LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Monsieur Jo se met à table

De Mesrine à DSK, un livre au titre un rien racoleur (mais nous mettrons ça sur le dos de l’éditeur) dans lequel René-Georges Querry, alias Jo, nous livre les moments forts de sa vie professionnelle. Et dieu sait si elle a été riche et variée : stups, antigang, antiterrorisme, protection des hautes personnalités… Il a même été associé à la préparation de la Coupe du monde de football.

Jo Querry dans les salons du Sénat

Pourtant, en 2002, il quitte la police pour se lancer dans le privé. Il faut dire qu’on lui offre un poste en or : responsable de la sécurité pour le groupe hôtelier Accor. Un poste qui n’existe pas et qu’il faut créer de toutes pièces. Un challenge. Il a quand même dû hésiter… Je me souviens d’un déjeuner avec notre ami commun Ange Mancini, où tous deux s’interrogeaient sur l’orientation à donner à leur carrière. Ils étaient sur les rails pour devenir préfets et ils barguignaient. Pas facile de quitter la boîte ! Querry a démissionné, (avec le grade d’inspecteur général, quand même) et Mancini a sauté le pas. Et comme ce dernier vient de prendre sa retraite (de l’administration), je m’interroge pour savoir s’il va lui aussi nous livrer ses mémoires. Il aurait des choses bien intéressantes à nous raconter…

Jo, on l’attendait sur l’affaire DSK. Il est presque minuit, ce 14 mai 2011, lorsqu’il reçoit un coup de fil dans sa voiture : Dominique Strauss-Kahn a été interpellé à l’aéroport de New York. « Il est accusé, lui dit son interlocuteur, d’agression à caractère sexuel sur une de nos femmes de ménage. » Arrivé chez lui, il appelle Ange Mancini, alors coordonnateur chargé du renseignement à la Présidence, persuadé que celui-ci est déjà au courant. Sauf que ce n’est pas le cas. C’est donc lui qui a informé le premier l’Élysée de l’arrestation du patron du FMI, et ensuite… Ensuite, il a été pris dans un tourbillon de rumeurs qui lui ont mis les nerfs à vif. « Lors de cette affaire DSK, on a épluché mon CV, relevé mon parcours. Mes amitiés professionnelles, mes divers postes, le côté flic de terrain qui voisinait avec des emplois  » sensibles « , notamment au sein du ministère de l’Intérieur… ». On sent qu’il a été meurtri d’être considéré comme complice d’un coup tordu. Dans ce blog, j’ai dit combien j’étais dubitatif sur la version officielle, un rien trop lisse, de cette affaire, mais je dois reconnaître que Querry m’a convaincu en partie qu’il n’y avait pas de complot et que les choses étaient relativement simples. Une sorte d’engrenage. Strauss-Kahn s’est noyé tout seul, et personne ne lui a tendu la main – bien au contraire. Mais, lorsque Querry dit que la DGSE n’a pas ses entrées secrètes dans le groupe Accor, là, j’ai du mal à le croire. Sinon, il faudrait envisager un sérieux recyclage des cadres au sein de notre service de renseignements.

S’il débute son livre par cette épopée humiliante pour DSK, René-Georges Querry le fait pour mieux vider l’abcès. Il revient vite sur ce qui l’intéresse : la PJ. Et comme pas mal de flics, l’affaire qui l’a le plus marqué c’est la traque de Jacques Mesrine. Il est à cette époque l’adjoint de Robert Broussard. Lors de l’opération, place de Clignancourt, il est en planque dans sa GS avec deux piliers de la BRI, Gérard Marlet et Bernard Pire. Lorsqu’il aperçoit le camion piloté par Christian Lambert (l’ex-préfet du 93) débouler à toute allure le boulevard Ornano, il vient se placer sur la droite de la BM dans laquelle se trouve le truand. « Il tourne la tête, me voit avec les autres policiers qui avancent sur sa gauche. Le camion le bloque devant, j’aperçois les fusils qui dépassent. Si le Grand lève les mains… »  Mais il ne l’a pas fait. Il s’est penché pour ramasser quelque chose sous son siège. Et la fusillade a éclaté. « C’est rapide. Je hurle : Halte au feu ! C’est fini. »

Extrait de la photo de la 23° promotion des commissaires de police

Quelques années plus tard, sans doute las de traîner dans les couloirs poussiéreux du quai des Orfèvres, Jo découvre les paillettes des cabinets ministériels. Sur l’album photos inséré dans son livre, on le voit côtoyer les grands de ce monde. Il a été félicité, décoré, jalousé et il a même été viré. Une vie normale, quoi ! Et pourtant, il n’a pas pris la grosse tête.

Tous les deux, on se connaît depuis les bancs de l’école de police et ce que j’ai toujours apprécié chez lui, c’est son humour au deuxième degré et cette façon de faire des choses sérieuses sans se prendre au sérieux.

4 Comments

  1. POURADE

    A moins de se renier , il serait très étonnant qu’Ange MANCINI écrive ses mémoires. Lorsqu’il était en activité, ( et cela a commencé avec les mémoires de Roger BORNICHE ) , il morigénait tous  » ces anciens flics qui n’avaient rien d’autre à faire que d’écrire leur mémoires » !! Mais peut être qu’ un ancien Préfet … ????

  2. JPF

    Sacrée promo la 23eme et sacré jo et tous les autres…….

  3. linda

    je ne regrette pas la lecture de votre article,déjà le titre m’a attiré et j’ai découvert après un sujet qui m’a vraiment plu, je vous demande plus d’articles de ce genre,ça va me fait plaisir de le relire !!
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  4. Janssen J-J

    « Mais, lorsque Querry dit que la DGSE n’a pas ses entrées secrètes dans le groupe Accor, là, j’ai du mal à le croire. Sinon, il faudrait envisager un sérieux recyclage des cadres au sein de notre service de renseignements »…

    Moi de même, en principe…, mais le sens de la phrase reste bien ambigu… Voulez-vous suggérer que le recyclage des ‘grands flics’ du genre de RGQ dans les groupes hôteliers n’était pas sérieux ? Ou plutôt que les dirigeants de la DGSE auraient dû savoir, avant même RGQ, que DSK se trouvait dans un hôtrel du groupe dont il avait lui-même la charge de la sécurité ?
    Et pourquoi ne pas faire l’hypothèse d’une division du travail de plus en plus fréquente avec les recyclés des services de renseignements ou autres dans le privé, division susceptible d’avoir de connaître plus en plus de ratés ? Une tendance lourde se dessine où les espions privés venus du public ont sans doute pour vocation implicite de rester des espions au service de l’Etat, mais où l’Etat en devient de plus en plus dépendant, concuramment avec ceux qui qui les paient, groupe Accor en l’occurrence. A ce qu’on sache, RJQ était royalement payé par ce groupe, et en rien par l’Etat, du moins l’espère-t-on…
    Qui paie l’info en bénéficie prioritairement, non ? Il n’y a pas d’autre morale.

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