvoir du policiers ? En tout cas, il y a une volonté très nette de modifier la garde à vue.

Cette mesure tient une place importante dans l’étude du comité. Il renforce tout d’abord la présence de l’avocat durant la GAV et lui donne la possibilité de prendre connaissance de la procédure. Il remarque aussi, avec justesse, qu’elle est souvent interprétée comme une mesure protectrice, tant pour la personne entendue que pour les enquêteurs. Mais il ajoute : « (…) Il doit être expressément rappelé dans la loi que la garde à vue est une mesure de contrainte et qu’une personne ne doit être placée en garde à vue que si cette contrainte est nécessaire. Dans les autres cas, la personne, même s’il existe des indices à son encontre, doit être entendue librement ».

C’est une renversée. Car à ce jour la jurisprudence a toujours estimé que l’OPJ était seul juge de l’opportunité de la garde à vue. On peut donc envisager que le nombre de GAV va aller en diminuant. Et contrairement à ce qu’on pense, les policiers ne sont pas contre, car la paperasse qui entoure une telle mesure est une perte de temps considérable dans le déroulement d’une enquête. Surtout à son début, lorsqu’il faut aller vite. Le rapport préconise même l’impossibilité de la GAV pour des faits susceptibles d’une peine d’emprisonnement de moins d’un an (il n’y en a pas beaucoup).

En contrepartie, et c’est là où le bât blesse, on instaurerait une GAV a minima, dite « retenue judiciaire », d’une durée maximale de 6 heures, applicable pour tous les délits dont la peine encourue est égale ou inférieure à 5 ans. Et dans ce cas, les droits de la personne seraient réduits comme peau de chagrin et les formalités se limiteraient (sans doute) à une simple mention en bas d’un procès-verbal.

Au nom de l’efficacité, on donnerait là un pouvoir exorbitant aux policiers, du moins sans un encadrement sérieux. Surtout si l’on envisageait d’étendre cette mesure aux agents de police judiciaire ou agents de police judiciaire adjoints (police municipale).

Je subodore que cette mesure va faire couler pas mal d’encre.

Je ne suis pas dans la critique systématique, et j’ai volontairement étudié ce texte par le petit bout de la lorgnette, en évacuant les questions centrales dont d’autres parlent beaucoup mieux que moi.

Il y a plein de choses nouvelles dans ce rapport, avec du pour et du contre. Ainsi, avocat_usa_immigration_2009.1236667818.jpg l’Union des jeunes avocats retient un élément favorable : « Les 96 % des affaires où il n’y a aucune intervention d’un juge pendant l’enquête à l’heure actuelle vont enfin passer sous le contrôle d’un juge ». Le comité prévoit en effet des possibilités de recours contre le procureur en s’adressant au juge de l’enquête et des libertés. Pour prendre un cas concret, avec cette réforme, Julien Dray (ici) aurait pu exiger du procureur qu’il prenne une décision: poursuite ou classement. Je crois qu’il aurait bien aimé.

Mais il y a aussi beaucoup d’hypocrisie. On nous dit par exemple, pour nous rassurer, que le parquet et la police mèneront des enquêtes à charge ou à décharge…

Mouais !…

Le jour où dans les statistiques des services de police on ajoutera à côté de la colonne « personnes présentées à la justice », une colonne « personnes innocentées », alors, on en reparlera.

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Pour télécharger le rapport, cliquer ici

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