LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Policiers et gendarmes fusionnent hors des frontières

 « En juin dernier, opérant depuis notre plate-forme de Dakar en liaison avec nos partenaires britanniques, nous avons saisi sur une petite île au large de la Gambie plus de deux tonnes de cocaïne entreposées dans une société de pêche appartenant à un Néerlandais et employant des Vénézuéliens. », a déclaré le ministre, Brice Hortefeux*. C’était le 31 août dernier, lors de la 20e rencontre des ASI (attachés de sécurité intérieur).

logo-sctip.JPGJ’en vois qui froncent les sourcils : c’est qui ceux-là ?

Eh bien, les ASI sont les agents qui représentent la police et la gendarmerie auprès de l’ambassadeur du pays où ils sont en poste. Ils ont un statut diplomatique et font partie d’un réseau (unique au monde) de 250 policiers et gendarmes déployés dans 156 pays.

En évoquant cette saisie de drogue, le ministre a mis leur activité en exergue, rappelant que la sécurité commence très au-delà de nos frontières.

À ce jour, les policiers français expatriés étaient gérés par le SCTIP (service de coopération technique international de la police). Depuis trois jours, c’est fini. Et ce n’est pas sans un rien de nostalgie que certains voient disparaître ce service de police un peu particulier, créé, il y a près d’un demi-siècle, alors que la France avait entamé son processus de décolonisation. Il s’agissait à l’époque (du moins officiellement) d’aider les jeunes pays à mettre en place une force de police…
Même s’il y a des zones d’ombre dans son activité passée, comme son rôle près de la Sofremi, son bilan est nettement positif. Ainsi l’année dernière, l’U-E lui a accordé un crédit de plus de onze millions d’euros pour financer des programmes de coopération policière.

Donc policiers et gendarmes en mission à l’étranger dépendent dorénavant d’une seule entité, la DCI (Direction de la coopération internationale). Concrètement, il s’agit de la fusion du SCTIP et de la sous-direction de la coopération internationale de la gendarmerie. Ce nouveau service est dirigé par un policier, Emile Pérez** (un proche d’Alain Bauer), jusqu’ici responsable du emile-perez_revue-planete.JPGSCTIP, avec comme adjoint le général Jean-Pierre Moulinié, qui à ce jour dirigeait la Garde Républicaine. Entre nous, et sans remettre en cause les qualités professionnelles de M. Pérez, je ne suis pas sûr que les gendarmes se réjouissent de cette articulation hiérarchique…

D’autant qu’il n’y a pas si longtemps, le SCPN (syndicat des commissaires de la police nationale) s’étonnait de la disparité dans la classification des fonctionnaires en poste à l’étranger  (décret de 1967). Ainsi, un commissaire de police se retrouvait dans une catégorie inférieure à celle d’un lieutenant de gendarmerie. Avec une incidence très forte sur le montant de l’indemnité de résidence. Ce qui avait d’ailleurs entraîné le désintérêt des commissaires pour les postes d’ASI.

Aujourd’hui, on peut se demander si les gendarmes n’ont pas l’impression de rétropédaler…

Quoique placée sous l’autorité conjointe des directeurs généraux de la police et de la gendarmerie, cette direction opérationnelle va plus loin que la simple mutualisation des moyens. S’agit-il d’un premier pas vers une véritable fusion ? La question doit bouillonner sous les képis, même si les bouches restent cousues.

« La gendarmerie a du plomb dans l’aile », peut-on lire dans la revue de septembre de l’Association gendarmes et citoyens. « Les chefs se taisent par peur des sanctions. Les exécutants s’arc-boutent, attendant des jours meilleurs… »

Pour les jours meilleurs, ils ne sont pas les seuls.

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* On peut lire le discours de M. Hortefeux sur le site du ministère de l’Intérieur.
** La photo d’Emile Pérez vient de la revue du SCTIP, Planète.

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Un flic de l’Intérieur, histoire d’un livre a été lu 1 670 fois et a suscité 5 commentaires. Merci à tous.
A la suite du billet Quelque part une petite école, Zoé Varier est allée visiter l’école de Bobo-Dioulasso. Ce vendredi 3 septembre, à vingt heures, sur France Inter, elle nous donne des nouvelles de l’instituteur, Eric, et de ses élèves.

13 Comments

  1. moreas.blog.lemonde.fr

    Policiers et gendarmes fusionnent hors des frontieres.. Nice 🙂

  2. USPPM

    « on en profite pour faire des sous-catégories avec la municipale et bientôt des sous-sous catégories avec le privé …. Pour l’efficacité, on y reviendra … »
    C’est marrant ça, dès qu’il est question de compétences et de professionnalisme la « municipale » passe pour un refuge d’ignares.
    En premier lieu, je précise, en ce qui concerne les nouvelles compétences qu’ils n’ont rien demandé, ils doivent suivre des formations de plus en plus pointues et avec l’arrivée des gendarmes et policiers nationaux qui ont profité de la passerelles, je pense que le niveau ne devrait que monter.
    En second lieu, le policier municipal n’a pas pour vocation d’être un rival des forces de l’Etat : sans préjudice de la compétence de la gendarmerie nationale et de la police nationale, il assure ses missions.
    Les effectifs de la police nationale et de la gendarmerie diminuent et souvent le policier municipal intervient sur des conflits de voisinage, (par exemple) ce qui permet aux « nationaux » d’intervenir sur des missions plus spécifiques à leur qualité d’APJ ou d’OPJ.
    je pense donc que chacun a son rôle, tout comme les société privées, à condition, de rester dans son domaine de compétences.
    Il faudrait cesser de croire que la police municipale est restée au stade des »petits copains du maires », « bras forts » et souvent sans cervelle, elle évolue, elle remplacera jamais les forces de sécurité de l’Etat mais fait partie de la troisieme.

  3. Romaric

    J’ai lu avec attention votre article. Il m’inspire quelques observations :

    – Depuis la loi du 3 août 2009, la gendarmerie est rattachée au ministère de l’Intérieur. Dans ces conditions, il me semble normal, qu’à l’international, ce ministère parle d’une seule et même voix. C’est l’idée, me semble-t-il, qui a dû présider à la création de la Direction de la coopération internationale (DCI), effective depuis le 1er septembre 2010.
    – Cette structure commune regroupe policiers et gendarmes qui travaillent côte à côte, en mettant de côté les querelles de chapelle.
    – Cette mutualisation n’est pas unique depuis que la gendarmerie est rattachée au ministère de l’Intérieur. D’autres existent en effet. Elles ont été réalisées avec le plus grand souci d’équilibre entre les deux Institutions. Ainsi, à côté de la DCI, les systèmes d’information et de communication sont regroupés au sein d’une nouvelle entité rattachée, elle, à la gendarmerie nationale. Vous voyez donc que les nouvelles entités communes sont rattachées soit à la police, soit à la gendarmerie, dans un souci d’équité. De même, deux unités de coordination, récemment mises sur pied sont rattachées à la direction de la gendarmerie, il s’agit de celle dédiée à la lutte contre l’insécurité routière et de celle relative aux forces d’intervention (GIGN, RAID et BRI-PP).
    – Ces mutualisations ne peuvent donc, en aucune façon, rimer avec disparition de la gendarmerie. C’est un fantasme que de croire cela.
    – Par ailleurs, les rémunérations des fonctionnaires de la police et des militaires de la gendarmerie occupant des postes dans les ambassades ne sont pas identiques, pour la simple et bonne raison que ces personnels sont régis par des statuts très différents.

    – Je termine mon propos, un peu long j’en suis désolé, en insistant sur un point : tout ce qui peut être lu sur le forum de discussion GENDARMES ET CITOYENS mérite d’être relativisé et ne doit pas être pris pour « argent comptant ».

  4. Marrananrolles

    A Fil Vert,

    Ou comment se convaincre que ce que l’on a cassé fonctionnait moins bien que ce bric et broc que l’on a créé… car la police n’est pas fédérale dans sa totalité, loin de là. le gendarmerie l’était.
    Pour l’efficacité, ce n’est pas l’avis des belges eux-même. Quant à l’argument des économies faites en supprimant la gendarmerie, il serait bien qu’un jour, l’on nous en délivre la preuve…
    A l’heure où la Belgique vit des heures plus que difficiles, se flatter d’avoir tué ce qui pouvait aider à conserve sa cohésion à la nation est surprenant.

  5. Stemmelen Eric

    Comme d’habitude un très bon article de mon collègue Georges Moréas. Une petite correction/précision: ayant été moi-même attaché de police devenu ensuite attaché de sécurité intérieure, il faut insister sur le fait que les ASI sous statut diplomatique n’ont pas vocation , que cela plaise ou déplaise au Ministère de l’Intérieur , à être opérationnels. Ils ne sont pas des officiers de liaison qui eux sont opérationnels ( stupéfiants, immigration, terrorisme etc…). En effet, les ASI sont sous l’autorité exclusive de l’Ambassadeur et ils perdent leur qualité d’officier de police judiciaire étant affecté en ambassade laquelle n’est pas le territoire française comme je le rappelle à tous ceux qui dans la police ou la gendarmerie l’ignorent. Un ASI par ailleurs ne représente pas que la police ou la gendarmerie mais le ministère de ‘Intérieur dans son ensemble et notamment sa composante sécurité civile. Enfin pour la rémunération des ASI: Ils sont en bas de l’échelle des collaborateurs immédiats de l’Ambassadeur car c’est la volonté du ministère de l’Intérieur et non des Affaires Etrangères. Notamment quand on compare aux services culturels, économiques ou encore mieux aux magistrats de liaison ou aux attachés de défense. C’est pareil pour les gardes de sécurité diplomatiques où il vaut mieux être gendarme que policier!. D’ailleurs ce problème financier est essentiel car on n’a pas hésité ces dernières années à remplacer des commissaires divisionnaires par des commissaires voire des officiers de police y compris dans des pays importants! Alors la rationalité dans tout cela ! Maintenant bon vent à la nouvelle direction de la coopération internationale mais rendons à César ce qui est à César: c’était une idée il y a 15 ans déjà de mon collègue de promotion Jean Louis Ottavi , chef du SCTIP à l’époque.

  6. Marc Louboutin

    Pour mémoire, Monsieur Perez a également été,entre 1992 et 1998, Secrétaire Général du Syndicat des Commissaires et Hauts Fonctionnaires de la Police Nationale.
    Étonnant comme tous les acteurs de la fameuse réforme des corps et des carrières, et par là même de la structure actuelle de la PN, sous l’impulsion de M. Guéant, finissent tous au pinacle.
    Il y aura peut-être un jour, j’espère, également un temps pour le bilan, le décryptage, et les audits de fonds de l’ensemble de cette politique menée depuis quinze ans par les mêmes acteurs, au delà semble t’il des tendances politiques des gouvernements.
    Cela promettrait sans doute quelques surprises de taille et surtout de savoir « à qui a profité le crime »…
    😉

  7. janssen j-j

    Et du coup, notre vaillant Emile P., proche d’Alain, se retrouve propulsé comme directeur des services actifs de la PN (cf. le JO de ce jour).

    http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022783368&dateTexte=&categorieLien=id

    En revanche, l’obscur Jean-Pierre M., sans doute trop éloigné d’Alain, n’a pas eu la même promo… A quoi ça tient, quand même, ces histoires fusionnelles !…

  8. Péhène

    Tout ce qui va dans le sens de la coopération internationale est intrinsèquement une bonne chose. Et vis à vis de nos homologues étrangers, proposer, comme interlocuteur, une seule structure, regroupant la Police et la Gendarmerie, est plus que cohérent.

    « Aujourd’hui, on peut se demander si les gendarmes n’ont pas l’impression de rétropédaler… » De rétropédaler, je ne sais pas, mais de râler c’est certain. S’il y a bien un point sur lequel se rejoignent la Police et nos amis militaires, c’est cette propension à se plaindre.

  9. ledoctorant

    @ Tsar Popa

    « la 2nde a des vertus un peu plus humaniste, nous faisant réver vers des états unis du monde. »

    L’usage de cannabis n’est-il pas prohibé en France ?

  10. Tsar Popa

    Fusion ou collaboration ?

    Car si souvent la 1ere est synonyme de réduction d’effectif et à terme de service (voire d’efficacité, augmentée dans un premier temps) , la 2nde a des vertus un peu plus humaniste, nous faisant réver vers des états unis du monde.

  11. anonyme

    « Aujourd’hui, on peut se demander si les gendarmes n’ont pas l’impression de rétropédaler… »
    Bah c’est clair …
    Le problème c’est que la fusion ce fait par le bas, et qu’en plus on en profite pour faire des sous-catégories avec la municipale et bientôt des sous-sous catégories avec le privé …. Pour l’efficacité, on y reviendra …

  12. laurent

    c est sur que la fusion c est plus efficace enfin ca depend ou.

    http://www.youtube.com/watch?v=IRPvpgP0H0k&feature=player_embedded.

    parce que la,la police elle n est pas franchement contente.

  13. Fil Vert

    En Belgique, depuis la fameuse affaire Durtoux, on s’est rendu compte de la terrible inefficacité de la guerre des polices.
    C’est ainsi que la gendarmerie et la police ont été fusionnées en un seul corps: la police fédérale…
    Outre une économie d’échelle (aspect économique) l’efficacité sur le terrain a été renforçée…
    J’ai bien dit « terrain » et non pas répression aveugle et bureaucratie !

    http://filvert.blog.lemonde.fr

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