L’affaire Dieudonné a révélé combien le droit administratif passionnait les Français. Et les professeurs qui enseignent cette matière, réputée pourtant rébarbative, doivent s’étonner du nombre de spécialistes qu’ils ont réussi à former. Même si les amphis n’affichent pas toujours complet.
Ceux qui, comme moi, sont moins férus du sujet, se sont sans doute penchés sur de vieux traités de droit ou bien ils ont malmené leur souris à la recherche d’informations sur la Toile. Nous devons être nombreux dans ce cas, puisque le site du Conseil d’État a rendu l’âme. Après tout, rien de plus normal : on n’a aucune raison de prendre pour argent comptant ce que l’on nous raconte…
La police administrative a pour objet le maintien de l’ordre public. Elle tend principalement à prévenir les crimes et les délits. Si elle n’a pas pu empêcher ces crimes ou ces délits, il appartient à la police judiciaire d’en rechercher les auteurs et de les présenter à la justice. (Code du 3 Brumaire An IV, art. 16 à 20). On a coutume de dire que la police administrative a un rôle préventif, alors que la finalité de la police judiciaire est essentiellement répressive. Cette répartition simpliste des missions est une conséquence directe de la séparation des pouvoirs issue de la loi des 16 et 24 août 1790. Mais comme sur le terrain ces deux fonctions sont souvent remplies par les mêmes personnels, Il est parfois difficile de les distinguer : l’une pouvant se trouver dans le prolongement de l’autre. Par exemple, des policiers qui patrouillent sans autre mission que celle d’assurer une surveillance générale, effectuent une mission de police administrative. S’ils surprennent l’auteur d’un cambriolage et qu’ils l’interpellent, ils font de la police judiciaire. On pourrait ajouter que s’ils repèrent un individu au comportement suspect et qu’ils le prennent en filature, ils font de la police proactive. Il y a présomption d’un délit.
C’est la position du Conseil d’État qui présume que Dieudonné va tenir des propos antisémites. Une décision qui s’apparente donc plus à la police proactive qu’à la police administrative. Un peu comme le fait le procureur de la République lorsqu’il décide d’un contrôle d’identité pour rechercher un certain type d’infraction dans une zone géographique déterminée. Ces contrôles sont comme un coup de filet dans un périmètre supposé criminogène.
La police proactive est donc à mi-chemin entre la police administrative et la police judiciaire. C’est une notion qui ne figure encore dans aucun texte. Mais ça va venir. C’est dans l’air du temps.
Comme le montre d’ailleurs l’article 20 de la loi de programmation militaire (LPM). Ce texte donne à divers fonctionnaires et militaires des pouvoirs dérogatoires à la loi qui protège notre vie privée – en dehors du contrôle des magistrats. Une loi qui attente gravement à nos libertés, prise sans même l’avis du Conseil constitutionnel ni de la CNIL, pour prévenir les crimes et les délits. Et pourtant, comme le dit Le Monde dans son édito de ce jour (alors qu’il s’est montré plutôt mou lors du débat sur la LPM), « Le contrôle préventif d’une liberté (…) conduit, le plus souvent, à l’arbitraire ».
En prenant la décision d’interdire les spectacles de Dieudonné, le Conseil d’État s’est attaqué à un droit constitutionnel capital dans une démocratie : la liberté d’expression. Et, au bout du compte, le remède est pire que le mal. Pourtant, cette décision doit sonner comme un avertissement : Nous entrons de plain-pied dans une société où le pouvoir exécutif cherche à s’émanciper du pouvoir judiciaire. Le combat de Manuel Valls en est la démonstration. C’était dit sous le gouvernement précédent. C’est fait sous celui-ci.
C’est aussi pour cela, que l’on a interdit, à Dieudonné de jouer son spectacle
le mur, il dénonçait la pédocriminalité, dans lequel de nombreux « notable »
parmi nos « élites » sont impliqués .
Pour info: il faut continuer à dénoncer, la loi du silence, sur la « pédocriminalité » , cerains l’ont payé de leur vie, comme le gendarme Jambert qui enquêtait sur les »disparues de l’Yonne ou disparu comme Stan Maillaud depuis octobre 2012, lui aussi ancien gendarme, mais qui enquêtait
à titre privé et protégeais des enfants . (Vidéo à populariser)
http://www.youtube.com/watch?v=pjAPi1rN4UE&feature=youtu.be
Il pourrait être utile d’inscrire cette affaire dans sa dimension européenne, et on y verrait plus clair, plus juste.
http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/democratie-dieudonne-cedh_b_4585632.html?ir=France
Selon moi, le probleme est un peu plus complique, dans la mesure ou non seulement Dieudonne a ete sanctionne par le CE, mais egalement les spectateurs. Comment donc « evaluer » leur responsabilite? D’une certaine maniere, le CE a juge ces memes spectateurs en limitant leur liberte. Que se passerait-il s’ils se reunissaient en association et attaquaient l’etat pour ce motif ?
Bonjour, votre raisonnement n’est pas juridique : déjà, le CE n’a sanctionné personne, il a validé une interdiction prononcée par une autorité administrative compétente (maire ou préfet en l’occurrence), qui serait éventuellement mise en cause. D’autre part, cette interdiction a été prononcée car le spectacle violait l’ordre public, et donc le public d’un tel spectacle ne peut revendiquer aucun droit : assister à un spectacle illégal n’est pas un droit. Les spectateurs pourraient se retourner contre Dieudonné, en revanche. Même une condamnation de la France par la CEDH, improbable, ne donnerait pas de droits aux spectateurs.
@civiliste
J’apprécie votre rappel de la loi et de son respect dans notre pays.
Et je sais que lors d’un prochain spectacle insultant le Christ ou Mahomet, vous saurez applaudir le ministre UMP ou FN interdisant préventivement ce spectacle car violant l’ordre public.
Et qui sait, cette interdiction pourrait également s’appliquer préventivement à certains journaux cathophobes ou islamophobes.
Et pourquoi faudrait-il « insulter » le Christ ou Mahomet, si on voulait seulement proposer une critique de telle ou telle idéologie religieuse ? Ne peut-on mener un travail de libre pensée ou critique philosophique ou idéologique sans « insulter » ?
Ensuite, le Christ ou Mahomet sont des « figures », certes historiques, culturelles ou sacrées pour certains, mais non des gens vivant comme vous et moi que nos lois auraient protégés contre des agressions ou des insultes racistes ou haineuses.
Hé bien parlons alors d’insultes faites aux Chrétiens ou aux Musulmans, en raison de leur religion!
Ce sont des gens vivants et qui peuvent être victimes de haine ou de racisme.
Le Christ est effectivement une personne morte, pour ses convictions religieuses, dans d’atroces souffrances, tout comme les victimes de l’Holocauste. Donc si il suffit d’être mort pour être la cible d’humoristes, on peut bien se moquer de l’Holocauste.
CQFD.
« ah oui mais non, c’est pas pareil » ?
Je précise que la décision Stirn ne m’enchante pas, mais je crois que vous exagérez un peu (à l’instar, pour ne citer que lui, de M. Lang dans Le Monde d’hier). En effet, la notion d’Ordre Public exclusivement « externe et matériel » est vieillotte, et datée (Hauriou, fin du 19). Puis, le CE ne l’a jamais complètement reprise à son compte, cf. par ex. « FilmsLutetia » 1973 (de mémoire). Enfin, depuis bientôt vingt ans, elle a été officiellement abandonnée (« MorsangSurOrge » 1995) : déjà à l’époque on nous annonçait des catastrophes, il n’en est rien, et je rappelle que le CE a, à plusieurs reprises, garanti la liberté d’insulter de M. ‘Mbala, entre autres (le même Stirn a censuré un maire qui ne voulait pas de l’université d’été du FN, par exemple).
On peut rappeler enfin que la CEDH, art. 10, prévoit des restrictions à la liberté d’expression, notamment pour, je cite « la défense de l’ordre et à la prévention du crime, la protection de la santé ou de la morale, la protection de la réputation ou des droits d’autrui ». D’ailleurs, dans l’affaire dite de la « distribution de la soupe au cochon », la CEDH a validé l’interdiction qui avait été prise au nom du respect de la dignité humaine (ça vous rappelle quelque chose ?).
Bref, « la liberté est la règle, la restriction l’exception », ce n’est pas une nouveauté, et le Conseil constitutionnel le rappelle constamment : aucune liberté n’est absolue
Au temps pour moi ! « FilmsLutetia » c’est 1959, pas 1973, que le temps passe vite …
Hum j’ai quand même du mal quand je lis l’exécutif et son administration. J’espère qu’on ne parle pas ici du conseil d’état.. Si oui cela démontre la méconnaissance du grand publique et d’autres moins ‘grand publique’ du fonctionnement de la justice administrative et du rôle du CE dans celle-ci. Rappelons que le fondement de la justice administrative repose sur le statut de ses membres qui sont des magistrats indépendants (à contrario des magistrats du parquet) car appelée à juger les actions de l’état ( et donc de se prononcer sur les arrêtés et autres textes pris par les instances administrative ie représentative de l’état et de son administration). Pour rappel le ministre de l’intérieur a saisi le conseil d’état plus haute juridiction administrative de notre pays en référé pour qu’il juge de la validité de la décision de première instance prise au TA de Nantes (en gros il y a première instance appel et cassation en gros hein …) le CE a jugé lui que le TA s’était trompé et que le trouble à l’ordre publique l’emportait sur la nécessaire protection de la liberté d’expression (on vous rappel que d’autre ont été condamnés pour avoir exprimé leur opinion et à l’époque ça n’a pas remué les tripes des gens bon ok ils avaient pas acheté un billet pour un spectacle ….). Les libertés sont par définitions dans une société limitées dans l’étendu de leur exercice que ce soit pour l’usage d’une arme quelconque ou l’usage de sa langue pour s’exprimer c’est un fait et le nier est faire preuve de beaucoup de naïveté (l’injure publique, l’incitation à la haine raciale et autres joyeusetés, dont je ne sais si le sire visé par l’interdiction est coupable ou on n’ayant ni l’envie ni le loisir d’assister à son spectacle si on peut appeler ça comme ça, sont réprimé par la loi (qui limite donc la liberté d’expression) et ça vous défrise? Il n’y a pas de problème, dans le domaine des lois et de leur violations plus grave que cette non affaire, issue du comportement légèrement provocateur d’un ‘pauvre’ homme ? Franchement?
Moi non plus, je n’aime pas voir l’exécutif ou son administration interdire un spectacle. Encore moins quand la Justice a émis un autre avis.
Autre thème : rappelez-moi qui avait repéré une collision de dates entre une révélation dans l’affaire de Karachi et une affaire monopolisant les medias, à l’époque Merah ? Nouvelle collision ces jours-ci.
A vrai dire, le pouvoir précédent et l’exercice qui en aura été fait aura parfaitement préparé ce coup de force administratif, quoi que l’on pense par ailleurs du contenu du spectacle de Dieudonné.
Qu’en est-il aujourd’hui ? le ministre de l’intérieur a tous les pouvoirs, le corps des préfets et l’ensemble des forces de sécurité à sa main (bravo le rattachement de la gendarmerie nationale aujourd’hui désarticulée dont la place à la défense, son organisation et ses règles d’engagement notamment au maintien de l’ordre était une garantie d’équilibre et de neutralité) et peut même façonner intellectuellement à cette logique proconsulaire les élites via l’INHESJ, consécration de la primauté du « policier » sur le « judiciaire ».
Sous couvert de LOLF, RGPP, mutualisation et que sais-je encore, autres conséquences de son incurie, cette génération politique aura en deux mandats présidentiels revisité Montesquieu et les équilibres qui fondaient notre démocratie si patiemment et douloureusement édifiée depuis plus de deux siècles. Pouvons nous espérer qu’elle n’aura pas un jour à rendre des comptes devant l’Histoire, faute d’avoir su se ressaisir et contrer ses propres dérives ?
Au final, votre conclusion Monsieur Moréas, se suffit à elle-même. D’autres blogueurs réputés partagent cette lecture des faits, notamment Monsieur Philippe Bilger. Il y a de quoi être au moins préoccupé…
Mais non, mais non, la guerre contre les « antisémites » et, pire encore, les « antisionistes » justifie que nous renoncions aux principes qui fondent notre droit.
N’oubliez jamais : pas de liberté pour les ennemis de la liberté.
Bon, un jour c’est vous qui serez catalogué ennemi de la liberté, mais ça n’est pas grave…
Et je préfère par pudeur ne pas insister sur les menaces de mort contre Dieudonné, l’agression de son régisseur par 3 nervis, et la chasse aux faiseurs de quenelles.
Tout cela dans un esprit humaniste et très républicain, bien sur.
Sur le sujet voir aussi les explications d’Eolas :
http://www.maitre-eolas.fr/post/2013/12/30/Pourquoi-il-ne-faut-pas-faire-taire-Dieudonn%C3%A9-%28mais-il-ne-faut-pas-l-%C3%A9couter-non-plus%29
Oui, également l’article de Serge Sur, professeur émérite de droit public à l’Université Panthéon-Assas. Ici
Bon article. Les articles de qualité (http://wp.me/p3CKPJ-9M ) sur Dieudonné sont hélas rares.
Tout a fait d’accord. Ce qui me fait dire que nous ne sommes deja plus en democratie. L’UMP l’a pense, le PS l’a fait.
La République n’est pas un régime neutre. elle proclame des valeurs.
Dieudonné n’est plus un artiste mais un homme politique classique, qui se présente aux élections avec un parti. Il a fait 1,8% en 2004 et 1,3% en 2009.
Cette vedette médiatique générée par la TV doit assumer : la politique c’est pas pour les « quenelles » molles, si j’ose. Je crois que Dieudo est un peu comme Sarko, il s’est cru arrivé.
En attendant, il semble pratiquer la fraude fiscale comme Cahuzac. Bref, rien que du très classique.
Cher Monsieur Moréas,
pour une fois je souscris à 100% à ce que vous écrivez.
Bravo !
Excellent article et très bonne réflexion. Vous dénotez, comme d’hab’.
Notez qu’ils ont peur. Et c’est la pire des conseillères…
Le divorce a été voulu, qu’ils l’assument.
Notre blogueur, en effet, “détonne” (il n’est pas dans le même ton que la plupart des articles sur ce sujet volontiers polémique). Il pourrait aussi “détoner”, mais ce serait alors… explosif 😉
Quoi qu’il en soit, son style dénote un souci permanent d’objectivité, ce qui n’est pas aisé, loin s’en faut !
Cette petite note pour souligner la complexité (et la subtilité) de notre vocabulaire, et en aucune façon pour faire la leçon à quiconque, soyez-en rassuré cher Yvan !
Dérisoire tout ceci…
Dieudo, c’est la vérité, celle trop éblouissante pour se laisser voir.
Regardez la nouvelle chape de plomb qui tombe sur la France, regardez les sketches de Dieudo… Il sont hallucinant de pertinence….
A l’heure ou Dassault/Bloch se fait protéger politiquement et que le criminel de guerre Sharon est mis à l’honneur des médias à la botte d’un pouvoir qui veut absolument ne pas être discuté, Valls comme les autres est en train de faire monter l’antisémitisme
Bonjour les élites moutons.
Mais ça c’est pas grave.
Ce qui l’est plus c’est qu’elles sont inconscientes de ce qu’elles rallument…
Un Mr « vérité » dont les comptes en banque semblent aussi peu clairs que bien remplis!
Super business, « l’anti système »…
D’ailleurs il semble se calmer, l’intéressé trublion converti (c’est toujours les pires!). Pas si bếte, il sait compter?
converti à quoi ? calmez vos insinuations sournoises et mensongères
pas sur que si l Etat s attaque personnellement à vous , vous ne joueriez le malin aussi 🙂 mais n oubliez pas , c est un tel aujourd hui , c est peut etre vous demain
je crois qu’en terme « d’insinuations sournoises et mensongères » Dieudonné est passé maître. Vraiment on va pas verser des larmes sur ce petit milionnaire antisystème. Le pays va mal, et Dieudonné s’en met plein les poches avec ses « spectacles ».
@ yan:
« Un Mr « vérité » dont les comptes en banque semblent aussi peu clairs que bien remplis! »
et ça durait depuis 10 ans. Vous êtes vous demandé pourquoi l’état n’a pas changé les lois, et pouvoir inculper Dieudonné à cause de ses comptes à l’étranger et ses fuites fiscales ? A une époque où on fait une loi quand quelqu’un pète de travers, où l’on inverse des jurisprudences vieilles de 50 ans en 1 heure, c’est quand-même curieux, non ?
P’têt bien que ces mêmes lois que Dieudonné utilise pour se soustraire au fisc sont AUSSI utilisés par les Bettencourt et Cazeneuve pour se soustraire au fisc, et ceux-là on veut les laisser tranquille.
Dieudonné n’est qu’un symptôme, par le problème. Et seuls les idiots pensent qu’on peut supprimer la fièvre en cassant le thermomètre. Le rôle de trublion a toujours été celui des clowns et saltimbanques, ils ont toujours été les seuls qui avaient le droit de dire ses 4 vérités aux Rois.
Tout comme les politiques (élus), on a les comiques (que l’on finance en allant les voir) que l’on mérite.
Si ceux qui ont encore un soupçon de bon sens doivent souvent subir les politiques élus à la majorité, il le reste le choix d’éviter les pseudo comiques profitant de ce qu’ils prétendent dénoncer.
Le fait que la démocratie permette de foutre en l’air la démocratie n’est pas un excuse.
Zolko, il y a certainement des problèmes à dénoncer.
jusqu’à présent ceux qui ont fait évoluer les sociétés et les mentalités, comme Mandela ou Luther King, n’étaient pas des propagateurs de haine ; en revanche, les opportunistes exitateurs de violence qui rameutent des populations mécontentes en période de crise n’ont jamais rien donné de bon ; mais le pire oui.
Curieux de citer Dassault comme personne « protégée » au moment où s’ouvre son procès.
Et rappeller le nom initial de la famille, Bloch, change après la guerre en Dassault, montre que l’individu vous indiffère : vous êtes accaparé par votre demonstration de délire anti-sémite.
Quant à Dieudonné, l’appel à la haine ne fait pas partie de la liberté d’expression. Si je descends dans la rue en hurlant « Morts aux… juifs, arabes, noirs, flics, fachos,… » la police interviendra, et à juste titre. Même si je le fais avec beaucoup de drôlerie.