LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Actualité (Page 29 of 71)

Évadés fiscaux : le listing volé est inutilisable

En 2009, Éric Woerth plastronnait : ses services avaient obtenu un listing volé à HSBC private bank, à Genève, contenant les identités de 3000 Français qui détenaient un compte bancaire en Suisse. On allait voir ce que l’on allait voir, voleur_ozepicesch.1300424873.jpgscrogneugneu ! La Cour d’appel de Paris vient de faire tomber le couperet : en résumé, on n’utilise pas en justice des pièces dont l’origine est frauduleuse.

Plusieurs des personnes citées dans cette liste, dite « liste des 3000 », auraient reçu la visite du fisc et de la police, dont Johnny Hallyday, du moins si l’on en croit Le Canard Enchaîné. Mais l’un de ces contribuables a réussi à faire plier Bercy en faisant annuler une perquisition fiscale effectuée à son domicile (et/ou dans le coffre de sa banque).

Il faut savoir que si la DNEF (direction nationale des enquêtes fiscales) possède bien des pouvoirs, dans ce cas précis, la décision du juge des libertés et de la détention (JLD) est nécessaire. Ainsi que la présence d’un OPJ. Et la décision de ce magistrat est susceptible de recours. Possibilité qui résulte d’une décision, en 2008, de ces empêcheurs de tourner en hexagone de la Cour européenne des droits de l’homme, après condamnation de la France (plus de détails sur le site easydroit).

La raison essentielle de ce carton rouge repose sur l’origine des documents. « Il s’agit de données volées, nous dit le juge, la réalité de la commission de ce vol ayant été confirmée par le ministre du Budget (…) L’origine de ces pièces est donc illicite, que l’administration en ait eu connaissance par la transmission du procureur de la République ou antérieurement à cette date. »

Cette dernière petite phrase est intéressante. En effet, il semble bien que l’administration fiscale ait tenté de « blanchir » ces sulfureux documents en se les faisant remettre par Éric de Montgolfier, le procureur de Nice. Celui-ci les a transmis à l’administration fiscale le 9 juillet 2009, après les avoir saisis dans le cadre de la procédure concernant Hervé F. (le voleur, celui que la presse a appelé Antoine). Or, « la DNEF a transmis le 28 mai 2009 à l’administration centrale une liste de contribuables disposant d’un compte en Suisse, dite liste des 3000, et (…) il s’avère donc que la DNEF était en possession de cette liste et l’a exploitée bien avant sa transmission officielle par l’autorité judiciaire… »

Donc, le fisc possédait ces documents avant qu’ils n’apparaissent dans le cadre de l’enquête effectuée à la demande de la banque suisse HSBC (sur ce blog, Poker menteur à Bercy).

Et non seulement la perquisition de l’évadé fiscal est annulée, mais l’administration est condamnée à l’indemniser pour les frais qu’il a engagés pour sa défense. Mauvaise perdante, elle se serait pourvue en cassation.

Il reste à savoir si le procureur de Paris va ouvrir une enquête flic_attitudes_lessor.1300424994.jpgpréliminaire qui viserait les fonctionnaires de Bercy pour recel de documents volés !

Sécurité : le prix de la peur

Nos angoisses sont devenues une marchandise. Et la peur, un business lucratif où se côtoient affairistes et politiques. Chacun se renvoyant la balle à tour de rôle pour nous faire miroiter une sécurité illusoire qui ne peut exister qu’au pays imaginaire. Mais, à trop nous cocooner, on nous a rendus vulnérables.

peur_site-paroisse-protestante-de-boofzheim.1300183679.jpgSommes-nous encore capables de surmonter nos peurs ?

Dans un petit livre dérangeant, Les marchands de peur (Ed. Libertalia), un chercheur, Mathieu Rigouste, décortique à sa manière le mécanisme de cette anxiété, instillée comme un goutte-à-goutte au sein de la société. « Transformée en marchandise, nous dit-il, la peur constitue désormais un secteur d’activité de commerçants. » Les marchands d’armes du siècle ont fait leurs choux gras, mais les conflits traditionnels se font rares. La guerre ne nourrit plus son homme. Il a donc fallu se trouver d’autres ennemis, parfois virtuels, et qui se cachent derrière des mots chocs : « invasion migratoire », « islamisation de la nation », « bandes juvéniles du crime organisé », etc.

Ces risques existent. Il serait à mon avis bien naïf de les balayer, mais où est le vaccin ? Des sommes considérables ont été dépensées pour éviter une épidémie de grippe – qui s’est avérée imaginaire. On a donc investi dans la prévention d’un risque. Combien pour prévenir les délits et les crimes ? La politique sécuritaire n’est aujourd’hui que répressive, et si l’on nous vante (à tort, d’ailleurs) l’aspect préventif de la vidéosurveillance/ protection, ne serait-ce pas en raison du marché que cela représente ? En fait, la sécurité recouvre les deux créneaux favoris des décideurs : l’argent et la politique.

Dans la ligne de mire de Mathieu Rigouste, on trouve « la bande à Bauer ». Par prudence (toujours, cette peur !), je ne reprendrai pas ses propos. Tout le monde mickey_parapluie.1300183774.gifconnaît Alain Bauer, dont on dit qu’il a l’oreille du président Sarkozy. Pour lui, pas de potion magique : il est tombé dans la gamelle sécuritaire lorsqu’il était jeunot. Après avoir participé à la fondation des jeunesses rocardiennes, en 1988, une fois Michel Rocard Premier ministre, il a été bombardé chargé de mission pour s’occuper notamment des questions de police. Il avait 26 ans.

Et pour mieux appuyer sa démonstration, Rigouste le cite : « Le crime n’est pas en récession. C’est un secteur extrêmement porteur. Il faut investir dedans… »

Raison pour laquelle, sans doute, Bauer a investi dans l’achat d’une quarantaine d’exemplaires d’un livre confidentiel, L’insurrection qui vient (Ed. La Fabrique), attribué à Julien Coupat (ce qu’il a toujours nié), flairant, derrière les mots, les éléments d’un « processus intellectuel qui ressemble extraordinairement aux origines d’Action directe » (source Wikipédia). On connaît la suite : des surveillances, des semaines de filatures, puis arrestations hypermédiatisées à Tarnac, sur le plateau de Millevaches, d’une bande d’intellos en mal de société. Incarcérations, libérations. Au fait, à quand le jugement ? Après ou avant les élections ?

La menace de l’ultragauche. Une sorte d’apothéose du jeu cérébral de l’insécurité, où l’on voit une menace virtuelle aboutir à des poursuites judiciaires sur un réseau de « préterroristes » soupçonnés d’avoir eu l’intention de commettre des attentats. Une « radicalisation ressentie », avait finement déclaré MAM, alors ministre de l’Intérieur (lire l’article de Rue89).

Mathieu Rigouste ratisse large. Il nous parle des réseaux clandestins formés à la Libération par le service action de la CIA dans le cadre de la lutte contre le communisme. Les « stay-behind » (les restés dans l’ombre) dans lesquels on trouve pêle-mêle des policiers, des militaires, des barbouzes, des truands et des hommes politiques, tous prêts à la contre-révolution pour le cas où le communisme s’imposerait. Ce qui nous fait furieusement penser au SAC. Pour lui, démonstration à l’appui, les attentats des années 70 en Italie ne sont le fait ni des brigades rouges ni des anarchistes, mais ils « ont été réalisés par des réseaux d’extrême droite anticommunistes instrumentalisés par une partie des services secrets ».

Dans ce livre, on n’est pas obligé de tout prendre à la livre-les-marchands-de-peur.1300183893.giflettre, mais après l’avoir lu, il y a des choses que l’on comprend mieux. Et c’est déjà pas si mal.

En le refermant, je remâchais ce commentaire d’un journaliste de la BBC, présent au Japon lors du séisme : « Une minute « after the big hit », les piétons attendaient calmement que leur feu passe au vert avant de traverser la rue ». Quel sang-froid ! Et sans faire de parallèle avec ce qui précède, je me demandais comment nous aurions réagi, comment nos autorités auraient réagi, devant une telle catastrophe…

Tête-à-queue chez Renault

Les deux responsables de la sécurité de la marque au losange sont sur la sellette. Les policiers leur demandent de dévoiler leur source. Éternel problème ! Sont-ils tenus au secret professionnel ? Pour la Commission nationale de déontologie et de la sécurité, cela ne fait aucun doute. Dans un avis publié en 2009, elle a relevé que derapage.jpg« l’obligation de respecter le secret professionnel constitue le socle même de la déontologie des enquêteurs de droit privé ». Oui, mais les deux intéressés ne sont pas des enquêteurs privés. Ils sont salariés de Renault, et dans la mesure où leur direction leur demande de révéler le nom de leur contact, on ne voit guère comment ils pourraient se retrancher derrière le secret professionnel. D’autant qu’ils sont soupçonnés d’escroquerie. Et que leur silence ne pourrait que renforcer les présomptions à leur égard.

Si donc, il ne s’agissait pas d’une affaire d’espionnage, mais d’une ténébreuse magouille destinée à arnaquer notre constructeur..

Il y a d’abord une simple constatation: la plupart des chefs d’entreprise, grosse ou petite, sont complètement largués dès qu’on leur parle d’espionnage ou de sécurité. Et l’on constate souvent deux réactions opposées, de la dénégation à la paranoïa. Et la paranoïa, c’est bien connu, constitue le terrain de chasse favori des escrocs de toutes catégories. Ghosn verrait-il des fantômes partout ?

Renault aurait versé au moins 250 000 € pour obtenir des informations sur les trois « espions à la solde des Chinois », autrement appelés « Les rois mages », en raison de Balthazard, le nom de l’un d’entre eux. Mais, pour boucler le dossier, le mystérieux enquêteur chargé de retrouver la trace des comptes bancaires en Suisse ou au Liechtenstein aurait demandé une petite rallonge d’environ un million. Peu importe le montant. Question : S’agit-il d’argent liquide ? Si, oui, d’où provient cette somme ? On ne peut évidemment envisager qu’une entreprise dont l’État est actionnaire se risquerait à manipuler des fonds qui auraient échappé à l’œil vigilant des commissaires aux comptes !

Pourtant, pas facile de faire un chèque à un indic… En fait, le financement est le nœud de l’histoire. La question se pose pour toutes les entreprises qui demandent une enquête sur des salariés : comment concilier une écriture comptable et l’anonymat ? Raison pour laquelle, il n’est pas inhabituel d’avoir recours au subterfuge qui consiste à facturer un service qui ne correspond pas au service réellement effectué. Et cela est d’autant plus aisé si le prestataire possède un point de chute à l’étranger. Ainsi, d’après Le Monde, Renault aurait fait appel à un enquêteur de la société privée de renseignements Geos, dont le président est un général à la retraite, qui a la particularité d’avoir une succursale à Hydra, en Algérie. Pays où le constructeur cherche à s’implanter.

Ici, une parenthèse est nécessaire. Depuis une vingtaine d’années, plusieurs entreprises françaises spécialisées en sécurité se sont installées en Algérie, d’une façon un peu parallèle, d’ailleurs, puisque le gouvernement algérien affirme n’avoir fourni aucune habilitation pour ce type d’activité. Il s’agit donc probablement de sociétés de droit algérien, créées pour la circonstance. Depuis la menace d’Al-Qaida au Maghreb Islamique, leur action s’est intensifiée. On dit que certaines d’entre elles seraient intervenues pour négocier le paiement de rançons, lors de prises d’otage.

Tout ça, on ne le répétera jamais assez, c’est la faute à Besson. C’est la visite du ministre qui a fait paniquer la haute direction de Renault. Les suspects ont été remerciés avant que le grand homme ne débarque. Trop tôt, d’après le service de sécurité. Pas content le ministre d’apprendre ensuite par la presse qu’il avait posé le pied sur un nid d’espions. Ce qui ne l’a pas empêché de parler de « guerre économique », en lorgnant vers l’est. Mais les deux ou trois étourneaux de son entourage qui ont désigné la Chine comme étant le commanditaire ont vite été prié de rengainer, car Renault, c’est Nissan. Et Nissan, c’est un million de voitures en Chine. On ne rigole pas avec le business, même jaune.

Alors, que faut-il penser de tout ça ? Il y a trois hypothèses. Soit les responsables du service de sécurité se sont fait surprendre les doigts dans le pot de confiture, et dans ce cas, il faut chercher si c’est la première fois. Soit, ils se sont fait rouler dans la farine par de petits margoulins, et alors, il faut les virer rapidement. Soit, mais on n’ose plus trop le dire, l’affaire est sérieuse. Et si l’espionnage de nos voitures électriques ressemble trop à une BD pour être crédible, une tentative de déstabilisation de l’entreprise n’est pas invraisemblable. Et là, on serait véritablement les spectateurs d’une guerre économique. On le saura bientôt. Si Carlos Ghosn était amené à démissionner, cela voudrait dire que ceux qui tirent les ficelles auraient gagné…

Mais une question nous taraude tous : comment des professionnels expérimentés, un ancien de la police financière et un ancien de la sécurité militaire, n’ont-ils pas eu le réflexe de prendre contact avec la DCRI ? Au premier doute, ils auraient dû décrocher le téléphone et en parler à leur correspondant. Mais ont-ils un correspondant ? Avec ses moyens humains et ses idefix.1299940425.jpgservices techniques sophistiqués, la DCRI aurait pu se livrer à une enquête discrète, avec de fortes chances de remonter à la source.

Je ne vois qu’une explication : certains grands patrons n’ont nullement envie de voir des policiers mettre le nez dans leurs affaires. Auraient-ils des choses à cacher ? En tout cas, pour Renault, c’est raté.

Sécurité : le vent de Grenoble mollit

Il s’agissait d’un message symbolique adressé aux forces de l’ordre : celui qui s’en prend à vous, n’est pas digne d’être français.  C’était, l’on s’en souvient, l’un des points phares du fameux discours de Grenoble, fin juillet 2010, après les scènes de violences survenues dans la ville, au cours desquelles les fonctionnaires de police avaient essuyé des tirs à balles réelles. «La nationalité française se mérite. Il faut pouvoir s’en montrer digne. Quand on tire sur un agent chargé des forces de l’ordre, on n’est plus digne d’être Français », avait dit Nicolas Sarkozy, avant de s’en prendre aux Roms.

assurancetourix.1299658875.gifIl s’agissait de déchoir de leur nationalité les Français depuis moins de dix ans qui se seraient rendus coupables d’un crime à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique. Un rendez-vous pour dans 30 ans, puisque dans le même discours, il était également question de l’instauration d’une peine incompressible de 30 ans « pour les assassins de policiers ou de gendarmes ».

Un discours qui a fait le lit de Marine Le Pen.

« Je prends mes responsabilités », avait-il martelé. A priori, les députés de sa majorité aussi, puisqu’il semble bien que cette loi vienne d’être rangée aux oubliettes.

Pour celui qui se veut le « parrain » des policiers, c’est un échec. Non pas que ceux-ci aient été fous friands de cette vengeance de l’au-delà, mais lorsque l’on joue avec les grands principes, il faut s’y accrocher. Et quelque part, ils sentent bien que le vent politique est en train de changer. Les promesses ont fait long feu. Il est d’ailleurs de plus en plus vraisemblable que les élections de l’année prochaine ne se joueront pas sur la peur de son voisin, mais plutôt sur la peur du chômage. Et lorsqu’il s’agit d’économie, il est plus difficile de dire n’importe quoi. Comment faire oublier, par exemple, que le gaz a augmenté de 20 % en un an et que prix du carburant à la pompe atteint des records ?

Heureusement, il n’y a pas que des mauvaises nouvelles. Ainsi, GDF Suez a dégagé un bénéfice de 4.61 milliards d’euros en 2010, tandis que la Société Générale se contentait de 3.9 petits milliards, ce qui représente quand même 6 fois son bénéfice annuel de l’année capture2.1299658963.JPGprécédente. Quant à Total, c’est l’une des entreprises françaises les plus prospères, avec 10.3 milliards de bénéfices.

Des discordances qui font mal.

Ce blog n’est pas politique, mais on ne peut être qu’effaré devant la myopie de nos décideurs. On se souvient de cet entretien télévisé où le Président réglait les problèmes de quatre sous de Paul ou de Jacques, je ne sais plus, alors que de l’autre côté de la Méditerranée la révolution était en marche. C’était surréaliste. Il manquait juste le chêne. Et aujourd’hui, le débat sur les religions…

Aff. Le Roux : un vieux truand balance

Dans un livre à sortir, modestement titré Confessions d’un caïd, un truand sur le retour raconte ses exploits. Son nom ne vous dira rien, à moi non plus d’ailleurs, car j’ai eu beau me triturer les cellules grises à m’en flouser le caberlot, je n’ai pas le souvenir de ce monsieur de 75 balais, qui aurait fricoté avec la French agecanonix_asterix.1299313600.jpgConnection. Un proche de Tany Zampa ou de Francis le Belge, sans doute, mais en plus intelligent, car il aura su rester dans l’anonymat, le bougre ! Mais comme avec l’âge (même si je suis un jeunot par rapport à Jacques Chirac), mes facultés pourraient être mises en défaut, j’ai parcouru la nomenclature d’un livre qui fait référence en la matière, celui d’un autre ancien, mais lui du journal Le Monde, James Sarazin, dans Dossier M… comme milieu (Éd. Alain Moreau, 1977). Bon, pas de Hernandez non plus. Alors, j’ai feuilleté le fichier du grand banditisme des années 70/80, et toujours rien. Pas à dire, le bonhomme, il est fort !

À en croire la presse, l’un de ses amis se serait vanté auprès de lui d’avoir trucidé Agnès Le Roux. On ne va pas reprendre la chronologie de cette affaire à tiroirs (secrets), j’en ai longuement parlé sur ce blog. Pour faire simple, disons que l’une des héritières de l’héritière du casino Le Palais de la Méditerranée, à Nice, a mystérieusement disparu en 1977, après avoir cédé ses parts à un sombre individu que l’on disait proche de la mafia italienne. Dans ce meurtre sans cadavre, il fallait un méchant, et c’est un avocat, Maurice Agnelet, qui a assumé le rôle. Après un gymkhana juridique de 30 ans, et après avoir été jugé innocent par le jury d’une cour d’assises, il a finalement écopé de 20 ans devant une autre Cour d’assises, victime, si l’on peut dire, d’un acharnement judiciaire hors du commun. L’affaire Agnelet est aujourd’hui un cas d’école.

Donc, nous raconte le sieur Hernandez, alias Gros Pierrot, l’un de ses amis, Jean Lucchesi, lui aurait confié être l’auteur de ce crime, dans le cadre d’un contrat. Il aurait jeté le corps d’Agnès aux Goudes, dans les calanques de Marseille, un endroit où, pour la petite histoire, Jean-Pierre Melville aimait tourner ses films.  Et son Range Rover, recherché dans toute l’Europe, aurait tout bonnement été compacté dans un garage marseillais. Son copain Jeannot lui aurait raconté tout ça juste avant de mourir, en 1987. Et depuis, « le vieillard repentant » vit avec ce fardeau, partagé entre le souci de ne pas salir la mémoire de son ami, et le calvaire de savoir un innocent en prison.

Finalement, il a craqué, et il a tout balancé dans ce livre de souvenirs qui doit paraître ces tout prochains jours. Avec en caution, rire_bondyblog.1299313434.pngparaît-il, la préface de Lucien Aimé-Blanc, l’un des grands patrons de l’ex-office du banditisme.

Je me demande ce qu’ils ont tous, ces anciens voyous, à vouloir raconter leurs faits d’armes comme s’ils avaient fait la guerre… Le syndrome Mesrine peut-être ! En tout cas, à la différence de cet Amigo (La vérité sur le casse de Nice) qui se vante d’avoir participé au fric-frac de la Société générale, en crachant au passage dans la gamelle d’Albert Spaggiari, et en oubliant que le recel est un délit permanent, donc imprescriptible ; Jean-Pierre Hernandez, lui, ne risque rien. En France, sauf cas particuliers, la non-dénonciation d’un criminel n’est pas punissable.

Les défis du nouveau ministre de l’Intérieur

Les policiers, au cours de leur carrière, voient défiler environ une vingtaine de ministres. Certains ont laissé leur marque, en raison de leur personnalité, comme Pasqua et Defferre, d’autres ont marqué par leur compétence, comme Joxe – que la plupart des anciens s’accordent à reconnaître comme le meilleur de ces dernières décennies.  Eh bien sûr, il y a eu Nicolas Sarkozy ! Mais c’est un cas à part dans la galerie de portraits. Alors qu’il était place Beauvau, il se voyait déjà rue du faubourg Saint-Honoré ; et aujourd’hui, on a l’impression qu’il regrette de l’avoir quittée.

grille-dentree-du-ministere-de-linterieur.jpgCe n’est donc pas sans une certaine curiosité que l’on va assister à la mise en jambes de Claude Guéant, que personne, j’en suis sûr, n’osera appeler Monsieur Claude, même si dans l’auguste maison on adore gratifier les patrons de gentils surnoms. Si sa feuille de route consiste à rétablir un sentiment de sécurité dans la population et la confiance des policiers et des gendarmes, il a du pain sur la planche.

Je suis de ceux qui pensent, quelles que soient les statistiques de M. Bauer, que l’insécurité en France n’est ni meilleure ni pire que par le passé. Mais sans doute dans une société plus douillette est-elle moins bien acceptée… Et sans se montrer partisan, on peut dire que c’est là aussi le résultat de ce qu’il faut bien appeler la politique de l’angoisse. En surchargeant les événements au fil de l’actualité, on a fait naître dans toutes les couches de la société une peur pathologique, pour mieux pouvoir sans doute nous rassurer, nous pouponner. Mais comme les résultats ne sont pas au rendez-vous, le manège a échoué. Et l’on approche aujourd’hui de l’effet boomerang.

D’où un certain affolement.

Si le nouveau ministre de l’Intérieur veut rétablir « l’impression » de sécurité, je crois que c’est trop tard, ou du moins qu’il n’en aura pas le temps avant les Présidentielles.

Il faut donc souhaiter qu’il ne vienne à personne l’idée de pratiquer la politique de la terre brûlée… Aggraver la situation pour mieux se rendre indispensable.  Un machiavélisme qui serait indigne et qu’aucun homme politique, j’en suis persuadé, n’oserait utiliser.

D’autant que dans les prochaines années, l’insécurité ne pourra aller que croissante, de façon naturelle, si j’ose dire, en raison de l’appauvrissement des plus pauvres et de l’enrichissement des plus riches. Une société de plus en plus déséquilibrée, entre les gens de biens et les gens de rien. D’autant que l’inflation, qui arrive à grands pas, va faire mauvais ménage avec un chômage pérenne. Une situation qui risque fort d’appauvrir les classes moyennes : stagnation des salaires, voire diminution, tandis que les dépenses incompressibles (énergie, assurances, impôts…) augmentent avec une régularité inquiétante.

La deuxième mission du nouveau ministre de l’Intérieur sera sans doute de rétablir un climat de confiance avec les policiers et les gendarmes.

Là non plus, ce n’est pas gagné !

Les policiers, pressurés par une hiérarchie qui n’ose plus servir de tampon, sont bien souvent désorientés. Des instructions louvoyantes, des règles qui changent sans arrêt, une justice qui ne semble pas en phase, la politisation de certains syndicats, des avancements ou des mutations à relent politique…, autant d’éléments qui les empêchent de se donner à fond. Au point que certains se demandent s’il ne faut pas attendre le contrordre avant d’exécuter un ordre. À force de tout chambouler au moindre fait divers, on n’avance pas.  levee-de-chaussures_site-aufaitmaroc.jpgOn piétine. Avec cette pénible impression d’être devenus les jouets des grands de notre petit monde.

Quant aux gendarmes, si par la force des choses leur colère est silencieuse, elle n’en est pas moins omniprésente.

Pour regagner la confiance des troupes, je crois qu’une prime ne sera pas suffisante. Malgré la diminution des effectifs, ce n’est même pas une question de moyens ou d’argent. Il faut simplement redonner aux policiers et aux gendarmes la fierté de leur métier. Et pour cela, ils ont besoin d’une feuille de route claire et précise – et qu’on leur fasse confiance. Ils seront d’un coup plus efficaces et plus appréciés de la population.

En tout cas, malgré la réforme de l’État, la fameuse RGPP, je crois que les Français ne sont pas mûres pour accepter ce qui hélas est en marche : la privatisation de la sécurité. Un créneau sur lequel lorgnent de plus en plus de grands noms du CAC 40.

Armes (factices) à double tranchant

La course-poursuite, près de Lyon, s’est terminée par la mort d’un jeune homme de vingt ans. Lorsqu’il a brandi un pistolet, les CRS ne pouvaient évidemment pas deviner qu’il s’agissait d’une arme factice. Ils ont tiré. À tort ou à raison, c’est un autre débat. Mais si ce jeune homme n’était pas mort, comment aurait-il été jugé ?

lucky-luke.1298720329.jpegCette affaire, après plusieurs autres, remet sur le devant de la scène le problème des armes factices. Faut-il légiférer sur la question ?

L’ennui d’une réglementation sur les armes, qu’elles soient authentiques ou non, c’est qu’elle ne vise que les honnêtes gens. Alors que pour les vrais voyous, il n’a jamais été aussi facile de s’approvisionner en armes et munitions de tous calibres, en raison notamment d’un trafic de fourmis entre la France et certains pays des Balkans.

Il reste les autres. Ceux qui ne sont pas placé suffisamment haut dans la hiérarchie du crime pour envisager de posséder un vrai calibre. C’est souvent le cas des plus jeunes. Ils doivent savoir que le droit ne fait pas de différence entre un vol commis avec une arme réelle ou factice (20 ans de réclusion criminelle). Même si la sentence est modulée en raison de l’absence de dangerosité.

Je me souviens d’une affaire pour laquelle j’avais été appelé à témoigner en Cour d’assises. L’avocat de l’accusé m’avait demandé si la carabine avec laquelle son client nous avait menacés, mes collègues et moi, avait le cran de sûreté verrouillé ou non. J’avais été incapable de répondre. Dans le feu de l’action, je n’avais pas noté ce détail. « Vous lui avez fait gagner cinq ans », m’avait-il soufflé après le verdict.

Mais qu’entend-on par armes factices ?

En première approche, on pense aux jouets en plastique de nos rejetons, mais en fait, il s’agit fréquemment de répliques d’armes réelles, propulsant de petites billes en rafale ou au coup par coup. Elles peuvent être mécaniques (à ressort), parfois électriques, mais le plus souvent, elles fonctionnent à l’air comprimé (avec réarmement) ou à l’aide de petites recharges de gaz. D’où le nom de airsoft gun. On dit que ces copies ont vu le jour au Japon, où une réglementation très stricte sur la détention d’armes avait été imposée par les Américains, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. À l’origine, elles sont destinées aux collectionneurs ou aux tireurs sur cible. Mais aujourd’hui, de plus en plus, on les utilise dans des jeux de rôle, lors de scénarios basés sur des opérations militaires ou des opérations de police. Et, écolo oblige, les billes sont devenues biodégradables.

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En France, la vente de ces fac-similés, est réglementée. Lorsque l’énergie à la bouche du canon est comprise entre 0.08  joule et 2 joules, elles sont notamment interdites aux mineurs. En deçà, elles sont en vente libre (même aux mineurs), et au-delà, elles entrent dans la 7° catégorie du décret de 1995 (armes non soumises à déclaration).

À noter qu’une circulaire de 1998, donne instruction aux préfets d’interdire le port et le transport d’objets ayant l’apparence d’une arme à feu aux abords des établissements scolaires.

Lors du débat sur la nouvelle législation sur les armes, les parlementaires se sont penchés sur la question. Certains ont rappelé, à juste raison me semble-t-il, que l’on ne pouvait mettre dans le même panier des objets destinés à tuer et des objets ludiques. Et que les armes factices devaient faire l’objet d’un autre débat.

Mais la question se pose de savoir s’il faut les prohiber totalement. Ce qui a été fait en Grande-Bretagne, où, pourtant, le nombre d’agressions commises avec de telles armes n’a pas baissé. Il a même légèrement progressé.

Il semble donc que l’on se tourne plutôt vers une réglementation visant à sanctionner le transport non justifié de ces imitations. Comme c’est le cas pour les tireurs sportifs, qui ne peuvent transporter leurs armes (réelles) que de leur domicile au stand de tir, et encore doivent-elles être provisoirement neutralisées.

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Cela dit, on peut s’interroger : ne faudrait-il pas retoucher le Code pénal pour minimiser les menaces avec une arme fictive, donc non dangereuse, sauf pour le délinquant lui-même, comme le montre l’affaire de Lyon ? Passer de l’infraction criminelle au délit, plutôt que de correctionnaliser. Un bonus, quoi !

Sale temps pour les orpailleurs de Guyane

Dans l’Hexagone, les gendarmes veillent sur les câbles de cuivre de la SNCF, mais, à des milliers de kilomètres, en Guyane, leur mission est tout autre : Ils pourchassent les chercheurs d’or. Ils sont environ 250 – et 750 militaires – à patrouiller sur un territoire rempli d’embûches. Le plan Harpie bat son plein. Ou plus exactement Harpie 2, car, après les opérations Anaconda et Harpie 1, l’année dernière, le président de la République a relancé la mobilisation contre l’orpaillage clandestin.  Et cette fois avec de grands moyens. La mission n’est pas sans danger : un soldat y a déjà laissé la vie (voir le blog secretdefense). Dans une vidéo, sur le site de la gendarmerie, on peut se faire une idée de leur job. Rien à voir avec des contrôles de vitesse sur l’autoroute… Les pieds dans les charentaises, on peut rêver d’aventures… Mais là, ce n’est pas du cinoche. Il ne s’agit pas de surprendre un cowboy solitaire accroupi près d’un fleuve, en train de tamiser du sable, mais de dénicher les puits et les galeries creusés par des colonies de clandestins à la recherche des précieuses pépites.

Il faut reconnaître qu’avec la montée fulgurante du cours de métal jaune, malgré les risques, le jeu en vaut la chandelle.

Vous me direz, achercheur-dor_image-clipart.jpgprès tout, ils ne volent personne. Mauvaise pioche. Cela ne se passe plus ainsi dans un monde qui se veut policé. D’autant que l’or fait partie des richesses naturelles de la Guyane. C’est même son premier produit d’exportation. Autour de 2 à 3 tonnes par an. Et ils sont environ 65 opérateurs à se partager le pactole, en exploitant une centaine de sites autorisés. Alors que, d’après les chiffres de 2006, retenus par une commission d’enquête du Sénat, il y aurait environ 350 sites d’orpaillage illégal, employant entre 5 000 et 10 000 personnes. Ce qui représenterait, selon les estimations de la gendarmerie nationale, 10 tonnes d’or natif par an.

Mais le problème majeur est environnemental. Essentiellement en raison de l’utilisation du mercure pour réaliser l’amalgame de l’or, procédé interdit depuis 2006. Avec  des rejets conséquents de ce métal liquide dans les eaux des fleuves. 13 tonnes par an. Et une déforestation sauvage estimée à 500 hectares par an. Les conséquences sont terribles sur la vie des habitants des rives*. Et tout ce petit monde underground génère évidemment une délinquance associée, comme la prostitution, le blanchiment d’argent et les règlements de comptes.

Une loi de 2009 a renforcé les moyens juridiques pour lutter contre l’orpaillage illégal, en donnant, par exemple, la possibilité de faire démarrer la garde à vue non pas au moment de l’arrestation, comme c’est la règle, mais lors de l’arrivée dans les locaux où celle-ci doit se dérouler. Avec un délai qui ne peut excéder vingt heures (art. 141-4 du Code minier).

Pas facile d’être un État de droit dans ces contrées.

Cependant, dans la région, les garimpeiros ne sont pas les seuls soucis des policiers et des gendarmes. Ce territoire, grand comme le Portugal, possède le niveau de vie le plus élevé du continent sud-américain.  Un attrait pour les habitants, bien plus pauvres, des pays d’alentour. Et notamment le Brésil. 60% des étrangers mis en cause dans des crimes ou des délits sont des Brésiliens. Et cela pourrait encore s’aggraver après la mise en service du pont routier sur le fleuve Oyapock, lequel va bientôt relier la Guyane à l’État de l’Amapá. Raison pour laquelle un centre de coopération policière (CCP) entre les deux pays devrait bientôt voir le jour. Cette cellule aura compétence pour tous les problèmes liés à la sécurité (sauf le terrorisme), et notamment la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants et l’immigration irrégulière. Ce CCP sera, me semble-t-il, la première coopération transfrontière hors de l’espace Schengen. Avec toutefois une présence française bien modeste : 3 gendarmes et 1 policier.

D’après un article un rien alarmiste du Figaro, pour une population d’environ 230 000 habitants, la Guyane arrive juste derrière la Seine-Saint-Denis (six fois plus peuplée) en matière de délinquance. Mais surtout, il s’agit d’une délinquance souvent violente. Il faut dire que les armes sont partout. Elles proviennent en grande partie du voisin brésilien, le plus important fabricant d’armes de l’Amérique du Sud. Pour le procureur de Cayenne, cité dans cet article, la situation est critique. «  Les magistrats ne veulent plus venir en Guyane, effrayés par la quantité de travail que nous avons, mais aussi parce qu’ils ont peur de se faire attaquer au coin de la rue ». Quant au chef de la BAC, qui a exercé vingt ans en métropole, il soupire : « La différence, c’est qu’ici, tu peux perdre la vie pour 3 euros ».

Rien à voir pourtant avec un pays voisin, et presque homonymique : le Guyana, (l’ancienne Guyane britannique ) où le risque est omniprésent ; ni même avec le Venezuela, qui vient de publier des chiffres alarmants. Mais le taux de criminalité en Guyane est néanmoins deux fois supérieur carte-amerique-latine_site-americas-copie.1298197234.JPGà celui de la métropole. Et il est certain que sans l’arrivée d’effectifs supplémentaires, gendarmes et policiers, les choses ne vont pas s’arranger, car outre une immigration clandestine exponentielle, la Guyane est le département français où le taux de natalité est le plus élevé.

40% des homicides commis sur l’ensemble de la planète ont lieu en Amérique Latine, où, parallèlement au crime organisé, au narcotrafic et au blanchiment d’argent, la délinquance de rue connaît un accroissement qui va de pair avec la pauvreté. Entre ces deux extrêmes, on peut presque parler de l’émergence d’une criminalité moyenne, centrée notamment sur le trafic d’armes, le trafic de personnes et le trafic sexuel. Une activité criminelle qui deviendrait… coutumière.

Avec un contre-coup : l’utilisation de plus en plus fréquente des forces armées pour effectuer des opérations de police. Un véritable risque pour ce monde en recherche d’équilibre.

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* Dans un autre ordre d’idées, des travaux sont en cours en vue d’effectuer des forages pétroliers au large de la Guyane, et cela, malgré les risques écologiques et l’appel à la prudence de la Commission européenne. Plus de détails sur Blada.com. Ou comment l’on passe du métal jaune à l’or noir…

La justice mexicaine

Les défenseurs de Florence Cassez montrent du doigt la justice mexicaine, cherchant à démontrer qu’elle est assujettie au pouvoir politique. Un peu comme on désigne les procureurs en France.  Et pourtant, les trois hauts magistrats qui viennent de prendre la décision de refuser l’amparo déposé par la jeune femme semblent des personnalités respectables du monde judiciaire, et non des béni-oui-oui du régime.

prison_couverture-du-guide-canadien.1297848401.JPGRappelons qu’à l’issue d’une « instruction » qui a duré un an et demi, en 2006, Florence Cassez a été condamnée pour avoir participé à quatre enlèvements, ainsi que pour association de malfaiteurs, et, accessoirement, pour détention d’armes et de munitions. Un premier amparo, pour des raisons de droit, a été rejeté en 2008. Avant que le jugement ne soit confirmé par la Cour d’appel, en 2009, avec une peine de prison ramenée de 96 ans à 60 ans, le maximum théorique de la durée de l’emprisonnement.

Un chiffre qui nous étonne. En fait, chaque crime, chaque délit, est jugé séparément, et les peines prononcées s’additionnent. Les États-Unis appliquent le même principe. C’est ainsi qu’à l’âge de 71 ans, le financier Bernard Madoff a écopé de 150 ans de prison.

Évidemment, nous ne sommes pas habitués à de telles sanctions, puisqu’il existe en France le principe du non-cumul des peines. Pourtant, pour des faits similaires, la condamnation encourue aurait été la réclusion criminelle à perpétuité. Entre perpète et 60 ans, on ne voit pas bien la différence.

En fait, la différence réside dans l’exécution de la peine, puisque, chez nous, les condamnés n’en effectuent pas l’intégralité, sauf si une période de sûreté a été ordonnée (max. 22 ans), auquel cas, le jeu de remise de peine, ou la libération conditionnelle, ne peut intervenir que passé ce délai.

Le système judiciaire mexicain n’est sans doute pas parfait. Pourtant, il a fait l’objet d’une sérieuse réforme en 2008, afin de tenter de trouver un juste équilibre entre le respect des libertés individuelles et l’efficacité. L’éternel problème. Pas facile dans un pays qui connaît un tel taux de criminalité !

Les policiers (police locale, police d’État ou police fédérale), ont le droit d’interpeller une personne suspectée d’un crime ou d’un délit. Et celle-ci peut être détenue jusqu’au jour de son procès. Elle est assistée d’un avocat et elle n’est pas obligée de répondre aux questions.

À noter que selon la Convention de Vienne, toute personne arrêtée hors de son pays peut demander que son représentant diplomatique ou consulaire en soit avisé.

Lorsque les policiers estiment qu’il existe des charges contre un suspect, il est présenté au Ministerio Publico, lequel dispose de 48 heures (90 jours s’il s’agit d’un crime fédéral, comme un kidnapping) pour prendre une décision de poursuite. Il peut alors ouvrir une enquête préliminaire ou confier directement le dossier à un juge d’instruction.

Lors du jugement, les débats se font par écrit et il n’y a pas de jury, mais un juge qui décide seul. Il existe deux possibilités d’amparo. L’une basée sur le droit, durant le procès en première instance, la seconde vise à contester la sentence prononcée en appel.

discours-sarkozy-a-mexico-en-mars-2009.1297848942.JPG Extrait discours Nicolas Sarkozy à Mexico, le 9 mars 2009

On peut donc dire que Florence Cassez a épuisé tous les recours possibles. Il reste à savoir si elle peut exécuter sa peine en France. Pour cela, il existe des conventions internationales. Mais leur application n’est pas automatique, chaque État se réservant la possibilité d’effectuer ou non ce transfèrement. Ici, en dehors des déclarations vexatoires de certains de nos responsables politiques (ce qui n’est pas fait pour arranger les choses), se pose le problème de l’exécution de la peine. Le droit français ne permet pas de garantir que Florence Cassez effectuera l’intégralité de la sentence. D’où, pour les Mexicains, un déni de justice.

Alors, quel pourrait être le moyen de se sortir de ce guêpier ? Il faudrait que la condamnation de Florence Cassez soit « francisée ». Une diplomatie adroite aurait d’ailleurs œuvrée dans ce sens bien avant que la porte judiciaire ne se referme définitivement sur la jeune femme. La décision est aujourd’hui politique. Le président Felipe Calderón Hinojosa peut-il accorder une grâce partielle qui permettrait d’extrader la prisonnière tout en sauvant la face ? Et surtout, en a-t-il l’intention, alors qu’au Mexique (aussi) la sécurité est devenue un enjeu politique…

extrait-guide-canadien-pour-les-emprisonnes-a-letranger.1297848752.JPGIl y aurait près de 2 500 Français actuellement détenus à l’étranger, souvent pour des infractions graves (meurtres, stupéfiants, enlèvements…). L’un d’eux, soupçonné d’enlèvement, est en attente de jugement au Mexique. Un autre, Serge Atlaoui, a été condamné à mort en Indonésie pour avoir participé à l’élaboration d’un laboratoire d’ecstasy. Il pourrait être fusillé d’un jour à l’autre – Le seul Français condamné à mort de par le monde. Certains sont peut-être innocents (après tout, il a y a aussi des erreurs judiciaires en France), mais ce qui est sûr, c’est qu’il est plus difficile de faire valoir ses droits sur un sol étranger et que la prison doit être encore plus dure à supporter. Raison pour laquelle certains pays, comme le Canada, ont mis en place un serviceserge-atlaoui_rtl.1297848539.jpg d’assistance en amont du jugement (voir le guide). Existe-t-il un service similaire auprès de nos consulats ? Je ne sais pas, je pose la question. Mais  il serait déplorable que notre gouvernement ne s’occupe des ressortissants français incarcérés à l’étranger que lorsqu’ils font la une des médias.

La révolution ! Et si c’était en France…

Les soulèvements populaires, en Tunisie et en Égypte, sont des événements  probablement décortiqués avec soin par les autorités françaises. Non pas que le souffle de la révolution ait gagné notre pays, mais pour les forces armées et les forces de police, il y a là nécessairement un enseignement à tirer. D’autant que la France, sous l’impulsion du président de la République, s’est préparée à des situations de ce genre. Et le fameux Livre blanc sur la sécurité, même s’il est conçu pour lutter contre le terrorisme, nous donne toutefois certaines clés.

revolution_lenfermement_ecole-de-recherche-graphique.1297498986.jpgQuels moyens pourraient être utilisés pour faire face à un mouvement insurrectionnel ?

Insurrectionnel ! Le mot n’est pas trop fort, puisqu’il a été utilisé en 2005, lors des émeutes dans les banlieues. Peut-être pour justifier la proclamation de l’état d’urgence décidé par le conseil des ministres, à la demande de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur.

À l’origine, en 1955, l’état d’urgence ne pouvait être décidé que par un vote des parlementaires. Mais une ordonnance de 1960 a transféré cette attribution au pouvoir exécutif, du moins pour une période de douze jours. Ensuite, il faut une loi. Cette mesure peut être utilisée en cas d’atteintes graves à l’ordre public, ou pour faire face à une calamité nationale, hypothèse envisagée en 2009, alors que l’on parlait d’une épidémie de grippe qui devait toucher des millions de personnes et désorganiser le pays. On se souvient de ces réunions de crise sous la houlette du ministre de l’intérieur.

L’état d’urgence entraîne un durcissement des pouvoirs de police au détriment des libertés individuelles, comme la liberté d’aller et venir ou la liberté de réunion. Et autorise également la censure de la presse ou le couvre-feu. Dans le même temps, les prérogatives des autorités administratives sont renforcées. L’état d’urgence permet également de mettre en œuvre l’organisation générale de la nation en prévision d’une guerre.

Un échelon au-dessus, on trouve l’état de siège, prévu par la Constitution et le Code de la défense. Il est également décrété en conseil des ministres, dans l’éventualité d’une guerre ou d’une insurrection armée. Il transfère les pouvoirs de police aux autorités militaires, au minimum pour le maintien de l’ordre.

Et enfin, l’article 16 de la Constitution (qui est un peu le fait du prince), lequel s’inspire de circonstances exceptionnelles. Son application est prévue uniquement si les institutions de la République sont menacées. Il est décidé par le chef de l’État, lequel accapare alors tous les pouvoirs. Il n’a été utilisé qu’une seule fois, en 1961, lors du putsch de ce fumeux « quarteron de généraux en retraite ».

La réforme constitutionnelle de 2008 a apporté cependant un garde-fou, en donnant la possibilité aux élus de saisir le Conseil constitutionnel au bout de trente jours pour vérifier que les conditions prévues dans l’article 16 sont bien réunies. À défaut, le Conseil constitutionnel peut se saisir d’office au bout de soixante jours.

Ces dispositions existent de longue date, et l’une ou l’autre s’appliquerait à coup sûr si la France devait connaître des mouvements de foule comme ceux auxquels on a assisté de l’autre côté de la Méditerranée.

Quoique les événements de Mai-68 n’aient pas entraîné de telles mesures. Une autre époque, où la dramaturgie n’était pas une arme politique… Et où l’on a eu la chance d’avoir un Premier ministre à la hauteur : Georges Pompidou, lequel a joué l’apaisement, alors que le président de Gaulle envisageait le pire.

Ce qui a changé récemment, c’est la création d’un Conseil de défense et de sécurité nationale, une sorte de Pentagone à la française, placé sous la coupe du locataire de l’Élysée. Certains y voient un danger pour la République. Il faudrait pour cela que notre pays soit dirigé par un homme ou une femme qui posséderait tous les pouvoirs de décision, et où les membres du gouvernement ne seraient que des figurants, et les parlementaires des béni-oui-oui. La définition d’une autocratie.

Heureusement, ce n’est pas le cas en France !

Pourtant, nos militaires ont pour mission de se préparer à cenzub-panneau-entree-wikipedia.1297500618.JPGtoute éventualité. Philippe Leymarie, dans un article du Monde diplomatique de 2009, affirme que les exercices d’entraînement aux combats urbains sont devenus monnaie courante au sein de l’armée française. « Le souci de contenir le niveau de violence, notamment dans les conflits de type insurrectionnel débouchant sur une « guérilla urbaine », appelle des actions directes, le plus souvent « au contact »… », nous dit-il. Cette année doit d’ailleurs s’ouvrir officiellement le CENZUB (Centre d’entraînement aux actions en zone urbaine), dont le coût est estimé à 80 millions d’euros. D’après Wikipédia, il comprend (entre autres) la reconstitution d’un village, d’un  bidonville et d’une zone de caravanes.

Et même si cela se justifie par des concentrations urbaines de plus en plus fortes (en 2025, les deux tiers des occupants de la planète bleue devraient résider dans des villes), on ne peut s’empêcher de penser que l’idée d’utiliser l’armée pour le maintien de l’ordre fait peu à peu son chemin. Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur en est la première illustration. Auparavant, les gendarmes mobiles devaient être requis par l’autorité civile pour intervenir, alors qu’aujourd’hui, ils sont sous les ordres des préfets. Nombre de militaires ne sont pas chauds pour des missions de ce type (le terme « pacification » semble avoir la cote, comme au temps de la guerre d’Algérie). Ils estiment que ce n’est pas leur rôle. Pourtant, la frontière devient de plus en plus floue entre défense nationale et sécurité intérieure. Notamment pour nos dirigeants, puisque les deux instances, le Conseil de défense et le Conseil de sécurité intérieure, sont aujourd’hui réunies.

Et, en dehors de toute opinion politique, il faut avouer que les propos belliqueux de Nicolas Sarkozy, ou de certains de ses fidèles, ne sont pas de nature à nous rassurer. À force de nous rabâcher que nous sommes en guerre contre le terrorisme, le crime et manifestant-seul-dans-fumee-gaz_manifs-lyon-2010_extrait-film-lyon-capital.1297499333.JPGla violence, on a l’impression que la France est plutôt en guerre contre elle-même. « La fureur guerrière n’est qu’une neurasthénie collective », disait André Maurois. Alors, peut-être notre vieux pays est-il malade…

En tout cas, à trop fourbir ses armes pourrait bien naître un jour l’envie de s’en servir.

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