LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Société (Page 11 of 40)

Salle de shoot : une zone de non-droit pénal ?

Cela fait des années que l’on en parle. Lors de sa campagne électorale, François Hollande s’était même dit favorable à une expérimentation, mais cette fois, c’est fait : les deux premières « salles de consommation à moindre risque » (SCMR) vont prochainement ouvrir leur porte. L’une à Paris, l’autre à Strasbourg. Pour mémoire, il en existe déjà plus de 90 de par le monde, dont 70 sur le continent européen. La première a été installée à Berne, en Suisse, il y a juste 30 ans.

Laboratoire clandestin (archives perso)

Laboratoire clandestin (archives perso)

Le code de la santé publique a été modifié pour la circonstance. Il prévoit l’ouverture d’espaces réservés aux usagers de drogues dures « qui souhaitent bénéficier de conseils de réduction de risques » dans l’utilisation du produit dont ils sont dépendants. Les usagers doivent être majeurs et en possession dudit produit. À l’intérieur de l’enceinte de la salle de consommation, ils ne pourront pas faire l’objet de poursuites judiciaires. Ils bénéficient de l’immunité de l’article 122-4 du code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ». Les professionnels qui interviennent à l’intérieur de la salle de consommation bénéficient de la même protection. À noter toutefois qu’ils ne peuvent pas procéder à l’injection du stupéfiant, un acte qui doit rester volontaire et personnel.

Pour autant, il ne faut pas croire que la SCMR est une zone de non-droit pénal, car, en cas d’accident, il y aura l’ouverture d’une enquête pour recherche des causes de la mort, et, éventuellement, blessures ou homicide involontaires. Continue reading

Nice : après le drame, le cafouillage

Quelques heures après l’attentat au camion fou sur la Promenade de Nice, en pleine nuit, François Hollande s’est adressé à la Nation pour faire connaître les décisions qu’il avait prises.

Coucher soleilSi c’était pour nous rassurer, c’est raté. Car il est pour le moins inquiétant de voir le chef de l’État réagir ainsi à un événement, aussi dramatique soit-il, sans prendre le recul que lui imposent ses responsabilités. Cela ressemble trop à de l’affolement.

« Nous continuerons à frapper ceux qui, justement, nous attaquent sur notre propre sol, dans leur repaire ! » déclame-t-il. Et il annonce de nouvelles (?) mesures, comme renouveler l’état d’urgence, alors qu’il venait de dire que la dernière loi antiterroriste le rendait inutile, et renforcer l’action militaire en Syrie et en Irak. Il est à peine 4 heures du matin. Le drame a eu lieu à 22 h 45.

Petit flou le vendredi, lorsque les premiers éléments de l’enquête laissent à penser que le terroriste n’est pas un loup solitaire, mais plutôt un barjot solitaire, sous soins psychiatriques, qui aurait décidé de « sublimer » son suicide.

Lors d’une conférence de presse, François Molins, le procureur de Paris, prend d’ailleurs des gants pour nous dire que l’attentat n’a pas été revendiqué et que l’individu abattu par la police n’était pas radicalisé et qu’il est inconnu des services de renseignement. Puis il donne son identité, laquelle avait d’ailleurs déjà fuité dans la presse.

Ce qui va permettre à l’État islamique d’effectuer les vérifications nécessaires, afin de revendiquer l’attentat. 36 heures plus tard, Mohamed Machin est ainsi devenu un soldat du califat. (Je reste persuadé qu’il faut anonymiser les terroristes pour éviter que naissent des disciples.) Continue reading

Je n’irai pas cracher sur vos tombes

Lors de son discours de Versailles, devant les cercueils de Jessica Schneider et Jean-Baptiste Salvaing, les deux fonctionnaires de police assassinés à Magnanville, François Hollande n’a pas prononcé le nom de leur meurtrier. Il a parlé de ces « barbares qui commettent des horreurs au nom d’une religion qu’ils défigurent et qu’ils dévoient ». Et d’une guerre qui sera longue…

Ecusson-dcsp-en-deuilC’était un moment fort pour les policiers, les gendarmes et tous ceux qui se trouvaient sur cette place de Versailles. De ces moments que chacun de nous a connus, où, devant le corps d’un parent, d’un ami, croyant ou non, on se laisse prendre par l’envoutement d’une cérémonie mortuaire. Hier, sur la place, devant la préfecture de Versailles, il y avait l’immobilité, longue, de celle qui oblige au recueillement ; la musique militaire, prenante, que l’on a l’impression d’entendre pour la première fois ; puis le discours du Président, juste, au début, avant de devenir plus politique. Mais peu importe, on ne l’écoute plus, les paroles ne sont qu’un bruit de fond, une sorte de mélopée qui vient renforcer l’émotion. On pense à ces amis, à ces collègues, qui ne demandaient qu’à vivre. On pense à cet enfant privé de ses parents. Puis surgit l’introspection : ses propres collègues, ses amis, sa famille, soi… C’est un moment où l’on se demande pourquoi on a choisi ce métier-là. Continue reading

Coup de balai antiterroriste : une enquête qui nous ramène à 2001

Les autorités françaises, certains de nos parlementaires et pas mal de journalistes ballottent : dans la lutte antiterroriste, les échecs sont-ils le fait des Belges ou des instances européennes ? Notre journal favori (qui supporte ce blog mais dont je ne suis pas actionnaire), en date du 26 mars 2016, titre : « Révélations en cascade sur les failles des enquêteurs belges ».

Et pourtant, ces dernières 48 heures, les arrestations se multiplient : France, Belgique, Pays-Bas, Italie… On a l’impression que les services d’enquête de différents pays européens obéissent à un mot d’ordre commun pour mettre à mal un réseau terroriste d’une ampleur insoupçonnée. Le plus grand peut-être que l’on ait connu. Lorsque l’on découvre que l’un des individus arrêté, l’Algérien Abderrahmane Ameuroud, était impliqué dans l’attentat suicide qui a entraîné la mort du commandant Massoud, à la veille des attentats du 11 septembre 2001, on réalise que ledit réseau ne date pas d’hier.

Après avoir combattu l’occupation de l’Afghanistan par les Soviétiques, Ahmed Chah Massoud luttait contre les talibans, autrement dit les inféodés au mouvement fondamentaliste musulman. Dans son combat, le commandant Massoud avait le soutien « off » des services secrets américains et français et l’appui financier de l’Arabie saoudite. Continue reading

Abdeslam va-t-il être livré à la France ?

Après l’arrestation rocambolesque, en Belgique, de celui qui semble le dernier survivant du commando du 13 novembre 2015, la question se pose de savoir si Salah Abdeslam va être remis aux autorités françaises. Pour François Hollande, cela semble ne faire aucun doute : « Le procureur de Paris va demander l’extradition », a-t-il dit. Euh !…

Depuis maintenant une douzaine d’années, il existe un truc qui s’appelle le mandat d’arrêt européen (MAE), qui a remplacé les procédures d’extradition entre les États membres de l’Union européenne. C’est d’ailleurs la seule réponse importante qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001.

Abdeslam SalahQuelles différences entre l’extradition et l’exécution d’un MAE ? Il y en a une, de taille, qui concerne la séparation des pouvoirs. En France, la décision d’extrader un étranger se prend au sein du gouvernement. C’est une décision politique. Or, depuis le 1er janvier 2004, date de la prise d’effet du MAE, on a passé la main au pouvoir judiciaire. Le MAE est donc délivré par un magistrat, le plus souvent par un juge d’instruction. Il n’a pas besoin d’être notifié à un État pour être applicable. Ainsi, un signalement spécifique dans le système d’information Schengen (SIS), dans la mesure où il comprend les informations suffisantes (identité, faits reprochés, peines encourues…), vaut MAE provisoire. En ce qui concerne Salah Abdeslam, on peut espérer que c’est le cas et que les recherches ne sont pas limitées à l’appel à témoins lancé par la police nationale et au simple mandat de recherche dont il est fait mention… A défaut, Abdeslam a été arrêté dans le cadre d’une procédure judiciaire belge qui justifie sa garde à vue et sa détention. Et ce n’est qu’ensuite que le mandat d’arrêt lui sera notifié. D’une certaine manière, la justice française perdrait la main sur l’individu.

Mais que va-t-il se passer maintenant ? Continue reading

Apple : une pomme de discorde

Les géants de la Silicon Valley soutiennent Apple qui refuse de craquer son bébé chéri, l’IPhone. Ont-ils raison ou tort ? Pourtant, il ne semble pas disproportionné qu’un juge demande à la firme à la pomme de fournir « une assistance technique raisonnable » au FBI dans une enquête criminelle qui a fait 14 morts et 26 blessés. On se souvient, c’était le 2 décembre 2015 : un couple pénètre dans un foyer social de San Bernardino, en Californie, et ouvre le feu au fusil d’assaut alors que des dizaines de personnes sont réunies pour un repas pré-Noël.

capture3Sur le plan technique la question est simple – c’est la réponse qui est complexe. Il s’agit de découvrir le mot de passe du téléphone de l’un des terroristes, Syed Farook, citoyen américain abattu par la police quelques heures après le drame. Or, l’IPhone est programmé pour « s’autodétruire » après dix tentatives infructueuses. Et même si l’utilisateur n’a pas actionné cette sécurité, les délais entre chaque essai s’allongent rapidement, au point de rendre inutilisable un logiciel de décryptage.

Malgré tout, les techniciens du FBI décident de tenter le coup. Et ils se plantent. En désespoir de cause, ils demandent alors à Apple de modifier le système de son IPhone en y plaçant une sorte de porte dérobée. Une porte qui permettrait d’ouvrir tous les IPhones, répond la société.

Il s’agit d’un dialogue de sourd Continue reading

Vers un droit d’arrestation

Une nouvelle loi antiterroriste (la 5ème, la 6ème depuis le début du quinquennat de François Hollande ?) va remiser l’état d’urgence au musée des oubliettes. En attendant que n’arrive « l’état d’extrême-urgence ».

Menottes 2Le plus perturbant, à mon avis, dans ces mesures mi- judiciaires mi- administratives, c’est la création d’une détention de quatre heures à la bonne volonté des forces de l’ordre et hors la présence d’un avocat. Il faut bien comprendre que, sous prétexte de lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme, cette disposition est faite pour s’appliquer à tout le monde. Vous comme moi. Il s’agit d’un pas supplémentaire dans une technique d’enquête inédite qui consiste à interpeller une personne à qui l’on n’a – légalement – rien à reprocher. Comme dit le vieux Panicault dans Topaze (Marcel Pagnol) : « Les coupables, il vaut mieux les choisir que les chercher. »

Vous me direz, quatre heures, c’est vite passé ! Continue reading

L’inflation sécuritaire

L’état d’urgence est déclaré pour 3 mois. Et, selon une procédure qui semble maintenant habituelle, le gouvernement a sauté sur l’occasion pour modifier en catastrophe la loi de 1955. Une époque où François Hollande réclamait son biberon et où Manuel Valls était encore dans les tuyaux. Une loi qui, à l’époque, avait été jugée suffisante pour faire face à un terrorisme qui a fait au moins 4 000 morts. Et ceux qui à nos yeux représentent encore la France des droits de l’homme se taisent. J’allais dire se terrent. Après un simulacre de débat parlementaire proche des propos tenus au café du coin, ce consensus gauche-droite à quelque chose de… déroutant. On sent bien qu’on se fait bananer, mais on l’accepte, car la peur échappe à la raison. La com’ a pris le pas sur la démocratie. Et ça marche bien, du moins si l’on en croit les sondages.

CapturePourtant, cette impression d’être plus dans la réaction que dans l’action ne s’applique pas au président actuel. Du moins je ne le crois pas. À la différence de son prédécesseur, François Hollande est un calculateur, il veut tout planifier. Et à chaque nouvel événement, il avance un pion dans une stratégie longuement mûrie, quitte à en changer en cours de partie. Continue reading

Grève des avocats : faut-il aller vers une « sécurité sociale » du droit ?

Il y a quelques jours, un jeune homme est convoqué devant une chambre correctionnelle pour des violences volontaires à la suite d’une bagarre de rue. Au dernier moment, l’avocat qu’il avait choisi lui a fait faux bond. Pris par le temps, il décide de demander un avocat commis d’office. À l’accueil du public de l’ordre des avocats, porte close : c’est la grève ! Il décide alors de se défendre tout seul. Pour cela, il lui faut prendre connaissance de son dossier. Oui mais pour avoir accès à votre dossier, lui répond-on au greffe, il faut venir avec votre avocat.

Avocat 5On n’en sort pas. Il se retrouve donc bien seul devant ses juges mais le ténor de la partie adverse (qui lui ne fait pas grève), ne veut rien savoir : il exige une décision immédiate. Après avoir vérifié la bonne foi du prévenu, le président a estimé que le jugement ne serait pas équitable : Affaire renvoyée !

Ce n’est pas toujours le cas.

La justice, c’est souvent l’histoire du pot de terre contre le pot de fer. C’est la raison d’être de l’aide juridictionnelle. Le meilleur moyen de se rapprocher de l’engagement de toute société démocratique : l’égalité de tous devant la loi. Continue reading

Ces armes dites « démilitarisées »

Vendredi dernier, Emmanuel Toschi, un ancien instituteur reconverti dans l’armurerie, a été condamné en appel à 6 ans de prison. La même peine qu’en première instance. Un signal fort de la justice pour tenter de freiner la prolifération des armes de guerre. Sa spécialité : la remise en état d’armes démilitarisées. Lesquelles étaient destinées en l’occurrence au grand banditisme, via le sieur Secrettand, un truand « retraité de la banlieue sud ». Après la sentence, celui-ci a dit : « Je suis un vieux cheval de retour qui ne demande qu’à rentrer à l’écurie ». La prison, sa deuxième maison.

Revolver démilitarisé

Mais il n’y a pas que les voyous à utiliser des armes recyclées, les terroristes aussi. Ainsi, l’un des deux fusils d’assaut d’Amedy Coulibaly, le tueur de l’Hyper Cacher, proviendrait d’un trafiquant du nord de la France. Il aurait été acheté tout à fait légalement en Slovaquie et aurait transité par la Belgique. Et il semble qu’il en soit de même du fusil d’assaut AKM d’Ayoub El Khazzani, le tireur du Thalis, qui serait en partie constitué de pièces rapportées.

Qu’est-ce qu’une arme démilitarisée ?

La neutralisation d’une arme (ce mot est préférable) consiste à apporter à celle-ci des modifications internes afin de la rendre inapte au tir : boucher le canon, le rendre indémontable, neutraliser le chien, etc. Tout cela sans changer son aspect extérieur ni son fonctionnement apparent. Continue reading

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