Ce 11 avril 2008, les autorités se targuent d’un succès : Les 30 otages du voilier Ponant sont libérés sans aucun dommage. La presse claironne et glorifie l’action de la Marine Nationale et du GIGN, sans tenir compte d’un léger détail : le revirement d’une politique de fermeté (on ne paie pas de rançon) qui date de plus de 30 ans. Et du même coup, on soulève une question : Doit-on appliquer le principe de précaution dans le cas d’une prise d’otages ? Je casque, si ça se passe mal, c’est pas ma faute…
On a l’habitude de dire que les enlèvements avec demande de rançon datent de 1933. C’est l’année où le congrès américain a voté une loi, dite loi Lindbergh – dont le bébé avait été enlevé et tué, malgré le paiement de la rançon – qui vise spécifiquement ces agissements. Ce texte a fait du « kidnapping » un crime fédéral.
Il s’agit donc de la naissance juridique de ce type de criminalité.
En France, le premier enlèvement célèbre « répertorié » est celui de Madeleine Dassault, la femme du constructeur d’avions. Le 22 mai 1964, elle est kidnappée par des bandits masqués et séquestrée dans une maison abandonnée, près de Senlis. La rançon exigée pour sa libération, de 4 millions de francs, n’a pas été versée. Quant à l’auteur principal, Jean-Jacques Casanova, arrêté cinq mois plus tard, il fut condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Il ne s’agissait pas d’un véritable truand, mais d’un looser qui avait exercé la profession d’agent de perception, puis d’huissier à l’hebdomadaire Jour de France, appartenant au groupe Dassault.
Dans les années 70, le nombre d’enlèvements avec demande de rançon se multiplie. Parallèlement, certains malfaiteurs, surpris en flagrant délit de hold-up dans des établissements bancaires, retournent la situation à leur avantage en prenant les clients et les employés en otage. Et l’on assiste à ce paradoxe : Ils sont venus pour piller la banque et ils repartent avec des sommes parfois colossales – versées par la banque. C’est tellement juteux que bientôt les truands pénètrent dans les agences avec cet unique objectif.
Pour mettre un terme à cette nouvelle toquade du grand banditisme, les autorités décident alors de s’opposer par tous les moyens au paiement de la moindre rançon.
Pour prendre un exemple célèbre, lors du rapt du baron Edouard-Jean Empain, les malfaiteurs demandent à négocier avec un représentant du groupe Empain-Schneider. C’est un policier qui tient ce rôle. Il accepte un rendez-vous pour remettre l’argent demandé. La rançon est bidon, mais la fusillade sur l’autoroute du sud bien réelle. Deux policiers sont touchés ; l’un des bandits est tué et un autre blessé. Empain est libéré 48 heures plus tard à la demande du truand arrêté.
Cette politique de fermeté des autorités françaises porta ses fruits. Le nombre d’enlèvements alla decrescendo jusqu’à disparaître – ou presque.
De nos jours, depuis peu, on assiste à un revirement de position. L’exemple vient de haut, puisque le président de la République a lui-même négocié la libération des infirmières bulgares et le rapatriement des membres de l’Arche de Zoé. Ici, il ne s’agit pas de rançon mais « probablement » de compromis plus ou moins politiques. Quant à Ingrid Betancourt, l’otage des Farcs, il semble bien que sous le manteau, les tractations se poursuivent activement…
Or, dès l’abordage du voilier Ponant par des pirates, l’armateur, Jacques Saadé, qu’on dit proche de Nicolas Sarkozy, a tout de suite admis le principe du paiement d’une rançon. (Certains assureurs acceptent d’ailleurs de couvrir ce risque). Cette rançon a été versée avec la « complicité » des autorités françaises. On raconte même que les billets ont transité par un bâtiment de la Marine Nationale avant d’être remis aux ravisseurs par des membres du GIGN.
On arrive donc à une situation nouvelle où le ressortissant français possède une valeur marchande intrinsèque, tant pour certains pays pirates que pour les pirates de certains pays.
C’est flatteur pour notre ego – mais pas sans risques.
Seul le résultat compte, diront certains. Certes !… On ne peut que se réjouir de la libération sans bobo des 30 otages du Ponant. Mais, peut-on dire pour autant qu’il s’agit là d’une réussite ?
Résumons : Après paiement de la rançon, la Marine Nationale et le GIGN (c’est-à-dire des centaines d’hommes avec des moyens colossaux) sont parvenus à arrêter un tiers des preneurs d’otages et à récupérer un tiers de l’argent versé.
Désolé, en police judiciaire on appellerait ça un échec.
J’aime bien vos articles…
C’est bien documenté et vous soulevez des questions essentielles.
Comme Israel qui à l’époque « ne négociaient pas avec les terroristes »,
Je pense qu’il faut que tous les pirates et autres human bomb potentiels aient bien enregistré que seul la mort ou la prison les attendent à la sortie et que d’aucune manière une rançon ne leur sera versée, peut importe les menaces et exécutions…
Même si effectivement, « seul le résultat compte.. », payer des rançons et se plier aux désirs et revendications de ces personnes équivaut à mettre le doigt dans un engrenage et faire passer un message d’encouragement aux terroristes en herbe.
http://www.krinein.com/img_critiques/7435/magie_28_250.gif
Avant tout commentaire, un petit cadeau « magique »…de la part de…
La Fée-perpète 😉 (attention cette baguette est vraiment magique)
Voici mon questionnement sur le sujet du « Ponant » :
Il est bien étrange que l’on n’ait récupéré qu’un tiers de la rançon.
Pensez-vous que cela ait pu être « programmé » ?
Suis-je bête ! Bien sûr que ça devait être prévu.
Pas étonnant puisqu’un tiers également du commando seulement a été arrêté. Donc, les deux tiers qui ne se sont pas fait piquer sont partis avec les deux tiers de la rançon.
Logique.
Qui a payé et combien ?
Que représente le tiers récupéré ?
Combien ont coûté l’expédition et les moyens « colossaux » mis en oeuvre et quelle est leur proportion par rapport à la rançon effectivement payée ?
Combien y avait-il de « parts » disséminées ici ou là pour que la récupération n’ait pas porté sur la totalité ?
Cela fait penser à une « mise en scène » évidemment. Tarantino n’aurait pu imaginer mieux comme scénario.
Ou bien les « pirates » s’en sont-il inspiré ?
« Ne pas faire d’amalgame entre otages politiques et simplement pécunaires » ?
Mais c’est que l’un n’est jamais allé sans l’autre…
Tout n’est que pécuniaire justement.
C’est ça, le nerf de la guerre;)
Et en plus ça rime…%$$$€€€$$$%
La Fée poèt-poèt…
Oui c’es un échec pour le ponant mais je ne suis pas d’accord sur certains points.
– Déja ne pas comparer des situation d’il y a trente ans et maintenant, qui n’ont rien à voir.
– Pas d’amalgame non plus s’il vous plait entre otages politique et simplement pécuniers. Les otages bulgares étaient suivis par la communauté européenne c’est simplement le petit nerveux qui a décidé de tirer la couverture à lui.
Pour le ponant le truc simple, on paye la rançon, et on arrête tout le monde, une fois que les otages ont été libérés. C’est la méthode la plus simple et la plus sur. Pire on aurait pu tomber sur un paiement avec à la suite l’utilisation des otages comme bouclier pour demander plus.
Le problème c’est que malgré les moyens déployés, frégates, hélicoptères, gign, etc… La moitié sont parties alors que tout le secteur est quadrillé avec des moyens exceptionnels. Là-dessus je remettrais plutôt en cause le suivi de la mission.
Bon sinon croisons les doigts le petit nerveux n’est pas intervenus dans une ecole en france comme poutine à Beslan avec les conséquences que nous connaissons.