Ces malfrats qui ont tiré tous azimuts, l’autre jour, pour assurer leur fuite, ou ces braqueurs qui ont arrosé à la Kalachnikov avant de faire main basse sur le butin qu’ils convoitaient, sont-ils des « amateurs qui ont perdu leur sang-froid », ou des « malfaiteurs professionnels » ?
Les avis sont partagés, du moins parmi les intervenants, comme on dit, c’est-à-dire ceux qui plastronnent devant un micro ou une caméra. Alors, qui a raison : le criminologue, le sociologue, le syndicaliste bon teint de la police, l’ancien flic ou le ministre de l’Intérieur ?
On s’interroge.
En les écoutant ces cassandres qui savent tout sur tout, on se dit qu’ils connaissent forcément des choses qu’ils ne veulent pas dire – ou le contraire : ils disent des choses qu’ils ne connaissent pas.
Car c’est quoi, un truand professionnel ? Un type qui de temps en temps braque une banque ou s’attaque à des convoyeurs de fonds, et qui le reste du temps pointe au chômage ?
Soyons sérieux ! Il n’y a pas d’école du banditisme, juste un enchaînement de circonstances. Le délinquant est d’abord un petit voyou qui fracture la porte des chambres de bonnes (c’est une image) et qui un jour finit le calibre à la main. Ce qui a été le cas de Jacques Mesrine (et pour lui, ce n’est pas une image). En fait, sans le savoir, ces truands, ils appliquent le principe de Peter. Ils en veulent toujours plus. Ils sont à la recherche de leur niveau d’incompétence, raison pour laquelle, un jour ou l’autre, ils se font prendre.
Mais il y a un point commun à tous ces crimes ou délits. Oui, l’appât du gain, vous alliez dire. Mais autre chose encore, dont on ne tient pas compte : la peur.
Car tous les braqueurs avec qui j’ai pu discuter, en général à l’issue d’une garde à vue exténuante, m’ont tenu ce même langage : ils montent sur un coup la peur au ventre. C’est même, je crois, ce qui rapproche les flics de leurs clients : la peur, vaincre sa peur, la décharge d’adrénaline… et la recherche non avouée de retrouver cette sensation.
La peur qui fait agir, la peur qui fait réagir…
Bon, mais après avoir égratigné les sociologues et les criminologues, je ne vais pas empiéter le domaine des psychologues.
Le vol à main armée n’est pas une invention de ce siècle, il a toujours existé. Sous la III° République, peut-on lire sur le site du ministère de l’Intérieur : « L’hexagone est, dans cette période, en proie à une grandissante insécurité dont tous les journaux se font largement l’écho, non sans quelques arrière-pensées politiques. » (On dirait de l’actu.) Et en 1907, Clemenceau signe un décret qui prévoit la création de douze brigades mobiles, en dotant chacune, et c’est une première, de quatre limousines De Dion-Bouton. Car il s’agit de lutter contre la délinquance itinérante.
Aujourd’hui, avec l’ouverture des frontières au sein de l’U-E, nombre de gangs de malfaiteurs sont pilotés depuis un autre pays. Souvent bien à l’est. Et même si l’on a mis sur pied des structures pour tenter de lutter contre cette grande délinquance grandement itinérante, on est loin du compte. Pour faire face, il va falloir des moyens, des hommes et surtout des règles identiques partout.
Mais lorsqu’on voit le temps nécessaire pour qu’enfin on s’interroge juste pour savoir si la garde à vue à la française est conforme ou non au droit européen, on se dit que ces nouveaux bandits de grand chemin ont encore de beaux jours devant eux.
Petits bandits et grands bandits : délinquance et soif de pouvoir absolu. Un polar à suivre sur le terrorisme, sur un homme insaisissable qui sème la terreur et la mort : La Tarentule. Une trame élaborée avec un OPJ de la DGSE.
« Ils sont à la recherche de leur niveau d’incompétence »… Ah vraiment, j’adore cette phrase… au final il pourrait n’y avoir que deux types d’individus en ce bas monde, ceux que vous citez (les politiciens en font surement partie) et ceux qui évitent d’agir de peur de constater l’évidence… à ceux-là les blablas !!!!
Joli ! Et durant tout ce temps, les apeurés ont grassement nourri des générations d’exploiteurs de la connerie !
Si vous avez d’autre contes du même cru… 😉 !
» Le vol à main armée n’est pas une invention de ce siècle, il a toujours existé »
Cela me fait penser à une histoire qui m’a été rapportée il y a quelques années d’un éducateur de prévention de la banlieue lyonnaise. Ce jour là, il accompagnait des jeunes de 14 à 17 ans sur la colline au sommet de laquelle, ils allaient pouvoir assister en privilégiés au » spectacle « .
C’était une barre d’immeubles de 13 étages qu’on faisait tomber par trop d’insécurité, de vols, de viols, de trafics et de vandalisme.
La longue construction des années 60 avait été truffée de TNT. Beaucoup de monde était venu assister au spectacle, ils s’y étaient attachés à leur immeuble, certains y étaient nés et y avaient grandi.
Hamid demanda à l’éduc pourquoi on faisait tomber un immeuble de 600 logements, au moins : ce n’était pas logique tant il y avait de gens à la rue.
L’éduc répondit que c’était devenu un endroit très dangereux, un véritable coupe gorge où plus grand monde ne s’aventurait. Et puis ça dealait trop, bien trop et ça inquiétait les élus.
Hamid demanda ce qu’on allait faire quand on aura tout déblayé, fait disparaitre toute trace d’habitations. L’éduc répondit que le maire et les sociologues envisageaient de créer des promenades avec beaucoup d’arbres, une forêt, un lac, quand ils auront fait disparaitre cinq autres barres identiques.
Hamid demanda alors à l’éduc ce qu’il y avait avant la construction des immeubles.
L’éduc répondit qu’il y avait des champs, des jardins, des fermes, et qu’avant cela il y avait une grande forêt, un lac. Des charbonniers et des mendiants habitaient là.
Hamid s’étonna » pourquoi refaire ce qu’il y avait avant ?! »
L’éduc répondit que l’ancienne forêt était un sinistre coupe gorge infréquentable que personne ne voulait plus traverser de peur de se faire détrousser, voire trucider. On avait coupé tous les arbres pour être en sécurité et plus tard, beaucoup plus tard, on y avait construit des immeubles modernes … pour se loger et y vivre en toute sécurité.
Comme quoi tout est un éternel recommencement !
Lionel
Administrateur du Blog de Police
J’adore lire votre blog. Pourtant je ne suis pas policier et j’ai rarement affaire à eux. Expatrié, j’ai eu l’occasion de me rendre compte que dans la gent porte-képi il n’y avait pas que des ripoux. Mais je trouve que votre blog et vos commentaires sont pleins d’humanité.Dans ma profession, comme dans l’ancienne vôtre, je suis censé porter un uniforme. Mais je suis souvent « en civil ».
« C’est même, je crois, ce qui rapproche les flics de leurs clients : la peur, vaincre sa peur, la décharge d’adrénaline… et la recherche non avouée de retrouver cette sensation. La peur qui fait agir, la peur qui fait réagir »
Sympathique billet, la mise en évidence de ce genre parallélisme… Il nous change un peu du sensationnalisme vu qu’il nous parle de l »humaine condition », par delà les barrières instituées entre bêtes sauvages et les êtres civilisés.
Sauf que, contrairement à ce qui est avancé, par delà l’adrénaline, la nature du moteur de la peur n’est pas exactement identique. La peur du risque qui se double chez le policier de la peur d’avoir fauté ou de fauter durant l’assaut, outre qu’elle est plus compliquée à gérer vu qu’elle provoque plus souvent de bavures colatérales, est différente de la peur du malfrat déterminé, quant à lui, à passer à l’acte, un simple « quitte ou double », et encore, faudrait voir. La deuxième « gestion de la peur » est beaucoup moins dangereuse du point de vue des dégâts colatéraux provoqués, je pense, c’est triste hélas…
On peut soutenir des protagonistes qu’ils sont à égalité quand un événement imprévu (non anticipé) provoque de la panique lors du passage à l’acte ou de l’assaut « préventif ». Dans ces cas-là, on se demande où est l’adrénaline suscitant le plaisir. Les conséquences étant les mêmes…, la faute à pas de chance, sans aucun doute.
Je crains que même si l’Université ouvrait des sections spécialisées « Crimes & Délits », on trouverait la même recherche du niveau d’incompétence après la licence, le mastere et les doctorats ès-cambriole.
Prenez l’ENA, elle forme chaque années des élites spécialisées dans l’escamotage des deniers publics, mais celles-ci se font prendre régulièrement la main dans le S.A.C. …
Quant aux débuts des têtes d’affiches de la pègre, il n’y a pas que le crochetage des chambres de bonnes, il y a aussi les vieilles qui accrochent tout bonnement le débutant dans leur chambre, comme en témoigne les débuts de Bernard Madoff, relatés dans son histoire (presque) vraie:
http://palimpseste.blog.lemonde.fr/2008/12/30/bernie-m/
Bonne lecture, et n’oubliez pas que les braqueurs sont comme les nains de Werner Herzog: eux aussi ont commencé petits.
Encore une fois; bien vu, Georges !
Ceux qui s’autorisent les palabres et les spéculations les plus hardies sont -en règle générale- ceux qui sont le plus éloigné des réalités de terrain !… La vanité du propos cherche en fait de cache-sexe à un grand désarroi; celui d’une incapacité inavouable (sur un plan professionnel) à prévoir, à juguler, à combattre une criminalité dont la courbe ascendante de la violence semblerait respecter celle de la spéculation boursière… Le grand « sauve-qui-peut » dont les édiles se gardent bien de nous dresser le profil exact… « pour éviter les mouvements de panique », à coup sûr… exactement comme pour le nuage de Tchernobyl !… Sous la responsabilité de qui s’est déroulée cette mortelle supercherie, au fait ?… J’ai comme un « trou de mémoire » quand il s’agit de « trous de balle » ;-( !
Les choses n’iront certainement pas en s’améliorant, c’est certain !… Mais ça va surement arranger les affaire d’un autre commerce sur le déclin puisque, à part prier pour ne pas aller gonfler les statistiques des « dommages colatéraux », les recours pour le citoyen lambda frisent le zéro.
Il y a une vingtaine d’années, la « thésaurisation laborieuse » des « marchés parallèles » permettait à une certaine « classe » sociale d’investir dans le futur… en rachetant les stocks clandestins d’armement des Balkans, bradés le long de certaines frontières… 1500F la « Kalash » avec un chargeur de rechange et 500 cartouches… Mais les magistrats ne pouvaient se permettre de perquises préventives faute de « preuves formelles »… et les flics de base n’étaient pas tellement enthousiastes à l’idée d’aller exposer leur carcasse de père de famille dépourvue de gilet pare-balles (d’ailleurs inutiles devant ce type de munitions)pour des gardes à vue moins longues qu’une file d’attente à la SECU.
Remercions nos hommes politiques si maigrement rétribués une fois sonnée l’heure de la retraite, et celle de la perte de privilèges sensés avoir été abolis lors de l’avênement républicain !
En France ; Tout va toujours bien !
Tiens !… Sans tromblonnades pétaradantes si chères au coeur des médias, C+ a redifusé hier l’enquête sur un autre assassinat de la démocratie en la personne de Boulin.
Quand on sait les Himalayas de fric que ses assassins ont spolié la nation, qu’ils bénéficient toujours du silence complice de la quasi totalité des médias et de celle unanime de la classe politique plusieurs années après la mort du « père fouettard », on se dit qu’ils ont l’air minables ces « supers flingueurs » abandonnant les trois quart d’un butin sur place… et on se demande aussi, vraiment, quelle nation avait bien pu former les « Escadrons de la Mort » en Amérique du sud afin de luter contre le « banditisme » !
« Aujourd’hui, avec l’ouverture des frontières au sein de l’U-E, nombre de gangs de malfaiteurs sont pilotés depuis un autre pays. Souvent bien à l’est. »
Mouais, pas tout à fait convaincu que l’UE et l’ouverture des frontières y soient pour quelque chose ; les gangs « pilotés » depuis l’étranger, ça existe depuis bien longtemps (les Ritals – j’en suis – de Marseille…) et, que je sache, les Triades et autres Vory v zakone n’en bénéficient guère, Chines et Russie restant bien en dehors de l’espace Schengen.
xfghfgh