LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Les coulisses des reconstitutions judiciaires

Un patron de la gendarmerie vient de se voir sanctionner pour avoir refusé que ses hommes, en l’occurrence un homme et une femme,  se prêtent à la reconstitution d’une scène de crime.

extrait-du-film-linspecteur-la-bavure.1276251374.JPGIl y a quelques années, un commissaire de police avait fait de même. Il s’était vu retirer, lui aussi, son habilitation d’OPJ pour un an. Les syndicats de police, notamment Synergie officiers, avaient alors diffusé un tract pour inviter leurs adhérents à boycotter les reconstitutions, du moins celles qui sont jugées dégradantes.

Mais c’est quoi une reconstitution judiciaire ?

Pour se faire une idée, une idée pour rire s’entend, on peut visionner sur Dailymotion la scène du film de Zidi, Inspecteur la bavure. Tout le monde est en place. Le commissaire (Julien Guiomar) demande à l’officier de gendarmerie si l’un de ses gendarmes peut jouer le rôle de la victime. Refus poli. Alors, le commissaire se tourne vers Coluche : « Vous allez faire la petite fille », lui ordonne-t-il. On retire les menottes au suspect (Philippe Khorsand) qui se met à courir après Coluche en criant « Fifille, fifille !…». À voir, c’est un extrait de choix.

Plus sérieusement, il s’agit généralement d’un acte d’instruction qui consiste à mimer le crime un peu comme on le ferait au théâtre. Le juge se transforme alors en metteur en scène. Parfois, victimes, témoins ou suspects jouent leur propre rôle. À défaut, on prend des figurants. Et par commodité, ou pour limiter les frais, on les choisit parmi les policiers ou les gendarmes.

La reconstitution est un acte important de l’enquête judiciaire, car elle permet de visualiser la scène et notamment de mettre en évidence des impossibilités matérielles. Et c’est un acte objectif qui peut servir autant l’accusation que la défense.

Lors du procès Colonna, par exemple, au vu des déclarations des experts sur l’angle de tir, les avocats avaient demandé une nouvelle reconstitution pour tenter de démontrer que la taille de leur client contredisait l’accusation.

Je ne me souviens plus s’ils ont obtenu satisfaction…

Personne d’ailleurs ne conteste l’importance de cet acte. Simplement, gendarmes et policiers se refusent à mimer certaines scènes, comme de jouer par exemple devant les suspects le rôle de la victime.

Il me semble que c’est une position parfaitement compréhensible.

En revanche, lorsqu’ils effectuent une france-nation-de-football.1276250806.jpgparade d’identification, ils s’arrangent entre eux. Acceptant de bonne grâce de poser parmi les suspects, sous le regard des témoins. « Des volontaires pour un tapissage ! » entend-on parfois dans les couloirs.

Alors, après tout, pourquoi les magistrats ne s’arrangeaient-ils pas entre eux ?

On imagine le tollé.

_____________________________________________________________
Aff. Boulin : pourquoi pas une enquête parlementaire ? a été lu 5 442 fois et a suscité 13 commentaires.

7 Comments

  1. Guillaume

    Bonjour,
    Le juge peut-il embaucher des acteurs pour ces reconstitutions ? Etant acteur moi-même (et cherchant à vivre de mon art en jouant un maximum) cela est susceptible de m’intéresser, et cela soulagerait sans doute les gendarmes et policiers (je comprends parfaitement leur position sur le fait de ne pas vouloir jouer le rôle de la victime devant les suspects). A qui faudrait-il que j’adresse ma candidature (dans le cas où cela est possible ) ?

  2. Un flic

    Le problème c’est que les reconstitutions sont dangereuses: la Police Belge a reconstitué un accident de car qui avait fait 50 morts…Bilan : 50 morts de plus!!!!

    Je plaisante…je suis moi même d’origine Belge mais c’est comme pour les histoires juives on sait bien que ce sont les juifs qui les racontent le mieux…

  3. Arnaud

    anonyme > vous dites que c’est normal qu’ils soient sanctionnés s’ils ne veulent pas le faire. Je suis d’accord avec vous si c’est prévu par la Loi(au sens large avec leur statut et les différents codes rouges de chez le père Dalloz). Mais si ce n’est pas prévu?
    Alors, que dit le CPP?

  4. anonyme

    « Il me semble que c’est une position parfaitement compréhensible. » non ! Y’a un boulot à faire, et il faut qu’il soit fait ! Si les policiers / gendarmes ne veulent pas, c’est normal qu’ils soient sanctionnés.

  5. chicken run

    C’est sur que des reconstitutions virtuelles seraient économiques, mais on n’aurait plus l’émotion palpable, avec quelquefois des révélations (volontaires ou non).

    Elles permettent parfois de confondre ou de disculper, en illustrant les auditions. D’où une nécessaire mise en scène pratique.

  6. yesroll

    Il me semble qu’il existe des logiciels permettant de telles mises en scène.
    Une série de susceptibilités ménagées d’un seul coup avec des économies à la clé.
    Gagnant gagnant non ?

  7. Arnaud

    Légiféron, légiférons, afin de cadrer cette pratique(nous ne sommes plus à ceci près).
    Mais il y’a peut être un article qui en cause dans le CPP?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

© 2024 POLICEtcetera

Theme by Anders NorenUp ↑