LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Police (Page 17 of 34)

STIC : la fin annoncée d’un fichier controversé

Le fameux STIC (système de traitement des infractions constatées), pointé du doigt pour ses dysfonctionnements et sa propension à ne jamais être mis à jour, devrait bientôt être rangé aux oubliettes. À sa création, officiellement en 2001 (mais il fonctionnait bien avant), son objectif était de faciliter la constatation des infractions, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs. Il devait également servir d’outil statistique. Mais bien vite, il est devenu un fichier fourre-tout, et surtout un fichier à sens unique. Une fois l’information engrangée, peu d’espoir d’obtenir une rectification. Comme l’avait souligné la CNIL en 2009, constatant l’absence quasi-systématique de suivi, notamment lorsque les personnes fichées étaient mises hors de cause.

On se souvient de la démarche du commandant de police Philippe Pichon* qui avait dénoncé, en 2008, le mauvais fonctionnement de ce fichier – ce qui lui a valu des ennuis judiciaires et administratifs qui ne sont toujours pas réglés.

Depuis, les choses se sont améliorées, mais ce dernier aspect n’a guère évolué : une fois inscrit au STIC, on y reste.

D’après le ministre de l’Intérieur, qui répondait à la question de la députée Danielle Bousquet (PS), le STIC et son pendant à la gendarmerie nationale, le JUDEX, devraient tous deux être remplacés « dans un avenir proche » par le TPJ (traitement des procédures judiciaires). Moi, j’en étais resté au fichier Ariane, mais j’ai peut-être loupé une marche… Ce nouvel outil devrait faire l’objet de mises à jour régulières et assurerait l’échange d’informations entre les services d’enquêtes et l’autorité judiciaire. Pour cela, il sera relié à la base de données « Cassiopée » qui pourrait bientôt être opérationnelle. Du moins l’espère-t-on place Vendôme ! Un projet qui ne remonte pas à la mythologie grecque mais dont les balbutiements datent quand même de près de dix ans.

Depuis, elle en a connu des soucis, la belle Cassiopée ! Des bugs à répétition, un cahier des charges aux pages manquantes, l’impossibilité par exemple de corriger une erreur ou d’effectuer une recherche globale sur une même personne, etc. Un fiasco informatique selon certains, une perte de temps pour d’autres, soulignant que l’on va plus vite avec l’ancienne formule. D’ici qu’on en revienne à la plume Sergent-Major…

Tant de problèmes, qu’à l’automne 2009, son installation a été suspendue durant plusieurs semaines et qu’une cellule de crise a été mise en place au ministère de la Justice. Le premier prestataire, la société Atos Origin, est alors montrée du doigt. Aujourd’hui présidée par l’ancien ministre des Finances (2005-2007) Thierry Breton, la reprise en main a été énergique. M. Breton a mis Atos au même régime que France Telecom. La méthode dite des « vagues de lean », qui, d’après Rue89, nous vient tout droit du Japon : « Le travail de chaque salarié est observé, mesuré, puis des axes d’amélioration définis afin d’éliminer temps et gestes inutiles. » Résultat : un stress croissant chez les salariés et un taux d’absentéisme qui explose. En deux mots, un copier-coller de ce qui s’est passé à France Telecom. Rien à voir avec Cassiopée, car la société Sopra a pris le relais depuis longtemps. Mais le projet patine toujours. « En définitive, les principaux griefs du ministère de la Justice à l’encontre de la société Atos Origin portent sur son manque de réactivité et de moyens dans la gestion de certaines crises techniques. Compte tenu de l’importance des fonds publics investis dans ce projet et de l’enjeu qui s’attache à une justice moderne et dématérialisée, cette situation ne saurait plus être tolérée à l’avenir », dit clairement le député Étienne Blanc (UMP) dans son rapport du 15 février 2011.

Extrait du rapport du député Etienne Blanc

Mais bientôt tout sera au point : un fichier unique police-gendarmerie couplé à celui de la justice. Si certains s’inquiètent de ces nouveaux outils, ils ont tort. L’objectif, nous dit-on, n’est pas de « fliquer » un peu plus la population mais au contraire d’être efficace tout en respectant la protection des données personnelles. Un juste équilibre auquel on ne peut que s’associer. À condition que ne se reproduisent pas les erreurs du passé et qu’une réglementation sérieuse encadre leur fonctionnement. Pour l’instant, à ma connaissance, seul un groupe de travail présidé par Alain Bauer veille au grain. Il a été créé en 2006 et pérennisé en 2009, avec déjà des suggestions intéressantes, comme celle de renforcer le rôle des contrôles et des audits (!). « Ainsi, l’Inspection générale des services de la police nationale (IGPN) a été mandatée pour procéder à des contrôles inopinés au sein des services de police », a déclaré le ministre de l’Intérieur.

Pour être franc, je pensais que c’était déjà le cas… En tout cas, malgré les rapports publics de M. Bauer, et plusieurs avis de la CNIL et des autorités européennes, les résultats obtenus en cinq ans ne sont pas vraiment convaincants.

Avec l’évolution de la technique, les fichiers ont de plus en plus pour objet d’anticiper les comportements individuels ou ceux de certaines populations, en déterminant des échelons dans la dangerosité. Du coup, le plus important, ce ne sont plus les fichiers, mais les critères de sélection.

En faisant entrer des notions subjectives dans la mémoire d’un ordinateur, ne joue-t-on pas avec le feu ?

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* Philippe Pichon vient de sortir un essai, La tentation anarchique ou Lettre ouverte à Julien Coupat, aux éditions Jean-Paul Rocher.

Le roman de la capitaine

« Déconne pas mon pote… » Le gardien de la paix Gérard n’a rien vu du drame, il est arrivé trop tard, mais son collègue est là, étendu sur le sol, inanimé, une plaie à la gorge. « TNZ1, TNZ1… » Il s’époumone dans son talkie-walkie. « TNZ1… Au secours ! ». La scène rappelle cette course-poursuite en 1981 entre deux « cyclos » et un motard, ou plus exactement « une motarde », puisqu’il s’agit d’Inge Viett, cette intellectuelle dézinguée qui n’a pas hésité à tirer sur un policier qui s’approchait d’elle sans méfiance. Il s’appelait Francis Violleau. Il n’est pas mort, mais il est resté près de vingt ans dans un lit d’hôpital, tétraplégique, juste capable de bouger l’extrémité des doigts, avant de s’en aller – pour de bon.

Dans un roman, surtout un premier roman, presque à l’insu de son auteur, de vieux souvenirs ressurgissent. De ces choses qui vous ont marqué. Quand Christine Rogier parle de cette affaire, elle a les yeux qui brillent un peu trop…

À l’époque, elle était toute jeune. Mais lorsqu’elle a débuté, gardien de la paix à la circulation, les anciens lui ont raconté cette histoire, pour la mettre en garde, lui apprendre la prudence. Huit ans à la circul’, à faire le « ventilo au milieu des carrefours ». Un métier difficile : chaud l’été, froid l’hiver et toujours les gaz d’échappement… Mais ça lui plaisait bien : « J’étais autonome et indépendante », dit-elle. Puis elle a passé le concours de lieutenant de police. Elle aurait préféré officier de paix, mais ce grade a été supprimé en 1995. Tout un symbole.

« C’est l’histoire banale de trois flics (…) Du gardien au commissaire, ils sont scénaristes, acteurs, souffleurs, projectionnistes ou décorateurs d’un spectacle mis en scène par la vie… », c’est ainsi qu’elle attaque son Mercredeuils, trois flics face au destin, aux éditions AO. Il y a D’jorge, Piou-Piou et Sophie-la-Cap. Ils ne sont pas du 36, ils ne font pas partie d’un service prestigieux, non, ils bossent à l’unité d’investigation d’un central parisien. De la police de terrain. Au jour le jour. Comme elle, dans ce commissariat du centre de Paris, où elle est affectée.

Beaucoup de cadavres dans ce polar, un par mois. Sauf qu’ils sont morts depuis longtemps et qu’ils fleurissent aux quatre coins de la capitale pour former peu à peu une étrange figure : un hexagone. Qui peut être le barjot à l’origine de ce jeu macabre ?

« Le voyage, les pensées et l’impertinente affaire épuisent Sophie. Elle aime l’espace, la lenteur, la paix, la douceur. Une bouffée de nicotine, l’œil par-dessus les toits, Sophie cherche à suspendre ses rêves au-dessus du zinc et des ardoises, histoire de dérouiller ses idées, d’enterrer la gêne de ces cadavres dansant le jour dans son boulot, hantant de cauchemars ses nuits agitées. »

Dans ce livre, ce qui marque surtout, c’est l’atmosphère, cette atmosphère inclassable d’un service de police. Et le style. Car Christine Rogier a une manière d’écrire très personnelle, avec des tournures de phrases parfois un peu déroutantes, mais où les mots claquent pour mieux souligner une scène, une idée, ou un état d’âme : « Je ne suis pas plus capable ou incapable de résoudre les mystères de l’esprit humain tortueux. Et puis, je ne suis pas payée pour ça ; juste là pour clarifier des affaires criminelles qui n’ont pas dû changer depuis la nuit des temps ! » Ou sa révolte contre l’administration, ou autre chose, je ne sais pas : « On a le droit de ne pas se laisser faire (…) L’humiliation avant l’humilité, c’est pas ma tasse ».

Mais je me demande bien où elle est allée dénicher cet ancien policier qui serait, parait-il, « guichetier du Monde » (et non au Monde) !

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Christine Rogier signera son roman le samedi 11 juin, de 10h à 18h à la libraire Agora presse et cætera, 57 cours Vitton, Lyon 6°.

Garde à vue : les temps changent…

Le modérateur du Monde explique, dans le journal de ce week-end, les difficultés de son métier : comment éviter le couperet de la justice sans pour cela tomber dans la censure ? Car, d’après le service juridique du journal, le fait de porter atteinte par des allégations ou des imputations à l’honneur ou à la considération d’une personne ou d’un corps de métier est une diffamation. Même de façon indirecte, ou par sous-entendu. Un dilemme qui s’est posé après les propos tenus par Luc Ferry. Et du coup, sur ce blog, certains commentaires ont sauté. Il faut dire que tous les patrons de presse ont encore en mémoire la mésaventure survenue, en novembre 2008, à Vittorio de Filippis, l’ancien directeur de Libération… À l’heure du laitier, il est arrêté à son domicile, comme l’aurait été un dangereux malfaiteur. Son délit ? Il fait l’objet d’une plainte en diffamation déposée par le patron de Free, à la suite d’un commentaire posté par un internaute.

Et comme le patron de Free fait aujourd’hui partie du triumvirat qui a repris Le Monde, on peut dire que les temps changent… (Là, je vais me faire virer !)

Donc, M. de Filippis, le « présumé coupable », est menotté, conduit au commissariat, puis au dépôt : « On me demande de vider mes poches, puis de me déshabiller […] de baisser mon slip, de me tourner et de tousser trois fois. » Une demi-heure plus tard, deuxième fouille à corps, cette fois par les gendarmes, avant d’être conduit devant le juge d’instruction qui le mettra en examen pour diffamation.

Ces fouilles réitérées ont été  supprimées en juin 2009. Aujourd’hui, « les personnes déférées ne sont plus soumises par les gendarmes qu’à une palpation de sécurité effectuée au travers des vêtements et assortie d’un passage sous un portique de sécurité permettant de détecter la présence de métaux », a déclaré le ministre de la Justice, le 31 mai 2011, en réponse à la question d’un député. De même, les fouilles de sécurité effectuées par les policiers « doivent respecter le principe de respect de la dignité des personnes ».

Même son de cloche en matière de garde à vue. La loi qui vient d’entrer en application précise qu’elle doit « s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne ». Les mesures de sécurité, lorsqu’elles sont nécessaires, « ne peuvent constituer en une fouille intégrale ».

On va donc moins tousser dans les commissariats – du moins du côté des gardés à vue.

Et même si elle pose des problèmes d’application, cette réforme de la garde à vue et les mesures connexes, vont dans le sens du respect de la dignité humaine et des libertés individuelles. Tout le monde devrait s’en réjouir. Un petit pas pour l’homme, comme disait Armstrong.

Suivi d’un grand pas en arrière avec le projet de loi réformant l’hospitalisation sous contrainte, ce qui, en langage policé, donne : « Loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge », dont le projet vient d’être adopté en deuxième lecture. Il fait suite à un discours du chef de l’État, en 2008, qui lui-même faisait suite au meurtre d’un étudiant, à Grenoble, commis par un malade mental enfui de l’hôpital.

Quel rapport, me direz-vous ? Eh bien, cette loi instaure ce que de nombreux professionnels de la santé appellent « la garde à vue psychiatrique ».

Cela concerne environ 70 000 personnes par an. Le texte réforme l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) et l’hospitalisation d’office (HO) ; et prévoit – c’est une nouveauté – la possibilité de soins forcés en mode ambulatoire. Autrement dit, à la maison.

Mais dans un premier temps, et dans tous les cas, le malade est interné pour une période d’observation de 72 heures.

D’après le Collectif des 39, qui rassemble essentiellement des psychiatres, il s’agit ni plus ni moins d’une « surveillance sociale planifiée ». Ce texte, qui s’appuie sur un principe de précaution exacerbé, « va instituer une logique sécuritaire induisant un contrôle inédit de la population ».

Bon, le ton est plutôt partisan, mais en quoi cette loi peut-elle être une atteinte à la dignité et aux libertés individuelles ?

Si l’internement à la demande d’un tiers reste la règle, désormais un simple certificat médical suffit en cas de « péril imminent ». Une notion subjective à la seule appréciation du praticien. Il se voit donc confier un pouvoir supérieur à celui de l’officier de police judiciaire qui, lui, ne dispose que de 24 heures.

Pouvoir que le médecin ne revendique pas, car son patient pourrait très bien ressentir cette possibilité comme une menace latente, avec le risque que s’instaure un climat de méfiance. Le contraire de ce qui doit être.

À l’issue de cette période d’observation de 72 heures, le malade fera l’objet d’une hospitalisation forcée (complète ou partielle), ou sera astreint à des soins à domicile. Dans ce dernier cas, s’il n’est pas assidu aux consultations médicales, il encourt le risque d’être de nouveau enfermé. C’est un peu la liberté conditionnelle.

Le médecin se voit donc contraint de dénoncer le malade qui rompt le protocole médical – ce qui sur le plan de la déontologie est inenvisageable.

Lorsque l’internement est décidé par le préfet, la personne concernée doit obligatoirement être maintenue en milieu fermé. Et seul ce fonctionnaire peut prendre la décision de la laisser sortir. Cette mesure place donc le préfet devant une alternative redoutable : accepter le risque de remettre « un fou dangereux » dans la nature, ou, au nom du principe de précaution, maintenir un malade, même en voie de guérison, en milieu fermé.

Au bout de quinze jours, les personnes qui font l’objet d’un enfermement en hôpital psychiatrique ont la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention afin de demander leur… libération.

L’intervention du juge judiciaire (exigée par le Conseil constitutionnel) est la démonstration forte que cette loi est un premier pas vers la pénalisation des maladies mentales. Une arme à double tranchant, si l’on se souvient qu’au siècle dernier, en Union soviétique, les psychiatres avaient découvert une nouvelle forme de monomanie : le « délire réformiste ».

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Le dessin sur la garde à vue est de Michel Grégeois.

Ferry botte en touche

Le philosophe Luc Ferry a été entendu à la brigade des mineurs. Ou plus exactement à la brigade de protection des mineurs (BPM).  Car les policiers qui travaillent dans ce service du quai de Gesvres tiennent beaucoup à cet aspect de leur mission : la protection des enfants. C’est dans cette optique qu’ils pourchassent violeurs, pédophiles ou parents indignes. C’est même le seul service de police judiciaire dont la mission essentielle n’est pas la répression.

Ce sont donc ces enquêteurs un peu particuliers qui vont tenter de faire le tri entre rumeurs, ragots et réalité. Pas facile.

A priori, Luc Ferry n’a pas apporté d’éléments nouveaux. D’ailleurs, il n’a pas vraiment été entendu comme témoin, puisqu’il n’est témoin de rien. Plutôt comme le dénonciateur d’un fait criminel, en l’occurrence, « une partouze avec des petits garçons ». Ainsi que le prévoit l’article 17 du Code de procédure pénale : les officiers de police judiciaire « reçoivent les plaintes et les dénonciations (et) procèdent à des enquêtes préliminaires… »

Était-il tenu d’indiquer le nom de la personne qu’il soupçonne de ces faits ? Bien sûr que non ! Personne ne peut l’obliger à dévoiler ce que, d’après lui, tout « le bal des faux-culs » sait. En tenant ces propos à la télé, il a sans doute fait allusion à une rumeur qui a couru lors de la campagne pour les Présidentielles de 1995,  et dont l’Express s’était fait l’écho – pour la démentir. Je ne suis même pas sûr que les policiers lui aient posé la question, car ils auraient pris le risque de se rendre complices d’une dénonciation calomnieuse (art. 226-10). En revanche, ils ont pu solliciter des éclaircissements et s’intéresser aux personnes qui lui ont rapporté ces faits criminels. Et comme il a fait allusion au Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin pourrait bien se voir à son tour convoquer Quai de Gesvres.

Était-il opportun d’ouvrir une enquête préliminaire pour vérifier ces allégations ? C’est l’avis de Mme Dati, l’ancienne ministre de la Justice. Elle a accusé M. Ferry de non-dénonciation de crime. Or, en droit français, sauf si l’on peut éviter par ses déclarations l’accomplissement d’un crime, sa réitération ou ses conséquences, la loi n’oblige pas à dénoncer un acte criminel, ni d’ailleurs son auteur (il y a des exceptions, comme pour les fonctionnaires). Seuls ceux qui ont connaissance « de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuels » sur des mineurs de 15 ans ou certaines personnes vulnérables sont tenus d’en informer les autorités (art. 434-3). Peut-on reprocher ça à Luc Ferry ? Non, puisque justement, il dénonce. Ce sont les autres, ceux qui n’ont rien dit, qui pourraient être visés… Mais comme la loi date de 1998, et que les faits sont probablement antérieurs, on imagine mal que l’article 434-3 actuel puisse s’appliquer. Dans ce cas précis, la loi peut-elle être rétroactive ? Là, je sèche. Les lois, c’est un peu comme les poupées gigognes, chacune cache l’autre.

Donc, enquête judiciaire ou pas ? On peut s’interroger sur l’opportunité de la décision du procureur de Paris, d’autant que Le Figaro Magazine avait déjà relancé la rumeur sans que personne ne réagisse. Et pas d’enquête non plus, lorsqu’en 2009, Marine Le Pen s’en était pris à Frédéric Mitterrand, l’accusant de faire l’apologie du tourisme sexuel dans son livre autobiographique La mauvaise vie, publié en 2005.

Dans la Grèce ancienne, philosophe signifiait « ami de la sagesse ». Pythagore aurait été le premier à revendiquer ce titre, par humilité dit-on, pour ne pas qu’on le range dans la catégorie des « sages ». On peut se demander si Luc Ferry, notre Pythagore cathodique, n’a pas oublié la définition du mot philosophe, lorsqu’il s’est fendu de cette déclaration…

Enfin, je dis ça, c’est un théorème…

Pour Luc Ferry, c’est plutôt une bévue : on ne peut imaginer qu’il ait agi de façon préméditée, comme un pion dans une campagne électorale où tous les coups semblent permis – surtout en dessous de la ceinture.

La fin programmée des commissaires de police

Récemment, Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, a annoncé la mise en place d’une cellule de réflexion destinée à plancher sur le devenir des officiers de police et des commissaires. L’idée serait de les réunir au sein d’un corps unique. La police se rapprocherait donc encore un peu plus du modèle militaire. Elle comprendrait deux niveaux, les sous-officiers et les officiers. Si l’on prend en compte les passerelles qui peu à peu se mettent en place entre la gendarmerie et la police, il n’est pas interdit de penser qu’à long terme on s’achemine vers l’instauration d’un truc un peu hybride, à moitié militaire, à moitié civil. Pourtant, cette « fusion » police-gendarmerie est encore aujourd’hui loin de faire l’unanimité. Ainsi, début mai, c’est en tapinois que les premiers gendarmes ont incorporé le corps des gardiens de la paix.

Pour la création de ce corps unique, les syndicats des officiers sont plutôt demandeurs. Ce serait l’aboutissement logique de la réforme de l’ancien corps des inspecteurs de police, disent-ils.

Ont-ils raison ?

Toute réforme d’un service public doit s’accompagner d’une réflexion à deux niveaux : l’intérêt supérieur de la collectivité et l’intérêt légitime des fonctionnaires d’État.

L’intérêt de la collectivité – Quoiqu’on en dise parfois, la police française est efficace et n’a rien à envier à celle d’autres pays d’Europe. Et les problèmes qui surgissent ici ou là sont plutôt les conséquences d’une législation un rien obsolète, et souvent en retard sur les grands principes européens qui concernent les libertés individuelles. En créant un corps unique d’officiers de police ne risque-t-on pas de briser l’élan, de casser l’outil, en instaurant le confort d’une carrière douce et programmée ? Ou d’assister au vieillissement linéaire de l’encadrement ? Des fonctionnaires du haut de l’échelle qui seraient tous de la même génération ! Alors qu’aujourd’hui, à responsabilités proches, on peut trouver un commissaire de 25 ans et un commandant en fin de carrière. L’expérience et le dynamisme : un binôme gagnant.

L’intérêt légitime des fonctionnaires concernés – La moitié des commissaires sont recrutés par d’autres biais que le concours externe (bac+5). Trois possibilités s’offrent aux candidats : le concours interne, la voie d’accès professionnelle et le choix. Cette dernière possibilité (5%) est ouverte aux commandants de police sur proposition d’une commission de sélection. Le risque, si demain il existe un corps unique, c’est que seule cette dernière possibilité subsiste. Un avancement uniquement au choix n’est pas un gage d’équité. D’autant que le système actuel a fait ses preuves. La police nationale est sans doute l’une des administrations qui permet le plus facilement l’ascension sociale : Robert Broussard a commencé sa carrière comme commis aux écritures pour terminer préfet. L’officier de police adjoint Claude Cancès est devenu directeur de la PJ. L’actuel préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert a débuté comme gardien de la paix. Etc. Perso, et sans chercher à me comparer, je dois avoir le certificat d’études primaires, enfin je crois.

Quant aux commissaires de police, dont le recrutement se fait déjà au compte-gouttes, ils ne voient pas d’un bon œil cette fusion des deux corps qui se cache – pour l’instant – derrière le projet d’une formation commune. Celle-ci s’effectuerait à l’ENSP (École nationale supérieure de police) de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, près de Lyon. Sauf que cet établissement est trop petit. Il comporte 168 chambres. Pour porter sa capacité à 240, il faudrait investir 15 millions d’euros. Et même dans ce cas, saturée, l’école y perdrait son âme. D’où le projet de récupérer une caserne, à Bron, à 17 km de là. Budget prévu 47 millions d’euros. De plus, cela entraînerait des changements de statuts. L’école des commissaires est un établissement public, tandis que celle des officiers est un service de police. Une idée poussant l’autre, il est question à présent de créer une véritable « police academy », laquelle assurerait une formation commune aux officiers et commissaires. Ce qui est, évidemment, le premier pas vers un corps unique.

On tourne autour du pot, mais on y revient sans cesse.

Synergie-Officiers (extrait)

Pourtant, le commissaire de police est un monument historique. Son origine remonte au 17° siècle. Dans les facultés de droit, on avait même l’habitude de dire, autrefois, qu’il était l’exception au principe de la séparation des pouvoirs : magistrat de l’ordre administratif et magistrat de l’ordre judiciaire.

Je mets au passé, car il faut bien reconnaître que sauf dans des services de police judiciaire (au sens large), le commissaire est de plus en plus tourné vers l’administratif. Plusieurs ont d’ailleurs coiffé la casquette de préfet…

Syndicat indépendant des commissaires de police (extrait)

N’empêche que cette fusion n’est pas nécessairement une bonne chose. Elle n’entraînerait aucune économie budgétaire, et l’on ne voit pas en quoi l’efficacité de la police en serait améliorée. Il s’agit donc d’un choix purement politique, et non technique. Le SICP (syndicat indépendant des commissaires de police), par exemple, ne voit pas l’intérêt réel de ce rapprochement ni les avancées qui en résulteraient pour le service public, « si ce n’est de générer des tensions artificielles ». Alors que Synergie-Officiers parle d’un projet historique et se vante d’avoir « su convaincre en dépit de tous les conservatismes ».

Quant à moi, déjà que je regrette ce vieux képi ringard que je n’ai coiffé qu’une seule fois, le jour du défilé de la 23° promotion des commissaires…

Visite au musée de la police

Savez-vous qu’au XIX° siècle, le commissaire Maigret était le patron du commissariat de quartier de la rue des Écrivains, à Paris ? Rue où se trouvait la maison de archer-du-guet.1305287674.jpgl’écrivain public Nicolas Flamel , qui aurait, dit-on, découvert le secret de la pierre philosophale. Connaissez-vous le mystère de la rame 382 ? Ou la machine infernale de Fieschi ? Savez-vous quels ont été les premiers vigiles ? Et, simplement, par curiosité, pourquoi flic, poulet …? Doù vient l’expression « prendre une balle dans le buffet » ?… Si vous cherchez des réponses, puisque samedi, c’est la Nuit européennes des musées, pourquoi ne pas passer la soirée au musée de la préfecture de police ?

Créé sur l’initiative du préfet de police de la Seine, Louis Lépine, en 1909, c’est toute l’histoire de la police parisienne qui est alignée sur plus de cinq cents mètres carrés, au troisième étage de l’hôtel de police du 5° arrondissement. Mais on peut dire aussi que c’est un morceau de l’Histoire de France.

Vous y serez accueilli par le commissaire divisionnaire Françoise Gicquel, quifrancoise-gicquel.1305287260.jpg dirige la maison, ou par l’un de ses collaborateurs, comme Philippe Laganier, guide-conférencier depuis une vingtaine d’années, qui connaît chaque recoin de son musée et qui a toujours une petite anecdote en réserve, ce truc en plus qui ne figure dans aucun manuel. C’est lui qui m’a branché sur le commissaire Maigret, en me révélant l’existence de l’Almanach royal de 1821 (voir en bas de page).

Difficile de décrire un musée, mais voici en vrac quelques souvenirs anecdotiques de ma visite :

Bonnes gens, dormez en paix ! – En 1254, Saint-Louis crée le guet royal, commandé par un noble, le chevalier du guet. Assphilippe-laganier.1305287644.jpgisté de 20 sergents à cheval et 26 sergents à pied, il est chargé d’assurer la sécurité de Paris, notamment la nuit. Philippe le Bel, en 1306, met en place les commissaires au Châtelet, qui sont également des magistrats, et qui portent la robe longue, symbole du pouvoir judiciaire. En 1526, c’est la création du lieutenant criminel, qui lui est en robe courte, symbole d’un pouvoir plus limité. Mais la délinquance continue à augmenter (déjà !). En 1660, les commerçants parisiens participent à leur propre sécurité et rémunèrent des hommes qui se joignent aux archers du guet (photo du haut). Lesquels ne sont pas dotés d’un arc, jugé peu adapté aux petites rues de la cité, mais d’une lance à triple usage. La partie recourbée servait à couper la sangle des cavaliers. Pour les deux autres, pas besoin de dessin !

Du lieutenant de police au commissaire – En 1667, l’édit que présente Colbert envisage pour la première fois une approche globale de la criminalité. Il constitue l’acte fondateur de la police et institue un lieutenant général de la police. Le premier sur la liste est Nicolas de la Reynie. Il le restera trente ans. Les commissaires du Châtelet deviennent alors des commissaires tout court. En 1708, ils seront assistés des inspecteurs de police. note-francois-vidocq.1305288424.jpg

La mouche et le flic – Pour beaucoup, Eugène-François Vidocq est un ancien bagnard devenu chef de la police. En fait, en 1811, il a été placé à la tête d’une brigade de sûreté composée essentiellement d’anciens condamnés, avec pour mission d’infiltrer le milieu. Mais la bourgeoisie acceptait mal que la police soit représentée par un ancien truand et, finalement, il a été contraint à la démission. Mais pendant une vingtaine d’années, il a été un espion de la police rémunéré et efficace, un « mouchard », comme on disait alors. En lien sans doute avec l’expression de l’époque : Les mouches en liberté et les moutons en prison. Il est possible que le mot « flic » vienne de la traduction approximative du mot mouche en allemand (fliegen).

La première police en uniforme du monde – Au début du XIX° siècle, « La criminalité se développe, favorisée par une situation économique et sociale qui ne s’améliore le-premier-code-penal.1305288134.jpgpas. » (Histoire de la police – ministère de l’Intérieur). Et en 1829, apparaissent les sergents de Paris, qui portent un tricorne et l’épée. La première force de police en uniforme du monde. « Ces sergents de ville, dont les plus méritants peuvent être promus brigadier (grade créé en 1830) sont placés sous les ordres d’officiers de paix qui répondent eux-mêmes à ceux d’un commissaire appelé chef de la police municipale à Paris. »

La police technique et scientifique – En 1882, la préfecture de police se dote d’un service d’anthropométrie puis d’un service photographique. Alphonse Bertillon en prendra la direction onze ans  plus tard. Après avoir mis au point la signalisation anthropométrique des individus arrêtés, basée essentiellement sur la morphologie et la dimension des os, il va bertillon-au-travail.1305288742.jpgalors se rallier à l’identification par les empreintes digitales.

22 v’la les flics – Il semble que l’expression provienne de l’uniforme de certains policiers du début du siècle dernier ou de la fin du siècle précédent dont la tunique portait deux rangées de onze boutons.

Les hirondelles – Les brigades cyclistes ont été créées par le préfet Lépine et si le bon peuple les a surnommées les hirondelles, ce n’est ni pour leur cape qui flottait au vent ni en raison du printemps, mais simplement à cause de leur vélo, de marque Hirondelle.

marque-velo-hirondelle.1305288893.jpgEt les poulets ! – Les services de la préfecture de police se trouvaient rue de Jérusalem, mais les locaux étaient sans doute trop étroits ou peu rationnels (ce qu’on dit actuellement du 36) et il a fallu envisager plus grand. D’où la caserne de la Cité, construite pour une moitié sur un ancien couvent et pour l’autre sur un ancien marché aux poulets.

Une balle dans le buffet !Le premier policier de la préfecture de police mort (officiellement) en service est l’inspecteur Buffet. Le 9 mars 1804, il reconnaît Georges Cadoudal, un général chouan, contre-révolutionnaire acharné, qui complote contre le régime en place et projette d’enlever le Premier consul. Avec son collègue, Buffet tente de l’arrêter, mais celui-ci prend la fuite. Puis il attend son poursuivant au coin de la rue de Buci et tire froidement sur lui. Buffet avait 43 ans et était père de trois enfants. Cadoudal est condamné à mort. Refusant de demander maigret-001-copie.1305290173.jpgsa grâce, grâce que Bonaparte lui aurait probablement accordée, il est guillotiné le 25 juin 1804. Plus tard, Cadoudal sera anobli et élevé au grade de maréchal de France.

Il y a une leçon dans cette triste histoire.

J’arrête là, mais il y a plein d’autres choses. Tant et tant, qu’il est difficile de s’y retrouver sans guide*. Mais pour la Nuit des musées, tout le monde sera mobilisé, et je ne crois pas me tromper en disant que les visiteurs seront particulièrement chouchoutés.

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* Musée de la préfecture de police, Hôtel de police du 5° arrondissement, 4, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève. Horaires des visites guidées pour ce samedi 14 mai : 19h05 – 19h35 – 20h05 – 20h35 -21h05 – 21h35 -22h05.

Le coup du colis suspect

« Le service est interrompu à la suite d’un colis suspect au Châtelet. Les passagers sont invités à descendre… » Tous les utilisateurs des transports en commun connaissent la chanson. Rien qu’à Paris, cela se produit des dizaines de fois par mois. Les gens rouscaillent, regardent leur montre, sortent leur téléphone portable, lèvent les yeux vers les panneaux, se bousculent, etc.

Personnellement cela m’est arrivé hier à la station Auber. Je me rendais au musée de la police pour préparer mon prochain billet : comment faire pour rejoindre Maubert-Mutualité ? Tout le monde n’y allait pas, c’est sûr, mais tout le monde cherchait son chemin et des groupes de personnes comme moi déboussolécolis-piege_site_terra-economicainfo.1305187790.jpges se pressaient devant les plans de métro. Au demeurant pas très lisibles. J’eus alors un coup de nostalgie pour ces plans lumineux qui ont fait la joie de bien des gosses de ma génération. On appuyait sur un bouton et de petites ampoules de différentes couleurs vous indiquaient votre trajet. Je crois qu’il reste encore quelques tableaux de ce genre. J’espère que la RATP aura le souci de ne pas les détruire…

Dans le M7, où j’étais finalement parvenu à me faufiler, je me disais qu’il doit être bien difficile pour les démineurs du Laboratoire central de la police scientifique de prendre à chaque fois les mesures de sécurité et de précaution comme s’il s’agissait d’une bombe ! Car, bien sûr, ce n’est jamais une bombe, jusqu’au jour où… D’autant que nous serions, paraît-il, le deuxième pays du monde sur la liste noire d’Al-Qaïda. Et comme il est difficile d’aller plus haut dans l’échelle du plan Vigipirate (au rouge fixe depuis des années), le ministre de l’Intérieur a donné des instructions pour renforcer « la densité et la qualité » dudit plan. Nous voilà rassurés.

Sur le terrain, cela veut dire que la simple découverte d’un colis suspect génère une procédure plutôt lourde : périmètre de sécurité, recherche des témoins en attendant l’arrivée des spécialistes du Labo, etc. Et dans le métro, par exemple, cela entraîne généralement l’évacuation des quais et le blocage des rames.

D’où la pagaille aux alentours.

Il s’agit parfois d’une simple étourderie, le quidam stressé ou l’étourneau, mais la plupart du temps, le sac ou le colis a été abandonné sciemment. On peut s’interroger sur la raison qui pousse de petits plaisantins à ainsi foutre le bordel…

J’en étais là de mes supputations lorsque le conducteur du métro a informé les voyageurs qu’ils se devaient d’être vigilants car la police signalait que des pickpockets avaient été repérés sur les quais et dans plusieurs rames.

Un sac judicieusement abandonné sur un coin de quai, et c’est la bousculade. Les circonstances idéales pour mettre la main dans votre poche.

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La nouvelle carte de police annonce la couleur

Il aura fallu une longue réflexion pour franchir le pas, mais c’est fait, ou presque, la nouvelle carte de police fait son apparition. Elle a la taille d’une carte de crédit, et rejoint ainsi le format de la carte de presse ou de la carte d’avocat.

carte-police.1304847032.JPGEn fait, c’est la carte d’agent ministérielle qui a été revisitée. Mais, pour les policiers, il s’agit d’un véritable outil de travail qui mentionne expressément les droits particuliers attachés à cette profession. Si j’ai bien compris, les préfets et hauts fonctionnaires l’ont trouvée tellement chouette qu’ils l’ont copiée. Ainsi, au démarrage, il devait y avoir seulement deux visuels,  policiers et agents administratifs ; on en est à onze. Ce qui a sérieusement augmenté la facture. On imagine la bagarre des corps pour obtenir telle ou telle mention. Par exemple, les agents de l’Identité judiciaire, les fameux techniciens des scènes de crime, très mode à la télé, n’ont pas eu droit au mot « POLICE », inscrit en rouge (une tradition depuis deux générations de cartes). Ils devront se contenter d’un « Police technique et scientifique », en noir. J’espère qu’ils vont s’en remettre. Ou l’inscription du droit à réquisition, cette petite phrase, dans le bas de la carte, qui mentionne que « Les Autorités Civiles et Militaires sont invitées à LAISSER PASSER ET CIRCULER LIBREMENT le titulaire de la présente carte qui est autorisé à requérir pour les besoins du service l’assistance de la force publique ».

Raison pour laquelle la carte de police est appelée parfois « carte de réquisition », ou carte de réquise. On dit aussi la brème, ou carte de pêche, mais cela fait un peu vieillot.

Ces nouvelles cartes sont équipées de deux puces dont une RFID (radio), et d’une piste magnétique. Ce qui inquiète un peu les syndicats, comme UNSA-Police :

capture_unsa.1304846850.JPG

Bienvenue au club, doivent penser les salariés du privé qui, sous prétexte de sécurité, connaissent pour beaucoup le retour de la pointeuse et de la surveillance en continue.

En fait, cette carte, c’est un peu le couteau suisse. Elle va servir de sésame pour l’accès aux locaux protégés, la consultation des fichiers, comme le STIC ; ou pour la signature électronique des procès-verbaux. Ou encore de passe Navigo, ou pour régler son repas au mess de la police, etc. Pour l’instant, il n’est pas question qu’elle soit acceptée au café du coin.

Elle pourra être utilisée depuis n’importe quel poste de travail du ministère, à condition qu’il soit équipé d’un lecteur – dont l’acquisition reste cependant à la charge de chaque service. L’Imprimerie nationale est en charge de la fabrication. Son coût est de 18 €. Pour la police, c’est 180 000 cartes carte-gendarmerie_2.1304847136.JPGqui seront mises en circulation entre 2011 et 2012 (les retraités devront attendre un peu). Quant à la gendarmerie, elle a pris une certaine avance avec un projet initié en 2008, légèrement différent, plus sobre, à mon avis un peu moins réussi, mais semble-t-il compatible. L’ensemble des personnels devrait être doté cette année.

Il est prévu de pouvoir la glisser dans un porte-cartes qui comprendrait la médaille et l’insigne de poitrine, c’est-à-dire le grade. Ce qui donne quelque chose de plutôt capture.1304847251.JPGrationnel et élégant. Mais peut-être pas très pratique lorsqu’il faudra la retirer pour la passer dans un lecteur…

La carte de police a sans doute perdu un peu de son prestige depuis que l’uniforme s’est imposé dans la police. Mais elle reste un objet mythique qu’on rêve souvent de cloquer sur le bureau de son patron. Sauf que dans la vraie vie, on la conserve précieusement. Elle suit la carrière, elle fait partie intégrante du policier, et il s’en sent responsable, un peu comme de son arme.

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Sur ce blog, éventuellement, La nouvelle carte d’identité : un tournant.

L'histoire de Marseille, de sa police et de sa pègre

« Marseille a un territoire trois ou quatre fois plus grand que Paris et il n’y a que trois cents agents de ville. Aussi, sur la Canebière, on vole et on détrousse les gens en plein jour. Il est évident que cela ne peut plus durer… » C’était en 1907. Le le-vieux-port_carte-postale.1304244402.jpgtribun Georges Clemenceau harangue les députés. Il plaide pour une police plus mobile, mieux équipée, adaptée à la société moderne. L’année suivante, la police marseillaise est étatisée. Les effectifs augmentent de 20 % et le budget fait un bond de 70 %.

De quoi rêver. Car si aujourd’hui le discours sur l’insécurité n’a guère évolué, en dehors du Grand Paris, de nombreuses villes ont vu les effectifs de la police ou de la gendarmerie fondre de 10 à 40 %.

Alors, pour nous évader un peu de nos soucis au jour le jour, et surtout de la mythologie du quai des Orfèvres, voici l’histoire vraie de la police de Marseille et de sa pègre, racontée par Alain Tourre, qui, à la différence de la plupart de ces flics qui prennent la plume n’a jamais traîné ses guêtres dans les couloirs du 36.

Dans son livre, Histoire de l’Évêché, écrit avec la collaboration de Danielle Thiéry et Christophe d’Antonio (Éd. Jacob-Duvernet), il nous relate les principaux événements du début du siècle précédent à nos jours : guerre des polices, règlements de comptes, trafic de toutes sortes, liens du milieu et de la politique, etc. La liste est longue. Certaines histoires dont on n’a jamais entendu parler, comme les bandits fantômes de Pégomas, ou l’attaque du train 261. Ou d’autres, bien plus célèbres, comme le vol des bijoux de la Bégum ou le démantèlement de la French Connection.

C’est en 1908 que le commissariat central de Marseille s’installe à l’Évêché, un édifice bâti au XVII° siècle pour servir de résidence aux évêques. Un symbole fort, trois ans après le vote de la loi sur la séparation de l’Église et de l’État. La toute nouvelle brigade mobile, qui porte le n° 9, elle, doit se contenter des locaux laissés vacants gare Saint-Charles. Ce n’est qu’en 1910, qu’elle rejoindra cet « hôtel de police » un peu particulier.  Où elle est toujours. Entre temps, la 9° est devenue le service régional de PJ, puis, plus récemment, une direction interrégionale.

alain-tourre.1304244506.jpgAlain Tourre a été le patron du SRPJ de Marseille. Il a également été un spécialiste de la lutte antidrogue. Aussi est-il bien placé pour nous parler de Marseille, plaque tournante du trafic international et région de prédilection des laboratoires clandestins ; ou encore de l’assassinat du juge Michel, lequel est directement lié au trafic de stupéfiants.

En lisant l’enquête sur l’affaire Ranucci, telle que l’auteur nous la raconte, j’ai été stupéfait de découvrir les charges qui pèsent contre lui, moi qui, comme beaucoup, avais un doute sur la culpabilité du condamné. Comment peut-on penser un instant qu’il s’agit d’une erreur judiciaire ?  Le débat sur la peine de mort a pris le pas sur tout le reste.

Lorsque j’ai demandé à Tourre les affaires qui l’avaient le plus marqué, lui qui a dirigé des services importants et qui a même été le candidat français pour prendre la tête d’Europol, n’a pas hésité un instant : les enquêtes où les victimes sont des enfants. Et en particulier une, qui à ce jour n’a pas été résolue : l’assassinat de Sabine Dumont, le 27 juin 1987, à Bièvres, dans l’Essonne. Cette petite fille de 9 ans a été enlevée en pleine journée près de son domicile et son corps entièrement dénudé a été retrouvé au bord de la RN 118, à cinq kilomètres de là. Un rapprochement avait été fait avec le meurtre de trois autres fillettes commis à la même époque. Mais il semble bien (c’est une opinion personnelle) que la dispersion des moyens entre les services enquêteurs et les juges d’instruction n’ait pas facilité les choses. « J’y pense toujours… je revois encore le visage de cette gamine, belle comme tout… », m’a confié Alain Tourre.

Peut-être un jour écrira-t-il un livre de souvenirs sur certaines de ses enquêtes, de celles que l’on ressasse avec le temps, et sur lesquelles parfois on s’interroge – comme le meurtre de la petite Sabine ou l’affaire Boulin… histoire-de-leveche.1304244603.jpg

Je vais être franc, dans les dernières pages d’Histoire de l’Évêché, on sent la pression d’un éditeur trop impatient, mais tel qu’il est, avec ses imperfections, c’est un véritable document sur la police et la pègre de Marseille. Un livre de référence qui se lit avec attention, qui force à la réflexion, et que l’on va conserver précieusement dans sa bibliothèque.

Enquête pour « Recherche des causes de la mort »

Après la mort de la comédienne Marie-France Pisier, dont le corps a été retrouvé à 4 heures du matin dans la piscine de sa résidence, dans le Var, le procureur et les médias ont fortement insisté sur l’aspect non-criminel de l’enquête de police. Il s’agit de rechercher les causes de la mort, sans plus, a-t-on répété à l’envi.

marie-france-pisier.1303721616.jpgEt de s’interroger : La  procédure est-elle la même pour une célébrité ou pour un SDF découvert gélé sous ses cartons ?

La réponse se trouve dans le Code de procédure pénale – qui, lui, ne tient pas compte de la personnalité de la victime.

Peu importe que la raison de la mort paraisse évidente (noyade, pendaison, blessure par balle, etc.), ce qui interpelle, ce sont les circonstances qui ont conduit au décès. S’il subsiste la moindre interrogation, l’enquêteur doit faire son métier : enquêter. S’agit-il d’un suicide ? d’un accident ? d’un crime maquillé en suicide… En revanche, un décès violent sur la voie publique qui ne présenterait aucune difficulté particulière (comme le SDF), entrerait, lui, dans le champ d’une procédure civile.

Depuis la loi de mai 2009, qui vise à la simplification et la clarification du droit, le texte prévoit que l’OPJ peut faire usage des articles 56 à 62 du Code de procédure pénale, c’est-à-dire la procédure dite de flagrance, mais, c’est là la différence, non pas à son initiative, uniquement sur instructions du procureur de la République. L’enquêteur possède donc les mêmes prérogatives qu’en enquête criminelle : auditions, confrontations, perquisitions, saisies, réquisitions (par exemple, aux opérateurs téléphoniques), etc., sans pouvoir toutefois utiliser la contrainte de la garde à vue.

L’une des différences tient à l’autopsie, qui du coup devient quasi obligatoire… C’est quand même le meilleur moyen d’identifier les causes de la mort. Ce n’était pas le cas par le passé. C’est ainsi que dans l’affaire Boulin, dans un premier temps, à la demande de la famille, il n’y a pas eu d’autopsie mais seulement un examen clinique du corps. Il en a été différemment, si j’ai bonne mémoire,  pour Claude François, qui est mort électrocuté dans sa salle de bains.

À noter que cette procédure a été étendue aux blessures graves, dans l’hypothèse où la victime ne peut pas s’expliquer. Comme ce serait le cas pour une personne sérieusement blessée par balle à son domicile, l’arme à portée de la main.

Si aucun élément nouveau n’intervient dans les premiers jours de l’enquête sur la recherche des causes de la mort, le procureur peut alors décider de classer le dossier ou de poursuivre les investigations en enquête préliminaire. Toujours sans possibilité de garde à vue – puisqu’à ce stade, il n’existe pas d’infraction.

Si une infraction est découverte, sans parler de crime, par exemple non-assistance à personne en danger ou le cas  particulier du suicide assisté, l’OPJ devra prendre soin d’ouvrir une enquête préliminaire distincte.

Avant la loi de 2009, les pouvoirs de l’OPJ se limitaient, en théorie, à l’article 74 : constatations et réquisitions. Dans la pratique, il poussait souvent plus loin, cherchant à cerner l’environnement de la personne décédée (était-elle suicidaire ? Avait-elle des problèmes particuliers ? ). Et tentait également de recueillir des témoignages. Mais pas question par exemple de faire une perquisition ou de fouiller une voiture. Quant à l’autopsie, c’était selon.

Lorsqu’il n’y a aucune trace de violence, c’est souvent le médecin qui mettra en branle l’enquête pour mort suspecte, simplement en émettant des réserves sur le certificat de décès, ce qui aura pour conséquence d’interdire la délivrance du permis d’inhumer par le maire.

Aujourd’hui, entre une enquête pour recherche des causes de la mort et une enquête en crime flagrant, en dehors de la garde à vue, il n’existe quasiment aucune différence. Sauf que dans un cas, on cherche un suspect, et dans l’autre, il s’agit de déterminer s’il y a eu ou non une infraction criminelle.

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