LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Gendarmerie (Page 11 of 14)

Les officiers de police sont en colère

Et pour marquer le coup, ils demandent leur intégration dans la gendarmerie nationale ! Bon nombre seront demain dans les manifs. Il faut dire que leurs représentants syndicaux sont sortis très fâchés d’une récente réunion au ministère de l’Intérieur. Parmi les sujets à l’ordre du jour, figurait l’ISSP (indemnité de sujétions spéciales police), une prime faite pour compenser les risques et les contraintes du métier de policier. C’était, en 1948, le plat de lentilles offert en échange du renoncement au droit de grève. Après avoir obtenu la promesse d’une parité dans les rémunérations, ils espéraient en effet obtenir les mêmes avantages que les officiers de gendarmerie.

On escadeau-empoisonne_terra-economiicainfo.jpgt loin du compte. Un jeune lieutenant de police, par exemple, pourrait voir sa prime majorée de 18 € par mois, alors que pour être à parité, il lui faudrait cinq fois cette somme. Et les négociations sont biaisées par un système de vases communicants : pour que le lieutenant touche plus, il faut que  le capitaine touche moins. Car la seule chose qui ne bouge pas, c’est le montant de l’enveloppe : 6.6 millions sur trois ans.

Bilan des courses : il manque vingt millions d’euros. Et les promesses ne seront pas tenues.

Les officiers de police sont tellement remontés que le syndicat majoritaire, le SNOP (syndicat national des officiers de police), a tendu la main à son concurrent direct, Synergie-Officiers, pour envisager une action commune. Si la porte est restée fermée du côté de Synergie, les deux syndicats se sont quand même engagés dans le même combat. Et le SNOP a adopté l’idée coup-de-poing lancée par Synergie : les officiers de police demandent leur intégration dans la gendarmerie nationale, afin « de bénéficier d’une carrière valorisante et diversifiée, d’un logement de fonction cédé à titre gratuit pour nécessité de service, d’une solde digne d’un salaire de cadres, d’une ISSP payée comptant… »

Il s’agit synergie.JPGévidemment d’une provocation, mais en filigrane, on sent combien cette aspiration de la gendarmerie dans le giron du ministre de l’Intérieur n’a pour l’instant pas réussi à trouver son régime de croisière. Et plutôt que de faire taire les rivalités, on a même l’impression qu’elle les a exacerbées. L’affaire du pseudo-fichier Roms au sein de l’OCLDI (Office central de lutte contre la délinquance itinérante) en est un exemple. Quelle est la source qui a donné cette information au journal Le Monde, ou plus probablement aux avocats des associations des Roms et de gens du voyage, Françoise Cotta et William Bourdon ? Et certains de penser que la PJ, mécontente de voir un office aux mains des gendarmes, ne serait pas étrangère à cette fuite… Je n’y crois pas une seconde, mais le simple fait que cette rumeur ait circulé montre bien que rien n’est joué entre ces deux grands corps de l’Etat.

En 2007, Nicolas Sarkozy s’était engagé à assurer « une parité globale de traitement et de perspectives de carrière des personnels de la police et de la gendarmerie ». Son discours visait surtout à rassurer les gendarmes. Mais aujourd’hui, ce sont les policiers qui rouscaillent. Il est vrai que les gendarmes n’ont pas de syndicat pour les représenter.

Il est d’ailleurs amusant que les syndicats de police appellent leurs adhérents à devenir militaires de la gendarmerie, ce qui, du coup, leur retirerait  la possibilité d’être syndiqués.

Le fichier ADN financé par les assureurs

On savait les caisses vides, mais on ne s’attendait pas à voir le ministre de l’Intérieur faire la manche. En deux mots, il sollicite les compagnies d’assurance pour assurer le bon fonctionnement de la police technique et scientifique. « Concrètement, cela prendra la forme d’un fonds (…)  Les compagnies ont tout à gagner de leur participation, si l’on identifie les cambrioleurs et que l’on récupère les biens volés, les assureurs n’auront pas à indemniser les victimes et les cambrioleurs seront hors d’état de nuire », a déclaré Brice Hortefeux.

Lors de sa visite mendiant_site_tapahont.gifau laboratoire de Versailles, il aurait même confié qu’il avait demandé aux assureurs une contribution de six millions d’euros sur trois ans.

Et ce ne sont pas des paroles en l’air, puisqu’une disposition en ce sens a été ajoutée à LOPPSI 2, sous la forme d’un article 9 bis.

Cette contribution devait initialement prendre la forme «  d’un fonds de soutien au recueil d’empreintes génétiques et digitales, alimenté par une taxe sur les polices d’assurance habitation, afin de permettre à la police et à la gendarmerie d’élucider davantage de cambriolages ». Mais, quai de Bercy, on s’est dit qu’une taxe, en ce moment… Donc, finalement, l’amendement a été amendé, et il semble que le fonds sera alimenté par les assureurs en fonction du montant des biens volés qui seraient récupérés par les enquêteurs.

Et voila-t-il pas que policiers et gendarmes vont se transformer en chasseurs de primes !

En attendant, le personnel de la police technique et scientifique croule sous des milliers de réquisitions – et la grogne monte. Ici ou là, on dénonce la culture du chiffre et le manque de moyens. D’autant que le budget 2011 serait de douze millions, contre seize en 2010.

Depuis longtemps les compagnies d’assurances lorgnent cette formidable base de données que constitue le fichier national automatisé des empreintes génétiques, lequel comprendrait à ce jour environ 1.5 million de « profils ». Un outil statistique hors du commun. S’agit-il d’un premier pas ? Et les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas en reste. « L’utilisation de l’information sur l’ADN pour les diagnostics et le développement des médicaments a déjà attiré des milliards de dollars de capitaux d’entreprises ou d’autres financements », dit le professeur Colin Masters*.

Personne n’aurait imaginé qu’un jour la police fonctionnerait avec des capitaux privés. Le pas est franchi. Alors, on peut s’interroger. Lorsque les caisses seront plus vides que vides, jusqu’où ira-t-on ?

D’autant qu’il s’agit d’un marché potentiel gigantesque : la bioinformatique – le mariage de l’informatique et de la biologie.

Or, la France est l’un des rares pays, une fois les fiches établies, à ne pas détruire les prélèvements génétiques. Ils peuvent être conservés 40 ans. Cette conservation de l’ensemble de l’ADN, partie codante et non codante, ne présente pourtant aucune réelle utilité pour les enquêtes.

Alors, pour quelle obscure raison le mettre en boîte ?chimpanze_bellesplumesblogscourrierinternational.1287047856.jpg

Avec l’ADN, on joue avec le feu. Ainsi, on a découvert, il y a peu, que la partie non codante que l’on croyait sans intérêt, permet de définir les différences entre les espèces. La bonne nouvelle, c’est qu’elle présenterait moins de similitude avec le chimpanzé que la partie codante.

Sans décoder.

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* Auteur de Notre ADN et nous, aux éditions Vuibert.
Kerviel et le prix du blé a été lu 4 095 fois et a suscité 61 commentaires. Merci à ceux qui ont pris la peine de nous expliquer la méthode du trader, et notamment à « Unbanquier ». Mon billet était évidemment imprécis, car je n’ai aucune connaissance dans ce domaine, mais à présent, je me sens moins nul…

Écoutes et espionnage

La plainte déposée par Le Monde pour violation du secret des sources incite à faire le point sur les  « interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications ». Les zozors, comme on disait dans le temps ! Depuis les fameuses « bretelles » que jadis de mystérieux noctambules des PTTtelephone_site_design-technology.JPG plaçaient sur les câbles des centraux téléphoniques, l’eau a coulé sous les ponts. Aujourd’hui, on obtient tout d’un clic de souris. Et l’écoute d’une conversation téléphonique a souvent moins d’importance que les informations que l’on peut glaner en périphérie : identifications, points de chute, relations, géolocalisation, etc.

Pour 2008, le budget de la justice consacré à ces écoutes était d’environ 33.2 M€ (pour faire un parallèle, celui des analyses génétiques était de 17.5 M€). Soit environ 12% des frais de la justice pénale. Une manne qui alimente les opérateurs et certaines officines habilitées. Un marché juteux. Mais qui devrait bientôt prendre fin avec la mise en service de « la plate-forme nationale des interceptions judiciaires ». Celle-ci permettra aux OPJ et aux agents de la douane judiciaire de surveiller, depuis leur poste de travail, et en temps réel, l’ensemble des communications électroniques (téléphonie fixe et mobile, fax, flux internet, et probablement les images).

Elle devrait voir le jour en 2012, malgré l’avis défavorable de certains conseillers de l’Intérieur. Comme Alain Bauer, qui parle d’une usine à gaz (cité par Sophie Coignard, Le Point). Aujourd’hui, seule fonctionne une mini plate-forme dite STIJ (système de transmission des interceptions judiciaires). Elle permet aux OPJ, depuis leur bureau, de lire les SMS et de prendre connaissance de certaines données connexes (date, heure, numéro, etc.).

Le secret de l’instruction sera paraît-il garanti, pourtant, certains juges sont dubitatifs. Auraient-ils peur que de grandes oreilles indiscrètes se glissent dans leurs dossiers ?

Rappelons que dans le cadre d’une information judiciaire, c’est le juge d’instruction qui accorde l’autorisation de placer une écoute, sous forme d’une commission rogatoire, dite « technique », pour une durée de quatre mois renouvelables. Ensuite, c’est  l’officier de police judiciaire qui gère. Sauf découverte d’une affaire incidente, seuls les éléments qui concernent l’enquête sont retranscrits.

En enquête de flagrance ou en enquête préliminaire, c’est le juge des libertés et de la détention qui donne son feu vert, sur requête du procureur de la République. La durée est de quinze jours renouvelables (délai à vérifier dans Loppsi 2).

Au ministère de l’Intérieur, on n’est pas en reste. Depuis 2007, il existe aussi une plate-forme d’interception (une usine à gaz ?) destinée à prévenir tout acte de terrorisme (loi du 3 janvier 2006). Elle était à l’époque gérée par l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, mais je dois avouer qu’aujourd’hui, je ne sais pas trop comment elle fonctionne.

Les écoutes administratives de sécurité partent tout azimut, mais sont fortement encadrées : demande écrite du ministre de tutelle du service qui sollicite l’écoute et décision écrite et motivée du Premier ministre ou de l’une des deux personnes spécialement déléguées par lui. L’autorisation est accordée pour quatre mois et les enregistrements doivent être détruits dans les dix jours. Une commission a été créée pour veiller au respect des dispositions légales.  Elle est destinataire de la demande  et peut émettre un avis défavorable. Elle a également le pouvoir de contrôler toute interception pour en vérifier la légalité.

Ces écoutes, dites administratives, sont secrètes, et leur divulgation tombe sous le coup de la loi. Elles ne peuvent être utilisées dans une procédure judiciaire, raison pour laquelle on trouve parfois cette formule laconique en préliminaire d’une enquête : Selon un informateur anonyme…

Cette réglementation sur les interceptions télécoms est-elle respectée ? Ce n’est pas à moi de le dire, mais il semble bien qu’il y ait des ratés. Ainsi, dans l’affaire de Tarnac, la Cour d’appel doit très prochainement se prononcer sur la légalité des interceptions effectuées sur le réseau internet de l’épicerie de la commune, où certains des suspects travaillaient, car l’écoute a été effectuée sans l’autorisation du juge des libertés et de la détention, alors que les policiers agissaient en enquête préliminaire.

De même pour un système de vidéosurveillance mis en place au domicile parisien de Julien Coupat. D’après Me Thierry Lévy et Jérémie Assous, seul un juge d’instruction aurait pu décider de cette surveillance technique. Or il n’a été saisi que trois mois plus tard.

Dans l’affaire du Monde, après s’être emberlificoté dans des réponses vaseuses, le patron de la DCRI a sorti de sa manche l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 (JO du 13), lequel vise la surveillance et le contrôle des communications radioélectriques. Une mission séculaire de la DST et de la DGSE qui n’a rien à voir avec les téléphones portables. Donc, mauvaise pioche, car il n’a réussi, semble-t-il, qu’à dévoiler une ficelle de la maison. D’ailleurs, aussitôt dit, Le Canard a mis ses pieds palmés dans la mare : les policiers utilisent ce procédé pour requérir les opérateurs télécoms « hors de tout contrôle », écrit en résumé l’hebdomadaire.

Le titre de ce billet est celui d’un livre que j’avais publié en 1990, et qui avait eu un certain retentissement dans les médias (et qui m’avait valu quelques désagréments). J’y dénonçais l’absence d’encadrement juridique des écoutes. Certains députés de l’opposition (la majorité actuelle) s’en étaient d’ailleurs inspirés pour exiger une loi. Celle justement de 1991.

Sous le pont Mirabeau coule la Seine…

Ce livre est obsolète, c’est un peu comme si l’on comparaît le Minitel à un iPad, mais je ne peux m’empêcher de citer un extrait du « bêtisier des écoutes » :

1970 – René Pleven, garde des Sceaux : « … L’écoute téléphonique ne doit être utilisée que pour protéger la sécurité de l’État ou l’intérêt public… Actuellement, la véritable garantie réside dans la conscience des ministres qui disposent en pratique du moyen de recevoir des écoutes… »
1973 – Albin Chalandon, futur ministre de la justice : « … Inadmissible (que les écoutes) soient utilisées comme cela en France, pour espionner systématiquement ceux qui sont d’une façon ou d’une autre mêlés à la vie publique, amis ou ennemis du pouvoir. »
1974 – Valéry Giscard d’Estaing, nouveau président de la République : « Il faut supprimer les écoutes… si elles existent. »
1974 – Raymond Marcellin, ancien ministre de l’Intérieur : « Les écoutes sont une corvée nécessaire que le gouvernement va essayer de refiler aux magistrats. »
1977 – Michel Poniatowski, ministre de l’Intérieur : « … Il n’y a plus d’écoutes d’hommes politiques, de journalistes et de syndicalistes. Les seules écoutes sont celles relevant de la criminalité, et particulièrement des affaires de drogue… »
1981 – Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur : « Il faut en finir pour toujours avec les écoutes. »
1982 – Pierre Mauroy, Premier ministre : « … C’est un hommage au gouvernement d’avoir supprimé les écoutes téléphoniques… »
1986 – Jacques Chirac, Premier ministre, s’engage à : « … Limiter les écoutes téléphoniques à celles qui sont décidées par l’autorité judiciaire ou exigées par la sécurité de l’Etat. »le-flic-solitaire_dessin-de-savaro_collection-personnelle.1285401743.jpg
1986 – Jacques Toubon, député, à l’Assemblée nationale : « … Quand j’entends ricaner sur les bancs socialistes lorsque le Premier ministre annonce que nous allons supprimer l’essentiel des écoutes téléphoniques […] Nous voulons faire ce que vous n’avez pas fait. Le courage que vous n’avez pas eu, nous l’aurons. »

2010 – Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur : Le gouvernenent ne pratique « aucune écoute téléphonique illégale ».

… Les jours s’en vont, je demeure.

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La DCRI en question a été lu 10 197 fois et a suscité 32 commentaires.

Réflexions après l’acquittement du gendarme de Draguignan

« Ce qui me paraît malsain, c’est qu’on autorise les gendarmes à faire usage de leurs armes, et qu’ensuite on leur reproche. On met les gendarmes dans des situations impossibles. Si on ne veut plus que les gendarmes fassent usage de leur arme, il faut avoir le courage politique de modifier le cadre légal et d’aligner leur statut sur celui des policiers. »

Après ces propos, lors de son réquisitoire devant la Cour d’assises, l’avocat général Philippe Guémas a estimé que le maréchal de logis-chef Christophe Monchal avait agi dans « le cadre légal » et « conformément à ce qu’on lui a enseigné ».

Ce qui n’est pas l’avis de son confrère, le procureur Christian Girard, qui estime, lui, que le gendarme ne se trouvait pas dans « la situation d’absolue nécessité d’ouvrir le feu ».

Le jury a tranché, mais les interrogations demeurent.
En 2009, lors du débat qui a précédé le vote de la loi qui redéfinit le statut de la gendarmerie nationale, les élus se sont penchés sur le « droit exorbitant d’usage des armes des gendarmes par rapport aux policiers » : Fallait-il maintenir cette particularité, la supprimer, ou au contraire l’étendre à l’ensemble des forces de l’ordre ? Finalement, les choses sont restées en l’état. Dans l’utilisation des armes, c’est donc toujours l’article L-2338-3 du Code de la défense qui s’applique aux gendarmes, et le Code pénal aux policiers. Cette prérogative militaire a d’ailleurs été jugée conforme à l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, sous réserve, a dit la Cour de cassation, que l’usage de la force soit absolument nécessaire au regard des circonstances. À noter que cet article prévoit plusieurs hypothèses, dont « l’évasion d’une personne régulièrement détenue ».

Le problème n’a d’ailleurs pas échappé au député Franck Marlin puisqu’il a posé la question au ministre de l’Intérieur – mais dans l’autre sens – en lui demandant s’il entendait aligner l’emploi des armes dans la police sur celui de la gendarmerie.

C’était au mois d’août 2009. La réponse a un peu traîné. Elle date du 13 juillet 2010. Brice Hortefeux rappelle à « l’honorable parlementaire » les cas où les gendarmes peuvent déployer la force armée :

1° Lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu’ils sont menacés par des individus armés ;
2° Lorsqu’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu’elle ne puisse être vaincue que par la force des armes ;
3° Lorsque les personnes invitées à s’arrêter par des appels répétés de « Halte Gendarmerie » faits à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s’arrêter que par l’usage des armes ;
4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt.

Il justifie la différence entre les deux corps par les risques que feraient encourir l’usage des armes en zone police, c’est-à-dire en milieu urbain, et également par le statut militaire de la gendarmerie nationale et la nature des missions susceptibles de lui être confiées. Toutefois, il ajoute qu’un décret est à l’étude pour uniformiser les conditions d’emploi des armes dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre, mettant au diapason policiers et gendarmes ; et même les forces armées.

Qu’entend-on par maintien de l’ordre ? Réprimer une manif ? On n’ose imaginer une troupe hétérogène composée de policiers, de gendarmes et de soldats ouvrant le feu place de la République !

Soyons sérieux. Le jugement de Draguignan pose une autre question : la place de la victime dans un procès d’assises.

En effet, la loi du 15 juin 2000 a donné à l’accusé le droit de faire appel d’une décision de condamnation. Puis une nouvelle loi, du 4 mars 2002, a autorisé le procureur général à faire appel d’une décision d’acquittement. En vertu du principe de « l’égalité des armes ». Mais dans un cas comme celui-ci, où l’accusé a agi au nom de la société et où le procureur (qui représente la société) n’a demandé aucune peine contre lui, que peut-il se passer – alors que la victime ne peut faire appel que de ses intérêts civils ?

Ce gouvernement se vante de protéger les victimes, mais quid quand la victime est un gitan multirécidiviste ?

Décidément, dans ce procès, atypique, on a l’impression qu’il y a rupture d’équilibre.

Le gendarme est donc blanchi, mais au plus profond de lui, il doit bien savoir qu’il n’y a aucune gloire à vider la moitié de son chargeur sur un homme qui s’enfuit…

Comme il n’y avait aucune gloire pour l’antigang à fusiller Mesrine au volant de sa voiture, et encore moins à se réjouir de sa mort. Même s’il s’agissait de la pire des crapules.

Dans ma carrière, j’ai vu parfois des policiers se vanter d’avoir « flingué un truand ». Je me souviens d’une affaire de prise d’otages ou la BRI de Paris et l’Office du banditisme se disputaient la mort de deux braqueurs. Il a fallu attendre l’autopsie pour les départager. Parfois, je me demande comment ils vieillissent, ces flics d’un autre âge… Comment on vieillit.

Dans une étude qui date d’une douzaine d’années, le capitaine de police Frédérick Bertaux, auteur d’un mémoire universitaire de criminologie sur le stress et l’usage des armes dans la police, écrit : « Tuer ou blesser quelqu’un est ce qui peut arriver de pire à un policier ». Je dirais que policier ou pas, cela ne change rien. Tuer un homme est la pire des choses, du moins pour un homme normal. Et cela laisse des traces. Même les soldats sont parfois victimes de ce syndrome, comme un flash-back qui revient par intermittence, avec des interrogations sur une décision prise à chaud, en un trait de temps. Et cela, que le tir soit légitime ou pas.

Alors, Christophe Monchal pourra-t-il oublier ?

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Saint-Aignan : le tir du gendarme en question a été lu 28.374 fois et a suscité 181 commentaires.

Saint-Aignan : le tir du gendarme en question

Le gendarme dont le tir a causé la mort d’un jeune Gitan, en juillet dernier, pourrait être mis en examen, d’après les récentes déclarations des magistrats de Blois. On se rappelle que c’est à la suite de cette malheureuse affaire que les gens du voyage avaient mené une action musclée dans le village de Saint-Aignan. Avec une réponse tout aussi musclée de Nicolas Sarkozy, pour aboutir à l’expulsion médiatique de Roms et, in fine, à cette mise à l’index de la France par le Parlement européen.

Mais en dehors du contexte particulier, la question qui revient, lancinante, concerne les situations dans lesquelles les gendarmes peuvent faire usage de leur arme, ceux-ci bénéficiant, depuis 1903, d’un décret organique qui les autorise à ouvrir le feu après les injonctions d’usage.

Ce qui n’est pas le cas des policiers.

Ainsi, au mois de mai 2008, dans les locaux de la brigade de gendarmerie de Draguignan, malgré les menottes, un homme en garde à vue enjambe une fenêtre et s’enfuit.  Le gendarme chargé de sa surveillance ne cherche pas à le suivre. Il dégaine et, depuis la fenêtre, tire à sept reprises. Le fugitif écope de trois projectiles et meurt dans les minutes qui suivent.
Une information judiciaire est ouverte. Le gendarme est mis en examen, écroué, puis libéré quelques jours après. Au mois d’août 2009, le procureur estime finalement qu’il « n’a fait qu’appliquer le texte de la gendarmerie ».
Et trois mois plus tard, la juge d’instruction rend une ordonnance de non-lieu.
La famille fait appel. Au mois de décembre 2009, la Chambre d’instruction de la Cour d’appel infirme la décision de non-lieu en faisant valoir l’absence de l’« état de nécessité ». Autrement dit, le tir n’avait d’autre but que d’arrêter un fuyard. Le gendarme est renvoyé devant la Cour d’assises.

Au fil des ans, la Cour de cassation a ainsi restreint la possibilité pour les gendarmes d’utiliser leur arme. Passant outre la circulaire du siècle passé, elle exige désormais que la force ne soit utilisée qu’en tout dernier recours. Et, à présent que les gendarmes sont sous la  tutelle du ministre de l’Intérieur, ce qui d’une certaine manière « institutionnalise » la mission civile de ces militaires, il est probable que l’on assiste dans un futur proche à l’harmonisation entre les deux corps. À moins que l’on ne renverse la vapeur, et qu’on affranchisse policiers et gendarmes de l’obligation de légitime défense…

Comme aux années sombres de notre histoire.

Quant aux policiers, ils n’ont le droit d’utiliser leur arme que pour se défendre ou défendre quelqu’un d’autre, et en aucun cas pour stopper la fuite d’un suspect. Face au droit pénal, ils sont dans la même situation que n’importe quel citoyen, à part évidemment qu’ils portent une arme sur eux. Oui, mais s’ils font les sommations ? Le « Bouge pas, police ! » que l’on crie souvent lors d’une arrestation est un peu le han du bûcheron. Si l’on veut pinailler, on peut même se demander si les sommations n’iraient pas à l’encontre de l’article 122-5 du Code pénal qui exige que le geste de défense se fasse « dans le même temps » que la menace. Or, si le policier, par exemple, a le temps de tirer en l’air pour intimider son agresseur, on ne peut plus parler d’une riposte dans le temps de l’action. On pourrait alors soutenir que son tir est un acte réfléchi. Mais il s’agit là de chicaneries.

En revanche, il est généralement admis qu’un policier puisse ouvrir le feu sur un véhicule, afin de le stopper, à condition que le conducteur dudit véhicule mette en danger une vie humaine, par exemple en fonçant sur le fonctionnaire ou l’un de ses collègues. La voiture est alors assimilée à une arme par intention.

D’ailleurs, dans cette affaire de Saint-Aignan, où un jeune homme a trouvé la mort, toute la question est de savoir si le véhicule fonçait sur les gendarmes, comme le dit M. Hortefeux, ou pas. Un tir latéral peut légalement se justifier pour sauver un collègue qui risquait d’être écrasé… On ne peut que regretter l’absence d’une reconstitution à chaud, le meilleur moyen d’y voir clair et de lever les doutes.

Pour le policier ou le gendarme, l’usage de l’arme est une décision vitale. Il peut tout aussi bien sauver une vie, peut-être la sienne, avoir une médaille, ou se retrouver devant un juge. Tout ça en un trait de temps. Pas facile. Et s’il s’est trompé, c’est lui qui trinque, et pas son patron ou son ministre.

Cela dit, il n’y a pas de honte à laisser échapper un suspect… Tous les policiers de terrain ont connu cette situation. Je me souviens d’un dangereux braqueur de banques que nous avions fini par loger chez sa maîtresse. On se pointe au petit matin et le temps de s’affranchir de la porte, le lascar avait enfilé un pantalon et filé par la fenêtre. Je me penche et, dans la pénombre, je l’aperçois accroché à la gouttière, trois étages en-dessous. Je me maudis de n’avoir pas jugé bon de laisser une chandelle en bas de l’immeuble… Il ne restait plus qu’à lui coller au train. Je vois très bien la scène : Le flic empoigne la gouttière à la volée et se laisse à son tour glisser vers le trottoir. Bien avant de toucher le sol, il saute, souplement. Hélas, le fugitif a pris de l’avance. C’est la course-poursuite, à pied, l’arme à la main. Le bandit se retourne, il tire à plusieurs reprises. Le héros s’aplatit derrière une voiture. Le pare-brise explose. Il vise, mais à ce moment précis, une benne à ordures débouche au coin de la rue et vient faire écran. « Couchez-vous ! » hurle le flic en exhibant sa plaque…

Oui, oui, une scène magnifique !

J’aurais bien aimé vous la raconter… Mais six étages le long de la gouttière, par une froide journée d’hiver, à six heures du matin… Non, merci.

On est allés boire un café. Et l’on a récupéré notre client quelques jours plus tard. En douceur.

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Garde à vue : un pétard place Beauvau a été lu 16 744 fois et a suscité 120 commentaires. Il est amusant de lire dans la presse les réactions des uns et des autres. Finalement, tout le monde est mécontent. Pour une fois qu’il y a consensus…

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Prochain billet dans une semaine… 

Garde à vue : un pétard place Beauvau

« J’avais indiqué qu’il y avait trop de gardes à vue, que les conditions de déroulement de la garde à vue n’étaient pas satisfaisantes, et qu’il n’y avait pas assez de droits pour la défense », déclare Mme Alliot-Marie dans un communiqué de presse, en préambule de son avant-projet de réforme.

En quelques mots, sur le site du ministère , elle donne une vision de la garde à vue de demain. Une véritable révolution dans le travail des policiers et des gendarmes.

Deux mesures phares visent les droits de la défense : le droit de garder le silence et la présence de l’avocat.

Toute personne retenue devra être informée de son droit de garder le silence. On retrouve là une résurgence de la loi de juin 2000 sur la présomption d’innocence, mesure qui, à l’époque, n’avait pas résisté à la pression des syndicats de police. Mais on en était encore à la culture de l’aveu, ce qui est de moins en moins le cas. Et puis, à force de voir des séries américaines, on y est presque habitués.

Quant à l’avocat, sa présence ne se limiterait pas aux auditions mais à toute la période de la GAV, sauf certaines circonstances exceptionnelles (conservation des preuves, protection des personnes…). Dans ce cas, le procureur pourrait différer cette mesure de douze heures.

Je pense qu’à la lecture de ce texte, les policiers et les gendarmes ont dû rester bouche béante. Avant, pour certains, d’exploser de colère. Cela va bien plus loin que leurs pires craintes. À ce jour, la plupart des syndicats se battaient pour ne pas avoir à subir l’avocat durant les auditions, et là, on leur annonce qu’il serait présent tout le temps.

Et les plus mesurés de tenter d’imaginer comment ils pourront effectuer leurs enquêtes en tirant un avocat derrière eux. Et même s’ils sont prêts à s’adapter, à se remettre en cause, là, forcément, ils manquent de repères. En fait, cela ne serait réalisable qu’en remodelant sérieusement le Code de procédure pénale. Alors, avant de réagir brutalement, il faut attendre de savoir ce qui est prévu dans la première partie de la réforme qui vient d’être transmise au Conseil d’Etat. Car, sans un accompagnement juridique bien pensé, cette mesure est inapplicable. Pour mémoire, le Conseil constitutionnel s’était contenté de demander la protection des droits de la défense. Pour ma part, je crois à l’avocat acteur. Il ne faudrait pas qu’il soit un poids mort, pas plus qu’un adversaire pour l’enquêteur.

Il y a d’autres choses dans ce projet. Ainsi, la GAV ne sera envisageable que pour les crimes ou les délits punis de prison (voir l’article du Monde).

Enfin, les enquêteurs pourront entendre un suspect sous le régime de l’audition libre, à partir du moment où celui-ci accepte de rester « volontairement » dans un local de police ou de gendarmerie. Ce qui, a contrario, rend la GAV obligatoire pour les personnes qui ont fait l’objet d’une interpellation.

Là, rien de nouveau, ce dispositif existe déjà, même s’il n’est guère utilisé, tant la GAV est devenue la routine.

Sur les conditions de la GAV, la fouille à corps intégrale ne serait plus autorisée, alors qu’elle est encore aujourd’hui quasi systématique, malgré les notes de service qui rappellent les limites de cette pratique.

Par ailleurs, pas un mot sur les locaux, souvent mal adaptés, ni sur les cellules de GAV, ce qu’on peut regretter. Mais il est vrai qu’avec de telles mesures, le nombre de personnes qui vont fréquenter ces lieux va sérieusement chuter – et du coup, les conditions matérielles seront moins mauvaises.

On imagine le charivari que va provoquer ce projet au moment même où le président de la République a rendossé son costume de premier flic de France…

Ces temps-ci, par ses silences, MAM semble avoir pris ses distances avec ce gouvernement. Comme un autre, peut-être elle aussi y a pensé… En tout cas, l’air de rien, c’est un sacré pétard qu’elle vient de glisser sous le bureau de son collègue de la place Beauvau.

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Uriage, la justice à la peine a été lu  15 160 fois et a suscité  71 commentaires. Pour répondre à certains, je n’ai pas donné d’avis sur la décision du JLD, et de quel droit l’aurais-je fait ? Mais je maintiens que ce n’est pas à ceux dont la mission est de faire respecter l’ordre et la loi, de critiquer publiquement l’ordonnance d’un magistrat, au risque de troubler l’ordre et, d’une certaine manière, de contrevenir à la loi.

Policiers et gendarmes fusionnent hors des frontières

 « En juin dernier, opérant depuis notre plate-forme de Dakar en liaison avec nos partenaires britanniques, nous avons saisi sur une petite île au large de la Gambie plus de deux tonnes de cocaïne entreposées dans une société de pêche appartenant à un Néerlandais et employant des Vénézuéliens. », a déclaré le ministre, Brice Hortefeux*. C’était le 31 août dernier, lors de la 20e rencontre des ASI (attachés de sécurité intérieur).

logo-sctip.JPGJ’en vois qui froncent les sourcils : c’est qui ceux-là ?

Eh bien, les ASI sont les agents qui représentent la police et la gendarmerie auprès de l’ambassadeur du pays où ils sont en poste. Ils ont un statut diplomatique et font partie d’un réseau (unique au monde) de 250 policiers et gendarmes déployés dans 156 pays.

En évoquant cette saisie de drogue, le ministre a mis leur activité en exergue, rappelant que la sécurité commence très au-delà de nos frontières.

À ce jour, les policiers français expatriés étaient gérés par le SCTIP (service de coopération technique international de la police). Depuis trois jours, c’est fini. Et ce n’est pas sans un rien de nostalgie que certains voient disparaître ce service de police un peu particulier, créé, il y a près d’un demi-siècle, alors que la France avait entamé son processus de décolonisation. Il s’agissait à l’époque (du moins officiellement) d’aider les jeunes pays à mettre en place une force de police…
Même s’il y a des zones d’ombre dans son activité passée, comme son rôle près de la Sofremi, son bilan est nettement positif. Ainsi l’année dernière, l’U-E lui a accordé un crédit de plus de onze millions d’euros pour financer des programmes de coopération policière.

Donc policiers et gendarmes en mission à l’étranger dépendent dorénavant d’une seule entité, la DCI (Direction de la coopération internationale). Concrètement, il s’agit de la fusion du SCTIP et de la sous-direction de la coopération internationale de la gendarmerie. Ce nouveau service est dirigé par un policier, Emile Pérez** (un proche d’Alain Bauer), jusqu’ici responsable du emile-perez_revue-planete.JPGSCTIP, avec comme adjoint le général Jean-Pierre Moulinié, qui à ce jour dirigeait la Garde Républicaine. Entre nous, et sans remettre en cause les qualités professionnelles de M. Pérez, je ne suis pas sûr que les gendarmes se réjouissent de cette articulation hiérarchique…

D’autant qu’il n’y a pas si longtemps, le SCPN (syndicat des commissaires de la police nationale) s’étonnait de la disparité dans la classification des fonctionnaires en poste à l’étranger  (décret de 1967). Ainsi, un commissaire de police se retrouvait dans une catégorie inférieure à celle d’un lieutenant de gendarmerie. Avec une incidence très forte sur le montant de l’indemnité de résidence. Ce qui avait d’ailleurs entraîné le désintérêt des commissaires pour les postes d’ASI.

Aujourd’hui, on peut se demander si les gendarmes n’ont pas l’impression de rétropédaler…

Quoique placée sous l’autorité conjointe des directeurs généraux de la police et de la gendarmerie, cette direction opérationnelle va plus loin que la simple mutualisation des moyens. S’agit-il d’un premier pas vers une véritable fusion ? La question doit bouillonner sous les képis, même si les bouches restent cousues.

« La gendarmerie a du plomb dans l’aile », peut-on lire dans la revue de septembre de l’Association gendarmes et citoyens. « Les chefs se taisent par peur des sanctions. Les exécutants s’arc-boutent, attendant des jours meilleurs… »

Pour les jours meilleurs, ils ne sont pas les seuls.

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* On peut lire le discours de M. Hortefeux sur le site du ministère de l’Intérieur.
** La photo d’Emile Pérez vient de la revue du SCTIP, Planète.

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Un flic de l’Intérieur, histoire d’un livre a été lu 1 670 fois et a suscité 5 commentaires. Merci à tous.
A la suite du billet Quelque part une petite école, Zoé Varier est allée visiter l’école de Bobo-Dioulasso. Ce vendredi 3 septembre, à vingt heures, sur France Inter, elle nous donne des nouvelles de l’instituteur, Eric, et de ses élèves.

Le grand banditisme en campagne pré-électorale

Il est important « de donner des moyens à la police et à la justice pour agir contre le grand banditisme », a déclaré Ségolène Royal dans son discours d’ouverture de l’Université d’été du PS. De même, lors des événements de Grenoble, certains policiers ont parlé du grand banditisme les-incorruptibles_serie.jpgdes cités (on a même entendu une comparaison avec le Chicago des années 30) et certains journaux n’ont pas hésité à faire un rapprochement avec le gang des Grenoblois qui, lui, date des années 60.

Époque où dans cette région, le milieu était sous la coupe de Mathieu Mattéi, cousin d’un ministre et responsable régional du SAC. En 1967, pour situer le bonhomme, c’est lui qui avait assuré le service d’ordre de Georges Pompidou, en campagne électorale pour les législatives, lors de son déplacement à Grenoble. Il lui avait même servi de chauffeur. Les « vieux » flics doivent encore se souvenir de l’humiliation de devoir présenter leur carte professionnelle à des gorilles qui assuraient le filtrage, et dont certains étaient fichés au grand banditisme…

On imagine assez mal la voiture de François Fillon conduite par un caïd du quartier de la Villeneuve…

Mattéi a donné dans le trafic d’or, le trafic d’armes, la fausse monnaie…, parfois d’ailleurs avec la bénédiction des services secrets français. Il a organisé au niveau régional la « prostitution en studio » comme un véritable bizness, et il s’est d’ailleurs heurté à Jean Augé, chef du gang des Lyonnais, lorsqu’il a voulu s’imposer dans la prostitution le long de la route nationale 7. Petit litige commercial qui lui a valu deux balles dans le dos, alors qu’il sortait du bar qui lui servait de QG.

Sa succession et celle d’Augé, abattu quelques années plus tard alors qu’il se rendait à son club de tennis, a donné lieu à une guerre des gangs qui a laissé des dizaines de  cadavres sur les trottoirs de Grenoble, Lyon, Marseille, Paris, Antibes, Juan-les-Pins…

Quel rapport entre ces truands de haut vol et le braquage minable du casino d’Uriage-les-Bains pour un butin de quelques dizaines de milliers d’euros ? Avec en fin de scénario une course-poursuite qui finit mal et se termine par la mort de l’un des voyous,  Karim Boudouda.

Un dangereux récidiviste a-t-on dit. Si l’on additionne « bêtement » ses condamnations, on casino d’Uriage-les-Bains_site_joacasino-uriage.JPGarrive même à un total de onze années de prison. Pour un homme de 27 ans, ce n’est pas mal. Et cela met en exergue l’inefficacité de notre système judiciaire pour amender un jeune délinquant, puisqu’il était mineur lors de sa première condamnation.

Mais si Mme Royal faisait allusion à cette affaire en parlant de grand banditisme, elle est victime, comme beaucoup, d’une tendance à la dramatisation qui est de mise aujourd’hui. Que l’on parle du  climat, de la grippe, de la crise financière ou de l’insécurité.

En fait, si l’on veut classifier la délinquance, on peut la partager en trois :

–    La petite délinquance, celle dont on souffre le plus, le vol à la roulotte, l’arrachage, etc. C’est pour lutter contre cette délinquance au quotidien qu’avait été créée la police de proximité, sur l’idée de base de Charles Pasqua : une police au service du public et non réservée exclusivement à la protection de l’Etat. Il s’agissait d’un concept, mais à mon avis, on n’a pas encore réussi à passer de l’idée à la réalisation.

–    La grande criminalité, souvent itinérante, contre laquelle la France est plutôt bien armée. Avec des services spécialisés, du personnel compétent, et surtout des moyens techniques et juridiques hors du commun.

–    La moyenne délinquance, notamment celle des cités. Ce qu’on pourrait appeler le « petit banditisme », car s’il possède des structures et une hiérarchie, comme le « grand », cela se situe au niveau d’une bande ou d’un quartier.

Une réponse avait été apportée en 2002, avec la création des groupes d’intervention régionaux, les GIR. L’idée étant de regrouper sous une même casquette les compétences et les moyens d’action de plusieurs disciplines, pour mieux faire face, tant sur le plan pénal, que fiscal, douanier, et même administratif. Il ne semble pas que le résultat ait été à la hauteur des espérances. Manque de moyens et d’effectifs, sans doute, mais surtout manque d’autonomie des chefs de service. L’un des véritables problèmes de la police d’aujourd’hui.

Et puis, en mélangeant police administrative et police judiciaire, ces unités se sont retrouvées dans une situation ambigüe. Il y a même eu, en 2004, un recours devant le Conseil d’Etat pour atteinte à la séparation des pouvoirs. Sans effet.

Aujourd’hui, les GIR n’ont pas encore trouvé leur voie. Ils n’ont pas vocation à agir seuls, mais en mutualisant les moyens de plusieurs services. Du coup, ils sont parfois à la remorque. Mais il semble bien que la page soit en train de se tourner. «  Le rattachement des GIR à un service de police ou à une unité de gendarmerie est devenu hiérarchique, et non plus simplement administratif »,  a annoncé Brice Hortefeux lors de la réunion des chefs de groupes d’intervention, en avril 2010.

Un premier pas avant d’en faire de gir-93_site_chez-alice.JPGvéritables unités opérationnelles ?

Car pour s’attaquer à ce petit banditisme qui fait les gros titres des journaux, il faut donner aux policiers et aux gendarmes la possibilité d’exercer leur métier sereinement, et non sous la pression des événements. Et en tout cas loin de la politique, et plus près du pouvoir judiciaire.

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Les nouveaux pouvoirs des huissiers a été lu 1 866 fois et a suscité 10 commentaires.

Les Verts et la police (2)

Ce débat des Verts sur la sécurité méritait mieux qu’un billet écrit sur la tablette d’un TGV, entre  Nantes et Paris. J’ai donc tenté de déchiffrer mes notes, non pas pour faire une synthèse, ce qui serait présomptueux, mais juste pour donner un petit coup de projecteur sur ce qui m’a semblé le plus important. Il ne s’agit donc pas d’un compte-rendu fidèle, mais d’un choix, forcément subjectif.bonhomme-vert-berlin-ampelmann_pause-blogstopcom.1282550589.jpg

Un peu de mansuétude, s’il vous plaît, ce n’est pas mon métier. Je ne suis pas journaliste.

On souhaite, m’avait expliqué grosso modo Pierre Januel, le responsable de la Commission justice des Verts, réfléchir à la mise en œuvre d’une politique de sécurité en phase avec nos valeurs.

Je crois qu’à travers ce débat, il y a déjà matière à réflexion…

jacques-de-maillard_photo-perso.1282550194.jpgJacques de Maillard* note l’épuisement du système français, ce qui entraîne une sorte de course en avant. D’un côté les violences et les outrages contre les policiers sont en augmentation constante, de l’autre, pour faire face, on renforce l’armement et les moyens de protection. Un cercle vicieux.  Sur ce point, je le rejoins : la police se coupe de plus en plus de la population.

Pour lui, il faudrait reconsidérer le métier de policier dans sa culture, son organisation… Et réformer le système de recrutement national, qui aboutit à voir des fonctionnaires parfois parachutés dans une région ou une ville qu’ils ne connaissent pas, et qui n’ont qu’une envie : retourner chez eux.

Sur la police de proximité, il note que l’échec antérieur – relatif – est le résultat d’un manque de préparation et de réflexion. Les résultats de la polprox sont encourageants dans plusieurs pays proches de nous, et il ne voit pas pourquoi cela ne fonctionnerait pas en France.

Il s’insurge également contre les indicateurs actuellement utilisés pour évaluer la police : ils sont limités, d’une fiabilité douteuse, et surtout, internes. Il leur manque un élément essentiel : la perception du public.

Enfin, dit-il, le discours guerrier du Président et du Gouvernement se situe dans « une logique de non-dit : la crainte du renouvellement des événements de 2005 ».

Et il conclut en regrettant que l’action de la police ne soit pas incluse dans une véritable réflexion globale.
Je suis là aussi d’accord avec lui : cette politique du coup pour coup, que j’appelle un politique de récré, n’est pas à la hauteur des enjeux d’une société.

michel-marcus_photo-ffsu.jpgMais qui dit sécurité, ne dit pas seulement police ou gendarmerie, mais également justice, reprend Michel Marcus*. La justice a peu à peu été transformée en « appareil policier ». Il est vrai que le parquet n’a jamais été aussi proche de la police. Et il opte pour la création d’un « procureur général » qui aurait autorité sur toutes les personnes qui sont habilitées de par la loi à relever une infraction pénale. Autrement dit à coller le moindre P-V. Et ce haut magistrat ne serait pas sous la coupe du garde des Sceaux, mais n’aurait de comptes à rendre qu’au Parlement. Pour moi, c’est une idée révolutionnaire : la justice proche des élus, donc proche du peuple.

Pour Michel Marcus, il faut commencer par définir la criminalité et la délinquance, et ne pas tout mettre dans le même panier. Sécurité humaine (citant Corinne Lepage), sécurité de l’environnement…, jusqu’à la délinquance financière (applaudissements dans la salle). Comme il a été rapporté dans le billet précédent, il place la médiation au cœur des conflits (se parler plutôt que de se battre) et il souhaiterait que la prévention soit inscrite dans la Constitution, au même titre que le principe de précaution. Rappelant au passage qu’en Allemagne, le rôle premier de la police est de faire de la prévention, et non de la répression.

Il note la montée en puissance des polices municipales et attire l’attention des maires sur les nouvelles compétences qu’ils pourraient récupérer du jour au lendemain, par  la simple volonté du législateur (en donnant de nouveaux pouvoirs à la police municipale, on donne de nouvelles responsabilités aux maires dans un domaine qui n’est pas le leur : le pénal). Il pense également qu’il faut se pencher sur la sécurité privée, dont le champ s’élargit chaque jour.

En conclusion il rappelle qu’en matière de lutte contre l’insécurité, la France a des résultats plutôt moyens au niveau européen. Il souhaite, comme Jacques de Maillard, que la population soit associée à l’évaluation de la police, via par exemple des associations, comme en Grande-Bretagne, et que les enquêtes sur les bavures policières soient publiques.

emilie-therouin_photo-perso.jpgQuant à Emilie Thérouin*, femme de terrain à Amiens, elle est passionnée et intarissable sur le sujet. Et elle sait mettre en harmonie théorie et pratique. A son avis, la police municipale ne doit pas empiéter sur le domaine de la police nationale, mais avoir une action complémentaire, plus proche des gens. « Police nationale et police municipale sont liées par un contrat aux compétences strictement définies, où la police municipale se tourne clairement vers la relation avec le citoyen. »

C’est la médiation au quotidien. Sur son blog, j’ai noté cette phrase qui m’a bien plu : « Il est urgent de redéfinir le rôle et la place de la police dans une politique de sécurité, dans la société, dans la cité.  Dépourvue de doctrine d’emploi, la police a plus que jamais besoin d’une vision… »

Pas mieux !

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* La présentation des personnes citées a été faite dans le billet précédent : Et si le ministre de l’Intérieur était Vert, qui a été lu 17 724 fois et a reçu 41 commentaires.

Et si le ministre de l'Intérieur était Vert…

Ç’aurait pu être un débat surréaliste, cette idée des écolos de plancher sur le thème de la sécurité. Un rien deuxième degré. Et pourtant, non, c’était sérieux, et les gens étaient nombreux dans ce petit amphi de la fac de droit de Nantes. 

bonhomme-vert-berlin-ampelmann_pause-blogstopcom.jpgOn sentait bien qu’il s’agissait d’une approche. Un peu de curiosité sans doute. Déjà que les Verts sont un peu entortillés pour savoir jusqu’où ils peuvent ne pas être de gauche, on pouvait se demander comment ils allaient aborder ce sujet de société.

Je figurais parmi les invités, mais comme je ne peux pas me citer, on va oublier. Disons que j’ai parlé avec mon cœur du désamour de la police.

Jacques de Maillard, enseignant-chercheur en science politique à l’IEP de Grenoble, a dressé un tableau de la police française, pointant certains dysfonctionnements. Son exposé mettait en exergue le conservatisme d’une maison qui n’arrive pas à se remettre en cause. C’est du moins l’impression que j’ai ressentie en l’écoutant. Si l’on compare avec l’évolution récente de la police britannique (l’un de ses thèmes de réflexion) on se dit, pour utiliser un vocabulaire à la mode, qu’on est en retard d’une guerre.

Michel Marcus, qui est magistrat, et délégué général du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU), estime qu’un ministre de l’Intérieur « vert » (mais je pense que ce n’est pas une question de couleur) doit d’abord définir la criminalité et la délinquance. Et se poser la question qui dérange : pourquoi la politique de la ville est un échec depuis trente ans ? Parmi ses propositions (nombreuses) j’en ai noté une, facile à mettre en œuvre : placer la médiation au cœur de notre système, comme le fait la commune de Pierrefitte-sur-Seine. C’est vraiment une idée maîtresse. Car, c’est un paradoxe de notre société, on dépense un fric fou pour communiquer et ce qui manque le plus à notre vie sociale, c’est justement la communication. Ce qu’on pourrait appeler le syndrome de dièse. Vous savez, appuyez sur étoile, sur dièse…

Avec Emilie Thérouin, on passe de la théorie à la pratique. Adjointe au maire d’Amiens, cette écolo est chargée de la « sécurité et de la prévention des risques urbains ». Une ville d’environ 150 000 habitants qui dispose d’une police municipale conséquente. Et pour elle, il y a complémentarité avec la police nationale. Elle souhaite, si j’ai bien compris, que les élus locaux renforcent leurs relations avec les policiers et les gendarmes et qu’ils ne se réfugient plus derrière l’aspect faussement régalien de la sécurité publique. Elle argumente également pour l’élaboration d’une « doctrine écolo de la sécurité ».

Il paraît qu’à Amiens, le vélo est de mise pour les policiers municipaux, je me demande si en 2012, l’antigang fera ses filoches en voitures électriques… 180px-smileysvg.1282493190.png

police-municipale-a-velo_blog_emilie-therouin.1282473277.JPGIl semble que de leur côté, les socialistes travaillent également à un projet sur les problèmes de sécurité. Le sujet n’est donc plus l’apanage du président de la République. Mais entre nous, si la campagne pour les prochaines Présidentielles tourne autour de ce thème, on va s’emmerder.

Ne faudrait-il pas élever un petit peu le débat : jusqu’où veut-on aller dans l’effritement des libertés individuelles pour se sentir en sécurité ?

Pour plus de détails, on peut lire sur ce blog Les Verts et la police. (Le vélo a été volé sur le blog d’Emilie Thérouin.)

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Votre webcam vous surveille a été lu 65 087 fois et a suscité 132 commentaires. Moi, je ne ferai pas de commentaire. Depuis que ce blog existe, j’ai noté deux sujet qui déclenchent des réactions frénétiques : la période de l’Occupation et l’informatique. Donc, deux sujets de réflexion…
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