LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Auteur/autrice : G.Moréas (Page 42 of 82)

Le témoin PT02/08 ne répond plus

Par un curieux effet de distorsion, dans ce procès de Villiers-le-Bel, on parle surtout des  témoins sous X. Vont-ils venir, ne pas venir, confirmer leurs déclarations, se rétracter… Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce jeu du chat et de la souris ne sied pas à la sérénité d’une cour d’assises.

homme-yeux-bandes_dutronwordpress.1277797831.jpgCe recours à l’anonymat résulte du souci de rassurer les témoins. S’il s’agit le plus souvent d’une initiative des enquêteurs, ce ne sont pas eux qui décident, mais les magistrats. En l’occurrence, le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République ou du juge d’instruction. Et dans une affaire qui touche à la paix publique, on imagine qu’il a dû sérieusement potasser le dossier avant de prendre sa décision…

La marge de manœuvre est étroite, car la justice ne peut être rendue en catimini : une justice qui se cache serait l’aveu de l’échec de notre société. Elle doit donc être publique. Alors comment concilier la protection des témoins et la nécessité de rendre justice ?

En fait, le processus est basé sur un mot qui aujourd’hui semble avoir une connotation obsolète : la confiance.

Dans la pratique, le policier recueille le témoignage par procès-verbal, comme il est fait habituellement, mais à la place de l’état-civil, il se contente de mentionner le numéro d’ordre attribué au témoin. Dans le corps du P-V, il ne doit pas être fait mention d’éléments qui, par rapprochements, permettraient son identification.
C’est le procureur de la République qui est chargé du secret de son état-civil. La révélation de l’identité du témoin sous X tombe sous le coup de la loi (5 ans de prison et 75 000 € d’amende).

Mais il ne faut pas être naïf. Le plus souvent, on sait bien que ce sont les enquêteurs qui tirent les ficelles. Ce sont eux, sur le terrain, qui peuvent trouver le témoin et le convaincre de parler en lui assurant la plus complète discrétion. Le problème devient épineux lorsque ce sont des policiers qui se trouvent parmi les victimes. Comment éviter la suspicion ?

Ainsi, dans cette affaire, on entend dire que certains témoins pourraient être des indics de la police. C’est évidemment un habile moyen pour la défense, laquelle a beau jeu de dire aux jurés que l’accusation porte sur les déclarations des victimes – qui sont des policiers – et sur les témoignages d’inconnus – qui sont sous l’emprise de policiers. Une façon de semer le trouble parmi les esprits : témoin anonyme ou informateur ? Car s’il s’agit d’indics, la jurisprudence considère qu’ils ne peuvent témoigner.

Alors, comment faudrait-il faire ?indien_revedesoleilspaceslive.1277797896.gif Je ne sais pas. On se trouve devant la difficulté classique, habituelle dans le délit de rébellion : le policier peut-il être à la fois la victime et celui « qui punit » la victime ?

« Il ne suffit pas d’avoir juridiquement raison pour être médiatiquement compris », disait le procureur Burgelin. Cette réflexion colle assez bien à ce procès, me semble-t-il.

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Liliane, fais les valises ! a été lu 1 798 fois et a suscité 19 commentaires.

Liliane, fais les valises !

Je ne sais pas si Liliane Bettencourt se souvient de cette phrase de Georges Marchais lorsqu’il apprit que « Mit’rand » s’apprêtait à écorner le programme commun de la gauche ; mais à force de lui chercher valises_flodelirespaceslive.gifdes poux dans la tête, elle aussi, elle pourrait bien les faire, ses valises.

Dans cette histoire à épisodes, qui va finir par devenir le feuilleton de l’été, on retrouve tous les ingrédients de Dallas, l’argent, la politique, le mensonge… (ah non, y a pas de pétrole !), et chacun de se perdre en conjectures. Y a-t-il eu malversation, malhonnêteté, prévarication… ?

Eric Woerth, s’explique, se défend : c’est simple, il n’est jamais intervenu. Quant à sa femme, elle n’était pas au courant des comptes off shore de sa « patronne », ce qui dans une minuscule structure de quelques salariés peut paraître pour le moins surprenant… Mais bon, admettons !

La question que nous, les petites gens, on se pose, est bien plus simple…

Comment un ministre qui gère le budget de la France peut-il trouver normal que son épouse se mette au service de l’une des plus grosses fortunes du monde ? En effet, quelle que soit son intégrité, une telle situation ne peut entraîner que des interrogations, voire de la défiance.
N’a-t-il donc jamais entendu parler de la théorie de l’apparence ? Ce principe rabâché par la Cour européenne des droits de l’homme qui, appliqué au cas présent, donnerait : il ne suffit pas de se savoir honnête, il faut aussi montrer qu’on l’est.

Car les choses de la vie publique ne doivent pas seulement exister, elles doivent être visibles de tous et compréhensibles pour tous. Un gouvernement qui prêche l’exemplarité de la peine en matière pénale doit facilement comprendre ça, non !

Il suffit juste d’un peu de jugeote.

Les gens qui nous dirigent auraient-ils perdu à ce point la notion des réalités pour que cela ne leur saute pas aux yeux ?

Et puis, d’un coup, une autre question nous taraude : a-t-on fait des concessions pour éviter que Mme Bettencourt ne quitte le pays ? Existe-t-il des règles fiscales à géométrie variable selon qu’on s’adresserait à une riche héritière, à un joueur de foot ou à Madame Michu ?

Le fameux bouclier fiscal ne serait-il pas suffisant pour retenir les grosses fortunes ?

En tout cas, cette histoire fait naître le doute…

Liliane Bettencourt a déclaré qu’elle allait régulariser sa situation. Sous prétexte qu’elle a acheté une île, comme d’autres s’achètent une Breitling, ou qu’elle s’est offert un « artiste », comme autrefois, les vieux messieurs s’offraient une danseuse, on veut nous faire croire qu’elle est gaga. Mais en fait, c’est la seule à parler net dans cette affaire. Alors, attention ! À force de la titiller, elle pourrait bien décider de bazarder l’Oréal et de faire ses valises…

Le géant suisse de l’alimentaire, cocotiers_lespac.jpgNestlé, qui détient déjà 30% du capital de l’Oréal, est à l’affût. Ce groupe rêve depuis des années de récupérer les 30% de la famille Bettencourt. Pas de mon vivant, aurait dit Liliane.

Ma pauvre dame (?), je crains bien que vous ne soyez plongée dans « un monde impitoyable ».

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Les incidents techniques à répétition qui perturbent ce blog m’empêchent de donner les statistiques du billet précédent.

Y avait-il un micro dans les douches ?

Dans la police, lorsqu’on a un tuyau qui provient d’une écoute, d’une esgourde, d’un zozor, on dit qu’il s’agit d’un indic, un tonton, quoi ! Dans les vestiaires de l’équipe de France, le vocabulaire est différent, mais le résultat est le même.

Le plus facile pour sonoriser une pièce, m’a dit un spécialiste, est d’utiliser un quelconque téléphone enigme-picsou.jpgportable, à condition qu’il soit muni de la fonction « décrochage automatique ». On coupe la sonnerie et l’éclairage du cadran, et, lorsqu’on lance un appel sur ce mobile, on peut capter tout ce qui se dit autour. Bien sûr, c’est du bidouillage, il existe des moyens autrement plus sophistiqués.

Mais, amateur ou professionnel, derrière la technique, il y a une main, comme on dit au foot. Il faut donc se poser la question : à qui profite le crime ?

En tout cas, à aucune des stars du ballon rond. Eux, ils ont joué (si l’on peut dire) et ils ont perdu. Mais alors, qui y gagne ?

Par habitude, les yeux se tournent vers l’Élysée… Ah non, pas cette fois ! D’ailleurs le patron des lieux a envoyé sa  Roselyne au charbon. Ordre de mission : regonfler le moral de la troupe. « Ce sont vos gosses, nos enfants, pour qui peut-être vous ne serez plus les héros », leur a-t-elle susurré. On aurait dit Malraux devant le Panthéon dans l’hommage à Jean Moulin : « C’est la marche funèbre des cendres que voici (…)  Et depuis sont nés seize millions d’enfants… »
Elle est parvenue, paraît-il, à leur tirer une larme à ces grands gaillards. C’est vrai qu’il est plus facile de leur tirer une larme que de leur faire tirer un but…

Bon, il y a le cas Woerth. On est bien obligé de s’y arrêter, car pendant que l’on suit les rebondissements du ballon rond, on oublie la réforme des retraites et même (un peu) ses problèmes de couple. À noter pourtant que ce ministre qui a tant communiqué sur sa lutte contre l’évasion fiscale va se faire coiffer au poteau par son jeune successeur, lequel va probablement doubler le score sur une seule tête.

C’est vrai que ces jours derniers, on ne parle plus guère non plus de l’affaire de Karachi, ni de la plainte pour corruption déposée contre le club de Balladur pour une lointaine histoire de rétrocommissions. Je ne sais pas si ce monsieur a un alibi, mais on ne l’a pas vu dans les gradins ces temps-ci – ni avant d’ailleurs.

Donc, exit nos élites de la liste des suspects. Quant à TF1, on peut l’exclure aussi, vu que la chaîne va y laisser des plumes. Bon, vous me direz,  Bouygues vient de récupérer le marché pour la rénovation du vélodrome de Marseille, c’est quand même un beau lot de consolation, non!

Alors, il y a la presse écrite. Ca ronronnait dur en Afrique de Sud, à tel point que les Français commençaient même à se désintéresser de leurs joueurs, et patatras ! L’Équipe nous affiche un titre que même dans ce modeste blog je n’ose reproduire. On en est baba. On s’interroge… Et finalement la solution de l’énigme se trouve (peut-être) dans Le Monde du 22 juin : « (…) Il n’existe plus dans le stade, qu’un lieu sanctuarisé : le vestiaire. Là où, par chance, la langue de bois peut se volatiliser (…) Deux journaux en France se livrent une lutte sans  merci pour recueillir les propos qui ont pu s’échanger dans ce huis-clos : l’Équipe et Le Parisien. »

Sans merci, jusqu’à quel point ?
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Post-scriptum : Je
présente mes regrets pour avoir osé raconter cette fable sur un sujet coq-gaulois_bondy-blog.jpgqui n’est pas de mon ressort (sauf les écoutes). Mais j’ai une excuse : on ne parle que de ça.

Cela dit, je suis Français, moi, et je ne démissionnerai pas !

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Le dictaphone du majodorme de Mme Bettencourt a été lu 26 934 fois et a suscité 18 commentaires.

Le dictaphone du majordome de Mme Bettencourt

Rien de plus simple que d’écouter les conversations de la dame la plus riche de France, il suffit d’un matériel basique que l’on peut trouver n’importe où. telephone_design-technology.1277105849.JPG« Elle est bien mal conseillée, m’a dit un spécialiste du contre-espionnage. Lors de la dernière campagne présidentielle, par exemple, les deux candidats de tête ont dépensé pas loin de cent mille euros rien que pour s’assurer qu’il n’existait ni micros ni écoutes téléphoniques dans leurs locaux. » Un « dépoussiérage » qui est devenu une habitude dans les entreprises pour éviter l’espionnage industriel, la manipulation du cours de bourse, sauvegarder le secret d’une campagne de pub, etc. Une mission facturée quand même entre 300 et 500 euros de l’heure !

Mais il existe des gadgets plus sophistiqués que le « dictaphone du majordome ». Et ce n’est plus affaire de spécialistes. Leur utilisation est tellement simple que n’importe qui peut se découvrir des talents de parfait petit espion. Il n’existe pas bien sûr de statistiques officielles, mais peu de domaines échappent aujourd’hui aux oreilles indiscrètes. Les écoutes tous azimuts sont devenues un véritable fléau de la société moderne. Et si les services de l’État sont les premiers utilisateurs,  a contrario, le gouvernement tente de freiner la vulgarisation de ces matériels auprès du grand public.

C’est l’une des raisons du décret signé par le Premier ministre en juillet 2009, pour créer une agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, appelée ANSSI. Ses missions sont multiples, mais elle vient de publier un document qui rappelle « que l’intimité de la vie privée et le secret des communications électroniques sont protégés par la loi. Leur violation, la vente au public et l’utilisation de dispositifs d’écoute sont illégales et passibles de poursuites judiciaires ». Un an de prison et 45 000 euros d’amende, que ce soit pour l’utilisation, la détention, la vente et même la publicité de ces matériels.

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Même si le dictaphone du majordome s’est transformé en bombe politique, il faut bien reconnaître que les simples écoutes  sont dépassées. Aujourd’hui, le téléphone portable a changé la donne. Les renseignements les plus importants ne sont plus dans les conversations, mais plutôt dans le comportement, les déplacements, les habitudes… En fait, extrait-pub-espion-mobile2.1277106687.jpgce sont les traces que nous laissons derrière nous, dans notre vie de tous les jours, qui nous trahissent le plus.

Et pourtant, dans une poche ou dans un sac, on le trimballe tous ce satané portable, ce sycophante des temps modernes.

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Un léger problème technnique sur ce blog m’empêche de donner les statistiques du dernier billet.  

Argent sale en main propre

3.000 euros – et pas un kopeck de plus. C’est la somme maximale qu’un Français est autorisé à payer cash lorsqu’il effectue un achat. C’est un décret de mercredi dernier qui vient de fixer ce seuil.

picsou.pngOn comprend bien qu’il s’agit là de lutter contre l’argent sale.

Ce qui m’a agacé dans ce décret, c’est que le même jour, je découvrais les comptes de campagne d’Edouard Balladur. Vous savez, ce Monsieur, soutenu par Nicolas Sarkozy, qui s’est pris une veste aux Présidentielles de 95…

« La réalité (…) c’est que le financement en espèces n’a nullement été inventé par moi, qu’il est autorisé par la loi à concurrence de 20 % du total des dépenses… » C’est ce qu’il a déclaré le mois dernier, devant la Mission d’information sur les circonstances entourant l’attentat de Karachi. Pour se dédouaner de toute commission occulte, il se justifie, chiffres en main : sa campagne électorale a coûté environ 90 millions de francs (dont 30 millions remboursés par l’État), il avait donc droit à 18 millions de francs en espèces – et il n’en a utilisé que 13 (environ 2.300.000 euros).

Le brave homme !

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Extrait des déclarations d’Edouard Balladur devant la Mission d’information sur les circonstances entourant l’attentat de Karachi.

Mais tout ça, c’est du vieux. Depuis, les choses ont dû changer, me suis-je dit. Eh ben non ! La dernière campagne présidentielle a coûté environ 76 millions d’euros à l’ensemble des candidats (dont 45 millions remboursés par l’État).

Ce qui fait donc environ 15 200 000 € en espèces.

Évidemment, si l’on compare aux 700 € par mois que touche un retraité au « minimum vieillesse », on est un peu perdu dans les zéros.

Et pour 1,40 € de plus, j’apprends dans Le Monde, reprenant des informations de Médiapart et de Marianne, que le gestionnaire de la plus grosse fortune de France (celle de Liliane Bettencourt), par ailleurs patron de Mme Woerth, saupoudre de subsides certains personnages politiques, « Une pincée pour machine, une lichette pour truc… »

Je ne sais pas si c’est vrai, mais comme les dons supérieurs à 150 € doivent être réglés par chèque, c’est facile à vérifier.

Pourquoi j’ai parfois l’impression qu’on nous prend pour des cons ?

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« Libérator » a-t-il tort ? » a été lu 2 099 fois et a suscité 10 commentaires.

« Libérator » a-t-il tort ?

Le juge des libertés et de la détention (JLD) a juste dix ans.  Il est né le 15 juin 2000 avec la loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits de la victime. Aujourd’hui, la promotion-sanction annoncée denew-justice_southerndefender.1276678296.gif M. Xavier Lameyre, surnommé Libérator, JLD à Créteil, montre que ce texte, remodelé déjà plusieurs fois, n’a toujours pas la cote auprès des policiers.

C’est d’ailleurs compréhensible, quasi mathématique : plus on renforce les libertés individuelles plus on complique la tâche de la police. Mais en poussant ce raisonnement à l’absurde, on serait amené à dire que pour éradiquer la délinquance il faudrait donner à la police les pleins pouvoirs…

L’un des rôles phares de ce magistrat est de se prononcer sur la détention provisoire, mais en fait, il intervient dans bien d’autres domaines. C’est lui par exemple qui dans certaines circonstances peut renouveler la garde à vue au-delà de 48 heures, autoriser des perquisitions de nuit, ou en enquêtes préliminaires, dans le cas où la personne concernée s’y refuserait ; ou encore accepter qu’un témoin dépose sous l’anonymat. Il peut aussi décider de la conservation des données détenues par les opérateurs de téléphonie. Comme il doit donner son feu vert pour l’installation d’un système son-image dans un local privé en dehors des heures légales, etc.

En fait, à chaque fois qu’un policier, un gendarme, un juge ou un procureur, désire pour les besoins de son enquête enfreindre une liberté individuelle plus que de coutume, le JLD doit donner son accord.

Ce qu’on appelle un empêcheur de tourner en rond.

Dans le cas présent, certains syndicats de police se focalisent sur la détention provisoire. On comprend bien la rage d’un flic qui a bossé sur une affaire des jours, des semaines,  parfois des mois, et qui voit ses clients, les suspects, rentrer chez eux avant même que lui ne soit descendu de son bus ou de son RER… Mais il s’agit là d’une réaction épidermique.

Car les textes disent bien que la détention provisoire est une mesure exceptionnelle. Elle doit être « l’unique moyen » de conserver des preuves, des indices, de protéger les témoins, d’éviter que le mis en examen ne prenne la fuite, ou d’empêcher, évidemment, que l’infraction ne se reproduise. Sauf en matière criminelle, il n’est pas non plus prévu de satisfaire à un trouble de l’ordre public ou à une campagne médiatique.

On peut même s’étonner, à la lecture du Code de procédure pénale, qu’autant de personnes soient mises en détention provisoire…

Les policiers, comme tout citoyen, peuvent estimer que les lois sont mal faites, mais ils ont un devoir et un seul, celui bugs_bunny.gifde les respecter, avant même de les faire respecter.

En tout cas, dans une démocratie, un flic ne peut pas demander la peau d’un juge – et l’obtenir.

Ou alors je n’y comprends plus rien.

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Rue89 et les voleurs d’images, a été lu 2 864 fois et a suscité 22 commentaires.

Rue89 et les voleurs d’images

Nicolas Sarkozy se chauffe pour une émission sur France 3. Il y a maintenant deux ans, Rue89 a diffusé ces images, enregistrées juste avant l’ouverture de l’antenne. Et vendredi dernier, un journaliste est mis en examen, non pas pour cette diffusion, liberté de la presse oblige, mais pour recel d’images. Or, pour qu’il y ait un receleur, il faut qu’il y ait un voleur. voleur_ozepicesch.1276497889.jpgC’est le bon sens.

Mais peut-on voler des images ou des sons ?

C’est le concept même de  l’émission Les infiltrés, présentée sur France 2 par David Pujadas, « montrer ce qui est censé rester secret… », et pour cela, «  équipés de micros caméra, « les infiltrés » tentent chaque jour d’en savoir plus sur l’entreprise dans laquelle ils ont été embauchés… sur l’association, le milieu ou le mouvement qu’ils ont réussi à intégrer… »

On peut potiner sur le travail de ces journalistes. On peut se demander s’ils ne se sont pas trompés de voie…  D’ailleurs, quand on regarde leurs reportages, on est presque obligé de s’interroger : que fait la police ? Bon d’accord, ce n’est pas le sujet. En tout cas, à ma connaissance, ils n’ont jamais été poursuivis pour vol.

Pourtant, à la suite de cette diffusion sur le site Rue89, la direction de France 3 a déposé une plainte pour vol et recel…

Il y a là quelque chose qui m’échappe.

Puis, en y réfléchissant, je me suis dit que cette affaire m’en rappelait une autre. Souvenez-vous, c’était l’année dernière. Cet employé de la banque suisse HSBC qui s’était introduit dans le système informatique de ladite banque pour y dérober le listing de milliers de comptes étrangers. Il s’agissait ici d’un vol caractérisé (atteinte au système de traitement automatisé des données ou STAD). C’est même pour un motif semblable (entre autres) que Jérôme Kerviel est actuellement jugé.

Or le ministre du budget de l’époque, M. Eric Woerth, dont les services, par on ne sait trop quel moyen avait réussi à obtenir ce listing, avait déclaré : « Ce qui serait choquant, c’est de ne pas utiliser ces informations ».

Alors, deux poids deux mesures ? D’un côté un service de l’État, receleur de fait d’un document volé serait en droit de l’utiliser en toute impunité, et de l’autre, un journaliste, « receleur » d’une image, deviendrait un hors la loi !

Avec, dans ce dernier cas, une question préalable : l’infraction est-elle réellement constituée ?

Rappelons les faits : Le président de la République est installé dans un studio de télévision : maquillage, essais de voix, de lumière…, etc. On attend l’antenne. « Trois minutes ! » annonce le régisseur. Mais pendant ce temps, la caméra tourne. Ce sont donc ces images, enregistrées juste avant l’émission, qui sont l’objet du délit de recel.

Recel d’images. À quand le recel d’idées ?

Dans une affaire récente qui concernait la violation du secret de l’instruction, le Tribunal correctionnel de Paris avait estimé que la faute n’incombait pas aux journalistes, mais à ceux qui avaient laissé filtrer l’information, c’est-à-dire les services de justice. Et les juges avaient conclu à la responsabilité de l’Etat.

Il serait amusant qu’à la suite de la plainte de France 3, la chaîne publique soit condamnée pour faute lourde.

On nous parle (à demi-mot) de rigueur, on nous dit qu’il va falloir se serrer la ceinture, faire des économies de tous côtés, surtout du nôtre, et voici qu’un procureur ouvre une information judiciaire pour une broutille de ce genre. Et voici qu’un juge d’instruction, Mme Anne-Julie Paschal, planche sur ce dossier depuis bientôt deux ans ! Avec aujourd’hui, quatre personnes mises en examen. Combien de commissions rogatoires ont été délivrées ? Combien de policiers ont travaillé sur ce dossier ? Comobelix_imagesshack.1276497971.jpgbien d’experts, d’écoutes téléphoniques ou informatiques ? Tout ce temps passé, au détriment de quels crimes, de quels vols, de quelles infractions financières ? Combien de dossiers glissés sous la pile ? Combien de victimes attendent justice ? Qui peut nous dire combien ça a coûté…

Tout cela n’est pas très sérieux.

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Les coulisses des reconstitutions judiciaires a été lu 908 fois et a suscité 5 commentaires.

Les coulisses des reconstitutions judiciaires

Un patron de la gendarmerie vient de se voir sanctionner pour avoir refusé que ses hommes, en l’occurrence un homme et une femme,  se prêtent à la reconstitution d’une scène de crime.

extrait-du-film-linspecteur-la-bavure.1276251374.JPGIl y a quelques années, un commissaire de police avait fait de même. Il s’était vu retirer, lui aussi, son habilitation d’OPJ pour un an. Les syndicats de police, notamment Synergie officiers, avaient alors diffusé un tract pour inviter leurs adhérents à boycotter les reconstitutions, du moins celles qui sont jugées dégradantes.

Mais c’est quoi une reconstitution judiciaire ?

Pour se faire une idée, une idée pour rire s’entend, on peut visionner sur Dailymotion la scène du film de Zidi, Inspecteur la bavure. Tout le monde est en place. Le commissaire (Julien Guiomar) demande à l’officier de gendarmerie si l’un de ses gendarmes peut jouer le rôle de la victime. Refus poli. Alors, le commissaire se tourne vers Coluche : « Vous allez faire la petite fille », lui ordonne-t-il. On retire les menottes au suspect (Philippe Khorsand) qui se met à courir après Coluche en criant « Fifille, fifille !…». À voir, c’est un extrait de choix.

Plus sérieusement, il s’agit généralement d’un acte d’instruction qui consiste à mimer le crime un peu comme on le ferait au théâtre. Le juge se transforme alors en metteur en scène. Parfois, victimes, témoins ou suspects jouent leur propre rôle. À défaut, on prend des figurants. Et par commodité, ou pour limiter les frais, on les choisit parmi les policiers ou les gendarmes.

La reconstitution est un acte important de l’enquête judiciaire, car elle permet de visualiser la scène et notamment de mettre en évidence des impossibilités matérielles. Et c’est un acte objectif qui peut servir autant l’accusation que la défense.

Lors du procès Colonna, par exemple, au vu des déclarations des experts sur l’angle de tir, les avocats avaient demandé une nouvelle reconstitution pour tenter de démontrer que la taille de leur client contredisait l’accusation.

Je ne me souviens plus s’ils ont obtenu satisfaction…

Personne d’ailleurs ne conteste l’importance de cet acte. Simplement, gendarmes et policiers se refusent à mimer certaines scènes, comme de jouer par exemple devant les suspects le rôle de la victime.

Il me semble que c’est une position parfaitement compréhensible.

En revanche, lorsqu’ils effectuent une france-nation-de-football.1276250806.jpgparade d’identification, ils s’arrangent entre eux. Acceptant de bonne grâce de poser parmi les suspects, sous le regard des témoins. « Des volontaires pour un tapissage ! » entend-on parfois dans les couloirs.

Alors, après tout, pourquoi les magistrats ne s’arrangeaient-ils pas entre eux ?

On imagine le tollé.

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Aff. Boulin : pourquoi pas une enquête parlementaire ? a été lu 5 442 fois et a suscité 13 commentaires.

Aff. Boulin : pourquoi pas une enquête parlementaire ?

L’élément déterminant de l’enquête sur les causes de la mort de Robert Boulin se trouve dans le courrier qu’il avait adressé à des amis et à des journalistes et dans lequel il annonçait son intention de mettre fin à ses jours. justice_barakanewsunblog.jpgPatatras ! les lettres et les enveloppes ont disparu du coffre où elles étaient enfermées. Une enquête administrative est en cours.

Une enquête administrative, ce n’est pas ce que demande la fille du défunt, qui, elle, souhaite la réouverture de l’enquête judicaire, notamment pour pouvoir comparer l’adn laissé sur les timbres desdites enveloppes avec celui de son père – comme il a été fait dans l’affaire Grégory. Cela ne débrouillerait pas complètement le dossier, mais il faut bien reconnaître que si l’on peut affirmer d’une manière scientifique que Boulin est bien l’expéditeur de ces lettres, la thèse de l’assassinat aurait sérieusement du plomb dans l’aile !

Et dans le cas contraire…

Ce n’est pas l’avis du procureur général. Pour lui aucun élément nouveau ne justifie la réouverture de l’enquête. Je suppose qu’il avait pris cette décision avant de savoir que les scellés avaient disparu…

Car l’élément nouveau, il est bien là !

En effet, dans une affaire qui laisse planer le doute et  la suspicion, et derrière laquelle on imagine un machiavélisme politique impitoyable, comment ne pas prendre en compte la disparition d’une preuve capitale !

Alors, meurtre ou suicide ?

S’il s’agit d’un meurtre, il serait donc l’œuvre d’une équipe de barbouzes à la solde de quelques politiciens véreux. Avec une mise en scène soigneusement orchestrée (dont les fameuses lettres tapées sur la machine à écrire personnelle du ministre) pour faire croire à un suicide. Des heures et des heures de préparation. Tout ça pour finir dans 50 cm d’eau ?

Mais s’il s’agit bien d’un suicide, alors, pourquoi tant d’invraisemblances ? Peut-être parce que, lorsqu’un membre influent de la politique disparaît brutalement, il est de tradition de « faire le ménage » avant l’arrivée des enquêteurs. Manquerait plus qu’un document compromettant se retrouve entre les mains d’un petit juge, crénom ! Or dans les heures qui ont précédé la découverte du corps, il y a des blancs, c’est incontestable.

Mais dans un cas comme dans l’autre, il est ridicule de penser que tout un service de police judiciaire (que je connais bien) puisse s’être laissé corrompre… En revanche, que l’on ait attendu « un peu » avant de prévenir les enquêteurs, et qu’ensuite on les ait « un peu » baladés, cela n’est pas impossible…

Sur ce blog, un vieux billet sur l’affaire du petit Grégory est devenu un forum où se retrouvent ceux qui refont l’enquête, ou tout simplement ceux qui cherchent à comprendre. À ce jour, plus de 6 000 commentaires. La mort de cet enfant est devenu un véritable questionnement sur le fonctionnement de notre justice – tout comme l’affaire Boulin. Je crois même qu’on peut parler de trouble à l’ordre public.

Avec une différence, c’est que dans un cas il s’agit d’une affaire criminelle et dans l’autre d’une affaire politique.

Alors, si la Justice ne veut pas rouvrirporte-cles-cocarde.1276071012.jpg le dossier sur la mort de Boulin, le principe de la séparation des pouvoirs n’existe plus, et dans ce cas… nos parlementaires ne pourraient-ils pas envisager la création d’une commission d’enquête ?

Une enquête des députés, au nom du peuple français, sur la mort de l’un des leurs, ç’aurait du panache, non !

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A-t-on le droit d’être armé, a été lu 45 745 fois et a suscité 230 commentaires, certains très limites, ou très deuxième degré. Il est évident qu’il ne s’agit pas de laisser chacun se balader avec une arme à feu, mais de simplifier la réglementation actuelle. Mais le fait intéressant dans la démarche du député Marlin est de vouloir légiférer dans ce domaine. Autrement dit, de passer du règlement à la loi. Un bon point pour la démocratie.

A-t-on le droit d’être armé ?

56 % des personnes interrogées lors d’un sondage CSA effectué pour Le Parisien sont favorables à l’armement des polices municipales. Une réponse étonnante. Mais un député de la majorité va plus loin, il s’interroge : la possession d’une arme n’est-elle  pas un droit constitutionnel – pour tous les Français ? madalton.1275821048.gif

Et pour étayer son argumentaire, il rappelle que le comité qui planchait sur la Constitution de 1791, avait prévu un article X qui disait : «Tout citoyen a le droit d’avoir des armes chez lui, et de s’en servir…». Article qui n’a pas été formalisé, tant à l’époque il paraissait évident.

Franck Marlin, avec trois de ses collègues, vient donc de déposer un projet de loi pour modifier radicalement la réglementation sur les armes. Dans le préambule de son exposé, il cite Christian Estrosi (qui représentait Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur) qui clôturait ainsi en 2006 un colloque sur les armes et la sécurité : « Notre société ne réserve pas la possession d’armes aux seules autorités investies d’un pouvoir de contrainte, c’est-à-dire à l’État et autres personnes publiques. Au contraire, il s’agit du privilège d’un pays démocratique que de reconnaître à ses citoyens des motifs légitimes de posséder une arme, que ce soit pour la chasse, le sport ou la collection… »

Et dans son projet, le parlementaire regrette que depuis un texte d’exception voté en 1939, ce soit le pouvoir exécutif qui décide de la réglementation sur les armes alors qu’il s’agit, constitutionnellement, du domaine de la loi. En effet, dit-il « les Constituants de 1789 et les rédacteurs de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ont indiqué que le droit pour les citoyens de détenir des armes constituait un droit naturel existant en tout lieu depuis des temps immémoriaux, c’est-à-dire, « un principe supérieur et intangible, qui s’impose non seulement aux autorités d’un État déterminé, mais aux autorités de tous les États » ».

Le Code pénal de 1810 rangeait le droit d’avoir une arme parmi les droits civiques, civils et de famille. Et aujourd’hui encore, il est admis que les citoyens ont le droit de se défendre, et concourent, si besoin, à la défense de la Nation. Rappelez-vous l’appel de Michel Debré dans la nuit du 23 avril 1961 : « Dès que les sirènes retentiront, allez-y, à pied ou en voiture… » Il s’agissait pour les Parisiens de s’opposer aux parachutistes attachés au général Salan. Tandis que dans le même temps, place Beauvau, des centaines de personnes faisaient la queue pour qu’on leur donne des armes – qu’ils n’obtiendront d’ailleurs pas.

L’Union française des amateurs d’armes, qui se bat depuis longtemps pour une modification de la réglementation, cite les six critères établis par « d’éminents politologues », comme Zbigniew Brzezinski (conseiller à la sécurité du président Jimmy Carter) qui définissent l’installation du politologues.1275821157.JPGtotalitarisme dans un pays. Comme on le voit dans l’encadré (même si d’autres considérations peuvent nous troubler), le monopole de l’utilisation des armes à feu y figure en bonne place.

L’arme symbole de la démocratie ! Je ne sais pas si les Français vont suivre ce raisonnement…

Mais pourquoi des députés montent-ils au créneau sur un tel sujet, alors que l’écho des détonations des Kalachnikovs résonne encore aux oreilles des témoins des fusillades de Villiers-sur-Marne et de Marseille !

Allez, cherchez bien ! Qu’est-ce qui peut faire bouger tant soit peu l’ordonnancement de notre vieux pays ? L’Europe, évidemment. Il s’agit de se mettre en conformité  avec les directives européennes. Raison pour laquelle depuis plusieurs mois, un groupe de travail dirigé par le préfet Patrice Molle planche sur le sujet.

Aujourd’hui, les matériels de guerre, armes et munitions sont classés en différentes catégories qui vont, pour le haut de tableau, du char de combat à la lunette de nuit ou au matériel de cryptologie ; et pour le bas du tableau, des armes blanches, aux armes de tir ou de collection. Cette classification, qui ressemble à un inventaire à la Prévert, est tellement alambiquée que personne ne s’y retrouve. Qui peut dire aujourd’hui si la grand-mère qui serre précieusement une bombe aérosol de défense dans son sac est en infraction ou non ?

On irait donc vers une simplification. Certaines armes, comme les armes blanches, les armes de collection, les armes non létales…, pourraient être achetées et détenues librement.

On s’acheminerait également vers un assouplissement concernant l’autorisation de port d’arme, qui en France est quasi impossible à obtenir – sauf à avoir le bras long.

Je ne sais pas si ces propositions vont aboutir… On a tellement pris l’habitude, après chaque drame, d’entendre dire que la réglementation sur les armes allait être durcie, qu’on est presque à contre-courant.

La France est l’un des pays où pratiquement tout est interdit dans ce domaine – et l’on nous dit ces jours-ci, dans la presse, que n’importe qui peut se procurer une Kalachnikov pour moins de mille euros… Alors ?

En Grande-Bretagne, où les règles sont également très dures, un chauffeur de taxi vient de faire un carnage… Alors ?

Cette réglementation coûte un fric fou pour la faire respecter et l’on n’y comprend rien. Faut-il la simplifier ? Sans aucun doute. En tout cas, il faut faire la distinction entre celui qui détient une arme pour d’honnêtes raisons (tir, chasse, collection…) et les autres.

En revanche, on pourrait utilement réfléchir à un fichier (un de plus) qui répertorierait « l’empreinte » de toutes les armes à feu qui circulent en France, même celles des policiers et des gendarmes. shadok_marteau.1275821282.gif

Au moins, cela faciliterait les enquêtes, et peut-être cela mettrait-il un peu de plomb dans la tête de ceux qui en détiennent une…

Je voulais dire que cela les responsabiliserait – moi compris.

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Gendarmerie : Sarkozy enfonce le clou a été lu 3 331 fois et a suscité 7 commentaires.
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