LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Actualité (Page 54 of 71)

Les gendarmes au secours des perce-neige

perceneige_villeparisis-canalblog1.1239269338.jpgDes gendarmes qui sauvent des fleurs, ça vaut le coup d’être signalé. C’était à Chinon, il y a une quinzaine de jours. Avec l’aide de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), la brigade territoriale installe une planque sur les marais du fleuve.  Après 4 semaines de surveillance, ils interceptent un camion hollandais plein à ras bord de bulbes de perce-neige. Puis ils investissent le lieu de stockage et ils récupèrent environ 11 tonnes de la précieuse petite fleur. Soit 21 tonnes en tout, pour une valeur marchande de 80.000€.

La cueillette des perce-neige est autorisée, mais pas l’arrachage des bulbes. Les auteurs seront poursuivis pour détention non autorisée de végétaux non-cultivés ou semences.

Cette information se trouve sur le nouveau site internet ouvert par le ministère de l’Intérieur (ici) afin de réduire la cassure entre les forces de l’ordre et les Français. Ce site vient renforcer les forums mis en place dans de nombreuses villes.

« J’ai décidé d’organiser des réunions partout en France pour favoriser le rapprochement de la police et de la population (…) Lors de ces forums policiers et gendarmes pourront débattre avec les Français… », a déclaré Michèle Alliot-Marie, le 27 mars, à Toulouse. Les forces de l’ordre doivent aujourd’hui montrer qu’elles « sont à l’écoute de notre société, capables d’aider ceux qui en ont le plus besoin ».

À un moment où le climat social se tend, où la sécurité devient de plus en plus contraignante, c’est peut-être une bonne chose. Cela montre qu’il existe sans doute un autre moyen de communiquer que les insultes des uns et la matraque des autres.

On veut le croire. Mais à la lecture de certains commentaires aux deux billets précédents, de là à s’offrir des fleurs…

Contrôles d’identité : abus de pouvoir ?

« Les pataquès arrivent toujours avec les honnêtes gens », c’est ce que disent les vieux flics. C’est typiquement le cas des contrôles d’identité. À Strasbourg, ils ont été multiples, et ils ont parfois donné lieu à des incidents. Il faut dire que ces vérifications sont souvent perçues comme une mesure vexatoire ou injustifiée. Un abus de pouvoir. Et si les policiers ne montrent pas une certaine diplomatie, il est fréquent que le ton monte – et cela finit « au poste ».

empreintes_leo-malet-par-tardi-120-rue-de-la-gare.1238919533.jpgLe moyen le plus simple de répondre à un contrôle est de montrer sa carte nationale d’identité. Mais elle n’est pas obligatoire. À défaut, n’importe quel document officiel, à condition qu’il porte une photo, est souvent jugé suffisant.

La personne qui ne peut pas (et a fortiori qui ne veut pas) justifier de son identité est présentée à un OPJ. Elle n’est pas placée en garde à vue, mais en « rétention », le temps de la vérification. Au maximum 4 heures, (depuis le début du contrôle). Elle doit être informée de ses droits : avis au procureur et possibilité de prévenir un proche (s’il s’agit d’un mineur de 18 ans, c’est fait d’office).
La personne est alors mise en demeure de fournir tous les éléments nécessaires à son identification.  Sur autorisation du procureur, une fiche anthropométrique (empreintes, photo…) peut être dressée.

À l’issue de la vérification, si l’identité de la personne est établie, l’affaire s’arrête là. Les informations recueillies ne doivent pas être archivées et les procès-verbaux sont supposés être détruits au bout de six mois. Si une infraction est constatée, la personne est alors placée en garde à vue (le temps passé en rétention s’impute sur la durée de la GAV).

Il existe deux sortes de contrôles d’identité : le contrôle de police judiciaire et le contrôle de police administrative. Mais soyons clair, que l’on soit dans l’un ou l’autre cas, pour « l’usager », cela ne change rien.

Le contrôle de police judiciaire (art.78-2 du CPP) permet à l’OPJ de vérifier l’identité de suspects, de témoins, etc. à l’issue d’un crime ou d’un délit, ou pour prévenir celui-ci. Il donne le droit aux représentants de l’ordre de « visiter » un véhicule (art. 78-2-3).

Le contrôle de police administrative a été introduit dans notre législation par la loi « sécurité et liberté » de 1981. Elle a été modifiée plusieurs fois. La mouture actuelle date de 1993 : « L’identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut être contrôlée (…) pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens ».

Il existe d’autres contrôles : réquisition du procureur de la République, contrôle « Schengen », lutte contre le terrorisme, etc., mais en fait, cela n’a guère d’importance… On ne se voit pas demander à l’agent de police dans quel cadre juridique il opère. Il n’est d’ailleurs pas sûr qu’il le sache, se contentant le plus souvent d’appliquer les instructions reçues.

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Contrôle d’identité à Paris – Photo Jean-Michel Sicot

Autrement dit, il vaut mieux se soumettre. Car un refus entraînerait quasi systématiquement une procédure pour rébellion, voire pour outrage, et cela même s’il apparaissait par la suite que le contrôle n’avait pas de bases légales.

Les vérifications sont effectuées par un officier de police judiciaire, ou sous son autorité par des agents de police judiciaire ou des agents de police judiciaire adjoints. Autrement dit, tous les policiers et gendarmes sont susceptibles de l’effectuer.

Les agents de police municipale ne sont pas autorisés à effectuer des contrôles d’identité. Néanmoins, ils sont habilités à relever l’identité des contrevenants aux arrêtés du maire et à certaines contraventions. Si un individu refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, l’agent en rend compte à l’OPJ compétent. Celui-ci peut lui demander de lui présenter l’individu séance tenante.

Laurent Opsomer, qui suit de près l’actualité sur le Net, m’a envoyé ce lien sur Lepost (ici) où l’on voit des fonctionnaires municipaux et des agents de la police nationale lors d’un contrôle d’identité à Strasbourg. Un policier tente d’interdire au cinéaste amateur de filmer : « Vous n’avez pas le droit de filmer des policiers… ». Laurent me demandait s’il existe une loi qui l’interdit… Je n’ai trouvé aucun texte, et je ne le pense pas, mais si quelqu’un en sait plus … En revanche, dans une telle situation, il y a fort à parier que le cameraman fasse l’objet d’un contrôle d’identité – et l’on reprend tout depuis le début…

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Alors, que faut-il en conclure ? Je dirais que dans la pratique il n’existe quasiment aucun contrôle d’identité illégal, tant le législateur s’est attaché à envisager toutes les hypothèses.

Et même si c’est parfois un peu humiliant, il est sans doute préférable de faire le dos rond.

La sécurité des chefs d’État

La sécurité d’un chef d’État est toujours un casse-tête pour les services de sécurité, mais 28 d’un coup… Quels sont les hommes, les services qui assurent cette mission ? Comment sont-ils organisés ? Comment ça se passe, sur le terrain ?

stemmelen_mission-walesa-1.1238702696.jpgJ’ai demandé au commissaire divisionnaire honoraire Éric Stemmelen (photo de gauche) de nous éclairer. Pendant 7 ans, il a assuré les déplacements officiels du président Mitterrand, la sécurité des sommets internationaux, la responsabilité de la protection des chefs d’États étrangers en visite en France, etc. Il est même le concepteur du décret sur le service de protection des hautes personnalités (SPHP). C’est donc un spécialiste.

Qui assure la protection des personnalités ?

« Le maître d’œuvre, c’est le Service de protection de hautes personnalités (SPHP), dirigé, depuis octobre 2007, par Jean-Louis Fiamenghi. Aujourd’hui, ce service n’a jamais été aussi puissant. Il dépend directement du directeur général de la police nationale, et il compte plus de 700 fonctionnaires. C’est le seul service actif de police qui ne fait – que – de la prévention. Constitué de volontaires sélectionnés après des tests, on peut affirmer (avec humour) que ce sont les seuls policiers formés à la fuite. En effet, en cas d’incident, dont l’agression d’une personnalité, leur mission principale n’est pas de faire le coup de poing, mais de mettre « leur personnalité » à l’abri en l’évacuant le plus vite possible. »

Quel est l’état d’esprit des policiers du SPHP ?

« À la chasse, il y a le chasseur et le gibier. En matière de protection, on est le gibier – mais on ne sait jamais si l’on est réellement chassé, par qui, et comment. On est obligé d’envisager toutes les hypothèses, d’anticiper tous les dangers. En fait, tout est dans la tête. Et comme en général, il ne se passe rien, tout le monde a tendance à penser que la sécurité ne sert à rien, ou à pas grand-chose, aussi bien chez les politiques que, malheureusement, chez certains policiers. C’est le danger majeur : à quoi bon mettre ma ceinture de sécurité, puisque je n’ai jamais d’accident ? »

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Le Premier ministre canadien Brian Mulronoy avec des anciens combattants de la seconde guerre mondiale. Les trois hommes qui portent des lunettes de soleil sont des policiers français

Quelles sont les difficultés du métier ?

« Il y en a beaucoup. Une difficulté majeure tient au protocole et aux personnalités qui entourent les chefs d’État. Le policier, appelé officier de sécurité, doit faire son travail parmi le monde des tout-puissants. Un grand nombre de personnes souhaite figurer sur les photos officielles et gêne ainsi le travail de sécurité. Il faut donc s’imposer sans compromis et parfois physiquement. Mais la difficulté essentielle, typiquement française, est que l’on ne sait jamais si une décision prise ne sera pas remise en cause. En d’autres termes, la sécurité est beaucoup trop inféodée aux exigences protocolaires. »

Quel est le plus gros service de sécurité que tu aies eu à faire ?

« En 1989, pour le bicentenaire de la Révolution, il y avait 80 chefs d’État ou chefs de Gouvernement à Paris. C’est-à-dire deux à trois kilomètres de voitures officielles et des milliers d’agents de sécurité. Si tous les chefs d’État voulaient sortir en même temps, le dernier devait attendre 1 heure ½ pour récupérer sa voiture. On imagine la diplomatie dont il a fallu faire preuve pour ménager les susceptibilités des uns et des autres… En pratique, c’est le SPHP, et non le service du protocole ou la préfecture de police, qui a géré le mouvement de ces centaines de véhicules. Imaginerait-on faire attendre le président américain ou russe !? »

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Réception avec George Bush, sous la pyramide du Louvres. Derrière Eric Stemmelen, on reconnaît Jacques Attali qui cherche à s’approcher.

Mais qui fait quoi, lorsque des chefs d’État viennent en France ?

« Le pays d’accueil doit fournir les prestations d’hébergement, transport, etc., mais il doit surtout, et c’est une règle fondamentale, assurer la sécurité générale et aussi la protection rapprochée des hôtes étrangers. C’est une question de souveraineté nationale. En fait, que constate-t-on ? Le Président français se déplace au Canada, au Japon, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Russie ou aux États-Unis : ces pays fournissent la voiture officielle (blindée) ainsi que les voitures de sécurité, dans lesquelles se répartissent harmonieusement (enfin pas toujours !) les policiers français et étrangers. À l’inverse, les Américains, les Russes, les Britanniques, les Allemands et même les Libyens dernièrement, s’arrogent le droit de venir en France avec leurs propres véhicules. Pour les Américains, c’est même une tradition : ils sont partout chez eux. Au bicentenaire, il n’y avait pas moins de 900 personnes dans le sillage du président Bush (père).»

À t’entendre, on a l’impression que la France n’est pas crédible en matière de sécurité ?

«  Il est de notoriété internationale qu’en France, il y a toujours une autorité pour dire le contraire d’une autre autorité. À Strasbourg, il y aura probablement au moins 300 agents du Secret service, comme à chaque déplacement d’un Président américain. Et la France « assurera » la protection rapprochée de Barack Obama avec peut-être une trentaine de policiers du SPHP. Tiens, je vais te raconter une anecdote : Le bicentenaire de la Révolution devait commencer par une grande cérémonie officielle, place du Trocadéro. En réunion préparatoire les Américains avaient demandé l’implantation d’une tente en Kevlar pour assurer la protection des personnalités. Refus des autorités françaises. Une demi-heure avant l’arrivée du président Bush, le préfet de police reçoit un coup de fil depuis Air Force One pour dire que dans ces conditions, le Président n’irait pas à la cérémonie. Du préfet à mon directeur, de mon directeur à moi. Je lui réponds que c’est une énième tentative des Américains pour mettre la pression sur les Français, et qu’il viendra. Car je connais leur technique : toujours chercher un autre interlocuteur : police, garde républicaine, affaires étrangères, conseillers de l’Élysée, etc. Chez nous, il y a toujours quelqu’un qui est prêt à prendre une décision, pour satisfaire les besoins d’un visiteur officiel. George Bush n’a pas eu sa tente, mais il est venu au Trocadéro, et sa sécurité a été assurée. »

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En 1988, pour le centenaire de la Tour Eiffel, le président Reagan reçoit à l’ambassade américaine toute l’équipe du SPHP chargée de sa protection

Et ça ne se passe pas comme ça, aux États-Unis ?

« Le président Obama racontait récemment qu’ayant voulu aller à pied à une réunion, son garde du corps lui a fait poliment remarquer qu’il y avait 672 mètres à parcourir. Obama a néanmoins insisté pour les faire à pied. L’agent du Secret service lui a répondu : Non monsieur, on les fera en voiture. Et Obama s’est plié à la règle. Il a même raconté cette mésaventure (en rigolant) lors d’une émission de télévision. Heureux agents du Secret service ! Chez nous ni le Président ni un ministre n’accepteraient qu’on lui tienne tête. Aux E-U, tous les présidents se plient aux exigences du Secret service. On en est bien loin en France. Combien d’officiers de sécurité, de commissaires, de directeurs, vont risquer leur carrière en faisant de même ? »

Comment va être assuré la sécurité de Barack Obama, à Strasbourg ?

« Il ne serait pas raisonnable d’en parler maintenant dans le détail. On pourra faire un débriefing, après, si tu veux. Ce qu’on peut dire, d’une manière générale, c’est que les Américains disposent de deux véhicules officiels obama_cadillac_one_daily-bourse.1238702959.jpgidentiques, l’un sert de leurre. C’est le chef de la sécurité rapprochée qui décide au dernier moment dans lequel le Président va monter. C’est une sécurité de base. En France, lorsque j’ai demandé à disposer de deux voitures présidentielles, on m’a répondu que c’était contraire au protocole… Autre particularité, les portières de la voiture présidentielle disposent d’un dispositif de sécurité et ne peuvent être ouvertes que par une technique spéciale. Cela impose la présence, à l’avance, d’un agent du Secret service dans tous les lieux officiels où doit se rendre le Président. À Strasbourg, obtiendra-t-on le droit d’avoir un policier français à bord de la limousine présidentielle, comme je l’ai personnellement obtenu en 1989 ? Attendons de voir les images ! »

« Dans le véhicule suiveur, dit S2, on doit trouver des Américains et des Français. Il est indispensable que la place à l’avant droit soit occupée par un policier français. C’est la place de « l’évacuateur », qu’en termes de métier on nomme « le flanc droit ». En cas de pépin, c’est lui qui sera chargé en tout premier de mettre le Président en sécurité. Parmi les voitures suiveuses, il y en a une – ce n’est plus un secret – qui sert de bouclier d’ondes, pour éviter le déclenchement d’une bombe radiocommandée ; et derrière il y a toujours un certain nombre de 4X4, aux vitres fumées, qui portent parfois une plaque diplomatique. Que contiennent vraiment ces véhicules ? Sont-ils inspectés par la police française ? La règle veut que toutes les armes soient déclarées au ministère de l’Intérieur par le canal de l’ambassade des E-U, via le ministère des Affaires étrangères. Cette règle est-elle toujours scrupuleusement respectée ? Que se passerait-il sur le terrain s’il y devait y avoir un incident qui entraîne l’ouverture du feu par des agents de sécurité étrangers ? »

Finalement, qu’est-ce qui est le plus à craindre ?

« En fait le risque d’un attentat existe toujours. Il est pris en compte, mais statistiquement, il est assez marginal. On est plutôt à la merci du petit incident. Comme le Premier ministre israélien Ytzack Rabin, qui rate une marche dans les escaliers des Affaires étrangères, à Paris, et qu’on rattrape de justesse avant qu’il ne tombe. Ou Boris Eltsin, dans le hall de l’hôtel Crillon, qui lève sa coupe à l’amitié franco-russe, loupe sa bouche, et renverse le champagne sur sa cravate… Il faut réagir vite. Éviter la photo qui fera le tour du monde. Le fameux « casse-toi, pauvre con ! » aurait pu ne jamais exister, si un policier du GSPR (NDR : Groupe de sécurité du président de la République) s’était opportunément interposé. Décision difficile avec Nicolas Sarkozy… comme avec Jacques Chirac. Le risque, c’est aussi la tarte à la crème, ou à présent, le lancer de chaussure. »

Voilà, c’est un peu long, mais Éric Stemmelen est intarissable sur le sujet. Si vous avez des questions, je suis sûr qu’il se fera une joie de vous répondre. Il y a quelques jours, il a publié sur LeMonde.fr une lettre ouverte à l’attention du chef du SPHP (ici). Il a également un blog, mais pour l’instant il n’a rien mis dessus.

flic-malicieux_lessor.1238740572.jpgEt tandis qu’à Strasbourg les… festivités démarrent, et pour en finir avec les redondances du G20 londonien sur le sauvetage de la planète Terre, j’ai noté cette petite phrase, entendue sur BFM-radio (je n’ai pas retenu le nom de l’intervenant) : « S’il y a des paradis fiscaux, c’est qu’il y a des enfers fiscaux ». J’aime bien.
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Les Strasbourgeois peuvent visiter le blog de Maître Éolas (ici), il y a plein de bons conseils.

Justice : une réforme sans appel

Les procès chaotiques du berger Colonna et du braqueur Ferrara ont apporté de l’eau au moulin de Jean-Claude Magendie, le Premier président de la Cour d’appel de Paris. Quoique le projet ait été repoussé par deux fois lors d’un vote à bulletins secrets, il a décidé de passer en force et de réformer la plus grande juridiction d’appel du pays, et dans la foulée les Cours d’assises.

datisoldes_jym-mgcdblogspotcom.1238571258.jpgDes changements importants qui devraient intervenir ce 1er avril.  À ce jour, la répartition des juges dans les différentes juridictions se fait chaque année, par ordonnance, selon des textes de loi. Dorénavant, ils seront nommés pour une durée indéterminée et affectés à des « pôles », en fonction des contentieux (social, environnement, grande criminalité, etc.) Huit pôles au total.

Quant aux Cours d’assises (CA), elles seront divisées en deux pôles. Un pour le « tout venant » et un autre pour le terrorisme et la grande criminalité. La majorité des présidents de CA sont opposés à cette spécialisation : une CA spécialisée pour juger le terrorisme s’apparente fortement à la résurgence de la cour de sûreté de l’État. Et puis, la tentation serait grande de profiter de cette réforme pour évincer certains magistrats à trop forte personnalité. C’est la crainte de l’association Droits, Justice & Sécurité, qui parle « d’écarter des magistrats dont l’indépendance d’esprit ajoutée à l’expérience les rend insusceptibles d’entendre les messages subliminaux » (ça, c’est un message subliminal…). Ses membres, juristes, universitaires, magistrats, avocats, etc., craignent que cette grande juridiction soit « suspectée dans sa composition et son impartialité ». Ils ont saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Ils appréhendent également que ce nouvel organigramme, quasi militaire, ne nuise à la collégialité de la justice et que Monsieur Magendie ne dispose désormais des moyens de déplacer les magistrats à sa guise, ou selon les circonstances (voir la lettre au CSM sur Médiapart).

Certains syndicalistes vont plus loin et parlent de « dérive autocratique » et d’une probable chasse aux sorcières.

Pour le moment, Didier Wacogne et Janine Drai, les deux présidents de la Cour d’assises qui ont jugé Yvan Colonna et Antonio Ferrara, sont sur la sellette. Le premier conserve son poste jusqu’à l’été 2009, et la seconde a dû avoir des sueurs froides en découvrant sur une dépêche AFP reprise dans l’Express (ici) les déclarations de son « patron » : « Les deux présidents, Mme Drai et M. Wacogne, sont des magistrats qui ont toute ma confiance… ». Il a d’ailleurs ajouté que le départ de M. Wacogne n’avait rien à voir avec le procès Colonna.

archimede_intelligence-creativecom.1238571327.jpgQu’on ne s’y trompe pas, la réforme de la Cour d’appel de Paris est l’un des échelons de la reprise en main de la justice. Elle fait partie d’une stratégie d’ensemble. Bonne ou mauvaise, à chacun de… juger. Et si je peux me permettre de me citer, j’écrivais sur ce blog, avant les élections présidentielles, en parlant du candidat Sarkozy : « Il durcira la législation pour les multirécidivistes et pour les mineurs de plus de 16 ans. Et sans doute, réglera-t-il ses comptes avec la justice, peut-être avec un Garde des sceaux sorti du rang… » (ici).

Comme disait Raymond Devos : « On a toujours tort d’essayer d’avoir raison devant des gens qui ont toutes les bonnes raisons de croire qu’ils n’ont pas tort ! »

Quand l'ADN décode

bisou-adn_notre-adn-et-nous.1238345262.jpgLe fichier génétique renferme ce qu’on a de plus secret : nos gènes. On est pour ou contre, mais peu de gens contestent son efficacité. On aurait même tendance à le considérer comme infaillible.

Voici en trois petites histoires de quoi y réfléchir…

La première serait amusante si l’on ne parlait pas d’affaires criminelles :

Les policiers allemands traquent une tueuse en série. On la soupçonne de nombreux crimes et délits. Notamment du meurtre d’une policière de 22 ans, tuée d’une balle dans la tête, en avril 2007. On suit même sa trace en Autriche et en France. À force d’en parler sans jamais rien découvrir sur elle, sur son identité, les enquêteurs ont fini par la surnommer « le fantôme de Heilbronn », une ville du sud de l’Allemagne. Et puis, au bout d’une quinzaine d’années, ils se rendent compte d’un certain nombre d’invraisemblances. Au point « d’oser » mettre l’Adn en question. Finalement, ils découvrent que les bâtonnets utilisés pour effectuer les prélèvements sont pollués (probablement) par l’Adn d’une employée de l’atelier de fabrication. Cet assassin en jupon n’a jamais existé et l’enquête doit repartir de zéro.

La seconde est assez dérangeante, mais elle se termine bien:

En décembre 2002, le corps d’une femme de 39 ans découpée en morceaux est découvert dans des sacs, à Mulhouse. Peu d’indices. Un cheveu dont la comparaison avec l’Adn de son mari amène celui-ci tout droit en prison, même si l’un des experts admet une très légère marge d’incertitude (2 %). Il y restera quatorze mois avant que le juge ne le remette en liberté, sous contrôle judiciaire. Je ne sais pas qui a eu la bonne idée d’aller livre-marc-macin.1238345537.jpgfarfouiller dans les fiches Adn ? En tout cas, cet enquêteur curieux découvre que l’empreinte génétique du suspect correspond à la fiche d’un individu, condamné pour proxénétisme, et décédé en 2007. Le mari de la victime vient d’être définitivement blanchi. Ce proxénète était-il nouvellement inscrit au fichier génétique ou s’agit-il d’un loupé ? On ne sait pas. Il faut espérer que le FNAEG n’est pas dans le même état que le STIC…

Et la troisième, pour un homme qui croupissait en prison, c’est un conte de fées :

Il avait 19 ans, il était un peu paumé et il a reconnu avoir tué une femme, sous le Pont de Neuilly. En 2004, il est condamné à 18 ans de réclusion. L’année dernière, un autre détenu s’accuse du meurtre. On ne le croit pas. adn-test.1238345645.jpgPourtant, le procureur de Nanterre demande un test Adn. Bingo ! Marc Machin est innocent. Libéré en septembre 2008, il attend la révision de son procès. Il a écrit un livre, Seul contre tous ! éditeur Pascal Galodé.

Le problème de la preuve scientifique, c’est qu’elle est utilisée par des gens qui ne sont pas des scientifiques : magistrats, policiers, gendarmes… Et le risque existe de prendre l’avis d’un expert pour argent comptant, sans chercher à comprendre, sans chercher plus loin…

La partie non codée représente 90 % de notre masse Adn (ici). C’est celle qu’on utilise pour obtenir la signature génétique. Et, petit détail amusant, l’homme et le chimpanzé ont 98,5 % d’Adn codant en commun*.

Vous allez dire, c’est pas une raison pour faire le singe.

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* D’après Colin Masters, Notre ADN et nous, aux éditions Vuibert (les dessins viennent de son livre).

Yvan Colonna : et après ?

vangogh-lachaisejpg.1238167876.jpgLes débats ont été houleux, les propos parfois outranciers, et finalement Colonna et son cartel d’avocats ont choisi la stratégie de la chaise vide. Ont-ils eu raison ? Persuadés sans doute que ce procès était perdu, à l’évidence, ils ont préféré se donner des arguments pour le futur – non pour se défendre, mais pour attaquer.

De quels moyens disposent-ils ?

Ils ont cinq jours francs pour se pourvoir en cassation. Rappelons que la Cour de cassation n’est pas juge du fait mais seulement juge de droit. Elle ne se prononcerait pas sur la culpabilité du condamné mais uniquement sur des manquements à la loi. Colonna pourrait-il se prévaloir d’une méconnaissance de ses droits fondamentaux ? Honnêtement, je n’ai pas la réponse. On est dans la haute voltige. Ce qui pourrait poser problème, me semble-t-il, ce n’est pas l’absence de l’accusé aux débats, mais l’absence de ses avocats. Mais peut-on arrêter de juger sous prétexte que la défense, sentant la cause perdue, décide de plier bagages ?

Les avocats de Colonna visent plutôt la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). En créant un climat délétère, en cherchant les incidents d’audience, et finalement en se retirant, ils ont peut-être réussi à marquer suffisamment le procès pour que la CEDH accepte de se saisir de l’affaire. Et dans ce cas, si elle donnait tort à la France, on pourrait alors s’acheminer vers un nouveau jugement.
C’est un amendement déposé (in extremis, dit-on) par Jack Lang, lors du projet de loi sur la présomption d’innocence, qui a introduit dans le droit français la possibilité de réexaminer une décision pénale, suite à un arrêt de la CEDH.
Il s’agit donc bel et bien d’une nouvelle voie de recours extraordinaire. Que la doctrine a baptisé « pourvoi dans l’intérêt des droits de l’homme ».

Peut-on envisager que la CEDH dise que les droits de la défense n’ont pas été respectés ?

Un exemple (d’école) : Le 8 décembre 1989, Abdelhamid Hakkar est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour meurtre, tentative, etc. Or, à l’ouverture des débats, l’un des avocats est empêché et le second se désiste. Le président refuse de renvoyer l’affaire, et deux avocats sont commis d’office, mais sans disposer du temps nécessaire à l’étude du dossier. Le 27 juin 1995, à l’unanimité, la commission de la CEDH a estimé que les droits de la défense avaient été violés.

Et un second : En 2005, Cesare Battisti saisit la CEDH en affirmant que son extradition vers l’Italie porterait atteinte à son droit à un procès équitable. Il est débouté. Les juges strasbourgeois ont estimé que Battisti avait « renoncé d’une manière non équivoque à son droit de comparaître personnellement et d’être jugé en sa présence en prenant la fuite… » De plus, durant sa cavale, il était régulièrement représenté par des avocats, donc informé de la procédure.

Bien sûr, chaque cas est un cas particulier. Je cite ces deux exemples uniquement pour la réflexion.

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À mon humble avis, il y a peut-être du grain à moudre sur la saisine de la Cour d’assises spéciale (ici)- et même sur son existence.

On peut comprendre la nécessité de faire appel à des jurés-magistrats pour des dossiers particulièrement complexes, ou qui touchent à la défense nationale. Mais devant un fait aussi simple : un homme a été tué…, comment justifier une juridiction d’exception ?

Et pourtant, devant une Cour normalement constituée, le procès aurait eu une autre dimension. Face à des citoyens lambdas, les avocats se seraient comportés différemment, en renonçant à la provocation pour tenter la démonstration, la persuasion… Le procès y aurait gagné en sérénité. Le verdict aurait peut-être été identique, mais au moins, on aurait eu le sentiment d’une justice rendue « au nom du peuple français ».

Mais le peuple français on ne lui fait plus confiance, ni pour juger ni pour modifier la Constitution !

MAM passe aux aveux

shadok-faut-y-aller_crododilus.1238057525.jpgMichèle Alliot-Marie n’est pas favorable aux statistiques ethniques et elle envisage un sérieux coup de balai dans les fichiers de police avec l’objectif d’en diminuer le nombre, «  même si les circonstances peuvent nous amener à en créer de nouveaux ». Elle se dit ouverte à un contrôle parlementaire dans ce domaine et souhaite que son ministère soit celui de la transparence (dans ce lieu où la sinuosité des âmes s’apparente à celle des couloirs, ce n’est pas gagné).

C’est grosso modo ce qu’elle déclare à Jean-Marie Pontaut et Éric Pelletier dans une interview du 24 mars 2009, que l’on peut lire sur le site de l’Express.fr (ici).

Entre les lignes, on comprend que l’objectif est de réduire le nombre de fichiers – pas le nombre de fiches. Autrement dit, on fusionne. Le terme utilisé est « mutualisation ». Par exemple STIC (police) et JUDEX (gendarmerie) donnent naissance à ARIANE, un outil unique. Cela semble simple, mais il s’agit en fait d’un travail colossal, et onéreux. On parle de plus de 15 millions d’euros. En appliquant cette « simplification » à plusieurs fichiers, on découvre une manière élégante de tourner le principe de non-croisement. Rappelons que les recherches croisées permettent toutes les extravagances. Par exemple, comparer la puissance de la voiture avec le volume du compte en banque et le nombre de jours d’arrêts maladie (je dis n’importe quoi). On ose à peine imaginer ce que cela pourrait donner si l’on croisait le fichier génétique et celui des infractions au Code de la route. On arriverait ainsi à détecter le gène du champignon. Bon, allez, j’arrête les champignons.

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Madame Alliot-Marie restera dans l’histoire. Elle est la première femme à avoir occupé de fonctions ministérielles dans des milieux dits machos. Et l’on peut dire que durant ses cinq années aux Armées, elle en a étonné plus d’un. Elle avait de la classe parmi les militaires ! Et je crois qu’elle était appréciée. Place Beauvau, les choses sont différentes. C’est un endroit chargé de mystère, de non-dits, de réseaux et de chausse-trappes. Et on a l’impression qu’elle a dû avaler bien des couleuvres. Elle a été contrainte notamment de mettre en branle l’intégration de la gendarmerie à son ministère. Certes, la… transmutation n’avance pas vite. Les sénateurs se sont prononcés selon la procédure d’urgence, et depuis – rien. Les députés ont d’autres chats à fouetter, et les militaires y vont en traînant les pieds. Avant de s’installer dans les lieux, la direction de la gendarmerie a exigé la réfection des locaux aux normes de l’armée : des places de parking, des conditions de sécurité draconiennes, etc. Même des douches. Un truc impensable pour les policiers. On a donc viré la direction des CRS pour faire de la place aux nouveaux arrivants et les travaux sont en cours.

calimero.1238057730.pngCes dernières semaines, le silence de Madame le ministre de l’Intérieur et de l’Outre-Mer a étonné. Rien sur la Martinique, la Guadeloupe… Certains ont cru remarquer de petites modifications  dans le comportement de MAM. Et même dans cette interview à l’Express, on a l’impression que le ton a changé.

Un peu comme si elle prenait du recul.

Est-il possible d'éviter les erreurs judiciaires ?

arrestation_koi29be.1237891177.jpgEn novembre 2000, dans un petit village de Loire-Atlantique, un ouvrier agricole de 47 ans est arrêté par les gendarmes : une adolescente l’accuse d’agressions sexuelles. Il clame son innocence, mais le juge d’instruction le place en détention provisoire. Au bout d’un an, il est libéré. L’instruction judiciaire suit son cours. En 2003, il est convoqué devant la Cour d’assises. Une simple formalité, pense-t-il. Verdict : 16 ans de réclusion criminelle.

Aujourd’hui, la « victime » n’est plus une adolescente, mais une jeune femme de 22 ans. Et elle revient sur ses accusations. « J’ai raconté beaucoup de bêtises », avoue-t-elle.

Ce lundi 23 mars 2008, la Cour de révision a demandé un complément d’information avant de se prononcer. En attendant, Loïc Sécher reste en prison. Mais cela fait un an que la jeune femme a avoué ses mensonges. Un an de « complément d’information », c’est long – surtout quand on est en prison.

Alors, on peut se poser une question : est-on armé pour faire face aux erreurs judiciaires ? Lorsqu’on pense à des affaires récentes, comme l’affaire d’Outreau, Dils, Machin…, on se dit que oui, même si l’on a parfois l’impression que la justice traîne les pieds pour reconnaître ses erreurs.

C’est probablement en raison des remous de l’affaire Seznec qu’une loi du 23 juin 1989 a modifié la procédure de révision des condamnations pénales. Auparavant, il fallait un fait nouveau susceptible d’innocenter l’accusé. Pas évident. Aujourd’hui, il faut apporter la preuve d’un doute raisonnable. Dans l’affaire Dils, par exemple, la révision a été accordée en raison de la présence de Francis Heaulme sur les lieux du crime.

La demande de révision peut émaner soit du ministre de la justice, soit du condamné, soit, après la mort de ce dernier, de son conjoint, de ses enfants ou de ses parents. De 1989 à 2005, 33 condamnations ont été annulées, la plupart d’ordre correctionnel (ici). La justice ne parle pas d’erreur judiciaire mais d’annulation de condamnation.

Il est vrai qu’une erreur judiciaire va dans les deux sens. Cela peut être la condamnation d’une personne innocente ou l’acquittement d’une personne coupable. Toutefois, la révision est à sens unique. Contrairement à ce qui se passe en matière criminelle (appel d’une décision d’acquittement de la Cour d’assises : aff. Agnelet), le procureur général ne peut pas demander la révision d’une décision d’acquittement.

Dernier recours pour un condamné, la Cour européenne des droits de l’homme. Elle a pour but d’assurer la garantie des droits énoncés dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Toute personne s’estimant victime d’une violation de la Convention et qui a épuisé les voies de recours devant les juridictions de son pays, peut saisir la Cour. À défaut de solution amiable, la Cour prend un arrêt que l’autorité nationale mise en cause est tenue d’appliquer.

En fait, en prenant un peu de recul, on a l’impression d’un décalage entre une justice « automatique » et des condamnations « subjectives ». Ainsi, le président de la Cour d’assises demande aux jurés de « s’interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement, et de chercher dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont fait, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense ». Autrement dit : « Avez-vous une intime conviction ? » (art. 353 du CPP).
C’est le cas, également lors d’une demande de révision, puisque les magistrats doivent estimer s’il existe un doute sur la culpabilité du condamné.image-senat.1237891255.jpg

Alors que les éléments de preuves se basent sur des notions de plus en plus techniques, n’y a-t-il pas là une certaine … antinomie. Que se passerait-il par exemple si un détenu condamné pour un crime commis il y a une dizaine d’années demandait à bénéficier d’un test Adn pour prouver son innocence ? S’agirait-il d’un élément suffisant pour entraîner la révision de son procès ?

Je n’ai pas les réponses. Mais cela ne doit pas être un problème, car à ma connaissance aucune modification n’est prévue dans le projet de réforme de la procédure pénale, tant sur la révision des affaires jugées que sur la procédure de jugement de la Cour d’assises.

Physiognomonie et délit de sale gueule

visage.1237717779.jpgEn face d’un inconnu, on a tôt fait de se faire une opinion : « c’est un brave type » ou « il a l’air d’un imbécile ». Et nous adaptons notre conduite suivant que le bonhomme a l’air bon, méchant, franc, sournois, etc. Sans même nous en rendre compte, on vient de définir un homme en fonction des caractéristiques de son visage. Une « science » vieille comme le monde : la physiognomonie.

C’est en feuilletant un ouvrage de 1956, Les révélations du visage, par Jean des Vignes Rouges, que je suis tombé en arrêt devant cette évidence : on juge les gens avant de les connaître, sur leur bobine. On applique donc au quotidien ce qu’on reproche aux flics de trop souvent faire : le délit de sale gueule.

Mais, est-il possible de deviner les traits du caractère derrière les traits du visage ? Je dois avouer qu’il y a des choses troublantes dans ce livre. C’est un peu comme les signes du zodiaque : même si l’on n’y croit pas, on est parfois surpris des résultats…

« En réalité, le langage du visage humain joue, dans la vie sociale, un rôle aussi important que le langage parlé ; seulement, comme il fait moins de bruit, on ne s’en rend pas compte », nous dit l’auteur. Là, on est bien d’accord. Mais pour être plus concret, moi, j’ai plutôt un grand pif, bosselé et légèrement tordu… Ça veut dire quoi ?

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Aïe, aïe, aïe ! Je suis au mieux du type « dégénéré supérieur ».

Dégénéré supérieur ! Moi, qui suis diplômé de criminologie clinique de la faculté de médecine de Lyon… Et qu’ils ne m’ont rien dit, là-bas !

Bon, pour ne pas trop me dévaloriser, je me suis penché sur le cas d’autres personnes. J’ai trouvé, par exemple un front en forme de trapèze qui me fait irrémédiablement penser à quelqu’un… Euh !… J’ai son nom sur le bout de la langue… Enfin, peu importe.

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Il y a plein d’autres choses dans ce livre, mais supposons qu’on puisse déterminer les faits saillants d’un caractère en fonction de la taille du nez, du menton, des yeux, etc. ; et supposons qu’on glisse ces données dans un ordinateur relié à une caméra de vidéosurveillance biométrique…
Vous savez, ces caméras sophistiquées qu’on trouve déjà dans les casinos, les aéroports, les stades…, et qui permettent d’identifier instantanément un individu en fonction de certaines caractéristiques du visage. Ou qui donne l’alerte en cas de comportement suspect. Tiens, pour
visage_biometrie-online.1237719044.jpegcoller à l’actu, on pourrait même envisager des statistiques ethniques au-to-ma-tiques, ce qui arrangerait bien les affaires d’un certain Yazid Sabeg, le commissaire à la diversité, qui s’emmêle actuellement les pinceaux dans un projet de loi pour compter les « minorités visibles ».

Donc on mélange toutes ces données, et quelques autres surprises que nous réservent encore les chercheurs (comme la photo 3D), et l’on obtient enfin un moyen efficace de surveiller les gens pour mieux les protéger, et détecter les criminels en puissance. On les écarterait alors de la société pour délit d’intention.

Et il ne resterait plus qu’à ficher les âmes.

La PAG pour remplacer les RG ?

Afin de prévenir les manifestations de violence dans les banlieues, le président de la République a évoqué la mise en place d’une « police d’agglomération » (PAG ?) chargée de coordonner la collecte du renseignement et l’action des forces de l’ordre. Autrement dit de décentraliser les missions de la police. Après la fusion de la DST et des RG en un service très… parisien, le constat est intéressant.

ouroboros-ou-limage-du-telesme_alchimie-et-spiritualite.1237547479.jpgAvant la suppression des RG, les préfets disposaient de fonctionnaires de police pour les informer de la vie politique et économique, des mouvements sociaux, et autres choses plus ou moins importantes qui pouvaient se passer dans leur département. Leur travail, tout en finesse, était plus proche de celui du journaliste que de celui du flic. Ils étaient là, comme on disait dans les écoles de police, pour prendre la température de la société. L’abc d’une politique de prévention.

Même si Clemenceau ne l’a pas revendiqué, la première brigade des RG a été créée en même temps que les fameuses brigades du Tigre, en 1911. Et c’est une loi de Vichy qui a mis en place le premier « service central des renseignements généraux » (ici). À la libération, les choses demeurent. En 1994, les socialistes découvrent que les RG espionnent une réunion de leur Conseil national. Scandale. Ce qui amène l’année suivante à un décret de recadrage : « La Direction centrale des renseignements généraux est chargée de la recherche et de la centralisation des renseignements destinés à informer le Gouvernement ; elle participe à la défense des intérêts fondamentaux de l’État ; elle concourt à la mission générale de sécurité intérieure… ». Exit la surveillance des partis politiques.

En 2008, on supprime les RG. Ou plutôt on les fait éclater. Une partie importante de ses agents fusionne avec la DST au sein d’un nouveau service de renseignements : la DCRI. Quant au reste des effectifs, il est rattaché à la Sécurité publique, dans une sous-direction de l’information générale (SDIG).

Dans les attributions de la DCRI figure la « surveillance des mouvements subversifs violents et des phénomènes de société précurseurs de menaces ». Cependant, même s’il existe des implantations locales, ces antennes de la DCRI ne sont pas directement sous la responsabilité du préfet. Elles dépendent de la direction parisienne. Pour être informé, le représentant de l’État doit donc se tourner vers ses nouveaux interlocuteurs, dits de l’Information générale, qui sont souvent les mêmes qu’avant, mais deux à trois fois moins nombreux. Dans leurs rangs, on trouve ceux qui n’ont pas voulu intégrer la DCRI et ceux que la DCRI n’a pas voulu intégrer, souvent pour des raisons (des prétextes ?) d’habilitation au Secret-Défense.

De facto, le préfet de département dispose donc à présent d’un nombre de fonctionnaires réduit (et peut être un rien démotivés) au sein de  structures qui ont du mal à se mettre en place.

La mainmise du pouvoir central sur l’information et le cuistot_platdujourwordpress.1237545613.jpgrenseignement montre là ses limites. Et l’on se trouve dans une situation où il devient difficile de connaître ce que ressent la population. Et donc de prévenir des manifestations, des mouvements sociaux, ou de déterminer si cette bande de jeunes n’est qu’un groupe de copains, ou un gang de malfaiteurs en culottes courtes (je tiens à préciser que ce billet est d’une totale mauvaise foi).

D’où la création envisagée d’une nouvelle police chargée de coordonner la collecte des renseignements.

Et pourquoi ne pas appeler ce nouveau service les RG ?

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