LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Quand l'ADN décode

bisou-adn_notre-adn-et-nous.1238345262.jpgLe fichier génétique renferme ce qu’on a de plus secret : nos gènes. On est pour ou contre, mais peu de gens contestent son efficacité. On aurait même tendance à le considérer comme infaillible.

Voici en trois petites histoires de quoi y réfléchir…

La première serait amusante si l’on ne parlait pas d’affaires criminelles :

Les policiers allemands traquent une tueuse en série. On la soupçonne de nombreux crimes et délits. Notamment du meurtre d’une policière de 22 ans, tuée d’une balle dans la tête, en avril 2007. On suit même sa trace en Autriche et en France. À force d’en parler sans jamais rien découvrir sur elle, sur son identité, les enquêteurs ont fini par la surnommer « le fantôme de Heilbronn », une ville du sud de l’Allemagne. Et puis, au bout d’une quinzaine d’années, ils se rendent compte d’un certain nombre d’invraisemblances. Au point « d’oser » mettre l’Adn en question. Finalement, ils découvrent que les bâtonnets utilisés pour effectuer les prélèvements sont pollués (probablement) par l’Adn d’une employée de l’atelier de fabrication. Cet assassin en jupon n’a jamais existé et l’enquête doit repartir de zéro.

La seconde est assez dérangeante, mais elle se termine bien:

En décembre 2002, le corps d’une femme de 39 ans découpée en morceaux est découvert dans des sacs, à Mulhouse. Peu d’indices. Un cheveu dont la comparaison avec l’Adn de son mari amène celui-ci tout droit en prison, même si l’un des experts admet une très légère marge d’incertitude (2 %). Il y restera quatorze mois avant que le juge ne le remette en liberté, sous contrôle judiciaire. Je ne sais pas qui a eu la bonne idée d’aller livre-marc-macin.1238345537.jpgfarfouiller dans les fiches Adn ? En tout cas, cet enquêteur curieux découvre que l’empreinte génétique du suspect correspond à la fiche d’un individu, condamné pour proxénétisme, et décédé en 2007. Le mari de la victime vient d’être définitivement blanchi. Ce proxénète était-il nouvellement inscrit au fichier génétique ou s’agit-il d’un loupé ? On ne sait pas. Il faut espérer que le FNAEG n’est pas dans le même état que le STIC…

Et la troisième, pour un homme qui croupissait en prison, c’est un conte de fées :

Il avait 19 ans, il était un peu paumé et il a reconnu avoir tué une femme, sous le Pont de Neuilly. En 2004, il est condamné à 18 ans de réclusion. L’année dernière, un autre détenu s’accuse du meurtre. On ne le croit pas. adn-test.1238345645.jpgPourtant, le procureur de Nanterre demande un test Adn. Bingo ! Marc Machin est innocent. Libéré en septembre 2008, il attend la révision de son procès. Il a écrit un livre, Seul contre tous ! éditeur Pascal Galodé.

Le problème de la preuve scientifique, c’est qu’elle est utilisée par des gens qui ne sont pas des scientifiques : magistrats, policiers, gendarmes… Et le risque existe de prendre l’avis d’un expert pour argent comptant, sans chercher à comprendre, sans chercher plus loin…

La partie non codée représente 90 % de notre masse Adn (ici). C’est celle qu’on utilise pour obtenir la signature génétique. Et, petit détail amusant, l’homme et le chimpanzé ont 98,5 % d’Adn codant en commun*.

Vous allez dire, c’est pas une raison pour faire le singe.

__________________________________

* D’après Colin Masters, Notre ADN et nous, aux éditions Vuibert (les dessins viennent de son livre).

38 Comments

  1. mimi

    « L’utilisation de 13 polymorphismes de séquences répétées fournit des probabilités de correspondance aléatoire proche 1 sur 1 trillion (sans erreurs de manipulation qui sont les plus grandes sources d’erreurs)
    Dans le cas de viols où les profils d’ADN ont été utilisés, approximativement 1/3 des suspects ont été libérés car ils ne correspondaient pas à l’échantillon produit comme preuve
    Par conséquent les profils d’ADN peuvent également bénéficier à ceux qui sont faussement accusés »
    Génétique médicale-
    Lynn B Jorde -Johnn C Carrey
    Michael J Bamshad –Raymond L White

  2. mimi

    Loïc:
    Tout est toujours possible, le meilleur comme le pire hélas ,en tout ,mais j’ai la faiblesse de croire que les analyses « scientifiques » donnent des résultats extrêmement fiables et cela ne peut que s’améliorer
    Que des interprétations hasardeuses en soient faites, cela peut arriver, hélas, mais je crois que les risques d’erreurs sont de loin les plus faibles et loin ,loin derrière les expertises « psy » qui ont donné lieu à des affirmations qui se sont révélées , hélas ,bien loin, même à l’opposé de la réalité du sujet expertisé
    Mais la science ne remplacera jamais les hommes ,qui part leur travail rigoureux ,rapide ,n’écartant personne tout en restant humain ,permettent à la justice de donner des réponses à des parents désespérés

  3. lucy

    @Silex … il y a dans le vivant l’intelligence même de la mort et cela circule plus vite que la vitesse de la lumière.
    composition du silex : ???

    l’auteur du post qui sait faire parler les morts n’avait pas lu votre commentaire au moment où il le postait.
    C’est chaud donc.
    Merci.

  4. Loïc Le Ribaut

    L’expert : (du vécu)

    Un matin (il y a longtemps) j’allais à mon garage prendre mon véhicule pour me rendre à mon travail.
    L’action se passe dans une résidence flambant neuve dont les travaux d’aménagement des « extérieurs » ne sont pas terminés.
    J’arrive à mon garage. La meilleure place juste en face de l’entrée principale. Donc pas de manoeuvre hasardeuse à faire. Une chance. J’éviterai ainsi les éraflures inévitables dans ce genre d’endroit.

    J’ouvre la porte basculante, heureux de prendre mon petit bijou à quatre roues que je venais d’acquérir. Une pièce spéciale en plus.
    Vlan ! La barre transversale d’axe du portail tombe en plein en travers du capot, laissant deux traces symétriques de part et d’autre dudit capot.
    Tout laissait supposer que l’objet ayant percuté le véhicule ne pouvait venir que d’en haut.
    Eh bien, lorsque l’expert des assurances du bailleur de cette « excellente » résidence a expertisé mon véhicule il n’a pas validé la « vérité ». A savoir que la porte (montée à la va-vite sans doute par des ouvriers speedés) était tombée sur le capot.
    Résultat ; c’est moi qui mentais. Et de surcroît faisais une tentative d’escorquerie à l’assurance.
    La suite se passe de commentaires…
    Alors, depuis, j’ai une légère « appréhension » lorsque j’entends le mot « expert »…
    J’étais très jeune à l’époque mais cet épisode m’a profondément marqué.
    En fait « l’expert » était sans doute « asteint » à ne pas reconnaître le « tort » de la société qui avait construit l’édifice.
    Imaginez la même porte de garage tombant sur la tête d’un enfant de trois ans…
    Bref… je me suis trouvé un bon vieux carrossier à l’ancienne que j’ai payé avec mes sous.
    Il aurait fallu engager un contre-expert le jeu en valait-il la chandelle?
    Mais cet épisode m’a fait « méditer » depuis sur le mot E X P E R T.
    (excellent perturbateur de preuves et résultats tangibles).
    Alors, il peut en être de l’ADN comme de l’épisode du capot.
    Au plus elle s’insinue vers l’infiniment petit, au plus l’âme humaine à de possibilités de déployer l’éventail de ses turpitudes à des hauteurs vertitineuses et illimitées.
    Loïc Le Ribaut

  5. titi

    Mimile :
    Quel est d’après vous la valeur de la liberté, liée au fichage ADN, pour les centaines de condamnés, parfois dans le couloir de la mort aux USA, qui grâce à ces nouvelles techniques ont vu leurs innocences reconnues et ont donc échappé au pire ?
    Le glissement entre l’efficacité de retrouver au plus vite et plus précisément la réalité et ainsi d’approcher la vérité en écartant le plus « des erreurs possibles » et « les atteintes aux libertés » , ne peuvent s’apprécier vraiment que par ceux qui sont innocentés ,par les personnels qui travaillent plus précisément ,par les familles dans l’attente de la vérité et par finalement tous, car ces techniques si elles sont onéreuses réduisent souvent le temps de l’enquête donc son cout global pour tous
    Si des approches plus fines ,plus rigoureuses pour éviter de polluer (scotch Giraud) vont se mettre en place petit à petit, car les erreurs reconnues d’hier vont servir à les éviter, je crois que ces nouvelles analyses qui vont progresser ,seront de la même banalité que les empreintes digitales demain

  6. Mimile

    Bonjour à tous,

    Juste un petit mot pour mettre en exergue ce qui a déjà été évoqué par d’autres et qui me semble le plus important, car dépassant le simple cadre des test ADN.

    Je ne pense pas que ces exemples appellent à une remise en question de l’efficacité du typage d’un ADN pour identifier un individu mais il est tout à fait révélateur que cette question « pollue » le débat. En fait, il s’agit plus d’un problème plus général lié aux limites de compétences d’un expert. Mais le fait qu’il s’agisse d’une technologie innovante brouille les pistes en accaparant l’attention.

    En effet, dans les 2 premiers cas, l’origine de l’erreur est très simple à comprendre et ne nécessite AUCUNE compétence en génie génétique, comme le montre très bien les commentaires précédents (de plus, ces 2 situations ne remettent pas en cause l’efficacité des tests). Tout le problème vient de l’application.
    Les scientifiques travaillent pour la société mais la transposition de leurs découvertes hors du laboratoire nécessite un travail et une réflexion qui ne peuvent, par définition, être le fruit exclusif des scientifiques. D’une manière générale, on prête souvent plus de compétences à l’expert qu’il n’en revendique et on se défausse d’une partie de la réflexion sous prétexte qu’on est un peu trop près du domaine de l’expert (cf. Isabelle Stenger « Science et Pouvoir »).

    Dans le cas précis, la compétence de l’expert se limitait à dire si le cheveux appartenait (à 98% de chances pour prendre les précautions d’usage) AU MARI. En aucun cas l’expert n’est habilité à se prononcer sur le fait que ce cheveux appartienne ou non A L’ASSASSIN. L’utilisation d’une technologie complexe a occulté ce simple fait mais la même erreur aurait pu avoir lieu avec une empreinte digitale.

    Si j’ai pris le temps de rédiger ce commentaire (un peu redondant avec les précédents), c’est que j’aimerai souligner que ce problème ne se rencontre pas uniquement dans les tribunaux. Je vais prendre un exemple.
    Imaginons du colza OGM développé pour produire des médicaments contre la mucoviscidose (ce type d’OGM existe actuellement). Doit-on ou non le planter en plein champ pour produire lesdits médicaments?

    Et bien, il est normal et nécessaire de demander aux scientifiques de calculer les risques liés à une telle implantation (R) ainsi que les gains que cela apporterait (G). Cependant, ces 2 informations ne peuvent, à elles seules, répondre à la question car la question est en fait « La société souhaite-t-elle courir le risque R pour le gain G? » c’est à dire dans notre exemple « est on prêt à risquer un dissémination et d’éventuelles conséquences néfastes pour fabriquer des médicaments contre la mucoviscidose? » et l’on voit bien que cette question N’EST PAS UNE QUESTION SCIENTIFIQUE. Il serait dangereux que les scientifiques y répondent (et aucun d’eux ne le souhaite). C’est aux citoyens d’y répondre.

    Ce type de « glissement » entre les compétences effectives et revendiquées d’un expert et ce que ses interlocuteurs considèrent comme ses compétences est très fréquents et, malheureusement pas toujours innocent. Méfiez-vous des politiques qui s’appuient trop sur la certitude scientifique (souvent d’ailleurs tellement mal comprise que la forme vulgarisée est tout bonnement scientifiquement fausse). Comme le montre l’exemple cité, la question « sociétale » dépasse largement (par définition) la question scientifique. Il n’est pas possible de faire l’économie d’une réflexion citoyenne. Même si leur savoir est crucial, les scientifiques ne peuvent pas avoir le dernier mot.

    Mimile, biologiste (vous n’auriez pas parier ça n’est-ce pas? 😉 )

  7. G.Moréas

    @ Christina Bianca Troncia
    Je suis d’accord avec Nicolas pour penser qu’on a fait le maximum. Mais d’expérience, je sais qu’un crime sur la voie publique, et de plus sur une personnalité, cela ne favorise guère la quiétude dont les enquêteurs ont besoin lors des premières constatations. Il faut aussi se rappeler qu’avant la création du FNAEG (de mémoire, ce fichier a été créé quelques mois après la mort du préfet Érignac), les prélèvements étaient effectués uniquement dans le but d’une éventuelle comparaison. Donc pour le PA, la première chose était de rechercher des empreintes et la seconde de vérifier, avec les balles et les douilles, s’il s’agissait bien de l’arme du meurtre. Des manipulations multiples… Ce que vous soulignez sur l’affaire de la gendarmerie est intéressant. Les sacs, le papier collant, etc., ont obligatoirement été placés sous scellés. Et des années après, des recherches ADN sont encore possibles. Il est étonnant que les avocats n’aient pas soulevé cette question !

  8. Tyson

    TZ : « Et QUID de l’utilisation d’éléments d’une autre personne pour commettre ses forfaits, protégé par des gants/lunettes/bonnet/etc… Il serait alors facile de faire accuser quelqu’un d’autre »

    Zarbi.J’ai dit à peu près la même chose (mais sous un autre pseudo à connotation blonde)et je me suis fait ramasser.
    Nous serions donc plusieurs à trop regarder la télé (dixit)….

  9. TZ

    Et QUID de l’utilisation d’éléments d’une autre personne pour commettre ses forfaits, protégé par des gants/lunettes/bonnet/etc… Il serait alors facile de faire accuser quelqu’un d’autre.

    Il y a une très bonne nouvelle de Philip K. Dick à ce sujet. L’ADN n’est pas forcément une preuve définitive.

  10. Nicolas

    @ Christina Bianca Troncia

    Vous affirmez que les tests ADN que vous appelez de vos vœux n’ont pas été réalisés. Qu’en savez vous ? Il paraît très improbable que l’arme du crime n’ait pas été passée au peigne fin. Mais son analyse n’a peut-être abouti à aucun résultat. Tout simplement.

  11. Julien

    @Marie : votre remarque est tout à fait pertinente. Mon propos n’est pas de dire qu’il faut prendre la parole des experts pour argent comptant mais bien qu’il est parfois difficile, voire impossible, de se forger un avis clair dans le temps limité que peut impliquer le processus judiciaire (je vous accorde que cela mérite d’être précisé puisque mon commentaire n’est pas assez explicite). À ce titre, je me demande si les outils complexes peuvent être considérés satisfaisants s’ils s’accompagnent d’un besoin d’expertise trop important. Je ne crois pas qu’il soit toujours possible pour le magistrat ou le policier de faire la part des choses entre les avis contradictoires des experts. A fortiori quand ceux-ci sont de mauvaise foi.

  12. CHRISTINA BIANCA TRONCIA

    Très intéressant cet article sur l’AdN ! Tombe à point nommé et m’inspire la réflexion suivante : pourquoi pas de test ADN dans l’affaire Colonna/Erignac et notamment pour ce qui concerne l’assaut de la gendarmerie où l’on parle fortement (bien que détail négligé) de sacs de jute sentant fortement la salaison et d’un scotch ayant servi à nouer ces fameux sacs sur lequel une empreinte a été trouvée ?!!! Pourquoi pas de tests ADN opérés sur l’arme trouvée apparemment par terre près du corps du préfêt Erignac ?!!! Peut-on notamment et également pratiquer à des tests ADN sur des balles qui ont traversé ou qui se sont implantées dans un corps ?!!! Dans l’affirmative, pourquoi ces tests n’ont-ils pas été effectué ?!!! Votre réponse m’intéresserait au plus haut point ! Bien cordialement, Georges !

  13. G.Moréas

    @ Guffle

    Merci beaucoup. Une belle boulette… Colin Masters n’aurait pas été content… J’ai corrigé.

  14. Alexko

    Je sais pas pour vous, mais je trouve absolument normal de retrouver un cheveu d’un homme sur le corps de sa femme. Le mariage implique en général une certaine proximité physique, meurtre ou pas, non ?

    C’est un peu léger pour envoyer un homme en prison (a fortiori si le cheveu n’est même pas le sien, mais bon).

  15. Pilou

    Dans le 2 ème cas, les avocats n’ont pas fait leur travail.

    Une marge d’erreur de 2% c’est faible?

    Ca veut dire que sur 100 personnes croisés dans la rue, 2 peuvent être « coupable », donc sur 1000, 20, sur 10.000, 200 etc etc …

    sur 60.000.000 de personnes, ça fait quand même 1.200.000 personnes potentiellement coupable.

    Il suffit de savoir compter pour savoir que 2% c’est énorme comme marge d’erreur.

  16. Philippe

    Bonjour,

    je rejoins les avis énonçant que plus que la technique le problème est plus l’interprétation et l’analyse qui sont faites des résultats.

    Sinon je voulais juste amener une précision concernant la première phrase qui n’est pas exacte:

    « Le fichier génétique renferme ce qu’on a de plus secret : nos gènes. »

    Le fichier génétique ne contient pas nos gènes. Notamment (si l’on omet évidemment le coté éthique et protection de la vie privée) car séquencer un gènome et donc l’ensemble de ses gènes est un processus à la fois long, complexe et très couteux.
    Le fichier génétique contient, si ma mémoire est bonne, notre profil pour 13 marqueurs donnés dans notre génome. Ces marqueurs se trouvent justement dans la très grande partie non codante de notre génome et ne se trouvent donc pas dans ces gènes. Un des avantages est que ces régions sont bien plus variables que les gènes en eux même (dont la séquence est plus conservée afin d’en garder la fonction) ce qui permet d’avoir plus de variabilité entre individus d’une même population et donc d’avoir un profil qui a plus de chance d’être un unique.

    Voilà, c’était juste une précision concernant la notion d’empreinte génétique.

  17. Guffle

    « Et, détail amusant, l’homme et le chimpanzé ont 98,5 % d’Adn non codant en commun*. »
    Erreur: vous vouliez sûrement dire que l’homme et le chimpanzé ont 98,5 % d’ADN *codant* en commun*.

  18. Bolzano

    La vraie question qui nous intéresse en tant que citoyens est celle de Silex: les vendeurs de tests ADN ont intérêt à affirmer un taux de certitude, on nous a fait le même coup il y a plus d’un siècle avec les empreintes digitales.

    J’ai laissé mon ADN sur de nombreuses brosses à dent d’hôtels, de trains ou d’avions, j’ai laissé des cheveux dans de nombreuses voitures, taxis, sièges de train, de métro, de bus… Il me reste à espérer que ne soit pas commis de crime à ces endroits.

    La recherche du crime parfait ou la dissimulation restant une possibilité, les criminels peuvent aussi se fournir en traces ADN à laisser sur les lieux pour brouiller les pistes; le principal inconvénient de l’ADN comme tout ce qui est biométrique, c’est la non-répudiation: si mon mot de passe a été usurpé, j’en change, mais si mon ADN a été piraté et revendu comme des papiers d’identité, je fais quoi?

    Comme en sécurité informatique, la faille essentielle est entre le clavier et la chaise, et en matière d’expertise judiciaire, elle est bien entre l’instrument d’analyse et le tribunal.

    En matière de formation de jurés, est-on bien sûr que tous comprennent parfaitement la distinction entre « ce cheveu est celui de M. Chose à 98% » et « M. Chose est criminel à 98% »?
    Parce que des cheveux qui m’appartiennent il y en a partout, des crimes à m’imputer pas autant à ma connaissance!

  19. aladn

    Applicable dans une société idéale et non corrompue… Mais y-aura-t-il de quotas de résolution d’affaires grâce aux empreintes génétiques ADN ou autre ? ;o)

  20. Silex

    Docteur en criminalistique, en charge d’un service de police judiciaire, je juge les commentaires de vos lecteurs plus rationnels que l’article lui-même.
    Merci, entre autres, à Max, Furet et Any (à tempérer tout de même quant aux populations d’intérêt dans l’enquête…).

    Je reste très sceptique sur le commentaire de Moréas, que j’invite à s’intéresser aux taux de vraisemblance entre des profils d’individus aléatoirement tirés d’une population en équilibre d’Hardy-Weinberg et des profils génétiques similaires, et pas seulement entre jumeaux univitellins (ex : frère, oncle, père, etc.)…

    Maintenant, ce qui « sauve » l’enquête, ce n’est pas seulement l’indice trace « surdéterminant » (qu’il soit biologique, digitale, voire autre si on se rappelle quelque peu des fondamentaux de police scientifique vite oublié au profit des bases de données pseudo-individualisantes), mais le travail d’enquête qui réduit à un moment donné la population d’intérêt à une poignée de potentiellement « non encore mis hors de cause »…

    Plutôt que de critiquer les policiers, gendarmes voire les magistrats, posez vous la question du conflit d’intérêt entre des experts privés visant l’exclusivité de la trace ADN donc de leurs laboratoires fort chers en vendant leurs capacités de Deus ex machina à des magistrats peu formés à comprendre les fallacies d’interprétation, à l’heur où l’Etat n’investit pas vraiment pour développer l’exploitation des traces et indices de façon fine (PTS de masse oblige…).

  21. Ricardo

    Erreur sur les 90% de notre ADN qui seraient non codées. Il aura fallu écrire non codante (ADN qui ne code pas pour une proteine)

  22. Alekseï

    Je ne comprends pas pourquoi la dernière histoire est utilisée dans cet article. Car si j´ai bien compris, dans cet exemple, l´utilisation de l´ADN a permis d´innocenter un individu. L´ADN a permis de trancher entre deux individus qui se déclaraient coupables. donc je ne vois pas pourquoi cet exemple est utilisé pour suggérer une potentielle confusion venant de la méthode ADN elle-même alors que le détenu innocent n´avait pas été inculpé à cause de son ADN mais de ses aveux…

  23. Marie

    @ Colas, j’ai pris votre nom au lieu de celui de Julien juste après vous (12:27) excusez-moi de mon inadvertance…

  24. Dr Granck

    « Si la probabilité d’avoir un faux positif est 1 chance sur 3 mille milliards (l’empreinte génétique n’est pas le code complet), alors à partir de environ 2 millions de personnes la probabilité d’en avoir deux avec la même empreinte est supérieure à 1/2. »
    Bien que les probabilités soient importantes pour déterminer quelles sont les chances d’avoir fortuitement deux génotypes identiques, en fonction de la fréquence des marqueurs utilisés dans les populations étudiées, il n’en reste pas moins qu’il n’existe pas deux individus sur terre avec exactement le même patrimoine génétique. Même des vrais jumeaux vont montrer des différences. Les techniques actuelles de génotypage sont imparfaites car elles utilisent un sous-ensemble réduit de marqueurs polymorphes. Lorsque l’on déterminera la séquence totale d’un individu dès sa naissance (ce qui n’est qu’une question d’années au vu des technologies déjà disponibles), on aura une empreinte UNIQUE à la surface de la planète pour chaque individu. Le risque d’erreur sera alors « réduit » à l’erreur humaine.
    Celà est-il souhaitable? C’est un autre débat…

  25. Marie

    Le meurtre d’une femme à mis deux gars 6 ans en prison… La police avait l’ADN pour les deux, l’un des deux est coupable selon l’ADN dieu… On garde donc les deux en taule jusqu’à ce que l’un deux avoue (6 ans après !) Question est-ce le bon qui a avoué ou c’est le plus fragile ? Le Dieu ADN nous prouve à mainte reprise qu’il est idolâtré par certains !!!

    @ Colas, les experts sont payé par qui au juste ? (assurance, maladie, handicap, circulation routière, déforestation en Europe pour cause de pluie acide, la cigarette est bonne, les médicaments aussi…

  26. Marie

    Cette histoire de cheveu me reste un peu sur l’estomac.

    Comment peut-on incriminer un homme dont un cheveu se trouve dans un des sacs ? Je ne suis pas une spécialiste, mais enfin, à moins que l’un et l’autre aient été séparés et ne se soient pas revus récemment, il me semble que la probabilité qu’un des cheveux du mari se retrouve sur sa femme, puis accompagne celle-ci dans les sacs est très forte.

    L’erreur sur l’ADN est une chose, mais le raisonnement qui a permis d’emprisonner un homme pendant 18 mois est complètement débile en soi.

    C’est toujours très dérangeant d’apprendre que l’on emprisonne, et parfois condamne, des gens sur des preuves aussi fallacieuses.

  27. sam lebihan

    Notez que la notion d »‘expert » est souvent mal comprise. La Haute autorité de santé, comme du reste la plupart des scientifiques dans le monde, concidère que les « avis d’experts » sont les moins bons: leur niveau de preuve est le plus bas.
    Cette échelle scientifique est l’inverse de ce croient les magistrats!
    Alors on peut ne pas avoir confiance!

  28. Julien

    Bonjour,

    L’un des commentaires (en l’occurrence celui de Furet arboricole) met en cause magistrats, policiers et gendarmes en les accusant, entre autres, de fainéantise. Bien qu’on ne puisse l’exclure, on peut également s’interroger sur la faisabilité de la remise en cause de l’avis de l’expert. D’une part, l’expert a souvent étudié une question (un domaine) durant de longues années et a acquis une connaissance de la question qu’il n’est pas toujours possible de résumer en termes simples. D’autre part, les non experts n’ont pas toujours le temps nécessaire à l’apprentissage de tous les éléments requis pour la compréhension de l’expertise. Par exemple, demandez-moi de choisir entre les différents scenarii d’explosion de l’usine AZF, les experts se renvoient des théories qu’il m’est impossible de vérifier (à moins d’y passer un temps que je n’ai pas). N’est-il pas trop simple de jeter l’anathème sur ces magistrats ou policiers ? L’inconvénient du système des tests ADN n’est-il pas, justement, qu’il repose sur des prérequis trop importants ? En d’autres termes, l’outil parfait ne serait-il pas celui que le plus complet benêt pourrait comprendre et utiliser ? Peut-être ne faut-il pas se contenter des tests ADN tels qu’ils existent aujourd’hui ? Il y a peut-être à rechercher des procédés aussi fiables techniquement mais moins sujet aux erreurs humaines. Je trouve à ce titre que cette note de M. Moréas soulève bien la question.

    Cordialement,

    Julien

  29. Colas

    Il ne suffit pas d’être généticien, il faut aussi un minimum de connaissances en probabilités.

    Notamment le paradoxe des anniversaires.

    Si la probabilité d’avoir un faux positif est 1 chance sur 3 mille milliards (l’empreinte génétique n’est pas le code complet), alors à partir de environ 2 millions de personnes la probabilité d’en avoir deux avec la même empreinte est supérieure à 1/2.

    Sans parler de tous les problèmes déjà évoqués.

    Quand on sera tous dans une base de données ADN, on peut s’attendre à quelques surprises… Pour 60 millions d’individus, la probabilité d’avoir au moins deux empreintes identiques est supérieure à 99,75%

  30. Any

    Merci pour toutes ces informations. Juste une rectification, dans le 3eme exemple, il est écrit « …Bingo ! Eric Machin est innocent… », ce n’est pas Eric mais Marc.

  31. A.Kadmon

    J’ai compris. Alors comme ça Yvan Colonna avait le même t-shirt que l’assassin qui s’appellerait Marcel ?
    Et comme il ne va pas au sèche-linge, si je contrepète bien, qui c’est qui va lécher le Singe ? (;)))
    Quand je pense que sur ce même blog il n’y a pas si longtemps quelqu’un me traîtait presque d’ignare parce que j’émettais la possibilité de ces éventuelles « erreurs » au sujet de l’ADN.
    Il m’a même été dit que je regardais trop les séries-télé…
    Bon, ben. Il nous reste à méditer sur ce nouveau sujet d’actualité.
    Bizarre que pour l’affaire de Colonna on ne parle pas d’ADN. Ou alors si. C’est la première chose qu' »ils » ont trouvé mais bingo ! Ils sont tombés sur quelqu’un d’autre, même que ça n’arrangeait pas les papiers de l’Etat. D’où cafouillage et guégerre des polices pour brouiller les pistes et confondre les experts et les légistes.
    bof ! au point où on en est à se faire des films.

    Et si on remonte un plus loin dans le temps des généalogies on va bien finir par s’apercevoir que finalement, Adam et Eve étaient une seule et même personne.
    C’est un scoop!

  32. Philippe Borsa

    Bonjour,

    je suis généticien des populations : je travaille sur les poissons et les moules, mais les techniques sont rigoureusement les mêmes que pour la génétique humaine.

    Les trois exemples cités ici ne mettent nullement en cause l’ADN comme preuve, mais la façon dont les données génétiques ont été utilisées par des incompétents.

    D’ailleurs, les tests ADN ne sont pas qu’une simple question de technique. Les données qui sont issues de ces tests doivent être analysées dans un cadre conceptuel, qui est celui de l’hérédité et de la génétique des populations.

    Par ailleurs, des protocoles rigoureux doivent être suivis, qui permettent par exemple d’éliminer des erreurs de contamination comme l’exemple 1 mentionné ici. Dans le second exemple, la similarité est insuffisante (à 2% près !) pour conclure à l’identité du suspect. De plus, quand bien même l’identité du suspect serait parfaitement établie, le fait de retrouver un de ses cheveux sur le corps de la femme n’en fait pas nécessairement l’assassin. D’autres éléments de preuve sont nécessaires.

    Enfin, des manipulations sont possibles : par exemple jeter sur la scène du crime le mégot d’un innocent qu’on cherche à faire accuser. Là encore, ce ne sera pas l’ADN prélevé sur le mégot qui sera suffisant pour prouver que le fumeur est bien le criminel.

    Pour finir, le troisième exemple est celui d’un suspect qui de façon incompréhensible avoue un meurtre qu’il n’a pas commis. L’ADN sert à l’innocenter a posteriori est c’est bien une illustration de la puissance de ce type de tests.

    Cordialement

    Philippe

  33. Furet arboricole

    Quand vous dites que  » le risque existe de prendre l’avis d’un expert pour argent comptant, sans chercher à comprendre, sans chercher plus loin  » vous êtes bien en dessous de la vérité, M. Moréas. Magistrats, policiers et gendarmes se satisfont complètement de l’avis de « l’expert » sans penser une seconde à essayer de savoir si une faille existe ni à essayer de reconstruire le raisonnement intellectuel dudit expert. Fainéantise intellectuelle, poids des habitudes, et puis puisque c’est « l’expert » qui l’a dit, et qu’on a sous la main le mis-en-cause, pourquoi s’emm… à aller chercher des noises à l’expertise, hein ?

  34. Dr Granck

    En tant que généticien et spécialiste de ce genre de tests, je tiens à préciser que si les tests sont bien faits, par des gens compétents dans le domaine, le risque d’erreur est proche de zéro. Le seul cas qui pourrait être ambigu serait celui de vrais jumeaux. Dans tous les autres cas, il faut bien comprendre que la signature génétique d’un individu est UNIQUE au monde. Les problèmes décrits ci-dessus impliquent tous -à priori- des erreurs humaines, non des erreurs dues à la méthode de typage. Dernière précision: l’ADN mitochondrial et un marqueur génétique transmis par les femmes uniquement, il est donc tout à fait valide de l’utiliser pour génotyper des individus dont on cherche l’ascendance maternelle. Si l’on cherche l’ascendance paternelle il vaut mieux utiliser le chromosome Y.

  35. G. Moréas

    @ Tom Roud,
    Je crois que les enquêteurs ont demandé une simple comparaison entre deux cheveux – ce qui ne justifie pas l’erreur, et d’expertise, et d’interprétation. Mais si je vous suis bien, ces deux hommes seraient de la même mère, ou grand-mère maternelle, etc.

  36. Rensk

    Il existe aussi la manipulation… Le psoriasis des gens permet très facilement de transporte un «faux» ADN sur le lieu du meurtre… Comment le malade va-t-il pouvoir se défendre si la religion de l’ADN prévaut tout ?

  37. Tom Roud

    Il y a quelque chose qui n’est pas clair dans la deuxième affaire. Si j’ai bien compris, le mari a été inculpé sur son ADN mitochondrial ( http://tomroud.com/2009/03/29/adn-et-culture-scientifique/ ) , qui n’est pas l’ADN des cellules du noyau, mais l’ADN des mitochondries, les usines à énergie de la cellule . Si c’est vrai, c’est terrifiant d’incompétence : l’ADN mitochondrial est un marqueur familial, vous avez le même que vos frères et soeurs, votre maman, votre grand-mère maternelle, etc… Il est hallucinant que personne dans la police n’ait réalisé cela.

  38. Max

    Merci pour ces éclairages… finalement la méthode décrite par tous comme infaillible, ne l’est pas tant que cela…
    Cela n’est pas sans rappeler L’adresse IP et la loi Hadopi… codage, quand tu nous tiens !!!
    Pour en sourire http://www.marceletmoi.fr/codebarre.htm non nous ne sommes pas (que) des codes 😉

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