LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Auteur/autrice : G.Moréas (Page 30 of 82)

Un cabinet noir à l’Elysée !?

C’est ce que semble penser François Hollande : « Il y aurait à l’Élysée, au côté même du président de la République, une cellule qui, avec la police, avec la justice, ferait pression pour que des affaires soient lancées et d’autres étouffées » Et l’édito du Monde du 2 septembre parle même d’un « cabinet noir ».

Une « bad brigad » dans les murs du Palais présidentiel, voilà de quoi mettre l’imagination en branle !

L’histoire bégaie – Ce ne serait pas la première fois. Au début de son mandat, François Mitterrand créait à ses côtés un service parallèle officiellement destiné à lutter contre le terrorisme (déjà !). En fait, il était surtout là pour protéger sa vie privée, masquer ses incartades et éloigner ses « ennemis ». Car le bonhomme était un rien parano. Le nom de cette fameuse cellule élyséenne est lié à jamais aux écoutes téléphoniques illégales.

Une condamnation pour bons et loyaux services – Placée sous les ordres du commandant Christian Prouteau, la cellule était composée essentiellement de gendarmes. Il faut dire que, depuis l’affaire de l’Observatoire, Mitterrand avait une dent contre la police. Les écoutes qu’elle a effectuées tant sur certaines personnalités que sur des journalistes n’avaient évidemment rien à voir avec le terrorisme. Elles avaient beau avoir été ordonnées par la plus haute autorité de l’État, elles étaient illégales. Le président Mitterrand a défendu ses hommes jusqu’au bout et le parquet a freiné des quatre fers pour éviter des poursuites pénales, mais les plaignants ont eu finalement gain de cause au civil. Dans son arrêt, la Cour d’appel a insisté sur le fait que les cinq personnes citées (de mémoire : deux hauts fonctionnaires, deux militaires et un policier) avaient bel et bien commis des délits et qu’il s’agissait de fautes personnelles détachables du service.

L’histoire nous montre donc qu’un fonctionnaire ou un militaire qui exécute un ordre illégal engage sa propre responsabilité.

Si donc, comme nous le dit aujourd’hui M. Guéant, les fonctionnaires de la DCRI ont effectué des réquisitions auprès d’un opérateur téléphonique en dépit de la loi, ils risquent fort de connaître les foudres de la justice. Toutefois, d’après ses dernières déclarations, lui aussi semble prêt à défendre ses hommes, en l’occurrence MM. Péchenard et Squarcini. Des propos qui l’engagent.

Écoutes ou simples repérages ? – Pourtant, ces réquisitions ne sont probablement que la partie émergée de l’iceberg. Car les policiers de la DCRI n’ont nul besoin d’Orange pour effectuer des écoutes. Ils peuvent avoir recours à d’autres procédés, ou aux écoutes dites administratives (ou de sécurité) qui, elles, sont protégées par le secret-défense. Et celles-là, même la juge Sylvia Zimmermann ne peut en avoir connaissance.

Les bidouilleurs de la DCRI – Mais ces enquêteurs triés sur le volet sont-ils obligés de passer par l’opérateur pour connaître le « passé téléphonique » d’un suspect, que ce soit un terroriste, un informateur ou… un journaliste ? La question vaut la peine d’être posée, car, par définition, un service secret agit en secret – et non pas sous couvert d’une réquisition plus ou moins judiciaire. On pourrait donc en conclure soit que notre DCRI, qu’on nous a présentée comme un service de pointe, ne serait pas si en pointe que ça… Soit que ses agents, sûrs de leur impunité, ont cédé à la facilité… Soit que ces investigations ont été faites par un noyau d’affidés, dans le dos de la hiérarchie. Des bidouilleurs, quoi ! Car il est bien difficile d’admettre que les deux vieux routiers cités plus haut n’aient pas senti la patate… Même s’ils acceptent de porter le chapeau. Quand on est près du Bon Dieu, on imagine assez mal le purgatoire.

Celà irait dans le sens de la rumeur concernant un possible cabinet noir, ou du moins une cellule occulte. Et pour colporter moi aussi une rumeur, on dit que, lorsque des infos crapoteuses ont circulé sur Mme Aubry, celle-ci a décroché son téléphone pour signaler à l’Élysée le nom des personnes « bien en place » susceptibles d’être à l’origine de cette intox. Qui a cessé aussitôt.

François Mitterrand voulait camoufler ses frasques et, maintenant, Nicolas Sarkozy chercherait à dissimuler ses casseroles… Vrai ou faux ? Peu importe, car, comme disait Pablo Picasso « Tout ce qui peut être imaginé est réel ».

PS : la police en rose

« L’intérêt d’une démocratie commande toujours d’élever le niveau de la police et non de l’abaisser », nous dit le député Jean-Jacques Urvoas. Dans son livre, 11 propositions chocs pour rétablir la sécurité, il appuie là où ça fait mal : « La lutte doit être menée contre la délinquance, mais avec les citoyens ». D’après un sondage récent, 58 % des Français seraient satisfaits de leur police, alors qu’ils étaient 77 % il y a cinq ans. Et pourtant, dans ce même sondage, ceux qui ont eu affaire à la police sont contents du « service rendu » à 73 %. « Ces chiffres traduisent la relation complexe que les Français ont nouée avec ceux qui sont en charge de les protéger… » Ce que l’on constate fréquemment en lisant les commentaires sur ce blog.

Au fil des pages de son livre, derrière des propositions audacieuses, certains diront utopistes, M. Urvoas démolit la politique de la droite en matière de sécurité, fer de lance de la campagne présidentielle de 2007.

On feuillette ensemble…

Rapprochement police-justice – Il ne s’agit pas de rattacher la police à la justice, comme viennent de le faire les Pays-Bas, et comme le souhaitent de nombreux magistrats, mais de les raccrocher à une même structure : un « Grand ministère de la Règle et du droit » regroupant les compétences relatives à la justice et à la sécurité… ». Pas si simple. Le policier dépend du ministre de l’Intérieur, mais, lorsqu’il rédige un procès-verbal, en théorie, il rend des comptes au procureur ou au juge d’instruction, donc au ministre de la Justice. Toutefois, dans un commissariat, il existe bien d’autres tâches. En réalité, la question d’un rapprochement police-justice se pose depuis longtemps pour les services qui ne font « que » de la police judiciaire, comme les brigades du quai des Orfèvres ou, en province, les directions régionales.

Les flics dans la rue ! – Il faut « décharger les policiers et les gendarmes des tâches administratives ». Et pour cela, il faut recruter des « petites mains ». Aujourd’hui, les personnels administratifs représentent environ 10 % de l’ensemble des effectifs, alors que chez nos voisins européens, ils sont plus proches des 30 %. En Seine-Saint-Denis, les personnels de soutien ne seraient même que 5 %. Conclusion, 25 % du travail administratif serait effectué par des policiers. Mathématiquement, cela voudrait dire qu’un policier sur quatre n’est pas sur le terrain, et que la volonté du préfet Christian Lambert de mettre les « flics dans la rue » n’est qu’un vœu pieux. D’ici qu’il devienne socialiste…

Alors qu’aujourd’hui, on ne parle que d’argent, l’intérêt est évident : un personnel administratif coûte deux à trois fois moins cher et il ne faut que quelques semaines pour le former. Je suggère une autre piste pour mettre les flics sur le terrain : simplifier la procédure pénale qui date d’une époque où l’on tapait à deux doigts sur le clavier d’une « batteuse » et où l’avocat était gentiment prié d’aller voir ailleurs.

Alain Bauer va-t-il prendre sa retraite ? – Neuf millions d’euros de frais de fonctionnement, 81 personnes… À quoi peut bien servir l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), s’interroge le député socialiste ? Et l’observatoire de la délinquance (ONDRP) n’est-il pas un instrument destiné à rendre crédible les politiques de sécurité du gouvernement… « Depuis sa création, il n’a été capable de proposer que des analyses secondaires sur les statistiques de police et de gendarmerie ». C’est donc l’INSEE qui pourrait prendre la relève, avec notamment des enquêtes de victimisation. Et une idée originale : la création d’une fondation, rattachée à l’École Nationale supérieure de police, dont la vocation première serait de penser la sécurité de demain. Ce qui, il faut bien le dire, nous changerait de ces réactions à fleur de peau, prises sous le coup de l’émotion d’un fait divers tragique.

La fin de la préfecture de police de Paris – « État dans l’État, « république de Lutèce », la PP a une histoire faite de sédimentations (…) Une hérésie juridique qu’il est urgent d’abolir ». Là, c’est le prof de droit qui refait surface. Il prend le contrepied de la politique actuelle, puisque, depuis la signature du décret présidentiel de 2009 qui étend sa compétence aux départements limitrophes à la capitale, le préfet de police de Paris (également préfet de la zone de défense d’Île-de-France) n’a jamais été aussi puissant. Et de relancer une idée, qui va plaire aux inspecteurs de sécurité de la Ville : donner au maire de Paris les mêmes pouvoirs de police que les autres maires.

Des maires « sherifs » – « Pourquoi faudrait-il que la police des villes relève de l’État ? » s’interroge M. Urvoas. Pour lui, les maires doivent être « les véritables coordonnateurs des actions locales de sécurité, répression comprise »… Les seuls services sur lesquels il est légitime que l’État exerce une compétence exclusive sont la police de l’Air et des Frontières (DCPAF), les CRS et la direction centrale du renseignement. La DCRI sauvée par les socialistes, je n’y aurais pas crû.

Et les polices municipales ? – « Le rôle de la police municipale n’est pas de se substituer à la police nationale mais de tisser un lien de confiance avec la population, conformément à une approche préventive clairement établie ». Sa mission première est donc d’assurer la tranquillité publique, celle qui contribue à la qualité de vie dans la ville (exécution des arrêtés du maire, nuisances sonores, voies de faits dans une cage d’escalier ou les parties communes d’un immeuble, etc.), et non pas de faire le boulot de la police nationale. Et, pour éviter tout amalgame, leur uniforme doit être différent. Bien entendu, contrairement à la position de Manuel Valls, ils n’ont pas à être armés, sauf, éventuellement, avec des armes de défense de 6° catégorie (bâtons, bombes lacrymo….)

CRS… PS ! – Environ 27 000 policiers et gendarmes sont chargés du maintien de l’ordre, mais, en fait, cela représenterait moins de 20 % de leur activité. Ce qui en période de disette ne semble pas très rationnel. L’idée serait de doter les escadrons de gendarmes mobiles de moyens plus importants, notamment héliportés et aéroportés, et de les réserver pour le maintien de l’ordre. Tandis que les CRS se spécialiseraient dans la lutte contre les violences urbaines au niveau de la région. Ils seraient convertis en « FRS (forces régionales de sécurité) placées sous la responsabilité des directeurs régionaux de la police nationale… »

Les gendarmes resteront à l’Intérieur – M. Urvoas sait que de nombreux gendarmes souhaitent se détacher de la place Beauvau. Il prend des gants pour dire que cela ne sera pas le cas : « Rien ne serait plus irresponsable à cet égard que de les jeter à nouveau au cœur d’un cyclone de changements qui, loin d’apporter une quelconque plus-value opérationnelle, pourrait bien se traduire, au contraire, par une véritable régression dont l’unique effet serait de renforcer leur amertume et le sentiment qui les assaille trop souvent d’être incompris du pouvoir politique ». Ils conserveront donc leur statut militaire, au sein du ministère de l’Intérieur, qui, si j’ai bien suivi, pourrait devenir un Grand ministère de la Règle et du droit. La gendarmerie devrait être mieux représentée au sein des hautes instances politiques mais c’est une autorité civile qui en assurerait la direction : « Une voix forte pour défendre leur intérêts et restaurer leurs capacités d’action ».

Jean-Jacques Urvoas ne veut plus d’une « grande muette », mais au contraire d’une police ouverte, dont l’image ne dépend pas seulement d’un représentant syndical interviewé sur un coin de trottoir. L’enjeu est de passer « d’une police crainte et dénigrée à une police respectée et valorisée. » Comment ne pas être d’accord ? Mais les anciens, comme moi, resteront dubitatifs. Ils se souviennent encore des belles promesses, des belles déclarations des années 80, pour arriver, en quelques années, à déstabiliser profondément cette vieille maison, qui pensait pourtant en avoir vu d’autres. Espérons que le prochain président de la République comprendra que la police ne doit être ni un pouvoir ni servir un pouvoir.

Tir sur les manifestants : une rumeur qui fait long feu

Les forces de l’ordre ont-elles le droit d’ouvrir le feu contre des manifestants ? La rumeur a pris naissance après la publication de deux nouveaux décrets le 30 juin 2011. La presse s’en est fait l’écho, notamment Le Monde, dans son édition du 17 août. Parmi la liste des armes pouvant être utilisées pour le maintien de l’ordre, il est expressément mentionné un fusil à répétition de calibre 7.62. Une arme de précision.

Erreurs de communication à répétition – Comment interpréter cette décision ? À mon avis, ce texte envisage la possibilité de placer des tireurs d’élite à proximité d’une manifestation. Non pas pour le tir aux pigeons, mais par sécurité ! Les OT (observateurs-tireurs), comme les appellent les gendarmes, sont dotés d’un fusil à lunette. En maintien de l’ordre, leur mission est avant tout  d’observer. Mais en cas de nécessité, ils pourraient faire usage de leur arme. Pour cela, ils sont en liaison permanente avec l’autorité responsable. On comprend bien qu’ils ne sont pas là pour tirer dans la foule, mais pour neutraliser un énergumène qui se risquerait à ouvrir le feu contre les forces de l’ordre, ou d’ailleurs, contre d’autres manifestants. Imaginons qu’un déjanté, genre Behring Breivik, se glisse dans une manifestation bon enfant. Il tire à droite à gauche. Les policiers et les gendarmes ripostent. Et c’est l’hécatombe. Le tireur d’élite est justement là pour éviter ce risque.

Il aurait été si simple de l’expliquer…

Dernière sommation : On va faire usage de la force ! –  Il n’en demeure pas moins que, dans certaines situations, il est possible d’utiliser la force, voire des armes, dûment répertoriées dans le décret (grenades, lanceurs de balles de défense…), pour disperser un attroupement. Le Code pénal ne vise que l’attroupement, c’est-à-dire un rassemblement de personnes susceptibles de troubler l’ordre public. Le nouveau texte dit que l’intervention doit être proportionnée au trouble à faire cesser. Ce qui ne veut pas dire grand-chose puisqu’il s’agit d’une notion subjective. CRS et gardes mobiles ne peuvent faire usage de ces armes que sur l’ordre exprès de « l’autorité civile », sauf s’ils sont attaqués ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent.

La dispersion de l’attroupement ne s’impose pas aux forces de l’ordre. C’est une décision politique, relayée par l’autorité civile qui se trouve sur place.

Un commissaire qui va qui vient – Dans l’ancien Code pénal, les autorités civiles susceptibles de donner l’ordre d’utiliser la force pour disperser un attroupement étaient le préfet, le sous-préfet, le maire ou l’un de ses adjoints, le commissaire de police ou un officier de police judiciaire. Dans la pratique, c’était souvent le commissaire responsable du service d’ordre qui faisait les sommations. On lui prêtait la double casquette : magistrat de l’ordre administratif et judiciaire. En tant que militaire, l’officier de gendarmerie ne pouvait pas prendre cette décision. Et il n’était pas inhabituel de voir le commissaire, fort de son expérience en la matière, calmer les ardeurs d’un préfet ou d’un sous-préfet trop prompt à en découdre. Mais, en 1995, patatras ! le commissaire disparaît de la liste des autorités civiles. Il est remisé au rang des OPJ. On dit que le directeur général de la police de l’époque, M. Guéant, en avait marre de voir le moindre « commissouille » discutailler les ordres d’un préfet… Je ne sais pas si l’anecdote est vraie. Mais il est amusant de constater qu’aujourd’hui, il refait surface. Pourquoi ce revirement ? Les commissaires de police seraient-ils devenus plus dociles ? Peut-être ! Mais il y a une autre explication : l’apparition du gendarme parmi les autorités civiles.

Le nouvel article R. 431-3 est ainsi rédigé : « Dans les cas d’attroupements (…) le préfet ou le sous-préfet, le maire ou l’un de ses adjoints, le commissaire de police, le commandant de groupement de gendarmerie départementale ou, mandaté par l’autorité préfectorale, un commissaire de police ou l’officier de police chef de circonscription ou le commandant de compagnie de gendarmerie départementale doivent être présents sur les lieux en vue, le cas échéant, de décider de l’emploi de la force après sommation. »

Des militaires chargés de l’autorité civile, cela laisse dubitatif. Raison pour laquelle, le législateur, dans sa grande sagesse (?), avait antérieurement rectifié le Code de la défense. En effet, une loi de 2009 a modifié la compétence de la gendarmerie nationalecommentaires. Elle n’est plus chargée « d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation », mais de « veiller à la sûreté publique et d’assurer le maintien de l’ordre et l’exécution des lois ».

Pour faire simple, on peut dire aujourd’hui que les gendarmes sont des militaires de plus en plus civils, tandis que pour les policiers, c’est le contraire. Ils vont bien finir par se rencontrer…

Cette rumeur révèle le climat négatif qui peu à peu s’installe dans notre pays. On a l’impression d’un gouvernement aux abois, qui craint que la population ne se rebelle, que des manifestations éclatent, voire des émeutes, et qui accumule les moyens d’auto-défense ; et de l’autre, un peuple qui sombre dans la parano et qui entrevoit des lendemains noirs et une répression aveugle. La défiance à tous les étages.

Un sale climat, cet été…

Charlie Bauer : vie et mort d’un truand

Charlie Bauer est mort dimanche dernier. Robin des Bois, pourfendeur des QHS, révolutionnaire, redresseur de torts…, la presse a été dithyrambique  sur ce bandit du siècle dernier. « Né en 1943 dans le quartier de l’Estaque à Marseille, dans une famille pauvre, juive, communiste et résistante, le petit Charlie déboulonne très vite les rails du tramway pour en vendre les boulons, puis attaque des trains de marchandises pour, assurait-il, faire des distributions dans les quartiers nord. Membre des Jeunesses communistes dès l’âge tendre, il s’engage aux côtés du FLN à Marseille et finit par être arrêté en 1962 », écrit Franck Johannès dans Le Monde du 7 août 2011. Bauer était-il un lieutenant de Jacques Mesrine ? Certainement pas, juste son complice, au coup par coup, si je puis dire. Mais dans cette « nécrologie fine, chaleureuse et, à la fois, critique », comme le dit sur son blog le haut magistrat Philippe Bilger, une phrase m’a fait sursauter : « Mesrine est tué en novembre 1979, et entraîne Charlie Bauer dans sa chute. »

Euh !… Ce n’est pas tout à fait ainsi que les choses se sont passées…

Nous sommes en 1979. Le 10 septembre, le journaliste Jacques Tillier est retrouvé nu et à moitié mort. C’est l’œuvre de Jacques Mesrine et d’un individu non identifié qui se fait appeler « Paul ». Dix jours plus tard, Pierre Goldman est assassiné en pleine rue. Meurtre revendiqué par un mystérieux groupe « Honneur de la police », mais qui n’a jamais été élucidé. Même si lui et Charlie Bauer se connaissaient, l’affaire n’a rien à voir avec la suite des événements, mais montre qu’à l’époque, les faits-divers font la Une des journaux.

Pendant ce temps, les policiers de l’office du banditisme progressent dans leur enquête. Ils ont une demi-douzaine de suspects qui pourraient coller avec le portrait-robot de M. Paul. Sur son lit d’hôpital, au milieu d’une cinquantaine de photos, Jacques Tillier en désigne une, celle de Charles Bauer. L’homme est en rupture de conditionnelle et, en plus, recherché par l’Office des stups. Autrement dit, il est en cavale. Parmi les rares personnes qui lui rendaient visite lorsqu’il était en détention, figure Renée Gindrat, la mère de son enfant. Enseignante, celle-ci est alors en arrêt de longue maladie. Elle est propriétaire de deux voitures, dont l’une de marque identique à celle qui a été utilisée pour l’enlèvement du journaliste. Elle a d’ailleurs été achetée quelques jours plut tôt. L’adresse sur la carte grise est fausse. C’est en épluchant les contraventions que le véhicule est finalement localisé sur le parking de l’église de la Trinité, dans le 9° arrondissement de Paris. Tandis que le président Giscard d’Estaing se démène dans l’affaire des diamants de Bokassa, les policiers se mettent en planque. Et ils ont tôt fait de loger Charlie Bauer,  rue Saint-Lazare, dans un immeuble où Renée Gindrat occupe un appartement sous un nom d’emprunt.

La planque sur Lulu – C’est le nom de code pour désigner Bauer. Elle va durer plusieurs jours. Tandis que la presse titre sur le mystère qui entoure la mort de Robert Boulin, dont le corps a été découvert dans un étang de la forêt de Rambouillet, ça chauffe dans le 9°. Et enfin, le 31 octobre, les policiers sont récompensés de leurs efforts : Lulu sort de chez lui avec sa compagne. La pression monte d’un cran lorsqu’il se gare dans le 18° arrondissement, le quartier de prédilection de Jacques Mesrine. Le couple pénètre dans un immeuble de la rue Belliard. Il en ressort une heure plus tard, suivi d’un individu de forte stature qui, malgré sa perruque et sa fausse barbe, est rapidement identifié comme étant l’ennemi public numéro 1. Le trio se rend dans un magasin de meubles, au coin de la rue Labat, comme chantait Édith Piaf. Sylvia Jeanjacquot, la compagne de Mesrine, les rejoint peu après. Les deux criminels sont là, à quelques mètres des policiers. Il manque juste le feu vert pour intervenir. Mais il ne vient pas. À la sortie du magasin, la filoche reprend. Dans leur voiture, les flics rongent leur frein.

Deux jours plus tard, lorsque Jacques Mesrine est tué dans la fusillade de la porte de Clignancourt, Charlie Bauer n’est pas là. Par la suite, il sera blanchi dans l’affaire Tillier et condamné pour recel d’une partie de la rançon provenant de l’enlèvement du promoteur immobilier sarthois Henri Lelièvre.

Voilà, je voulais juste dire que ce n’est pas Mesrine qui a entraîné Bauer dans sa chute, mais le contraire. D’ailleurs, lorsque Bauer parlait du « Grand », c’était avec une certaine condescendance, se vantant même de l’avoir plus ou moins « instrumentalisé ».

Le canon à eau dans les manifs

David Cameron a déclaré qu’il était prêt à mettre les canons à eau en action – si nécessaire. Une véritable renversée pour les Britanniques, jusqu’à présent peu enclins à utiliser la force dans les manifestations. Ces engins ont une mauvaise image, et pourtant, il s’agit d’un moyen efficace et peu dangereux pour disperser une émeute. En France, pour l’instant, tout est calme, mais les CRS viennent de toucher de magnifiques camions « lanceurs d’eau ». Une première, car, à ce jour, seule la préfecture de police de Paris utilisait ce type de matériel.

Lorsqu’un commissaire de police donne l’ordre de charger des manifestants, c’est que tout a échoué. L’affrontement direct est la dernière des solutions. Or les moyens préliminaires sont peu nombreux : gaz lacrymogènes, obstacles de rue pour limiter les déplacements ou barrages humains, qui nécessitent de nombreux effectifs et mettent souvent à vif les nerfs des policiers ou gendarmes, obligés de rester statiques sous les injures ou les projectiles. Or, deux hommes dans un camion lanceur d’eau peuvent vider un périmètre de ses occupants. Et cela sans risque. Car, à ma connaissance, personne n’a jamais été sérieusement blessé par un jet d’eau, même puissant.

Extrait de l'article de Dominique Noël dans Police Pro (mai-juin 2011)

Lors d’une interview donnée au magazine Police Pro, en février dernier, Hubert Weigel, alors directeur des CRS, expliquait les raisons de ce choix, notamment lié à la diminution des effectifs, à une augmentation des interventions et à l’évolution des techniques de maintien de l’ordre. « Moins il y a de confrontations physiques, mieux on se porte ! » expliquait-il. Il faut dire qu’Internet a changé la donne. De nos jours, les photos ou les vidéos amateurs d’une manif font le tour de la planète en quelques minutes. Avec, souvent, un objectif amplificateur ou déformant. Et les États se trouvent confrontés à un dilemme, un problème d’image : celle d’un pays où la rue a pris le pouvoir ou celle d’une police exagérément répressive. Entre les événements de Grande-Bretagne et ceux de Syrie, on a les deux extrêmes.

C’est sans doute cette réflexion qui a amené la Direction centrale des CRS à s’intéresser aux camions lanceurs d’eau, en étudiant notamment les dispositions prises en Allemagne. Elle dispose depuis quelques mois de neuf véhicules de ce type et en attend encore une douzaine. Deux sont tout neufs, les autres sont des camions-citernes des Eaux et Forêts, relookés par les techniciens du service auto. J’espère qu’on n’a pas dépouillé les pompiers et qu’il leur reste de quoi lutter contre les incendies !

En Allemagne, l’utilisation des lanceurs d’eau fait partie de la routine, alors que de l’autre côté de la Manche, on est quasi au bout de la chaîne répressive. Presque un aveu d’échec. Surtout quand le Premier ministre parle d’une « riposte »… Quant à la France, elle fait ses premiers pas dans ce domaine (sauf à Paris).

Iveco Magirus, le spécialiste des véhicules de lutte contre l’incendie, est bien placé dans la construction de ces engins particuliers. Toutefois, même si on n’en voit pas au salon de l’auto, Mercedes en fabrique également. Le 4000 Renault M210 (photo du haut), de taille relativement petite (6 m.15) possède une citerne de 4.000 litres. Le débit de son canon est de 500 litres à la minute avec une portée d’environ 30 mètres. Ce qui lui donne une autonomie d’action théorique de huit minutes. Mais quel que soit le modèle, il s’agit dans la pratique d’expédier des « rafales » en pointillés, et il est possible de graduer la force du jet suivant le but recherché : dissuader ou refouler. L’objectif n’est pas de viser les gens, mais de les faire déguerpir, comme on le voit sur cette capture d’écran. Toutefois, dans le passé, des petits malins avaient imaginé de colorer l’eau pour mieux repérer les groupes les plus virulents.

Comme tout matériel de police, ces engins ne sont pas vraiment sympathiques. On peut imaginer un monde sans agressivité, sans casseurs, où les canons à eau deviendraient des objets de collection. Hélas, on n’en est pas là. Et pas besoin d’être prophète dans son pays pour savoir que les difficultés qui nous attendent n’iront pas sans une recrudescence des manifestations, plus ou moins violentes – pas seulement en Grande-Bretagne et en Grèce.

Il paraît que ce tour de vis social, dont les premiers signes se font déjà sentir, serait le prix à payer pour rétablir l’équilibre financier mondial…

« Cold Case » à la française

Rouvrir de vieux dossiers : ce n’était pas prévu dans les missions dévolues aux réservistes de la police, mais certains retraités ont trouvé là un créneau particulièrement valorisant. Ils ne sont que quelques-uns à ce jour, mais l’idée semble faire son chemin, et leur nombre pourrait bien augmenter rapidement. Les « vieux » ont le profil pour ces recherches : ils ont des souvenirs réels (et non informatiques) d’affaires anciennes ; ils sont hors de la pression quotidienne, du flux tendu que connaissent les services de police ; et enfin, ils ne coûtent pas très cher.

L’initiative en revient, me semble-t-il, au patron de la Brigade de protection des mineurs. En effet, peu après qu’il ait pris la direction de ce service, en 2008, le commissaire divisionnaire Thierry Boulouque a recruté une policière retraitée, une ancienne de l’Antigang, pour piocher dans les archives.

En trois ans, notre Lilly Rush a passé plus de 700 dossiers au peigne fin, nous dit la journaliste Danielle Rouquié, dans son livre Brigade de protection des mineurs, aux éditions Jacob-Duvernet. Pour en conserver une trentaine qui font l’objet d’une nouvelle enquête. C’est ainsi qu’à mi-mai, l’auteur d’un viol et d’une agression sexuelle sur un mineur a été arrêté, plus de dix ans après les faits. Confondu par des traces ADN qui n’avaient pu être exploitées à l’époque.

Il faut dire que l’allongement de la durée de prescription, concernant les crimes et les délits contre les enfants, peut rendre les recherches anciennes particulièrement fructueuses. Alors que l’activité des policiers est sans cesse évaluée, et chronométrée, c’est important. On peut ainsi remonter trente ans en arrière, voire plus (sauf faits prescrits avant la loi), suivant l’âge de la victime. Et si les témoignages anciens sont à prendre avec prudence, la police scientifique a fait tant de progrès que tous les espoirs sont permis. En fait, les enquêteurs qui remontent ainsi le temps se heurtent au problème de la conservation des scellés, et notamment des prélèvements biologiques. Il y a quelques dizaines d’années, il n’était pas question d’un fichier génétique, néanmoins, le moindre élément : sang, sperme, cheveu…, était soigneusement conservé, car susceptible d’être utilisé pour une comparaison. On ne pouvait pas désigner un coupable, mais il était possible de confirmer ou d’infirmer la responsabilité d’un suspect.

Aussi, je suppose que nos parlementaires n’ont pas demandé l’avis des policiers et des gendarmes lorsqu’ils ont voté la loi sur les autopsies judiciaires. En effet, ce texte, applicable depuis le mois de mai, prévoit que, « lorsque les prélèvements biologiques réalisés au cours d’une autopsie judiciaire ne sont plus nécessaires à la manifestation de la vérité, l’autorité judiciaire compétente peut ordonner leur destruction. » Bizarrement, cette loi fait suite à la destruction intempestive d’éléments dans l’affaire dite des « disparus de l’Isère », ces neuf enfants probablement assassinés. Mais voilà, la conservation de ces « scellés humains » coûte cher, car les hôpitaux se font payer pour les garder.
En prenant cette décision de détruire des prélèvements biologiques, on ferme donc la porte à toute nouvelle recherche, sans se soucier de savoir si des techniques plus sophistiquées pourraient demain voir le jour.

Et qu’en est-il des autres scellés ? Toutes les précautions sont-elles prises pour les conserver ? On se souvient de l’affolement lorsqu’on s’est aperçu que certaines pièces du dossier de l’affaire Boulin avaient disparu ! Il aura fallu un mois pour les retrouver – au Palais de justice de Paris, alors que l’enquête concernait le tribunal de Versailles. Sans commentaire.

Une chose me semble évidente : au fil des ans la société acceptera de moins en moins qu’une action criminelle reste impunie. Et il est vraisemblable que les délais de prescription, qui se sont déjà bien rallongés dans plusieurs domaines (terrorisme, trafic de stupéfiants…), seront appelés à disparaître, comme c’est déjà le cas en matière de crime contre l’humanité. Un projet de loi circule d’ailleurs pour rendre les crimes sexuels commis sur des mineurs imprescriptibles. Un dossier non résolu ne sera donc plus jamais fermé.

Et il reste à la justice française à franchir un pas de plus : accepter de remettre en cause un jugement définitif. Ce qui n’est pas évident. Le rejet de la révision du procès de Dany Leprince, condamné pour les meurtres de son frère, de sa belle-sœur et de deux de ses nièces, en est un exemple. Les juges ont estimé que de nouvelles traces ADN et de nouveaux témoignages n’étaient pas des éléments nouveaux « de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné. » Alors qu’aux États-Unis, 266 condamnés (certains à mort) auraient été innocentés grâce à un test génétique. Existerait-il plus d’erreurs judiciaires de l’autre côté de l’Atlantique ?

Les juges ne sont pas des oracles. Lorsque deux cours d’assises rendent des décisions opposées, comme dans l’affaire contre Patrick Dils (condamné puis acquitté) ou Maurice Agnelet (acquitté puis condamné), c’est que l’une des deux s’est trompée.

Allez, un petit espoir… Il y a quelques années, le propriétaire d’un chien a été condamné car celui-ci n’était pas stérilisé, comme le prévoit la loi pour les chiens de 1ère catégorie. Il s’agit d’un délit. Le propriétaire décide alors de faire « expertiser » son animal de compagnie. Le vétérinaire conclut que celui-ci est morphologiquement proche du labrador et qu’il n’entre nullement dans la catégorie  des chiens dits dangereux. Avis confirmé par l’expert désigné par la Commission de révision. Ce nouvel élément, inconnu des juges lors du procès, était donc de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné. Et le jugement – pourtant définitif – a été annulé.

Comme quoi la justice peut reconnaître ses erreurs. Et si l’on se penche sur un vieux dossier, il faut accepter de le lire dans les deux sens.

Les policiers doivent-ils être armés ?

Les Norvégiens se posent la question, après le massacre sur l’île Utøya. Cette interrogation, certains avaient osé la formuler en France, il y a quelques dizaines d’années. J’étais de ceux-là. Enfin, il ne s’agissait pas de désarmer les policiers, mais d’adapter leur armement en fonction de leurs missions. L’évolution de la société nous a donné tort. L’armement des policiers n’a jamais été si conséquent. La course en avant a même pris un tel élan, que, lorsqu’une une arme non létale est mise au point, comme le lanceur de balles de défense (le Flash-Ball), on cherche immédiatement à la rendre plus puissante, donc plus dangereuse. Et pourtant, les policiers sont des « gardiens de la paix ». Ils ne sont pas là pour combattre qui que ce soit, mais pour assurer l’ordre. La paix civile. C’est tellement vrai que s’il y avait une menace d’insurrection, les pouvoirs de police seraient transférés à l’autorité militaire. Une règle qui, au passage, aurait dû être prise en compte avant de rattacher les gendarmes au ministère de l’Intérieur.

Trond Berntsen, le policier norvégien qui assurait la surveillance du camp d’Utøya, aurait-il pu neutraliser Anders Behring Breivik, s’il avait été armé ? Rien n’est moins sûr. On imagine un garde-champêtre face à un dément en croisade ! Mais dans ce cas précis, la véritable question était ailleurs. Ce n’était même pas le temps de l’intervention. La police est tombée dans le piège tendu par ABB. Et, tandis qu’elle se démenait pour faire face à un attentat à l’explosif, il appliquait froidement le deuxième volet de son plan. Non, ce qui nous paraît incompréhensible, c’est qu’un meeting politique regroupant 600 jeunes à quelques dizaines de kilomètres de la capitale ait pu être organisé sans qu’il y ait le moindre service d’ordre ! Pour nous, Français, c’est inimaginable. En région parisienne, dès que trois pékins se réunissent, ce sont des dizaines de cars de CRS et de gendarmes mobiles qui sont embusqués à proximité, prêts à foncer, si nécessaire.

Une autre culture – mais quand même…

Ce drame amène les Norvégiens à réfléchir à l’armement de leur police, pourquoi n’en ferions-nous pas autant ? J’ai toujours pensé que, dans son service quotidien, le policier n’avait pas à être transformé en porte-avions. L’arme et les munitions devraient être adaptées aux missions. Le cas d’école : en novembre 2006, à la sortie du Parc des Princes, un policier en légitime défense tire sur un hooligan. La balle le traverse et tue un homme qui se trouvait derrière lui. Une munition bien trop puissante pour un flic chargé de surveiller un parking.

Les anciens policiers ont connu la MAT 49 qui équipait les cars de police secours. Un pistolet-mitrailleur à la culasse mobile… beaucoup trop mobile, qui avait la fâcheuse tendance à partir tout seul. Les anciens d’Algérie en gardent un triste souvenir, au point qu’en patrouille, on n’aimait pas trop en avoir un dans les reins. J’ai vu, à Versailles, un sous-brigadier de police pointer cet engin sur un énergumène qui venait d’assommer deux de ses collègues. À peine armé, la rafale est partie… Une arme bien trop dangereuse pour celui qui n’a pas la formation nécessaire.

Une police suréquipée est-elle plus dissuasive ? Sans doute pas plus que la prison ou que la peine de mort. D’ailleurs, si les truands raisonnaient (mais ça se saurait), avant de prendre une arme, ils penseraient aux circonstances aggravantes. Avec ou sans, la peine prononcée peut aller du simple au double.

Alors, le principal risque d’armer les policiers serait-il de voir les malfaiteurs s’armer plus encore ? comme l’a déclaré un responsable norvégien. La question vaut d’être posée. Effectivement, certains voyous sont passés du pistolet au fusil à pompe, et aujourd’hui à la Kalachnikov. Est-ce pour faire face à un « adversaire » de mieux en mieux équipé ? Je ne le crois pas. Non, c’est la peur, la peur tout court, qui exacerbe le désir d’avoir un « calibre en pogne » pour monter sur un coup. En poussant le raisonnement jusqu’au bout, on pourrait se demander si les malfrats ne seraient pas moins couillus qu’avant…

Contrairement à ce que l’on entend parfois, si les policiers sont armés, ce n’est pas pour se défendre, mais, comme le dit le Code de déontologie, « pour protéger l’individu et la collectivité contre les atteintes aux personnes et aux biens ». C’est sur cette base que doit être pensé l’équipement de la police. Le reste n’est que démagogie.

Le risque d’une police de proximité à deux vitesses

Quelle tenue pour la police de proximité ? Les BST (brigades spécialisées de terrain) doivent-elles garder leur uniforme classique ou endosser la tenue de maintien de l’ordre ? La question aujourd’hui fait débat. Il y a ceux qui trouvent l’accoutrement MO par trop agressif et ceux qui pensent que la sécurité des policiers passe avant tout. Un budget de 180 000 € vient cependant d’être débloqué pour l’équipement des BST de la police d’agglomération parisienne : bâtons télescopiques, boucliers grand modèle, jambières, manchettes, gilets tactiques, etc. Et plusieurs communes vont prochainement servir de banc d’essai : Asnières, Nanterre, Saint-Denis, La Courneuve, Aulnay-sous-Bois, comme le dit le syndicat Alliance, qui se réjouit de cette décision.

J’espère que l’été ne sera pas trop chaud…

On se souvient que les BST, créées par M. Hortefeux en 2010, ont remplacé les UTeQ (Unités territoriales de quartier) créées par Mme Alliot-Marie en 2008 pour remplacer la police de proximité. Laquelle avait été mise à mal par Nicolas Sarkozy en 2003 dans un discours à Toulouse qui a fait date :  « Vous n’êtes pas des travailleurs sociaux (…) La mission première de la police : l’investigation l’interpellation, la lutte contre la délinquance ». Résultat, 3 ou 4 ans plus tard, les violences aux personnes avaient augmenté de près de 50 % dans la Ville rose. Depuis, cette forme de délinquance ne cesse de progresser, à Toulouse comme ailleurs : 2 à 3 % par an. Et l’on comprend bien que dans la population, il s’agit là du marqueur le plus important de l’insécurité. C’est sur ce sentiment de crainte au quotidien qu’aux yeux de Monsieur Toulemonde, la politique voulue par le président de la République apparaît comme un échec. En exhibant des policiers sur la défensive, on ne fait qu’attiser cette crainte. C’est probablement la réflexion que s’est faite Claude Guéant en reconnaissant, en avril 2011, la nécessité de « créer un climat, une ambiance de sécurité ». Et pour cela, il a décidé de mettre en place des policiers « patrouilleurs ». Un véritable contre-pied, puisque ces patrouilleurs fonctionnent en binômes et se déplacent à pied, à vélo, voire en rollers, avec une mission première : entretenir le « contact avec la population ». Après une période d’essai, le procédé vient d’être généralisé à l’ensemble du territoire.

En fait, entre les BST et les patrouilleurs, ce sont deux conceptions du métier de policier qui s’affrontent, qu’en simplifiant on pourrait définir en deux mots : confiance ou méfiance.

Soit on estime que les missions de la police de sécurité publique sont « assister, servir, protéger ». Soit on part du principe que la meilleure des préventions, c’est la répression. Autrement dit, d’un côté, on montre sa bienveillance, son humanité ; et de l’autre, on montre ses muscles.

La crainte, c’est évidemment de faire deux poids deux mesures. D’une part, des gardiens de la paix (au sens noble du terme) qui se baladeront dans les communes tranquilles ; et de l’autre, des flics harnachés comme pour la guerre – ailleurs.

Un choix de société.

35 ans après : Qui était le cerveau du casse de Nice ?

Le week-end du 17 juillet 1976, une bande de malfaiteurs met à sac la salle des coffres de la Société Générale, en plein centre de Nice. Emportant un butin estimé, à la louche, à 30 millions d’euros. Mercredi dernier, un vieux truand marseillais, Jacques Cassandri, alias « Le Tondu », a quitté la prison des Baumettes, où il était détenu depuis le 21 janvier 2011. Il a été libéré contre le versement d’une caution de 200.000 €. Une broutille pour celui qui revendique la paternité de ce casse.

C’est dans un livre autobiographique paru l’année dernière, qu’il a tenté de déboulonner le légendaire Albert Spaggiari, affirmant que ce dernier n’avait même pas participé au percement du tunnel qui partait de la bouche d’égout de la rue Gustave-Deloye pour arriver au mur en béton de la salle des coffres. Un tunnel d’environ 8 mètres de long et de 70 centimètres de diamètre.

Il pensait sans doute, Le Tondu, que 35 ans plus tard, il ne risquait rien à se « déboutonner ». Oubliant au passage que le Code pénal est devenu de nos jours si complexe qu’il est bien difficile de prendre ce genre de pari. Entre recel, blanchiment, non-justification de ressources, ou autres infractions financières ou fiscales, il y a toujours quelque chose à grappiller pour des enquêteurs opiniâtres. Ils n’ont guère eu de mal à savoir qui se cachait derrière le pseudonyme d’Amigo, l’auteur du livre La vérité sur le casse de Nice, et ils ont tout passé au peigne fin. Conclusion : ce monsieur connu pour d’anciennes activités dans le grand banditisme détiendrait directement ou non des participations importantes dans plusieurs restaurants ou clubs privés à Marseille et en Corse. Et il va falloir qu’il se justifie. On a même retrouvé son ADN sur les lieux d’une tentative de braquage dans une bijouterie de Toulon.

Mais est-il pour autant le cerveau du casse de Nice ? On peut se montrer dubitatif, même s’il est vraisemblable qu’il ait fait partie des 20 à 30 individus qui ont participé à cette affaire rocambolesque. Toutefois, pour rester dans du concret, il faut se souvenir que devant la Cour d’assises des Alpes-Maritimes, le 31 octobre 1979, seulement six personnes se trouvaient sur le banc des accusés. Deux ont écopé de cinq ans de prison pour avoir négocié des titres et des lingots d’or, et un seul, Daniel Michelucci, a été retenu comme l’un des « égoutiers ». Il a pris sept ans. Une jeune femme a été acquittée, ainsi que deux « beaux mecs », Dominique Poggi et Gérard Vigier. La justice n’a retenu aucune charge contre eux. Quelques années plus tard, tous deux succomberont à une overdose de plomb.
Gaëtan Zampa, soupçonné (à tort, semble-t-il) d’être l’organisateur de ce colossal fricfrac, a été arrêté par la suite pour des  infractions financières. Il est mort en prison, sans qu’on sache trop s’il a succombé à la pendaison ou à la trachéotomie que lui a gentiment prodiguée son voisin de couchette.

Quant à Spaggiari, Bert pour les intimes (et pour les flics), il a été condamné en novembre 1979 à la réclusion criminelle à perpétuité – par contumace. On se souvient en effet qu’à l’époque, il était en cavale.

T’as le bonjour d’Albert !
C’est un individu trouvé en possession de lingots d’or qui avance le premier le nom de Spaggiari, un photographe de Nice. Les surveillances ne donnent rien et, finalement, il est interpellé en octobre 1976. Sans biscuits. Les perquisitions, un fiasco, si ce n’est quelques armes découvertes dans son poulailler. Par la suite, il justifiera la présence de ces armes par sa participation à un mystérieux mouvement d’extrême droite, la « Catena ».
En fait, il se lâche à la fin de sa garde à vue. Mais, plus tard, devant le juge, il devient disert, au point que celui-ci décide de le revoir tous les jeudis à 14 heures 30. Ce qui est une erreur. Comme le raconte dans son livre le commissaire Honoré Gévaudan (Ennemis publics, chez JC Lattès), le magistrat instructeur est très content de « son » détenu : « Il collabore parfaitement. Nous faisons de grands progrès ». Mais, ce jeudi 10 mars 1977, le détenu modèle  ouvre la fenêtre, prend appui sur la corniche et se lance dans le vide. Un bond de huit mètres. Il rebondit sur le toit d’une voiture en stationnement et atterrit sur le tansad d’une moto. Qui démarre aussi sec. Pas si godiche que ça, le Bert…

Pour le situer, il faut se souvenir qu’à 18 ans, il s’engage dans les paras. Direction l’Indo. Et ceux qui se le représentent comme un petit photographe un rien mytho, mais pas dangereux, oublient que, sous l’uniforme, il a écopé de cinq ans de travaux forcés pour avoir braqué un bar à Hanoï. Et qu’à la fin des années 50, il a travaillé pour la société Fichet-Bauche, à Dakar. Société qui a installé la salle des coffres de la Société Générale de Nice.

Tout est folklore, chez cet homme. Ainsi, lorsqu’il a été arrêté, il revient d’un séminaire au Japon, avec le maire de Nice. Et s’il est mort d’un cancer, en juin 1989, et non d’une salve de gros calibres, il a pris soin de mettre en scène sa fin. Le 10 juin 1989, deux hommes déposent une civière dans le salon de sa mère : le corps d’Albert Spaggiari est revêtu d’un treillis, la tenue du baroudeur.

Lors de sa garde à vue, lorsqu’il finit par se confier aux trois policiers qui le questionnent, ce n’est pas qu’il craque, mais simplement parce que ceux-ci ont trouvé le point faible. Ils ont mis en doute ses capacités à fomenter un tel coup. Piqué au vif, Spaggiari a ouvert les vannes, s’attribuant du coup la place prépondérante, celle de chef. Inutile de dire qu’à l’époque, personne n’est venu le contredire.

Il n’était sans doute pas capable de mettre sur pied un telle affaire (manque de moyens, de connaissances…), mais on peut être certain que c’est bien lui « l’inventeur » du casse du siècle. Pourtant, à l’arrivée, il n’aurait encaissé que quelques miettes du gâteau. On peut donc dire qu’il s’est fait rouler par des complices… malhonnêtes.

Et aujourd’hui, alors que nombre des acteurs de ce feuilleton sont morts, un vieux truand vient revendiquer sa place ! Allez, on pourrait au moins lui laisser ça, à Spaggiari !

Ce monde me rend parano

En plein séisme de l’affaire DSK, un ami m’envoie un mail  sur des faits alors peu connus de la presse, et notamment la manière dont avait été informé le président de la République. Je le lis dans le métro, sur mon téléphone portable, me promettant de l’étudier avec soin plus tard. Quelques heures après, une fois chez moi, pas de trace de ce mail dans ma boîte. Je reprends mon smartphone : surprise, le message a disparu !

À une autre époque et dans d’autres circonstances, je me serais traité de tous les noms, certain d’avoir fait une fausse manœuvre, un mauvais clic. Pas cette fois ! Sans plus réfléchir, j’ai tout de suite imaginé que mes communications étaient surveillées et qu’un mystérieux personnage calfeutré dans un blockhaus secret de la DCRI, avait fait disparaitre ce texte compromettant.

Je suis parano.

Mais je ne suis pas le seul. Il y a quelques jours, un ami flic m’appelle pour m’inviter à déjeuner : – On se retrouve où ? Euh, tu sais, me dit-il, le resto où nous nous sommes vus l’autre fois…

Il est parano.

Autour de moi, je vois des gens qui ne sont ni des truands ni des espions, fermer ostensiblement leur téléphone portable lorsqu’ils ont une conversation « sérieuse ». Une amie, même pas flic, retire la batterie lorsqu’elle se rend à un rendez-vous confidentiel. Bon, elle laisse la carte SIM, « c’est vraiment trop chiant à enlever ».

La puce est la meilleure amie de l’espion (et du flic). Et même parfois du journaliste, comme nous le montre l’affaire du News of the World. Notre téléphone cellulaire est devenu le traceur de notre vie. Notre mouchard de poche en quelque sorte.

Dans le temps, les amants clandestins devaient se méfier de la glace sans tain, au-dessus du lit des petits hôtels de rendez-vous. Certains, près des Champs-Élysées, étaient d’ailleurs bien connus des RG. Mais aujourd’hui, comment détecter la caméra miniature qui filme vos ébats ? Et il ne suffit pas d’éteindre la lumière, même dans le noir, ça marche.

Sans compter la vidéoprotection, implantée au coin de la rue, dont le zoom puissant se glisse dans l’interstice des rideaux…

Aujourd’hui, l’une des principales activités des cabinets de sécurité (et pas nécessairement des officines) est le « dépoussiérage » des bureaux. Les techniciens agissent le plus souvent de nuit, pour ne pas inquiéter le personnel. Pas un chef d’entreprise sérieux n’envisagerait un conseil d’administration dans une pièce qui n’aurait pas été sécurisée. Ceux qui sont le plus atteints par ce mal étrange font installer (à prix d’or) de véritables cages de Faraday. Et l’on est prié d’éteindre les portables, voire de les laisser au vestiaire. Ce qui pose un autre problème de sécurité : les services secrets français conseillent aux « hommes d’affaires » de ne jamais se séparer de leur téléphone portable sans avoir auparavant effacé les données et retiré la puce ainsi que la batterie.

En 2009, les possesseurs de BlackBerry résidant au sein de la fédération des Émirats arabes ont été invités à télécharger une mise à jour qui s’est avérée être un logiciel espion. En Chine, il y a quelques mois, un mystérieux virus s’est attaqué aux téléphones utilisant le système Android, lequel permettait d’en visualiser le contenu et même d’en prendre le contrôle. En fait, piéger un téléphone portable semble être un jeu d’enfant. Google, par exemple, a retiré de son panel plusieurs applications qui se sont avérées être des logiciels espions.

Plus officiellement, la loi offre aux policiers la possibilité de s’introduire dans un téléphone portable ou un système informatique, du moins pour certaines enquêtes qui concernent la criminalité organisée ou le terrorisme. Mais dans tous les cas, c’est devenu routinier : l’enquêteur s’intéresse d’entrée de jeu au téléphone de la victime et des suspects : carnets d’adresses, relevés de communications, etc. Puis à son ordinateur. Ce qui permet, par recoupements de connaître ses relations, et les relations de ses relations. Si un assassin a le même médecin que vous, vous serez inscrit dans son cercle de contacts, alors même que vous ne le connaissez pas.

Les caméras dernier cri sont capables de vous suivre à la trace, les radars lisent le numéro d’immatriculation de votre voiture, etc. À Nice, d’après la Cour des comptes, tous les véhicules qui entrent ou qui sortent de la ville sont identifiés. Et pendant ce temps, les fichiers croisés se multiplient au point que nous ne sommes plus inconnus – nulle part. Cachés derrière le « secret défense », des milliers de policiers, de gendarmes et de militaires, utilisent les moyens les plus sophistiqués pour nous surveiller. Et l’on raconte que, même entre eux, la suspicion est omniprésente. Dans l’affaire Bettencourt, Le Monde porte plainte pour violation du secret des sources : les fadettes attestant les conversations téléphoniques de ses journalistes auraient été contrôlées. Quant au Canard Enchaîné, il accuse la DCRI d’espionner à distance des ordinateurs privés.

Tous paranos, je vous dis.

Je me souviens de ce commissaire de police qui lassé d’être sans arrêt dérangé par une personne qui suspectait son entourage de lui vouloir du mal, avait fini par lui dire : – Je vous ai envoyé la brigade des zombies. – Mais je n’ai vu personne ! – C’est normal, ils sont invisibles.

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