LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Lutte antiterroriste : le ministre prend la barre

Bernard Cazeneuve a annoncé la création d’un service à sa main pour coordonner la lutte antiterroriste. Il s’agirait d’un état-major « opérationnel » rattaché à son cabinet comprenant des représentants des différents services de police et de gendarmerie en charge de cette mission. Et ils sont nombreux.

L’objectif évoqué est de mettre fin à la concurrence qu’ils se livrent. « Il ne doit plus y avoir de loupé ! » a dit le ministre de l’Intérieur. Ce qui sous-entend qu’il y en a eus.

Pirate_site_coloriage-dessinDonc pour harmoniser la ribambelle de services concernés, on va en créer un autre.

J’aime mon pays et ses bizarreries. Et je suis sûr que les Grecs pensent comme moi.

Alors, puisque le mot « opérationnel » est lâché, faut-il imaginer que notre ministre, entouré de fins stratèges, va, depuis un PC secret dissimulé dans les sous-sols, sous la cour Beauvau, diriger des opérations de terrain… « Là, vous me mettez deux voitures de planque… Et le RAID, il est où le RAID, hein ?… Attention les gars, ça chauffe… Intervention ! Intervention ! ». Une sorte de flashback de l’époque où Pasqua et Pandraud s’appropriaient le pupitre radio lors d’une opération de police.

Cela prête à sourire et n’a évidemment aucun sens. Il faut donc en déduire que ce nouveau service sera plutôt en charge de recenser les informations, de les rapprocher et de faire la liaison entre les différents services. Autrement dit de coordonner la lutte antiterroriste.

Ce que fait déjà l’UCLAT.

L’Unité de coordination de la lutte antiterroriste a été créée en 1984, par Pierre Joxe qui en a confié la mise en place à François Le Mouel, Ce policier de haut rang, créateur entre autre de la BRI du 36, se languissait alors dans un placard même pas doré pour avoir osé cloquer sa démission à Gaston Defferre. L’arrêté d’origine stipule que cette unité est en charge, sous l’autorité du directeur général de la police nationale, « de coordonner, animer et orienter l’action des directions et services de police en matière de lutte contre le terrorisme ».

L’UCLAT s’est imposée au fil du temps. C’est un service discret qui gère, comme dit son patron Loïc Garnier, un millefeuille de compétences. Mais sa fonction la plus emblématique consiste en une évaluation quasiment en temps réel de la menace terroriste, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Un travail classifié réservé à ceux qui sont à même de prendre des décisions opérationnelles. Et si elle semble s’être éloignée de sa mission de coordination, elle reste l’organe de réflexion de la police antiterroriste.

Il faut dire que coordonner des gens qui se tirent la bourre, c’est pas évident. D’où cette décision de M. Cazeneuve de créer un nouvel échelon, comme un trait d’union entre la demi-douzaine de services de police et de gendarmerie axés sur le renseignement ou la répression du terrorisme. Sans compter les offices et les services régionaux ou interrégionaux de la police judiciaire qui participent activement à ce combat ; ou la DCI (direction de la coopération internationale, créée en 2010 (pour remplacer le SCTIP), dont les 250 policiers et gendarmes sont répartis aux quatre coins du monde.

C’est pas gagné !

Mais alors que l’on nous parle sans cesse de restrictions budgétaires, cela fait quand même un peu doublon. Même si l’UCLAT, du fait de ses relations interministérielles et de sa représentation à l’international (elle fait partie par exemple du « groupe des praticiens du terrorisme », au sein du G8, qui procède régulièrement à l’évaluation de la menace), aurait plutôt vocation à être rattachée au Premier ministre. Mais elle se couperait alors du terrain.

Il est intéressant de noter que, ces dernières années, la centralisation est de mise au ministère de l’Intérieur. En 2009, avec l’arrivée de la gendarmerie, le ministère s’est doté d’une deuxième direction générale. Entre les deux DG, situées à des étages différents (dans l’escalier, s’entend), les relations sont courtoises, dit-on. Puis, depuis l’année dernière, une troisième, la DGSI. L’organigramme devient de plus en plus horizontal. Avec un seul patron.

En fait, depuis maintenant plus d’une dizaine d’années, les réformes sont continues. Ce qui se traduit par un jeu de chaises musicales dans lequel chacun apporte son siège pour être sûr de ne pas rester debout. Cette concurrence permanente pour montrer qui est le meilleur ne peut qu’encourager la concurrence entre les services. Bien loin d’une saine émulation. Je crois qu’il serait temps d’arrêter de réformer et de faire au mieux avec ce que l’on a.

Et cela ne concerne pas que l’Intérieur.

15 Comments

  1. Richard NOWAK

    Ce serait plus simple de balayer cela et de tout confier à l’échelon fédéral!

  2. soleil

    Il y à 4 ans déjà que Monsieur Valls demandait à juste titre de bloquer les frontières, à tous les adolescents visant leurs départs vers les pays, où l’on prône les attentas. A ce jour, la Cour Européenne ne prend toujours pas ces responsabilités, ce qui engendre de plus en plus d’actes terroristes avec une très grande facilité.

  3. pascal petit

    « un jeu de chaises musicales dans lequel chacun apporte son siège pour être sûr de ne pas rester debout. » …. MERCI…vous éclairez ma lanterne et vous me permettez d’y voir bien mieux dans l’attitude de certains fonctionnaires à mon égard (un ancien président de la république, de petite taille, m’a dit un jour de 1972, avec un regard noir et haineux « toi, je te retrouverai »).

    • Brejnev

      Il l’a dit à bien d’autres…

      • pascal petit

        avec moi, il l’a fait….je ne le verrai pas de mon vivant, mais je vous souhaite d’être là le jour où sera déclassifié le dossier « secret-défense » concernant un certain Pascal Petit. Un scandale sans nom avec du « crime contre l’humanité » à la pelle: enfants-soldats utilisés par la POLICE, arme et toxiques INTERDITS (venant d’un pays du moyen-orient que l’on a pas le droit de critiquer et qui peut TOUT se permettre). Parole d’homme!

  4. C.

    Vous avez parfaitement raison Georges. Nous sommes dans le cas typique d’une réaction du genre : « Bandes d’abrutis, je suis votre chef donc je suis plus intelligent que vous et je vais vous montrer comment il faut faire » dont nos technocrates sont coutumiers et qui est très commune dans l’administration. D’où une énième réforme, la création d’un niveau hiérarchique supplémentaire castrateur, une espèce de Maelström du renseignement où tout rentre mais rien ne sort, qui veut tout savoir et qui veut contrôler absolument tout ce qui se fait en la matière. Or, en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, il nous faut deux choses, une simplification à la fois horizontale et verticale et une plus grande implication des échelons subordonnés de terrain. Aujourd’hui, le renseignement monte normalement mais rien ne redescend. Le policier du terrain qui a détecté une menace et qui a fait une fiche ne voit aucune valeur ajoutée à son travail. Il ignore même si son initiative est bonne. C’est pourquoi, tous nos terroristes ont été détectés, ont fait l’objet de fiches, parfois bien documentées et puis….plus rien ! Changement de sujet.
    Nous avons donc besoin de plus de modestie, de moins de services parisiens et d’un peu plus de soutien local. Il faut par ailleurs arrêter de culpabiliser à tout vent. Le terrorisme induit des risques que tout Français doit être prêt à prendre comme nos anciens sont allés se battre à Verdun ou sur la Somme. Au lieu de tirer des conclusions sur l’insuffisance des services de police, sur la médiocrité de l’Éducation nationale voire sur des civilisations qui se feraient la guerre, commençons par réfléchir ensemble et sainement au problème. Il faut arrêter de prendre la dizaine de gugusses à moitié barjots dont les actes relèvent autant de la psychiatrie que de la justice pénale, pour des génies machiavéliques guidés par une intelligence transcendentale. L’armée a déjà été déployée au maximum, il ne faudrait pas que la prochaine étape soit l’arme nucléaire.

    • Brejnev

      Je crois qu’il veut parler des auteurs d’attentats. C’est bien le pB, on peut se mobiliser à mille services de renseignements et dix mille policiers, on ne détecte pas en avance les actes de demi déments exaltés… Donc effectivement traiter en local les cas visible est le max que l’on peut faire.

  5. JuanJacques

    Une remise en contexte claire, précise, acide…et oh combien nécessaire. Plaisir à lire…mais alors que faire, comment s’organiser?

  6. Marc Schaefer

    J’aime bien le nom « groupe des praticiens du terrorisme ». Eux au moins le disent clairement.

  7. Marc Schaefer

    Lu souvent « loupé » ces derniers jours. Peut-être pour avoir raté le Conseil National de Transition qui comporte plus que trois tondus pour mettre des tracts et des affiches un peu partout.

    Tiens, la Dgse m’a entouré d’au moins cinq gugusses cette après-midi. Ça vous indique l’ordre de ses priorités.

    • pascal petit

      5 gugusses pour vous , rien que pour vous ? …des preuves !

      • Marc Schaefer

        Je suis entièrement d’accord que c’est gaspiller les impôts. Je souhaiterais même que les barbouzes s’occupassent de quelqu’un d’autre. Mais à l’évidence, les putschistes et terroristes ne les intéressent pas.

      • Marc Schaefer

        Juste un exemple des moyens et de la futilité des services secrets :

        Lors d’une ecapade impromptue en Italie, la Dgse a décidé de me faire rater le Milan-Turin. La gare de Milan est grande comme Austerlitz. Ils ont occupé tous les guichets avec des clients lents, abîmé tous les distributeurs automatiques sauf un. Une française café-au-lait est passée à côté de moi dire « ils vont me faire rater mon train ». Quand j’ai commandé le billet au dernier distributeur, un gamin s’est mis à côté et a dit « allez-y, choisissez la destination » ; j’ai décidé de continuer, et alors il m’a poussé de côté pour regarder la destination avec ostentation, puis ce dernier distributeur s’est arrêté aussi. J’ai revu plus tard au fond de l’Alsace un des agents croisés à Milan. C’est cela, la taille et la visibilité d’une opération de la Dgse.

  8. Pierre Carra

    L’attentat de Charlie a été possible grâce à la mésestimation du contexte et la sous-estimation de l’ennemi. Les petites guéguerres entre services font largement le jeu du terrorisme, les soi-disant réformes, création de ce qui existe déjà et autres aberrations, ne font que consacrer l’incompétence générale qui prévaut et dresse la voie royale vers des attentats aussi « imprévisibles » que meurtriers.
    Cessez de vous poser la question de savoir si le fondamentalisme et la radicalisation amènent au terrorisme, ils en sont le sas direct.

    • DePassage

      Pourquoi y-a-t il du « terrorisme » actuellement ?
      – Notre engagement au Mali, puis dans la région subsaharienne.
      – Notre engagement au côté des chiites irakiens dans une guerre civile.
      – Notre engagement militaire dans la guerre civile afghane.
      – Notre alignement pro-Israélien.
      – Notre alignement pro-dictature du M-O, allant à l’encontre des résultats d’élections transparentes comme en Égypte, où l’on a vendu nos armes offensives(rafales, navires de guerre,…) dans ce qu’on appelle de plus en plus une guerre civile.
      Notre politique extérieure actuelle tend donc à nous faire des ennemis pour plusieurs générations.

      Cela coûte combien la lutte « antiterroriste » ? Pour éviter quels dommages matériels, immatériels, humains ?

      Mobiliser des dizaines de milliers de fonctionnaires et faire fonctionner la machine antiterroriste a évidemment un coût exorbitant. J’y inclus les multiples opérations extérieurs antiterroristes.
      Cet argent ne serait il pas mieux à relancer notre économie en crise, au lieu de faire tourner des usines d’armement peu créatrices d’emplois aujourd’hui ?

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