Les gendarmes de Nantes ne doivent plus utiliser les voitures de service pour regagner leur domicile, car « chacun doit participer aux économies demandées dans le cadre de la réduction des déficits publics ». Alors, pour faire passer la pilule, on a demandé à la société chargée des transports en commun s’ils pouvaient bénéficier de la gratuité pour leurs déplacements. OK, a répondu celle-ci, à condition que les gendarmes interviennent en cas de problème, sur réquisition du chauffeur. Oui mais voilà, certains gendarmes de l’état-major ne sont pas des gens de terrain. Certains ne sont même pas armés. En conséquence, dans une note de service, dont Ouest-France s’est fait l’écho, leur hiérarchie a suggéré aux gendarmes de rentrer chez eux – par deux. Et s’ils ne sont pas armés, « ils peuvent demander l’attribution de bombes lacrymogènes », scrogneugneu !
Gageons qu’ils vont payer leur billet.
Cela rappelle les propos de Ségolène Royal, dans le face-à-face avec Nicolas Sarkozy, où elle proposait, par mesure de sécurité, que les policiers femmes soient raccompagnées chez elle par les policiers hommes. On s’la raconte encore dans les commissariats…
Mais dans les gendarmeries, on rigole moins.
D’après un article paru dans Aujourd’hui en France, et cité sur un forum de gendarmes, une bonne partie du parc automobile d’une compagnie du sud de la France serait hors état de subir un contrôle technique. Dans cette région, en 2009, le budget pour les déplacements, lors des enquêtes de police judiciaire, devrait baisser d’environ 50 % et la moitié des téléphones portables de service pourraient être « confisqués ».
« On nous brade », a murmuré une forte tête.
La ministre de l’Intérieur, sent bien qu’un vent défaitiste souffle sur sa boutique. Alors, de temps en temps, elle lance une petite phrase, pour tenter de regonfler le moral de ses troupes : « Les gendarmes conservent leur statut militaire… Pas question de syndicats dans la gendarmerie… On va créer une passerelle entre les deux corps… Les gendarmes conservent leur logement de fonction… »
Il y a quelques jours, en Corse, elle a déclaré vouloir créer une « task force ». Les patrons de la police et de la gendarmerie ont eu un peu de mal à expliquer de quoi il retournait : une cellule créée pour une mission ponctuelle, et dissoute à la fin de ladite mission. Elle serait composée de policiers et de gendarmes soustraits pour un temps à leurs obligations habituelles… Sans doute un moyen pour faire travailler policiers et gendarmes de conserve… Les chefs de service n’ont pas fini de s’arracher les cheveux !
En principe, depuis le 1er janvier, gendarmerie et police, c’est du pareil au même : même hiérarchie, mêmes missions. La réalité semble différente : on n’a même pas réussi à dégager quelques bureaux pour que le patron de la gendarmerie s’installe place Beauvau.
Alors, où en est-elle cette réforme de la maréchaussée ? Y a-t-il fusion avec la police, absorption ou… rien du tout ? Personne n’y comprend rien, et surtout pas les intéressés.
Le 17 décembre 2008, le Sénat a adopté le projet de loi, avec cependant certaines restrictions, d’ailleurs envisagées sur ce blog (ici) quelques jours auparavant, et semble-t-il acceptées par la ministre de l’Intérieur.
Mais pour l’heure, le seul élément palpable qui sort de cette marmite du diable, c’est la démobilisation – et des coupes sombres dans le budget.
En Belgique, en 1991, la gestion de la gendarmerie a été transférée du ministère de la Défense au ministère de l’Intérieur. On a dit alors de la gendarmerie qu’elle était… démilitarisée. En 2001, elle a été dissoute.
J’ai demandé à un commissaire de la police fédérale belge de nous donner son avis sur cette profonde mutation que son pays a connu. Je donnerai les éléments de son analyse sur ce blog, dans les tout prochains jours.
La semaine dernière, sept parlementaires ont eu la surprise de recevoir par la poste un képi de gendarme. Un cadeau de l’association Gendarmes et citoyens, afin de se rappeler à leur bon souvenir.
Il y a une expression dans la police et dans la gendarmerie : manger son képi. « Bon appétit, Messieurs !… », aurait ajouté Victor Hugo.
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Remerciements à Laurent Opsomer pour sa doc.