LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Un goût de revenez-y

Les Américains font machine arrière sur le patriot act, en annonçant, par exemple, la fin du programme de surveillance systématique des communications. Le coordonnateur européen de la lutte antiterroriste déclare (Le Monde du 19 février 07) qu’il est vital de respecter les droits de l’homme. Ici et là, on commence à énoncer à voix haute que la guerre contre le terrorisme ne doit pas entraîner l’extinction de nos libertés. Ici et là, mais pas en France. Où les lois sécuritaires s’empilent sans aucune opposition politique. Il faut dire que dans notre pays, je crois que jamais un texte de loi n’est venu adoucir un autre texte de loi, sous le prétexte « futile » que les conditions avaient changé. Manquerait plus que ça, scrogneugneu !

maudit_telephone.1171991946.jpgQu’ils soient monarques ou républicains, il existe chez les gouvernants la volonté de « fliquer » la vie privée de leurs ouailles. Pourtant, on devrait être vigilant. En effet, en France, nous avons vécu un scandale plus grave que celui du Watergate – et c’était sous la gauche – sans d’ailleurs que le moindre ministre ne tremble pour son maroquin : la cellule antiterroriste, au coeur de l’Elysée, dont le fonctionnement autarcique déjouait toutes les lois. Avec à la clé le dossier truqué sur les Irlandais de Vincennes, et l’affaire des écoutes téléphoniques. Les hommes mêlés à cette consternante mésaventure ont-ils changé ? En tout cas, la plupart sont toujours aux manettes.

François Mitterrand, à son arrivée au pouvoir, débarque les policiers chargés de la sécurité de l’Elysée. Dans la grande maison, on se disait, qu’il avait dû garder une dent contre nous, depuis l’affaire de l’attentat bidon de l’avenue de l’Observatoire. Il n’en était rien. Il voulait simplement auprès de lui, une brigade de fidèles, muets et serviles. Qu’avait-il donc à cacher ? Sa maladie (dépistée à son arrivée), sa double vie et son enfant adultérin, sa francisque épinglée par Pétain au revers de son veston ? Ou rien. Juste une réponse à sa paranoïa. Il crée donc une cellule destinée à combattre le terrorisme (sic), placée sous son autorité directe, loin des magistrats et des policiers trop… syndiqués. Un véritable escadron, entièrement à sa botte. À tel point que le général Jean-Louis Esquivé, numéro deux de ladite cellule (il a été nommé général, par la suite, pour services rendus) disait de ses membres qu’ils étaient les mousquetaires du roi. Les hommes qui composaient ce groupuscule ont largement utilisé les écoutes de toutes natures pour apaiser la monomanie du vieil homme (et ils en ont fait bien d’autres). Quand on pense que Mitterrand est l’auteur d’un ouvrage intitulé, Le coup d’Etat permanent, paru chez Plon, en 1964, dans lequel il fustige les officines et les polices parallèles… Et qu’en 1981, c’est-à-dire en même temps, son ministre de l’intérieur, Gaston Defferre, interdisait formellement de telles pratiques. On reste pantois. Mais, à qui Mitterrand donnait-il ses ordres ? On sait que le commandant Prouteau, qui dirigeait la cellule, voyait régulièrement le président et lui rendait compte directement. Sinon, il y avait trois hommes, deux à l’Elysée et un au ministère de l’intérieur, qui raffolaient de ce petit jeu, dit de barbouzerie. La triade d’énarques, murmuraient certains : le secrétaire général de l’Elysée Jean-Louis Bianco ; le directeur du cabinet de l’Elysée, Gilles Ménage et le conseiller, puis ensuite directeur de cabinet auprès du ministre de l’intérieur, Frédéric Thiriez. On disait de ces deux derniers qu’ils jouaient avec la police comme des gosses avec un train électrique. Rien ne se faisait sans leur accdial-a-spay.1171992052.jpgord.

Il a fallu vingt ans pour que l’affaire des écoutes de l’Elysée soit jugée. Officiellement en raison des difficultés à lever le « secret défense ». Plus sûrement en raison de la personnalité de « l’inspirateur et décideur de l’essentiel » comme a dit le président du TGI de Paris, Jean-Claude Kross. Il parlait de François Mitterrand. On voyait mal le tribunal convoquer l’ancien président. Il y a des choses qui ne se font pas chez nous. Malgré tout, de hauts personnages de l’État ont planché devant les magistrats. Tel Claude Mauroy, ancien Premier ministre. Avec beaucoup de tact, il a déclaré : « Le directeur des chemins de fer doit-il démissionner parce que le garde-barrière a provoqué un accident ? » Ou Claude Quillès, alors ministre de la défense, égal à lui-même : « Je n’ai rien vu ni rien entendu. » Ou bien encore, Louis Schweitzer, ancien directeur de cabinet du Premier ministre Laurent Fabius (qui lui s’était fait excuser) : « Il y a eu un effort pour me masquer la réalité. » Le seul qui s’est exprimé avec sincérité a été Pierre Joxe, ancien ministre de l’intérieur. Au bord des larmes, des sanglots dans la voix, il a déclaré : « J’ai essayé parfois de l’empêcher (il parle de Mitterrand) de commettre des choses illégales… » Et, plus tard : « C’est malheureux à dire, mais ce truc a été organisé par Mitterrand. » En politique, la sincérité ne paie pas. Plus un socialiste ne parle de Joxe. Les autres non plus, d’ailleurs. Quant à Christian Prouteau, le chef de la cellule, il a eu cette phrase chevaleresque, digne d’un officier supérieur : « S’il y a un responsable, ce n’est pas moi. »

Parmi les plaignants, le tribunal a fait un tri. Il a reconnu que certains avaient subi un préjudice, comme Edwy Plenel, journaliste, surveillé principalement dans l’espoir de démasquer ses sources d’informations dans l’affaire du Rainbow Warrior. Antoine Comte, l’avocat des Irlandais de Vincennes, et là, on comprend bien la raison. Jean-Edern Hallier, l’ennemi intime de Mitterrand, qui menaçait de révéler l’existence de sa fille, Mazarine Pingeot. Il est mort d’une crise cardiaque, alors qu’il roulait à bicyclette – bien qu’étant aveugle depuis plusieurs années.

Finalement, vingt ans après, pour à mon tour pasticher Alexandre Dumas, le verdict a été le suivant :

– Gilles Ménage, six mois de prison avec sursis. Il est à présent secrétaire général de l’Institut François Miterrand. 

– Louis Schweitzer, dispensé de peine. Il vient de quitter son poste de PDG de Renault, mais il reste le président du conseil d’administration. Il est également président de la haute autorité contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).

– Michel Delebarre, dispensé de peine. Il est député du Nord et maire de Dunkerque.

– Christian Prouteau, huit mois de prison avec sursis. Il est depuis des années préfet hors cadre, avec un traitement de plus de 5.000 € par mois pour rester à la maison.

– Paul Barril, six mois de prison avec sursis. Il paie pour avoir rompu la loi du silence. Il a depuis longtemps démissionné de la gendarmerie pour créer sa propre entreprise de sécurité.

Barril est le seul à avoir fait appel. Les autres ont trouvé les condamnations justes et mesurées. Elles ont d’ailleurs été aussitôt effacées par une loi d’amnistie. Frédéric Thiriez et Jean-Louis Bianco n’ont jamais été inquiétés. Le premier est président da la fédération française de football (FFF) et membre de la commission du football professionnel de l’UEFA ; le second est député et président du conseil général des Alpes-de-Haute-Provence. Il est de plus directeur de campagne de Ségolène Royal.

Le procès du le-continent-americain.1171991821.jpgTGI de Paris se limitait aux écoutes. L’affaire des Irlandais de Vincennes, a été un autre scandale, mais combien d’autres actions illégales, ou immorales, ont été perpétrées durant cette période indigne de notre pays et de Mitterrand. Depuis, les techniques se sont modernisées, l’appareil législatif a été renforcé, la lutte contre le terrorisme, la drogue, la pédophilie… sont autant de raisons de nous espionner. Mitterrand n’est plus là, mais qui sera le prochain président ? On se souvient du vent de panique, après le premier tour des présidentielles, il ya cinq ans…

Le mot de la fin revient à Pierre Joxe (procès des écoutes, décembre 2004) : « On ne peut pas concilier efficacité policière et respect des droits de l’homme… » Sarkozy n’aurait pas dit mieux.

3 Comments

  1. infoedit

    Il est intéressant avant de se prononcer d’aller voir ce qu’en pense le commandant de la compagnie de vincennes au moment des faits: http://www.aaz-editions.eu/index.php?option=com_content&view=category&layout=blog&id=75&Itemid=432

  2. Lt-Colonel honoraire de Gendarmerie J-M BEAU

    Quelques éléments complémentaires et précisions qui sont à mon sens loin d’être inutiles/
    Je salue votre rédaction étant, comme vous le savez, LA victime expiatoire en pleine tourmente depuis 23 ans…pendant que les malfaisants BARRIL et son commanditaire PROUTEAU du « coup pourri » du 28 Août 1982 VINCENNES,…un montage par apport de pièces à conviction avant mon arrivée avec les OPJ seuls habilités..,.étaient protégés non seulement par des magistrats et des hommes politiques du plusd haut niveau . Depuis 23 ans j’ai combattu sans succès ….mais mardi 13 mars 2007 la 11ème chambre d’Appel de PARIS va rendre son arrêt à 13H30 dans l’affaire dite des écoutes de l’Elysée . Je figure au nombre des parties civiles appelantes puisque la cellule dont j’étais devenu à partir de 1983 l’ennemi juré m’a comme beaucoup d’autres écouté pour évidemment empêcher la manifestation de la vérité que des joiurnalistes des avocats et des protagoinistes voulaient faire éclater.
    Après des réquisitions de l’Avocat général BARTHOLI et des plaidoiries quasi identiques de nos avocats nous avons …pour une fois espoir de voir sanctionner ces « excellents malfaisants » qui m’ont, comme les autres, écouté à raison de l’activité que nous avons déployé ….journalistes , avocats, témoins , etc …pour tenter de faire éclater la vérité par voie de presse puisque le juge VERLEENE ne voulait inculper ni PROUTEAU ni surtout entendre BARRIL. La comédie dura 9 ans ( 1983 à 1992 ).
    Enfin « inculpé » (mis en examen) en 1987 PROUTEAU a à nouveau bénéficié du retour dudit VERLEENE à son inaction…tandis que BARRIL n’était pas même entenbu !!!
    Coup de théâtre en janvier 1991 …quand le presse annonce que loe JUGE s’appuyant sur une disposition nouvelle du Code de procédure pénale (silence de plus de 4 mois du parquet à un soit transmis de sa part) décide du renvoi direct devant une juridiction de jugement (une PREMIERE EN FRANCE)
    J’étais avec PROUTEAU mais sans BARRIL renvoyé devant la 17ème de PAIS pour Juin.
    SCANDALE absolu pour « subornation de témoins » et lui pour complicité pour m’avoir intimé l’ordre de faire fermer leur « bouche » à mes sous-officiers OPJ sur les irrégularités de procédure commises par le GIGN et qu’il avait bien fallu couvrir.
    Au final en septembre je « pris » tout comme PROTEAU 15 mois de prison aec sursis DONC AU-DESSUS de l’amnistie (12 mois). moi à part le passage de BARRIL entre les gouttes j’étais satisfait…car n’ayant pas vocation à la récidive et ayant pris depuis 1987 l’initiative de prendre ma retraite à 46 ans !! j’étais somme toutes assez content.
    Il y eut évidemment Appel et je m’y joignis. RECORD DU MONDE nous avons été audiencés et jugés en DEUX mois !!!! Motif la condamnation de PROUTEAU lui faisait évidemment perdre sa qualité de Préfet …et sa légion d’Honneur au moment même où il était en charge de la sécurité des J.O de GRENOBLE. Nos bons juges d’Appel, à la célérité exceptionnelle, ont donc RELAXE Mr PROUTEAU au « bénéfice du doute » !!! et ont « généreusement » abaissé ma peine à 12 moi sursis ….AMNISTIES. Dès lors il ne me restait plus qu’à la boucler !! La messe était dite. Mais heureusement plusieurs autres affaires ont fini par « sortir » peu après :
    – la plainte des Irlandais contre BARRIL le 4 Août 1992 ( à 24 jours de la prescription criminelle. au bout de 10ans la chambre de l’instruction annulera toute la procédure conte lui pour des vices de forme !
    – le débouté total de BARRIL ( TGI, Appel puis Cassation) d’une plainte qu’il avait imprudemment déposée contre le monde et PLENEL qui avait clairement relaté tout le montage dans un article d’avant le procès de Subornation de témoins
    – La parution dans la presse en 1993 des écoutes PLENEL puis la remise au juge VALAT de milliers d’autres écoutes
    Mais ce serait trop long à raconter ici , aujourd’hui et maintenant. Je limite mes « affres » de l’attente » à l’arrêt de Mardi 13 Mars 2007…et je rependra le clavier après !
    Jean-Michel BEAU
    Lieutenant-Colonel Honoraire de Gendarmerie

  3. Gunugu

    Edifiant mais insignifiant par rapport à ce qui se passe sous d’autres cieux

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