LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Actualité (Page 43 of 71)

Fier d'être flic

Alors que le président de la République s’est personnellement engagé dans la campagne pour les Régionales sur le thème affiché de la sécurité, il est évident qu’une manif de poulets prend une importance bateau-coule_site-communautaire.pngparticulière. D’autant que c’est un événement assez rare, tant il est difficile pour un policier de descendre dans la rue. Avec le risque non négligeable que cela soit considéré comme « un mouvement d’indiscipline collectif », comme il est fait mention dans la loi relative au statut spécial des personnels de police (loi du 28 septembre 1948 qui a supprimé le droit de grève aux policiers). Ainsi, en 1983, sept policiers ont été suspendus et deux responsables syndicaux carrément révoqués pour « participation à un acte collectif contraire à l’ordre public ». Il s’agissait en l’occurrence d’un rassemblement devant la Chancellerie.

Si certains s’imaginent que les policiers sont un peu les chouchous du pouvoir, ils se trompent. Même s’ils ont obtenu des avantages appréciables lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, ces temps sont révolus. Aujourd’hui, comme les autres fonctionnaires, ils paient un lourd tribut au plan de réduction des dépenses publiques, et comme tout le monde, ils sont en proie à cette culture mathématique du résultat qui a envahi notre pays.

Lorsque d’une même voix, les flics de terrain dénoncent la politique du chiffre qui les éloigne de plus en plus du métier qu’ils ont choisi, il faut les écouter. Lorsqu’on leur demande, par exemple, d’augmenter le nombre d’affaires élucidées, c’est un peu comme si on exigeait d’un conducteur de bus de faire un trajet supplémentaire durant son temps de travail. On imagine le chauffeur, le pied sur l’accélérateur… Et les accidents, quasi obligatoires. Eh bien on en est là.

Si on relève tant de dysfonctionnements dans la police, c’est en grande partie en raison de cette pression permanente qui écrase le gardien de la paix dès sa prise de service. Ce n’est pas la seule raison. Le manque d’encadrement en est une autre, conséquence directe d’un recrutement qui se fait essentiellement en bas de la grille indiciaire. Du coup, le nombre des officiers diminuent chaque année, quant aux commissaires, c’est une espèce en voie de disparition.

Et dans ces conditions, alors que ce métier nécessite des nerfs solides et pas mal de flegme, on rencontre de plus en plus souvent des hommes et des femmes stressés, mécontents du rôle qu’on leur fait tenir et qui, à la moindre anicroche, s’énervent et perdent leur sang-froid. Et bien sûr, comme ils représentent la loi, la vindicte populaire leur tombe dessus. Et plus on les montre du doigt, plus ils se sentent marginalisés. On n’en sort pas.

Il serait grand temps de redonner un peu de noblesse à ce métier. Et ceux qui doutent loubards-et-police_ville-arlesfr.pngde leur mission première devraient relire le Règlement général d’emploi de la police nationale (arrêté ministériel du 6 juin 2006) : Art. 113-2. – Les fonctionnaires actifs de la police nationale sont loyaux envers les institutions républicaines. Ils sont intègres et impartiaux. Ils ne se départissent de leur dignité en aucune circonstance. Placés au service du public, ils se comportent envers celui-ci d’une manière exemplaire. Ils portent une attention toute particulière aux victimes, conformément à la teneur de la charte dite « de l’accueil du public et de l’assistance aux victimes ».

J’ai été fier d’être policier. Mais franchement, dans les conditions actuelles, si aujourd’hui j’étais à un âge où l’on démarre une carrière professionnelle, pas sûr que je choisisse ce métier-là.

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Police municipale : à quand un mode d’emploi ? a été lu 1.120 fois en 4 jours et a suscité 18 commentaires.

Police municipale : à quand un mode d'emploi ?

Les policiers municipaux ne sont pas habilités à procéder à des enquêtes judiciaires. C’est ce que vient de confirmer le tribunal correctionnel de Montpellier en relaxant deux personnes soupçonnées de trafic de dyn006_original.gifstupéfiants. L’histoire remonte au mois de septembre. Sur leurs écrans de vidéosurveillance, les agents du CSU (Centre de surveillance urbain) repèrent des individus dont le comportement ne laisse guère de doute sur leur petit trafic. « Les agents sélectionnent alors quelques séquences de vidéo qu’ils remettent à la police nationale  », rapporte Yanick Philipponnat, dans Midi-Libre. Ces images sont suffisamment parlantes. Les policiers procèdent à l’arrestation des suspects, et, de fait, saisissent « de la résine de cannabis et quelques centaines d’euros ». Mais devant le tribunal, la semaine dernière, l’avocat, Me Fernandez, argumente sur le fait que les agents de police municipale ne sont pas habilités à rassembler des preuves, et qu’en conséquence la procédure est illégale. Et les magistrats le suivent dans sa démonstration.

Voilà qui laisse perplexe.

De nombreuses communes de France possèdent aujourd’hui un système de vidéosurveillance (à Montpellier, il y en aurait 114). Et ce n’est pas fini, puisque récemment, le président de la République a annoncé son intention d’en multiplier le nombre – menaçant au passage (sans d’ailleurs aucune réaction des élus) de passer par-dessus la tête des maires récalcitrants en agitant la menace d’une intervention autoritaire du préfet.

Cet arsenal sécuritaire a évidemment un coût, et le contribuable est donc en droit de demander des comptes. Les caméras qui fleurissent dans nos villes sont-elles utiles ? Et que doit faire la police municipale, lorsque sur ses écrans, elle surprend un flagrant délit ?

Les policiers municipaux qui assistent à un crime ou un délit peuvent – comme tout citoyen – intervenir et en arrêter les auteurs, afin de les remettre à l’officier de police judiciaire compétent. C’est l’article 73 du Code de procédure pénale.

Mais s’ils assistent à ce crime ou à ce délit, via un écran, doivent-ils intervenir ou aviser un OPJ ?

D’autre part, en tant qu’ « agents de police judiciaire adjoints », ils ne sont pas habilités à effectuer des enquêtes. Mais en même temps, l’article 21 du même code les autorise à « constater, en se conformant aux ordres de leurs chefs, les infractions à la loi pénale et [à] recueillir tous les renseignements en vue de découvrir les auteurs de ces infractions ».

Mais qui est le chef d’un agent de police municipale ? L’OPJ du commissariat ou de la gendarmerie, ou le maire – qui lui-même est OPJ ?

Les subtilités de langage du législateur sont parfois déroutantes.  Or, dans nos villes, on ne fait guère de distinction entre police nationale et police municipale : de loin, même uniforme, même voiture… À tel point que parfois, on ne sait trop vers qui se tourner.  On est un peu perdu. Et l’anecdote montpelliéraine (mais il faudrait lire les petites lignes du jugement), montre que les policiers eux-mêmes ont du mal à s’y retrouver.

Clairement, il nous manque un mode d’emploi compréhensible sur les missions et les pouvoirs de l’agent de police municipale et – si j’ose dire – sur les caméras de vidéosurveillance.

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Remerciements à Laurent Opsomer et à Marc Louboutin pour leurs informations.
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Témoin sous X : ni indic ni imposteur a été lu 11.393 fois en 2 jours et a suscité 8 commentaires.

Témoin sous X : ni indic ni imposteur

« Je demande à tous les témoins (…) de se faire connaître. Ils ont désormais la possibilité de le faire sous X, c’est-à-dire de façon anonyme. » C’était une déclaration du Premier ministre, Dominique de Villepin, en octobre 2006, après l’incendie d’un bus, à Marseille. masques_jeuditfurieux.pngAujourd’hui, dans l’affaire de Tarnac, les avocats remettent en cause la parole du « témoin 42 », et d’une certaine manière, ils nous interrogent : peut-on faire confiance à quelqu’un qui porte des accusations derrière un masque ? Pourtant, sans cette possibilité, les jeunes auteurs de l’incendie de ce bus n’auraient-ils pas bénéficié de la loi du silence ? Et après tout, n’est-il pas normal que la société protège un témoin qui apporte son concours à la justice…

C’est une loi de novembre 2001 qui a ouvert la voie. Le législateur a estimé que les sanctions, même aggravées, contre les auteurs de menaces ou de représailles à l’égard des témoins n’étaient pas une garantie suffisante. Cette possibilité a été reprise l’année suivante, dans la loi Perben, avec l’objectif avoué de délier les langues des résidents des banlieues chaudes. C’est aujourd’hui une possibilité offerte pour les crimes ou les délits dont la peine encourue est au moins de trois ans d’emprisonnement. Lorsque le témoin estime que son audition peut lui faire courir un danger (à lui ou à sa famille), ni son nom ni son adresse n’apparaissent. Système en contradiction avec un principe de notre procédure qui veut que tous les actes soient identifiés : le droit n’apprécie pas l’anonymat.

Comment cela fonctionne-t-il ?

Les articles 706-57 et suivants du Code de procédure pénale fixent les modalités. Dans un premier temps, avec l’accord du procureur ou du juge, la personne demande à déclarer comme domicile l’adresse du commissariat ou de la gendarmerie. Ensuite, le juge des libertés et de la détention est saisi, et c’est lui qui éventuellement accorde l’anonymat. Les coordonnées du témoin sont alors enregistrées sur un procès-verbal à part, qui n’est pas joint à la procédure. L’identité de la personne est donc connue de la justice, mais pas de la défense. À noter que sa révélation (même par la presse !) serait un délit punissable de 5 ans d’emprisonnement.

Toutefois, pour respecter un certain équilibre entre l’accusation et la défense, la personne mise en examen peut demander à être confrontée avec le témoin sous X. Mais il n’y a pas de contact physique. Cette confrontation « en aveugle » a lieu à distance en utilisant les moyens techniques nécessaires pour éviter toute identification. Il en serait de même lors d’un témoignage devant une juridiction. Il est évident que cette possibilité pose problème à la règle d’anonymat, car le jeu des questions-réponses pourrait permettre l’identification du témoin.

Ce système connaît ses limites. D’une part, il remet en cause le principe de la présomption d’innocence : s’il faut protéger le témoin, c’est que le suspect est considéré comme coupable et dangereux. Et d’autre part, il diminue la valeur du témoignage : on ne peut pas condamner sur la seule parole d’un anonyme (art. 706-62).

En droit européen, il pose également problème. La Convention EDH garantit en effet à toute personne poursuivie la possibilité de faire interroger les témoins à charge. Pourtant, à plusieurs reprises, elle a dérogé à ce principe et légitimé le témoignage anonyme, dès lors que le danger pesant sur le témoin se trouvait nettement caractérisé.

Récemment, l’affaire Richard Taxquet a toutefois remis la question à l’ordre du jour. Ce Belge, condamné en janvier 2004 à une peine d’emprisonnement de 20 ans pour assassinat et tentative d’assassinat, contestait l’équité de la procédure pénale pour deux raisons : absence de motivation de la décision de la Cour d’assises et impossibilité d’interroger ou de faire interroger le témoin anonyme.

Et la Cour lui a donné raison. Elle a considéré qu’il y avait eu violation de la Convention, et que Taxquet n’avait pu, à aucun moment de la procédure être confronté au témoin anonyme dont les déclarations avaient pourtant été déterminantes.

Cette affaire n’est pas réglée, puisqu’en juin 2009, le gouvernement belge a fait appel de cette décision en demandant un renvoi devant une « Grande Chambre ».

Que faut-il penser du témoignage sous X ?

Il appartient aux enquêteurs de faire le tri entre les confidences d’un informateur, même occasionnel, et un réel témoignage. L’indic fournit des tuyaux « off », parfois d’ailleurs rémunérés – et il ne doit en aucun cas être mentionné en procédure. Le témoin sous X dépose officiellement, et ses propos engagent sa responsabilité.

Le système français est assez proche des exigences de la Cour européenne, mais malgré tout, c’est la porte ouverte à la suspicion. On peut dire qu’il pénalise la défense, prive les avocats d’arguments, et les incite à décrédibiliser au maximum le témoignage « trop anonyme pour être honnête ».

La banalisation du témoin anonyme serait assurément préjudiciable à une saine justice. On pourrait alors s’approcher de l’appel à la délation. Mais aménagé différemment, et réservé à certaines affaires sensibles (terrorisme, grande criminalité, voire affaires politiques ou/et financières), et en s’orientant plutôt vers une véritable assistance protection-de-temoins.jpgà celui ou à celle qui accepte de prendre des risques, il pourrait devenir un élément solide de notre système judiciaire.

Outre-atlantique, il existe un véritable programme de protection des témoins, avec un budget afférent. Il s’agit d’assurer la protection de la personne avant le procès et ensuite de la prendre en charge : déménagement, changement d’identité, et même soutien psychologique et financier. De cette manière, le témoin apparaît au grand jour, lors du procès. Puis il disparaît. Ce système pourrait-il être importé ? Il faudrait déjà que la justice accélère le pas. Cinq à six ans avant d’être jugé, comme c’est le cas pour Treiber, c’est un peu long. On imagine une protection policière en attente du procès…

Et il faudrait aussi que les Français aient confiance dans la justice (et dans la police) de leur pays.

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La chasse aux belles voitures est ouverte a été lu 44.000 fois en 3 jours et a suscité 63 commentaires.

La chasse aux belles voitures est ouverte

Ce ne sont pas les policiers mais des agents du fisc qui vont sillonner les banlieues pour traquer les « bandes organisées ». C’est dans l’air du temps. On a l’impression que les flics (surtout ceux de la financière) ont de moins en moins la cote au Château. belle-voiture_yellow-rtl.jpgAinsi, lorsque le président de la République annonce la chasse « aux belles voitures, aux montres », etc., on se dit qu’il confie une mission au ministre du Budget, et non à celui de l’Intérieur.

C’est la loi du 9 mars 2004, dite Perben II, qui fournit aux enquêteurs la possibilité de toucher au portefeuille les personnes soupçonnées de tirer des revenus de la délinquance organisée. Avec notamment deux armes :

– Engager des poursuites contre celui qui ne peut justifier de ressources correspondant à son train de vie et qui est en relation habituelle avec les auteurs de certaines infractions (association de malfaiteurs, trafic de stupéfiants, proxénétisme, recel…)

– Autoriser la confiscation générale des biens des personnes condamnées pour ces crimes ou délits et, en attente de jugement, prendre des mesures conservatoires pour les biens des personnes simplement mises en examen.

Ce texte pose un véritable problème de fond : le retournement de la preuve. Il appartient en effet aux suspects ou aux prévenus de justifier l’origine de leurs ressources. Mais ce n’est sans doute pas la raison pour laquelle, il est, à ma connaissance, peu utilisé. Je crois que chez les policiers, le pli n’a pas pris, tout simplement.

Aussi, en juin 2009, le législateur est revenu sur le sujet, avec un nouveau texte de loi sur la saisie et la confiscation en matière pénale, qui modifie le Code de procédure pénale.

Il donne au juge des libertés et de la détention ou au juge d’instruction, sur requête du procureur de la République, la possibilité de saisir tout ou partie des biens, lorsque l’origine de ces biens ne peut être établie et si l’enquête porte sur une infraction punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement (art.706-147).

Tous les biens sont concernés : voiture, bijoux, immeuble…, et même des biens incorporels, comme les droits d’auteur. S’il s’agit d’argent sur un compte bancaire, les sommes inscrites au crédit de ce compte sont entièrement saisies, sauf si la décision de justice en limite le montant.

Et pour gérer ce patrimoine, un établissement public à caractère administratif a vu le jour : l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (art. 706-158 et suivants). Placée sous l’autorité conjointe du ministre de la Justice et du ministre du Budget, et dirigée par un magistrat de l’ordre judiciaire nommé par décret, elle est en charge d’administrer tous les biens saisis ou confisqués. Avec un aspect positif à l’égard des victimes d’un crime ou d’un délit, puisque cette agence pourra éventuellement les indemniser à l’issue du jugement.

Comme on le voit, les effectifs, les moyens le-policier-et-son-double.gifet les attributions qui sont accordés aux fonctionnaires de ministère du Budget augmentent au fil des ans (TRACFIN, fichiers, pouvoirs de police, etc.). Ce qui, peu à peu, modifie la vision que l’on a des enquêtes traditionnelles. Et je suis prêt à parier que les séries télé de demain, les prochains polars, ne s’appelleront pas Quai des Orfèvres, mais… Quai de Bercy.

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Treiber : le prix de l’amitié a été lu 19.594 en 3 jours et a suscité 52 commentaires. Il est intéressant de noter certaines opinions tranchées sur l’ambiguïté de la loi : assistance à l’auteur d’un crime, etc. Personnellement, en piochant un peu, j’ai trouvé chez les juristes des avis divergents. Il est vrai que d’autres commentateurs, du fait de l’horreur de ce double meurtre, n’apprécient pas que l’on parle de « présomption d’innocence ». Cela dit, sans nier la responsabilité pénale des amis de Treiber, on peut s’interroger : était-il nécessaire de les placer en détention provisoire ?

Treiber : le prix de l'amitié

« Ce n’était pas Robin des bois ! » Ouais, mais en attendant, pendant des semaines, il a tenu en échec les meilleurs flics de France. Sans moyen, sans réseau, sans filière. Juste avec l’aide de quelques amis. Et ces derniers ont du mouron à se faire, car pour eux, on amis-pour-la-vie_-marc-zarka_impression-sur-toile.jpgrisque fort de ressortir un texte de loi rarement utilisé : le recel de malfaiteurs. Un délit très proche de celui de l’aide au séjour irrégulier d’un étranger en France. Ils encourent trois ans de prison et 45 000 € d’amende, sans compter que les parents de Géraldine Giraud et de Katia Lherbier pourraient demander des dommages-intérêts pour préjudice moral.

Mais la loi s’applique-t-elle réellement aux gens qui ont hébergé Treiber ? On peut s’interroger, car l’article 434-6 du Code pénal, parle de l’assistance fournie à une personne auteur ou complice d’un crime. Ce qui signifie, entre parenthèses, que les auteurs d’un délit (sauf en matière de terrorisme) ne sont pas visés. Il serait donc plus exact de dire : recel de criminel. Oui mais voilà, Treiber est-il un criminel ? Pour en être certain, il faut attendre qu’il soit jugé – et reconnu coupable. Pour l’heure, il est présumé innocent.

Alors ?

Alors, il faut poursuivre la lecture de cet article, car deux lignes plus bas, il est dit que cela vise les personnes qui ont fourni les moyens de soustraire le criminel « aux recherches ou à l’arrestation ».

Il y a donc là une formulation ambiguë. Que font les juristes, dans ces cas-là ? Ils farfouillent dans la jurisprudence. Mais pour ce délit, elle date souvent de plus d’un siècle. Le seul cas récent que j’ai trouvé (Cass. Crim. 17 sept. 2003) concerne une infirmière qui avait accepté de soigner et d’héberger un homme blessé par balle, alors que celui-ci était recherché pour meurtre dans son pays, au Portugal.  Il était donc l’auteur présumé d’un fait qualifié crime – et l’infirmière a été condamnée.

« Le receleur, nous dit le professeur Patrick Maistre du Chambon (Dalloz, 2009), est donc celui qui, par un moyen quelconque, fait obstacle aux recherches et à l’arrestation d’un criminel, quel que soit le cadre procédural dans lequel s’inscrivent ces recherches ou cette arrestation. [Cela] exclut ainsi toute distinction entre la phase judiciaire proprement dite et la phase policière. »

Oui, mais supposons que la Cour d’assises déclare Jean-Pierre Treiber innocent des crimes dont on l’accuse… Dans ce cas, le délit de recel de malfaiteur ne pourrait exister (il serait putatif), et il s’agirait là d’un fait nouveau qui justifierait la révision d’une éventuelle condamnation de ses amis.

À noter enfin qu’il existe un autre article du Code pénal (434-32) qui, lui, punit la connivence à toile_araignee_ecolescfwbbe.gifévasion. Il vise les personnes qui procurent à un détenu « tout moyen de se soustraire à la garde à laquelle il est soumis ». Mais cela ne semble pas le cas ici.

Heureusement qu’en droit, l’intention ne suffit pas. Car s’il fallait poursuivre ceux – notamment sur le Net – qui, oubliant crime ou délit, ont soutenu Treiber ou Musulin, les prisons ne seraient pas assez vastes. C’est vrai qu’avec le « grand » emprunt, on pourrait en construire de nouvelles. 

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Le convoyeur a le droit de se taire a été lu 2.107 fois en 3 jours et a suscité 19 commentaires.

Le convoyeur a le droit de se taire

Il n’a, paraît-il, rien dit. Il nous prend pour des crétins, aurait déclaré un policier. On imagine la scène… Je me nomme Tony Musulin. C’est bien moi qui ai dérobé les onze millions et je m’expliquerai plus tard – peut-être. chut-_blogaufeminin.jpgVous savez le genre de truc qu’on voit dans les films de guerre. Interrogé, le prisonnier se contente de répéter : sergent Untel, matricule 53 221…

Le droit au silence est reconnu dans notre Code de procédure pénale, mais les policiers n’aiment pas trop. Ainsi, en l’an 2000, la loi sur la présomption d’innocence prévoit que la personne en garde à vue doit être informée de sa possibilité « de ne pas répondre aux questions des enquêteurs ».  Mais cela créé un tel tohu-bohu dans la maison poulaga, que bien vite, le législateur corrige le tir. En 2002, la formule devient « le droit de faire des déclarations ou de se taire ». Et l’année suivante, on n’en parle plus. Le gardé à vue a toujours la faculté de se taire, mais il n’est pas obligé de le savoir.

Pourtant, ça a de la gueule, ce petit morceau choisi des séries américaines : Vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous pourrez dire, etc.

Son aventure, à Tony Musulin, c’était un peu la nôtre – mais on attendait une autre fin. Avec plus de panache. Qu’il distribue une partie de son butin aux pauvres et aux démunis, par exemple. Ou qu’il envoie une petite prime à ses deux collègues mis à pied par sa faute. Mais rien ! Pourtant, lorsqu’en si peu de temps on devient une star, on se crée des obligations, non ! Il aurait dû y réfléchir. Enfin, à présent, il va avoir le temps, car la justice ne lui fera probablement aucun cadeau : le mutisme passe le plus souvent pour de la provocation. À moins qu’il n’ait eu un motif que l’on ignore…  Je ne sais pas, moi, une mère au pays qui doit se faire opérer, un enfant handicapé…

En tout cas, il en aura fait fantasmer plus d’un, le convoyeur de fonds !

Certains s’interrogent sur cet engouement pour des individus qui s’autorisent un pied-de-nez au système, comme lui, ou l’insaisissable Treiber. Après tout, le premier est un voleur et le second est suspecté d’un double meurtre…

foule_metro_boomdabassnet.jpgCroquis réalisé pour le court-métrage Foule conditionnée.

Ouais, mais voilà, dans notre vie de tous les jours, pas de rêves à l’horizon. Et pour beaucoup, pas d’horizon du tout. On subit les contraintes d’une société trop raisonnable ou des chefs trop raisonnables nous brossent un avenir trop arithmétique. Et jamais on ne voit le bout du tunnel. Sans faire de politique, on aura toujours un petit coup de cœur de plus pour Ségolène que pour Martine… L’utopie contre la raison.

En fait, notre vie, elle est trop petite pour nous.

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Coup de gueule du bâtonnier de Paris a été lu 11.283 fois en 2 jours et a suscité 32 commentaires – avec des avis très partagés.

Coup de gueule du bâtonnier de Paris

Christian Charrière-Bournazel n’y va pas par quatre chemins : « Elle a été menottée, elle a été mise nue, on lui a mis un doigt dans l’anus… ». Il parle de Me Caroline Wassermann, l’ancienne avocate de Jérôme Kerviel. Soupçonnée d’avoir violé le secret carton-rouge_assaintebarbe.JPGprofessionnel, elle a été placée en garde à vue dans les locaux du commissariat de Meaux.

On peut penser qu’il exagère, le bâtonnier.

D’abord sur le menottage… Prévu par l’art. 803 du Code de procédure pénale, il est réservé aux individus considérés comme dangereux pour autrui ou pour eux-mêmes, ou susceptibles de prendre la fuite. Est-il envisageable que le comportement de cette avocate entre dans cette catégorie ? D’autant, si j’ai bien compris, qu’elle avait répondu spontanément à une convocation…

Ensuite la mise à nu… Elle est possible lors d’une fouille à corps, et dans ce cas elle est assimilée à une perquisition. Dans l’hypothèse d’une procédure en enquête préliminaire, cette fouille nécessite l’autorisation de la personne. Et en tout état cause, une « recherche intime », ce que d’aucuns appellent la French touch, ne peut être effectuée que par un médecin – sauf cas exceptionnel de légitime défense (la personne cache une arme dans son moi intime).  

Quant à la fouille administrative de sécurité, elle est inhérente à une mesure privative de liberté. Elle peut être effectuée sans l’accord de l’intéressé par deux personnes de même sexe sous le contrôle d’un OPJ. Mais la règle générale consiste en une palpation (sérieuse) de sécurité. Pour déshabiller entièrement un gardé à vue, il faut que cette décision soit expressément motivée par son état de dangerosité. Appliquée systématiquement, cette pratique est donc condamnable.

Il y a pourtant un petit problème pratique : à ma connaissance, aucune circulaire ne dégage la responsabilité du policier en cas de pépin. Ainsi, par exemple, si une personne en garde à vue tente de mettre fin à ses jours à l’aide d’un instrument dissimulé sur elle, on risque fort de demander des comptes à l’OPJ. C’est comme si on disait aux policiers : Ne faites pas ça, mais s’il y a un incident, il faudra nous expliquer pourquoi vous ne l’avez pas fait…

Aujourd’hui, le système français de la garde à vue est sérieusement mis à mal. Me Stéphane Tabouret, du cabinet Nemesis, à Nantes, à qui j’avais demandé son avis sur le cas de Tony Musulin*, rappelle que le bâtonnier de Paris a récemment levé un lièvre énorme : « Les gardes à vue françaises sont illégales parce que déclarées par la CEDH contraires aux dispositions combinées des articles 6.3 c et 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme ».

Cet arrêt impose (entre autres) la présence de l’avocat lors de l’audition des suspects. Il date du 13 octobre 2009. Et la Cour demande que le requérant se retrouve autant que possible dans la situation petard.gifqui aurait été la sienne si cette disposition n’avait pas été méconnue.

 « Ça doit fumer à la Chancellerie !  », ajoute Me Tabouret.

Et non sans humour, en revenant sur le cas de Tony Musulin, il nous fait un peu de police-fiction : « Et si notre ami convoyeur, que je ne peux m’empêcher de trouver sympathique (vol sans violence, côté artiste, etc.), avait eu connaissance de cet arrêt avant de perpétrer son vol ? » Dans ce cas, estime-t-il, l’illégalité de sa GAV ferait tomber toute condamnation ultérieure !

On n’en est pas là, cher Maître. Mais au fait, que reproche-t-on à votre consœur ? Elle aurait téléphoné au complice d’un trafiquant de drogue pour l’avertir qu’il avait les policiers aux basques. Y’a quelqu’un qui m’a soufflé : « Elle lui a téléphoné pour lui dire que son téléphone était sur écoute »… mais comme c’est un flic, je pense qu’il est de mauvaise foi.

Si les faits sont avérés, elle tombe sous le coup d’une loi de 2004, mitonnée, semble-t-il, pour les avocats et les journalistes : le fait d’avoir connaissance d’informations issues d’une enquête en cours concernant un crime ou un délit, et de les révéler à des gens pouvant être impliqués, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

Ces temps-ci, on tire à boulets rouges sur la garde à vue, et il n’est pas sûr que la procédure actuelle tienne jusqu’à la réforme annoncée pour 2010.

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* La question était de savoir si, une fois le délai de prescription écoulé, Tony Musulin aurait pu être poursuivi comme receleur de ce qu’il a volé (à condition qu’il n’ait pas été arrêté, évidemment)… Comme depuis, il s’est constitué prisonnier, la réponse n’a plus guère d’intérêt – mais c’était oui.

 

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Le billet précédent, Pourquoi Pasqua ne va pas en prison, a été lu 58.922 fois en 2 jours. Il a suscité 53 commentaires, dont quelques-uns assez méchants. Pour fermer certaines portes :
– L’immunité politique des parlementaires s’applique uniquement aux opinions et votes émis dans l’exercice de leurs fonctions. À ne pas confondre avec l’inviolabilité parlementaire qui (sauf crime flagrant) soumet la détention provisoire, la mise sous contrôle judiciaire et la GAV à l’accord du bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat – mais n’empêche en rien les poursuites judiciaires.
– Sauf erreur de ma part, l’appel d’une condamnation devant le TC ne suspend pas systématiquement l’exécution des peines privatives de liberté d’un an et plus.
– Le problème de la récidive est intéressant. Dans son commentaire (et son P.S), il me semble que zadvocate | le 16 novembre 2009 à 12:47, résume bien la situation.

Pourquoi Pasqua ne va pas en prison

Un an ferme, deux ans avec sursis – et l’ancien ministre est libre comme l’air. Il se fend même d’une conférence de presse tonitruante. Certains (mauvais esprits) peuvent s’étonner que dans le même temps, au tribunal de Bobigny prison_afcchurch.jpgpar exemple, les condamnés ressortent systématiquement entre deux gendarmes… Suivez-moi dans les dédales de la justice.

Lorsqu’un individu est reconnu coupable d’un délit, il est la plupart du temps condamné à une peine privative de liberté – de 2 mois à 10 ans. Mais cette peine ne mène pas forcément en prison. Elle peut être assortie d’un sursis. C’est même devenu la règle depuis la refonte du Code pénal. Tout est parti de l’idée qu’il serait de bon ton que le juge motive spécialement le prononcé des peines inférieures à quatre mois.  Mais les sénateurs, en planchant sur ce texte, ont trouvé paradoxal de motiver les peines de 2 mois de prison et pas celles de 10 ans… Alors, il a été décidé que toutes les peines de prison ferme devraient être spécialement motivées. On est donc aujourd’hui dans cette situation où le juge prononce une peine qui n’est pas exécutable, sauf à expliquer les raisons pour lesquelles le condamné doit aller en prison.

Donc, en matière de délit, la règle générale, c’est le sursis (sauf pour les condamnations à plus de 5 ans d’emprisonnement). Charles Pasqua a écopé de deux ans de prison avec sursis.

Oui mais aussi d’un an de prison ferme, ce qui aurait dû le mener derrière les barreaux…

Là, on découvre une autre subtilité de la loi. Le tribunal fixe le régime d’application des peines « en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ». Cela s’appelle le principe de la personnalisation des peines (art. 132-24 du Code pénal). Pour se décider, le juge met en balance, les intérêts de la victime, la défense de la société, la réinsertion du condamné et la prévention de la récidive. C’est ce dernier point, on s’en doute, qui généralement l’emporte sur les autres.

Les enquiquineurs pourraient estimer que le principe de la personnalisation des peines ne met pas tous les citoyens à égalité devant la loi… Le Conseil constitutionnel s’est penché sur la question avec une position que j’interprète (peut être à tort) en demi-teinte. Sans contester expressément ce principe, la Haute juridiction s’est efforcée d’en définir la portée et d’en marquer les limites (Droit pénal général, Desportes et Le Gunehec). Elle a souligné que l’article 8 de la Déclaration de 1789 n’impliquait pas que la peine soit appréciée en fonction de la personnalité du condamné et que le juge n’avait pas à disposer d’un pouvoir arbitraire ; mais dans le même temps, elle n’a pas contesté le principe de l’individualisation des peines. Alors… Quant à la verite-bigfoot_villiard.jpgConvention européenne des droits de l’homme, même si elle ne parle pas de la personnalisation des peines, elle estime que le juge doit être investi d’un pouvoir d’appréciation étendu.

On a quand même l’impression d’une justice sur mesure…

Pour autant, M. Pasqua n’est pas tiré d’affaire. Il a déjà été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour, après avoir autorisé en 1994 l’exploitation du casino d’Annemasse, profité au passage d’un large crédit pour sa campagne électorale. Or cette peine vient d’être confirmée par la Cour d’appel. Avec cette nouvelle condamnation dans l’affaire de l’Angolagate, son sursis pourrait bien tomber et il se retrouverait en prison.

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Le billet précédent, La refonte de la garde à vue suscite des questions, a été lu 788 fois en 2 jours et a suscité 9 réactions. Pour répondre au commentaire de Péhène (), j’ai cru comprendre que le projet d’instituer une retenue de six heures s’accompagnerait de la présence de l’avocat – s’il est pratiqué à l’audition du suspect. A moins que cette retenue ne vise pas uniquement les suspects…

La refonte de la garde à vue suscite des questions

Au fil d’évolutions qui s’imbriquent les unes dans les autres, la garde à vue est devenue une véritable usine à gaz : durée fluctuante, médecin facultatif ou obligatoire, avocat suivant les heures, fouille de questions_professionalstoryteller.jpgsécurité, avis à un proche, enregistrement audiovisuel, registre, procès-verbaux, photos, empreintes, Adn, organisation des repas, temps de repos, cellules, problèmes de place… Le tout en poursuivant l’enquête : auditions, confrontations, tapissages, perquisitions, arrestations de complices… Et les heures qui tournent… Confection des scellés, mise en état de la procédure, la signature qui manque, la pièce égarée, le magistrat qui piaffe… Et à la finale cette GAV qui aurait pu se limiter à quelques heures va durer 24 ou 48 heures.

Les membres du comité de réflexion sur la justice pénale ont donc pensé qu’il fallait simplifier les choses. Dans leur rapport remis au président de la République, ils préconisent une mise à plat de la GAV en retenant trois bases : droit commun, régime dérogatoire en matière de crime organisé et de trafic de stupéfiants, régime exceptionnel en matière de terrorisme.

Et une mesure phare qui vise à augmenter les droits des personnes placées en GAV, notamment en accordant une place plus importante à l’avocat. Parallèlement, il serait créé un système de rétention (uniquement pour les majeurs), d’une durée limitée à six heures.  Dans ce cas, pas de formalisme, pas d’avocat.

Peut-on envisager la présence de l’avocat durant toute la durée de la GAV ? Voici ce qu’en pense le commissaire principal Hervé Vlamynck* dans l’Actualité juridique Dalloz : « Faudrait-il communiquer à l’avocat du gardé à vue le dossier de la procédure ? […] Il y aurait des hypothèses où matériellement cela serait impossible : le temps policier n’est pas le temps judiciaire […] La garde à vue marque une accélération du temps de l’enquête qui se caractérise par un hiatus entre le moment où l’information est révélée et exploitée, et le moment où elle apparaît sur le procès-verbal. Par exemple, il faut tenir compte de la durée de la perquisition et du temps que l’enquêteur mettra pour rédiger son procès-verbal et constituer ses scellés. Lors d’une filature, on n’a pas une main sur le volant et l’autre sur le clavier de l’ordinateur portable. Pourtant, l’officier de police judiciaire va rendre compte des découvertes importantes (l’arme du crime, rencontres entre des suspects, etc.) et cette information sera immédiatement utilisée par d’autres groupes d’enquêteurs avant qu’elle ne soit couchée sur procès-verbal. Il faudrait quasiment que le conseil soit associé en temps réel à tous les actes de procédure et qu’il surmonte la difficulté du principe de simultanéité des actes que les enquêteurs appliquent souvent : interpellations en plusieurs points à la même heure, perquisitions et interrogatoires dans la foulée, et donc éclatement des pièces de la procédure sur les différents sites. »

Nous n’en sommes pas encore là. Pourtant, la réforme proposée va très loin, puisqu’il est envisagé la présence obligatoire du conseil dès le début de la garde à vue, puis une deuxième fois douze heures plus tard. Et dans le cas d’une prolongation, il assisterait son client dans tous les actes le concernant, ou au minimum lors des auditions (ce n’est pas très clair). Avec la possibilité d’accéder à certains éléments du dossier et de demander aux enquêteurs d’effectuer les actes de procédure qu’il estime nécessaires. En deux mots, il s’agit là d’une sérieuse remise en cause des méthodes de travail des policiers et gendarmes. Rappelons qu’aujourd’hui le conseil du gardé à vue se limite à une visite de politesse de trente minutes, renouvelable éventuellement, et qu’il n’a accès ni au dossier ni aux actes qui concernent son client.

Mais dans la pratique, l’audition d’un suspect se fait souvent à chaud, dans les premières heures, l’avocat devra-t-il y assister ou pas ?… Il faut déjà le trouver, le prévenir, qu’il soit disponible… L’OPJ devra-t-il l’attendre avant de commencer à poser ses premières questions ?

Pas évident, de respecter au mieux les droits de la défense sans entraver le bon déroulement d’une enquête… Pourtant, il y a urgence, car, dans une décision du 27 novembre 2008, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) estime qu’en règle générale l’accès à un avocat est nécessaire dès le premier interrogatoire. Et qu’il est « en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense » lorsque des déclarations incriminantes sont faites en son absence.

Je suis enclin à penser que la mesure de rétention, proposée parallèlement à la refonte de la GAV par la Commission, est une astuce pour « arranger le coup ». Mais cela pourrait bien être une fausse bonne idée.

On dit aux enquêteurs : dorénavant, ça va être plus compliqué, alors débrouillez-vous pour régler le maximum de problèmes en six heures, du moins pour les délits les plus courants…  La rétention risque rapidement de devenir le tout-venant – quitte à placer ensuite le suspect en GAV pour une durée de 18 heures (24-6). Et tout cela dans une course contre la montre qui pourrait se montrer préjudiciable tant aux personnes retenues qu’aux policiers et gendarmes.

Nous aurions donc une mini GAV avec moins de protection qu’acourse-contre-la-montre_nouvel-economiste_paperblog.jpegvant, relayée par une GAV avec plus de protection.

Ce remodelage de la mesure coercitive la plus controversée de la procédure pénale s’inscrit dans une réforme globale voulue par le chef de l’Etat. S’il s’agit d’aller vers une simplification et plus de clarté, on ne peut qu’applaudir. Le jour où le droit sera compréhensible par l’ensemble des citoyens, on aura sans doute fait un grand pas. C’est la base d’une justice ouverte. Mais il ne faudrait pas que cette réforme fomente plus de problèmes qu’elle n’en règle. Pour l’heure, on a l’impression qu’elle est comme une garniture autour du plat de résistance : la suppression du juge d’instruction.

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* Hervé Vlamynck est l’auteur du Droit de la police, aux éditions Vuibert.
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Le billet précédent, La grippe A dévoile le fichier de la Sécu, a été lu 25.427 fois en 3 jours. Il a suscité 69 commentaires. Même s’il y avait un zeste de provocation dans ce texte, la confidentialité des données de santé pose problème. Quant à la campagne de vaccination, elle apporte plus d’interrogations qu’elle ne répond aux questions.

La grippe A dévoile le fichier de la Sécu

La campagne de vaccination contre la grippe A est lancée ! « Par millions, des bons sont déjà arrivés dans les boîtes… », a annoncé Roselyne Bachelot. Cela concerne les personnes souffrant de certaines pathologies. Et l’on découvre ainsi que nous sommes fichés en fonction de nos maladies…

piqure_stoptabac_blog-edila.jpegMais de quel droit la Sécu s’affranchit-elle du secret médical ? On nous a imposé un médecin traitant, c’est donc lui qui est en charge de notre santé. C’est donc lui qui sait si l’on doit se faire vacciner ou pas. Mais dans cette épopée où se mélange santé, fric et politique, personne ne lui demande son avis à notre toubib.

Et comment diable cette administration peut-elle connaître nos petites maladies ? Je ne vois qu’une réponse : nous sommes fichés en fonction de critères liés aux médicaments, aux examens, aux analyses, etc. Donc, si vous êtes asthmatique, par exemple, vous êtes fiché asthmatique et vous allez probablement recevoir un bon de vaccination.

J’ai fait un micro-trottoir dans mon entourage, qui n’a évidemment aucune valeur, comme ceux qu’on nous sert régulièrement à la télé. Vous savez, le type planté sur le quai de sa gare de banlieue qui attend son train un jour de grève : Qu’est-ce que vous pensez de la grève ? lui demande finement le journaliste. Donc, dans mon entourage, ça ne choque personne que la Sécu nous classe en fonction de nos maux.

Moi si. Et pour au moins deux raisons.

D’abord, la sécurité sociale ne se contente pas de rembourser nos prestations médicales, comme on pourrait le croire. Elle a également un service de contrôles et d’enquêtes pour lutter contre la fraude sociale. Ainsi, les articles L.114-19 et suivants du Code de la sécurité sociale ont institué, en 2008, la possibilité pour ses agents d’interroger les administrations, les entreprises, telles que les banques, les fournisseurs d’énergie, les opérateurs téléphoniques, etc. Comme des flics, quoi !

Vous me direz : en quoi nos communications téléphoniques peuvent-elles intéresser notre centre de Sécu ? Franchement, aucune idée. Sauf à imaginer, par exemple, de contrôler vos appels si vous êtes en arrêt-maladie… Mais là, je dis n’importe quoi. Faut quand même pas tomber dans la paranoïa, hein !

Dans l’autre sens, le fichier de la Sécu intéresse évidemment la police. C’est The fichier ! Celui qui englobe quasiment toute la population. Il peut servir à identifier quelqu’un, à le loger, à connaître son employeur… Mais on peut faire plus. On peut par exemple l’interroger pour savoir si Treiber ne prend pas un médicament de façon régulière… Ce qui permettrait de sensibiliser les pharmaciens, surtout pour un médicament rare. Mais ça ne doit pas être le cas, puisqu’il est toujours en cavale – ce qui fait d’ailleurs languir certaines rédactions qui ont mitonné une édition spéciale pour le jour où il se fera prendre.

Et bientôt, le fichier Périclès va rendre les choses encore plus faciles en permettant non seulement d’interconnecter tous les fichiers de police et de gendarmerie, mais également les bases de données d’autres administrations – dont probablement la sécurité sociale… On peut dire qu’on a de la chance. dubitatif_leon_paperblog.jpegOn est certes surveillés de toutes parts, mais c’est pour notre bien…

N’empêche que pour nos petites maladies… D’ici qu’on les retrouve dans un fichier de police…

Vous savez lorsqu’on met en balance sécurité et vie privée, beaucoup de gens (même sur ce blog) répondent : je m’en fiche, je n’ai rien à cacher. Eh ben moi, je m’en fiche, je suis en bonne santé – pour le moment.

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En accord avec la CNIL, un décret du 22 octobre 2009 autorise la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés à créer une base de données à caractère personnel relative à la gestion et au suivi des vaccinations contre la grippe A/H1N1. Les informations enregistrées seront conservées jusqu’au 31 décembre 2012 (note ajoutée à 15:25). 

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Le billet précédent, L’homme qui valait 11 millions, a été lu 34.503 fois en 2 jours et a suscité 45 commentaires. Quant à la question du recel, un avocat m’a confirmé que l’auteur d’un vol ne pouvait pas être poursuivi pour recel. À condition qu’il soit arrêté et condamné, car sinon, une fois la prescription acquise, on peut supposer qu’il devient un receleur comme un autre.
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