Les recherches dans l’intérêt des familles (RIF) ont été supprimées il y a quelques mois. Une banale circulaire du 26 avril 2013 a mis fin à un système vieux de près d’un siècle. Pourtant, si la coutume avait résisté aux ans, c’est peut-être qu’elle avait son utilité. La prise en charge de la détresse d’une personne, désorientée par la disparition d’un proche, n’est-elle pas un devoir de service public ? Même si l’on ne peut pas faire grand-chose… Non, nous dit la circulaire ministérielle, il faut « orienter les demandeurs vers les réseaux sociaux sur l’Internet qui offrent d’intéressantes possibilités ». On pourrait presque lire en filigrane : dé… brouillez-vous ! Continue reading
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En tout cas, c’est ce que semblent penser les magistrats et les policiers spécialisés, puisque à la suite de la saisie record de 682 kg de cocaïne à Punta Cana, en République dominicaine, une enquête a été ouverte en France.
C’était le 20 mars dernier. Alors qu’il s’apprêtait à décoller, un Falcon 50 est immobilisé sur le tarmac. L’appareil, immatriculé F-GXMC, port d’attache Paris Le Bourget, appartient (via la société de leasing Lixxbail du groupe Crédit Agricole) à la SA Alain Afflelou. Il est géré par une petite société de transport aérien, au capital social de 3 000 €, inscrite en juin 2011 au Tribunal de commerce de Lyon : SN Trans Hélicoptère services. D’après la presse, la feuille de route du pilote mentionnait Versailles comme destination. Vraisemblablement l’aéroport d’affaires de Toussus-le-Noble.
L’opération de Punta Cana aurait été, semble-t-il, téléguidée par la DEA (Drug enforcement administration), laquelle suspectait l’existence d’un gang de passeurs au sein du personnel de l’aéroport. En tout cas, le tuyau est bon car la police interpelle 35 personnes : des militaires, des policiers et des douaniers…, ainsi que 4 Français. Une affaire qui tombe à pic pour le gouvernement, au moment où le ministre de l’Intérieur de la République dominicaine envisage une réforme drastique de la police nationale, notamment pour éliminer la corruption. Et elle doit être conséquente, car les trafiquants n’ont même pas pris la peine de dissimuler la drogue. Elle se trouve dans 28 valises : 682 paquets contenant chacun 1 kg de cocaïne.
Pendant ce temps, en France, les gendarmes poireautent. D’après Le Point, ils auraient eu un tuyau, il y a de cela plusieurs mois, concernant les déplacements suspects de cet avion. Ils l’auraient même contrôlé une fois dans le sud du pays sans résultat. En tout cas leur enquête est suffisamment avancée pour avoir obtenu du procureur de Draguignan l’ouverture d’une information judiciaire. Si tout cela est vrai, aujourd’hui, ça doit souffler à la direction de la PJ, car il semble bien que l’OCTRIS (Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants) n’ait pas été dans la confidence. Il faut dire que lorsqu’on récupère un tuyau de cette nature, que l’on soit flic ou gendarme, on n’a aucune envie de le partager. Sinon, on change de métier.
Pour la petite histoire, selon Le canard Enchaîné, c’est l’avion que Nicolas Sarkozy devait prendre pour se rendre à la convocation du juge Gentil. Il a eu chaud ! Avec tous les ennuis qu’il a déjà…
D’après l’OEDT (Observatoire européen des drogues et des toxicomanies), chez nous, le prix du gramme de cocaïne varie entre 50 et 80 €. Petite multiplication et cela nous donne une valeur à la revente de 34 à 54 millions d’euros. De quoi faire pâlir d’envie nos dealers de banlieue.
Et à vous décourager de jouer au Loto !
On imagine bien que si des trafiquants confient un tel chargement à des passeurs, c’est qu’ils sont en confiance. Ce n’est donc pas un coup d’essai. Autrement dit, les fins limiers de l’Office des stups chargés d’exécuter la commission rogatoire de la Jirs (Juridiction interrégionale spécialisée) de Marseille ont du pain sur la planche. Il s’agit pour une fois non pas de remonter la filière, mais au contraire de la descendre. Car si cet avion était arrivé à bon port, comment 28 valises de 25 kg auraient-elles pu être débarquées au nez et à la barbe des autorités ? Il aurait bien fallu des complicités. La République dominicaine est membre d’Interpol, on peut donc penser que la coopération entre les deux pays sera effective. Et je ne suis pas sûr que là-bas, l’avocat assiste aux gardes à vue… Les confidences des uns pourraient bien permettre de décortiquer la chaîne de distribution. Ces temps-ci, il doit y avoir quelques personnes, dans le beau monde, qui dorment moins bien.
Cela semble l’avis de la Cour des comptes. Dans un récent rapport, elle souligne que malgré la perte de quelques milliers d’emplois, les dépenses concernant les rémunérations des policiers ont augmenté de 10.5 % en cinq ans (2006-2011). Alors que dans le même temps, l’augmentation n’était que de 5.1 % dans la gendarmerie et de 4.2 % pour l’ensemble de la fonction publique.
Mais il faut se méfier des chiffres…
Prenons l’exemple d’un capitaine de police avec 20 ans d’ancienneté. Il perçoit un salaire brut mensuel d’environ 2700 €. Si on ajoute les primes (résidence, sujétion, postes difficiles, commandement, etc.) son traitement tourne autour de 3200 €. En sécurité publique, il peut avoir la responsabilité d’une centaine de gradés et gardiens. Cette rémunération est-elle en rapport avec de telles responsabilités ? Je ne le crois pas. Un commissaire qui remplirait les mêmes fonctions coûterait nettement plus cher. Sans parler du privé. Il est vrai que tous les policiers ne sont pas dans cette situation. Certains cocoonent derrière un bureau, les pieds dans un tiroir…
Alors, où est passée cette augmentation de la masse salariale ? La réforme dite des « corps et carrières », entamée en 2004, a notablement faussé la donne en instituant un flux par le haut, qui en a favorisé certains, tandis que d’autres restaient sur le carreau. Je ne sais pas si les officiers de police en devenant cadre A ont fait une bonne affaire, mais ce que je sais, c’est que pas mal aujourd’hui déchantent et fustigent les syndicats qui les ont entraînés dans cette galère. À court terme, ils ont raison. Cette réforme sera sans doute profitable à la génération suivante. Car évidemment, à l’horizon de quelques années (l’horizon des gens qui nous gouvernent se limite à cinq ans), c’est l’employeur qui est gagnant.
Après cette réforme, la police est devenue l’armée mexicaine. Il y avait des chefs partout. Sauf sur le terrain, comme l’a démontré le scandale de la BAC de Marseille. Le nombre des brigadiers a été multiplié par 2.4, tandis que l’effectif des brigadiers-chefs faisait un bond de 84 %. Dans le même temps, les officiers prenaient la mesure de leur nouvelle fonction d’encadrement. Puis, pour rétablir l’équilibre, on a fermé la porte. En une demi-douzaine d’années, le corps des officiers a fondu de 25 %. Le nombre de lieutenants a diminué de 64 %. Or ces lieutenants, que l’on recrute toujours au compte-gouttes, sont l’encadrement de demain. Quant aux commissaires, leur nombre a baissé de 7 %. Ils étaient 1 740 à la fin 2011.
Pour continuer à faire tourner la machine à moindre coût, on s’est mis à recruter des ADS (adjoints de sécurité). Ils sont payés au niveau du SMIC et ils sont plus malléables que leurs ainés. Si j’avais un conseil à donner à un jeune qui n’a pas de diplôme, il y a là une formidable opportunité de faire carrière dans la police. C’est dans ces moments de mutation qu’il faut saisir la balle au bond. L’embauche des personnels administratifs a également augmenté, notamment pour la police scientifique, qui a le vent en poupe (+73 %). Ce qui laisse augurer de la police de demain.
À son arrivée, Manuel Valls a annoncé la fin des suppressions de postes, ce qui veut dire une reprise (probablement timide) du recrutement. Ce qui ne fait pas l’affaire de la Cour des comptes. Du coup, elle préconise une pause salariale, « notamment par la limitation étroite des nouvelles mesures catégorielles et l’encadrement plus rigoureux des mesures d’avancement et de promotion ». Une mauvaise nouvelle pour ceux qui espèrent un avancement : on entrouvre la porte extérieure et l’on cadenasse à l’intérieur.
Ce chambardement des services ne s’est pas fait sans mal. Et cela a entraîné un afflux d’heures supplémentaires récupérables. Il y en aurait 19 millions dans la nature. Une petite bombe à retardement. L’équivalent de 12 000 à 13 000 emplois à temps plein sur une année. Pour les fonctionnaires qui ne peuvent récupérer ces heures, il existe de fait une sorte de compte épargne-temps qui permet d’anticiper le départ en retraite. D’après la Cour de comptes, certains, notamment en PJ, pourraient ainsi partir 18 mois avant l’âge… Cela me paraît beaucoup, mais même s’il s’agit de 3 ou 4 mois, c’est au détriment du service, car durant cette période, ils ne peuvent pas être remplacés.
Comme pour tous les fonctionnaires, les primes disparaissent à l’âge de la retraite. Notre capitaine du début touchera donc environ 2000 € par mois. Et il n’aura pas vraiment le temps de bénéficier de la retraite additionnelle de la fonction publique, la RAFP, mise en place en 2005 (dont la gestion a d’ailleurs été épinglée par la Cour des Comptes) qui devrait capitaliser une somme de 75 milliards, mais d’ici 2050.
L’analyse de la Cour des comptes nous montre que cette réforme des corps (comme d’ailleurs le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur) a été mal préparée. Elle a un petit relent démagogique. Elle a coûté un fric fou et on a fait croire aux policiers à un effet d’aubaine. Dans les faits, pas mal sont restés à la traîne, notamment ceux qui n’étaient pas dans la fourchette haute de leur grade. Ces inégalités ont plombé l’ambiance, ce qui explique en partie la morosité qui pèse sur certains services. C’est peut-être l’une des raisons qui pourrait conduire à une nouvelle réforme, le « corps et carrières II ». L’idée est dans l’air. Et les oreilles des commissaires doivent siffler, car cette fois, on pourrait s’acheminer vers deux corps de police : les sous-officiers et les officiers. À défaut d’une parité dans les rémunérations entre gendarmes et policiers, on aurait au moins la parité des corps. – En attendant la prochaine réforme.
Le 15 mars, c’est la fin de la trêve hivernale pour les gens qui ne peuvent plus régler leur loyer. On peut craindre qu’ils soient de plus en plus nombreux. Heureusement, nos élus s’en inquiètent. Ainsi, un député vient de poser une question écrite au ministre de l’Intérieur : Pourquoi existe-t-il une différence de traitement entre les policiers et les gendarmes lorsqu’ils assistent un huissier de justice dans le cadre d’une expulsion ?
Eh oui, braves gens ! Lorsque nos forces de l’ordre assistent un huissier pour une expulsion, celui-ci facture des frais à son « client », ce qu’on appelle une vacation, dont le montant varie selon le nombre de taux de base (valeur 2.2 €). Avec un maximum de 33 euros pour les policiers et seulement 11 euros pour les gendarmes.
Cet argent ne va pas directement dans leur poche, mais atterrit dans un fonds de concours. Comme chacun le sait, les ministères peuvent, s’ils le souhaitent, ouvrir un « fonds de concours et d’attribution de produits ». Cette caisse est alimentée par des rentrées non fiscales, des donations, des legs, etc. ; et par des recettes qui correspondent à des prestations diverses. Je ne sais pas si l’Intérieur reçoit beaucoup de donations, d’autant que cela ne doit pas être défiscalisé, mais son fonds est quand même bien garni. Même si l’année dernière la branche « sécurité » n’a pas tenu ses objectifs. Les temps sont durs. Heureusement, il reste l’assistance aux productions audiovisuelles, la mise à disposition de moyens pour une course cycliste, une manifestation sportive, etc. Et les vacations d’huissier.
Les vacations funéraires suivent le même chemin. Longtemps, les morts ont été une véritable manne pour certains commissaires de police. Il n’était pas rare de voir les têtes de liste des promos de l’École de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or choisir un poste dans une circonscription en fonction de l’importance de son hôpital. Choix un peu affligeant pour des jeunes gens qui embrassaient une carrière au service de la société… Mais dès que l’on parle fric, le cynisme est de mise. Ce n’est pas Monsieur Mittal qui me contredira.
À l’époque, chaque mise en bière nécessitait la pose d’un scellé. Donc, le paiement d’une vacation. Mais ces dernières années, les formalités ont été simplifiées. L’intervention de la police se limite à présent à sceller le cercueil lorsque le défunt est transporté hors de la commune de décès ou s’il est destiné à la crémation. La surveillance officielle est également de mise pour les opérations d’exhumation.
Si à Paris, dans le temps, il existait un système de répartition pour les vacations funéraires, il n’en était pas de même en province. Puis, les choses ont évolué. Les sommes ont été déposées sur un compte ouvert auprès d’un comptable public et réparties entre les policiers ayant participé à l’opération et une caisse de solidarité des commissaires de police.
Aujourd’hui, les vacations (autour de 20/25 euros) sont versées à la recette municipale à charge pour le maire de faire suivre les fonds au ministère de l’Intérieur lorsque l’opération a été assurée par un fonctionnaire de la police nationale.
Par une bizarrerie qui résulte d’un assemblage à la va-vite, les gendarmes ne peuvent toujours pas effectuer de vacations funéraires. Dans les communes où la police nationale est absente, cette tâche revient donc au garde-champêtre ou à un représentant de la police municipale. À défaut, dans les petites communes, c’est un élu de la municipalité qui doit se déplacer (il n’est pas défrayé).
Depuis 1996, le produit des vacations funéraires et des vacations d’huissier est donc versé au fonds de concours du ministère de l’Intérieur. À l’époque, les commissaires ont renâclé. Dans les « bonnes villes » (beaucoup d’HLM et un grand hôpital), il était possible de doubler son traitement. Pour faire passer la pilule, magnanimes, les députés ont rajouté quelques lignes dans la loi de finances afin de compenser leur manque à gagner par une allocation spéciale.
Si certains y ont laissé des plumes, l’image des commissaires s’est éclaircie. La corporation en avait besoin, car cette course aux pourboires des patrons de sécurité publique avait quelque chose de pernicieux.
Je me souviens, alors que j’étais stagiaire, de ce commissaire divisionnaire de Poissy qui m’avait fait passer pour le serrurier lors d’une saisie mobilière. Je suppose que lui et l’huissier de justice s’étaient ensuite partagé les quelques dizaines de francs supplémentaires facturés à cette famille surendettée !
Pourtant, il n’était pas méchant. Il était juste dans le système. Un système qui a fonctionné durant des dizaines d’années au détriment de la bonne gestion des commissariats. Tous les anciens se souviennent du sourire en coin des gardiens de la paix, lorsqu’on leur demandait où était le commissaire… Ces temps sont révolus, et même si on la critique souvent, et même si on jabote, la police d’aujourd’hui est devenue plus fonctionnelle. Moins de poésie, mais plus d’efficacité.
Il y a une dizaine de jours, à Marseille, deux frères jumeaux âgés de 25 ans ont été mis en examen et écroués pour une série de viols et d’agressions sexuelles. Ils ont été confondus par leur ADN. Mais lequel des deux est le coupable ? Une question à laquelle la police scientifique ne peut répondre. Et qui pourrait cependant devenir de moins en moins exceptionnelle, puisque le nombre de jumeaux ne cesse d’augmenter. En une quarantaine d’années, il a presque doublé en France – même s’ils ne sont pas tous monozygotes. Les techniques actuelles de la police scientifique ne sont pas assez fines pour prendre en compte ces cas particuliers. Pour faire la distinction entre les deux hommes, il faudrait faire appel à un labo privé et la facture pourrait monter à plusieurs centaines de milliers d’euros. Comme le dit Simoneduchmole sur Twitter, le bon vieux bottin coûtait quand même moins cher…
Les journalistes ont relaté cette affaire sans étonnement (la presse serait-elle blasée ?), comme si l’on pouvait mettre deux suspects à l’ombre sous le prétexte que l’un est forcément coupable. Il existe bien sûr d’autres charges contre eux, sinon le juge d’instruction aurait une bizarre conception de la justice.
Pourtant, dès que l’on parle d’ADN, les excès ne sont pas rares, tant du côté de la police, de la gendarmerie que de la justice. Ainsi, lorsqu’un magistrat décide de passer tous les mâles d’un village breton au tamis pour tenter d’identifier un incendiaire, ne dépasse-t-il pas les bornes ?
Ce n’est probablement pas l’avis de la Chancellerie, puisque dans l’enquête sur le viol et le meurtre d’une collégienne anglaise, Caroline Dickinson, en 1996, le juge chargé du dossier qui avait refusé d’effectuer un test systématique a été remplacé par son collègue Van Ruymbeke, qui, lui, ne fait pas dans la dentelle. Si la pêche au filet n’a pas permis d’identifier le meurtrier, l’assassin a néanmoins été démasqué par ses gènes – mais grâce à une enquête des plus traditionnelles.
Le coton-tige n’a rien d’une baguette magique ! Bien sûr, je n’ai pas la haine de l’ADN (je n’ai pas résisté à ce titre), c’est un formidable atout pour découvrir les criminels, mais il faut prendre garde de ne pas tomber dans l’excès de confiance. La police scientifique ne doit pas engourdir « les petites cellules grises » chères à Hercule Poirot. Ainsi, ce mégot que l’on jette (à tort) dans le caniveau pourrait très bien se retrouver sur la scène d’un crime. Et l’on aura beau crier son innocence, sans alibi béton, on risque fort de passer quelques jours de vacances dans un hôtel Taubira.
Comme le dit en résumé le commissaire Cécile Moral, du service régional d’Identité judiciaire de Paris, dans la revue PPrama, le rôle de l’Identité judiciaire consiste à remettre des éléments aux enquêteurs, à eux d’en faire bon usage. Et tant pis pour les séries télé.
Chez nous, le législateur a tenté de placer des garde-fous en limitant l’utilisation du fichier national (FNAEG) à la simple comparaison. Un peu comme pour les empreintes digitales. Un seul marqueur est archivé : celui qui correspond au sexe. Toutefois, les prélèvements sont soigneusement conservés. L’enregistrement des traces est effectué pour les condamnés et les mis en cause pour les crimes et les délits énumérés à l’article 706-55 du Code de procédure pénale. Si l’ADN d’un simple suspect peut être prélevé pour réaliser un rapprochement, la formulation ne doit pas être introduite dans la base de données. Si l’on revient un instant sur l’affaire de l’incendiaire du Morbihan, les habitants de Larmor-Baden sont-ils tous des suspects ? La réponse est non. Les enquêteurs doivent donc obtenir leur consentement pour effectuer un prélèvement salivaire. Et – à mon avis – si l’un d’eux refuse, la sanction de l’article 706-56 du CPP (1 an de prison et 15 000 € d’amende) ne s’applique pas. On peut en discuter à l’infini, mais cela ne vaut pas le coup, puisque ledit réfractaire deviendrait illico un suspect. Il serait donc tenu de se soumettre. Et la boucle serait bouclée.
Faut-il s’inquiéter de l’archivage de notre ADN ? Je crois que oui. D’abord, parce que l’on touche à notre moi profond et surtout, parce qu’on est à l’aube d’un gigantesque marché industriel. « L’accroissement massif de la quantité d’information disponible sur l’ADN humain est l’émergence d’une nouvelle industrie basée sur l’exploitation de ces données », écrit le professeur Colin Masters dans son livre Notre ADN et nous (Ed. Vuibert). Par simple rapprochement d’idées, on se souvient que lors de la discussion de la dernière loi sur la sécurité (Loppsi 2, en 2011), M Hortefeux avait envisagé de créer un fonds alimenté par les compagnies d’assurance pour assurer le financement du FNAEG. J’ai comme l’impression que notre patrimoine génétique excite bien des convoitises. Cela va bien au-delà d’un simple fichier de police.
Allez, ceux qui se plaignent du flicage de notre société n’ont encore rien vu !
Le journaliste scientifique Pierre Barthélémy, sur son blog, Passeur de sciences, nous raconte qu’une artiste new-yorkaise, en partant de quelques mégots et d’un chewing-gum récupérés au hasard dans la rue, a réussi à reconstituer le visage de leurs propriétaires respectifs. L’anecdote est exagérée. On ne peut évidemment pas (pas encore) reconstituer un visage à partir d’un prélèvement ADN. Mais il est possible d’établir des éléments distinctifs : l’origine ethnique, le sexe, la couleur de la peau, des yeux, des cheveux… Autant d’éléments qui peuvent venir compléter des témoignages visuels pour dresser un portrait-robot pas très éloigné d’une photographie. Et demain, le résultat pourra être introduit dans l’informatique d’un système de vidéosurveillance pour une détection quasi automatique.
À l’approche des élections présidentielles, 2011 aura été surtout l’année des blablas. Mais pour la police, cornaquée depuis une dizaine d’années par Nicolas Sarkozy, 2012 est le temps de l’incertitude. Toutefois, en plaçant à Beauvau Manuel Valls, l’homme de droite de la gauche, François Hollande a su éviter les erreurs de François Mitterrand. Et finalement, il n’y aura pas eu de grands chambardements, pas de chasse aux sorcières, si ce n’est le départ de quelques proches de l’ancien Président. Même le tournicotage des préfets s’est fait quasi en douceur. Et si à ce jour les résultats ne sont pas au rendez-vous, la pression est retombée dans les commissariats. « On a l’impression d’avoir moins de travail », m’a dit l’autre jour un officier de police.
Toutefois, 2012 restera une année noire pour la police car, en dehors des changements politiques, plusieurs affaires ont sérieusement terni son image : les prolongements de l’enquête sur le commissaire Neyret, la mise en cause de policiers dans l’histoire de proxénétisme du Carlton, le réseau ripoux de la BAC de Marseille, l’atteinte aux secrets des sources du Monde… Et surtout, le plus marquant : l’affaire Merah. Car aujourd’hui encore on ne sait pas s’il s’agit d’une réussite ou d’un échec. Et ces incertitudes ne peuvent que nuire à l’Institution.
Puisque chacun y va de sa petite rétrospective, voici la mienne. Elle est complètement subjective et n’engage que moi – comme disent les twittos.
Le 7 février, au petit matin, ce ne sont pas moins de 150 policiers qui procèdent à une descente dans le milieu corso-marseillais. Une trentaine d’individus suspectés d’appartenir au grand banditisme sont interpellés. Il s’agit pour les magistrats de la Jirs de Marseille (juridiction interrégionale spécialisée) d’une sorte d’opération coup de poing, histoire de faire bouger les choses et éventuellement de mettre à l’ombre, même pour des délits mineurs, des individus soupçonnés des pires méfaits. Finalement, huit seulement seront incarcérés, essentiellement pour extorsion de fonds, alors que la commission rogatoire vise l’assassinat d’un proche d’Ange-Toussaint Federici, estampillé ATF dans les annales de la PJ. Actuellement derrière les barreaux, mais considéré comme le chef de la bande des bergers de Venzolasca, le gang qui aurait remplacé celui de la Brise de mer.
Le lendemain, mais cela n’a évidemment rien à voir, l’ancien ministre Éric Woerth est mis en examen pour trafic d’influence et recel de financement illicite d’un parti politique dans l’affaire Bettencourt..
Le 23 mars, ce n’est pas le printemps pour l’ancien premier ministre Édouard Balladur, puisque le juge Renaud Van Ruymbeke découvre sur un compte suisse la trace d’un mouvement d’argent de dix millions de francs qui proviendraient de commissions occultes sur la vente des frégates à l’Arabie saoudite. Mais le fait passe quasi inaperçu : tous les yeux sont braqués sur Toulouse où Mohamed Merah vient d’être abattu par le RAID, après 32 heures de siège. Une tribune médiatique bien controversée à quelques semaines des élections présidentielles. À ce jour, une question reste en suspens : un meilleur fonctionnement des services de renseignements aurait-il pu empêcher la mort de ses sept victimes ?
Quelques jours plus tard, c’est au tour de Dominique Strauss-Kahn d’être mis en examen pour proxénétisme aggravé en bande organisée dans l’affaire du Carlton de Lille. L’enquête, démarrée un an auparavant, avait mis en lumière une filière de prostituées de luxe destinées à des clients friqués. Plusieurs policiers ont joué un rôle ambigu dans cette affaire et le commissaire divisionnaire Lagarde, une figure de la police dans le nord de la France, a été mis en examen.
Au mois d’avril, le cannabis fait son entrée dans la campagne présidentielle. L’ancien ministre de l’Intérieur Daniel Vaillant se prononce pour un vrai débat de société sur le sujet, mais le candidat Hollande ne renchérit pas. Pendant ce temps, la police s’invite dans la campagne présidentielle. À la suite de la mise en examen pour homicide volontaire d’un policier ayant abattu un malfaiteur d’une balle dans le dos, les réseaux Sarko organisent des manifestations pour réclamer la « présomption de légitime défense ». Une revendication soutenue par le chef de l’État qui fait partie du programme de Marine Le Pen. François Hollande se contente d’abord de plaider pour une « protection administrative » des policiers avant de s’embarbouiller dans des propos chèvre et chou (il y a quelques jours, les policiers ont été informés que dorénavant ils pourront prendre un assistant de leur choix, s’ils sont convoqués pour une audition administrative). En attendant, pour la première fois peut-être, des policiers en uniforme et en armes défilent sur les Champs-Élysées – avec la bénédiction tacite des plus hautes autorités. Alors que de tels agissements peuvent entraîner une révocation d’office. Mais ces manifestations à répétition montrent le malaise d’une police mise à mal par la politique du chiffre et du saute-dessus.
Le 15 mai, François Hollande prend ses fonctions à l’Élysée et choisit Jean-Marc Ayrault comme chef de son gouvernement. Manuel Valls devient ministre de l’Intérieur. François Rebsamen et Jean-Jacques Urvoas, les deux autres prétendants au poste, font le dos rond. Lors de sa campagne, le candidat avait claironné « Mon véritable adversaire (…) c’est le monde de la finance ». On pouvait donc s’attendre à un séisme boursier, pourtant, les marchés financiers ne bronchent pas. Mieux, les taux d’emprunt demeurent historiquement au plus bas. Quelques mois plus tard, un crédit d’impôt de 20 milliards d’euros est offert aux entreprises. Le pouvoir divinatoire des marchands d’argent m’a toujours étonné.
Au mois de mai, la Cour d’appel de Paris valide l’intégralité de la procédure dans l’affaire Neyret, rejetant toutes les demandes des avocats. L’ancien commissaire est remis en liberté. Il sera révoqué de la police au cours du mois de septembre.
Le 12 juin, un vaste atelier de fausse monnaie est découvert en Seine-et-Marne. Ce sont 350 000 billets de 20 et 50 € qui auraient été fabriqués dans un petit village du nord du département. Le 24, c’est un réseau de douaniers ripoux qui est démantelé à l’aéroport de Roissy. Il semble qu’ils subtilisaient, dans des bagages repérés à l’avance, l’argent de trafiquants de drogue.
En juillet, Valérie Trierweiler affirme que dorénavant elle tournera sept fois son pouce avant de twitter et, à l’approche des JO, Londres se transforme en une sorte de blockhaus. La plus grande opération de sécurité mise sur pied en temps de paix, d’après David Cameron. Mais aussi un échec pour la sécurité privée, puisque G4S, la plus grosse boîte dans ce domaine, n’a pas été en mesure d’honorer son contrat de 284 millions de livres sterling. Incapable notamment d’aligner les 10 420 agents prévus, ce qui a obligé le gouvernement à faire appel à l’armée.
Au mois d’août, François Hollande part en vacances et Marseille enregistre le 14e règlement de comptes de l’année.
En septembre, la police de Lyon est à nouveau sur la sellette avec la découverte d’un réseau de ripoux. Treize personnes sont interpellées, dont sept policiers. Et le 25, un magistrat est placé en garde à vue dans le cadre de l’affaire Neyret. Il est soupçonné d’avoir fourni des informations sur des procédures en cours.
Mais au début du mois, c’est le massacre de Chevaline qui fait la Une. Trois touristes et un cycliste sont assassinés. Et si de nombreux coups de feu ont été tirés, il semble que chacune des victimes ait reçu le coup de grâce. Pendant huit heures, la scène de crime est gelée. Les gendarmes enquêteurs ont interdiction de toucher le véhicule. Ce n’est qu’à l’arrivée des techniciens de la gendarmerie qu’une fillette est découverte recroquevillée sous le cadavre de sa mère. Ce qui pose question : jusqu’à quel point doit-on « geler » une scène de crime ? Si au début de cette affaire, le procureur d’Annecy a enchaîné les conférences de presse, avant qu’on lui demande un peu de retenue, aujourd’hui encore on n’en sait pas plus. Ni sur les raisons de ces meurtres ni sur le ou les auteurs.
En octobre, des policiers de la BAC du nord de Marseille sont soupçonnés d’avoir organisé un réseau quasi mafieux au sein de la police et notamment d’avoir extorqué de l’argent à des trafiquants de drogue. Le pire des rackets, celui qui se cache derrière la force publique. Une véritable gangrène pour le procureur.
Le 16 octobre, un avocat, Me Antoine Sollacaro, est assassiné dans une station-service d’Ajaccio et le corps d’un ancien nationaliste est découvert criblé de balles dans sa voiture, à une soixantaine de kilomètres de Bastia. Le lendemain, pour la première fois, un ministre de l’Intérieur utilise le mot mafia pour désigner le banditisme corse.
En novembre, Barack Obama est réélu, tandis qu’en Chine, Xi Jinping, alias le Prince rouge, est désigné comme secrétaire général du Parti. Il devra néanmoins attendre le mois de mars 2013 pour devenir le président de la République populaire.
Signée pour la France par Nicolas Sarkozy, et malgré les redondances de François Hollande, la règle d’or entrera en application le 1er janvier 2013. La Cour de Justice européenne pourra prononcer des amendes dans le cas où l’un des 27 État signataires ne respecterait pas ses engagements. Pas de quoi s’inquiéter. D’après un document publié vendredi par la Cour européenne, entre 2008 et 2011, les États de l’Union ont déjà versé 1 600 milliards d’euros d’aides aux banques. Alors, ça ne peut pas être pire.
Allez, flics (ou simples mortels), banquiers, voyous, ripoux, choux, genoux, hiboux, cailloux… Une bonne année à tous !
La publication par Le Monde d’éléments provenant des constatations effectuées sur la scène de crime a semé un malaise au sein de la gendarmerie nationale. Au point, d’après Le Figaro, que le lieutenant-colonel qui dirige l’enquête s’est fendu d’un communiqué à l’AFP qui met indirectement en doute l’authenticité du reportage.
Comme il n’est pas dans les habitudes du Monde de « bidonner », on peut penser que cette fuite va nécessairement donner lieu à une enquête interne.
Pour être franc, le plan de com’ de la gendarmerie nationale et du parquet d’Annecy, surtout au début de l’affaire, en a surpris plus d’un. Mais ce flot d’informations était sans doute destiné à éviter tout clash avec nos voisins d’Outre-manche, comme cela avait été le cas pour les Portugais, lors de la disparition de la petite Maddie. Les deux juges d’instruction sont beaucoup plus discrets.
En tout cas, dans de récentes déclarations, le procureur Éric Maillaud souligne « l’absence de conviction personnelle » des enquêteurs français et britanniques. Ce qui laisse peu de doutes sur l’avancée de l’enquête : on est dans le fog.
Et même le formidable travail « technique » qui a permis de reconstituer en partie la scène de crime ne fait guère avancer les choses. On ne sait même pas quelle a été la première cible du tueur.
En fait, il semble bien que les seuls éléments concrets sur lesquels les enquêteurs peuvent s’appuyer sont les balles extraites du corps des victimes, les balles perdues et les douilles.
Après étude de ces pièces à conviction, les spécialistes seraient arrivés à la conclusion que l’arme utilisée est un pistolet automatique Parabellum Luger de calibre 7,65. Une arme qui a été en dotation dans l’armée suisse – et qui a une histoire…
À la fin du XIXe siècle, l’Autrichien Georg Luger développe une nouvelle arme de poing : le pistolet automatique Parabellum (du latin : prépare la guerre – dans l’expression Si tu veux la paix, prépare la guerre). Une arme à la forme caractéristique par sa culasse « à genouillère » et qui est devenue une sorte de mythe de l’arme de poing. Au point que le mot Parabellum est rapidement devenu synonyme de pistolet automatique. Chambré pour des munitions de 7,65 x 21 mm Para, il est adopté par l’armée allemande en 1908, mais au calibre 9 mm, sous le sigle P08 (pour Pistole 1908, l’année de l’homologation par l’armée). Tandis que l’armée suisse préférait conserver le calibre initial. Je suppose, mais je n’en suis pas sûr, que cette arme a été enregistrée en Allemagne en 1906, d’où P06. Toutefois, la commande effectuée par la Suisse est bien antérieure à cette date. Elle a d’ailleurs été la première nation à adopter le Parabellum 7,65 comme arme de poing réglementaire.
À partir de 1929, ce PA a été fabriqué à Berne. Il y en a eu 27 941 exemplaires pour les besoins de l’armée helvétique et 1 916 pour des civils. Ces derniers portent la lettre P devant le numéro de série (d’après Les armes à feu modernes, aux éditions Denoël, 1975). Il existe un marché restreint parmi les collectionneurs. On peut voir ici une vidéo d’une annonce concernant une arme de ce type (photo) vendue avec deux chargeurs au prix de 1 400 euros.
Ce pistolet a une capacité de huit cartouches. Comme les enquêteurs ont récupéré 25 étuis (ou douilles) on peut donc en déduire que le tireur possédait trois chargeurs et qu’il avait en plus une balle engagée dans le canon. Auquel cas il y a eu trois salves lors de la tuerie de Chevaline, chacune espacée de plusieurs secondes.
Toutefois, sauf dans les films, il est peu courant de se balader avec un pistolet et trois chargeurs. Si l’on retient l’hypothèse que le tueur n’en possédait que deux, cela signifie qu’il a dû réapprovisionner. Pour garnir un chargeur il faut d’abord l’éjecter, puis poser son arme pour libérer sa deuxième main, et, enfin, récupérer des cartouches pour les glisser dedans. Une opération délicate (il faut comprimer le ressort du chargeur) qui peut prendre plusieurs dizaines de secondes… Ensuite, on met le chargeur à poste et on actionne la culasse. Cela suppose que durant cette manipulation, à Chevaline, toutes les victimes étaient mortes, blessées ou tétanisées. En tout cas, incapables de prendre la fuite. Une fois son arme rechargée, on peut alors imaginer que l’assassin a fait le tour de « sa » scène de crime pour administrer à chacun le coup de grâce.
Ce qui conforte cette hypothèse, ce sont les fragments du pistolet retrouvés près du corps du cycliste. Probablement des morceaux d’une plaquette de crosse, la partie la plus fragile. Car pour regarnir son chargeur, lorsque l’on ne possède pas d’étui, il est presque naturel de glisser son arme sous son coude en la plaquant contre son corps. Un bon moyen de la faire tomber. Surtout dans une situation de stress, où il est parfois difficile de contrôler ses gestes.
Mais il y avait peut-être trois chargeurs… En tout cas, cela ne permet pas de déterminer l’ordre dans lequel les personnes ont été abattues. Est-ce le cycliste, Sylvain Mollier qui a été la première victime ? Et alors pourquoi ? Pour rien, si l’on retient l’éventualité d’un tueur fou. Et il en est peut-être de même pour Saad al-Hilli et sa famille. Mais il faut reconnaître que la piste Saddam Hussein est plus exaltante. L’argent du compte en Suisse, avait laissé entendre un avocat de la famille, au début de l’enquête, ne provient pas de Saddam Hussein mais trouverait son origine dans les commissions liées à l’affaire Pétrole contre nourriture. Une information relayée aujourd’hui par un journal allemand. Cette affaire date de l’époque où l’embargo contre l’Irak avait été adouci par souci humanitaire – et aussi pour récupérer quelques barils de pétrole. Mais pour obtenir le feu vert de l’ONU, les entreprises qui voulaient faire du business avec l’Irak devaient d’abord obtenir l’accord de leur gouvernement. D’où un lobbying qui aurait donné lieu à de substantielles commissions occultes allégrement empochées par des hommes politiques malhonnêtes. Et un système de surfacturation qui aurait engraissé pas mal d’entreprises. Dans ce dossier, la France et la Suisse sont aux premières loges. Une affaire qui, pour le volet français, devrait bientôt recevoir une réponse judiciaire.
C’est un beau roman. Mais dans une enquête criminelle, il faut garder les pieds sur terre… Et le plus concret, sans doute, concerne les recherches sur l’arme et les cartouches utilisées. Les 7.65 Para sont devenues des munitions assez rares. Elles doivent se vendre au compte-gouttes. En France, sauf cas particuliers, seuls les chasseurs, les tireurs sportifs et les collectionneurs (avec la nouvelle loi) peuvent acheter et/ou détenir des armes et des munitions.
Une affaire où tout est possible, a dit le procureur Maillaud, un rien défaitiste, en rappelant l’échec de l’enquête sur la disparition du docteur Godard et de sa famille. On espère plutôt que les enquêteurs gardent des atouts dans leur manche, comme des fragments d’empreintes digitales ou des traces ADN qu’ils auraient pu récupérer sur les douilles. Des traces qui, par comparaison, pourraient au moins servir à confondre un suspect. Encore faut-il trouver un suspect !
Il est sur tous les fronts. Certains le considèrent comme « l’effaceur », celui qui va faire oublier la gauche bisounours ; tandis que d’autres n’apprécient guère ses postures sarkoziennes. Dans la maison poulaga, il a été accueilli avec circonspection. Au début, on en a même souri, lorsqu’il est apparu dans son joli costume blanc. Il avait l’air tellement jeune qu’il a fallu cliquer sur Wikipédia pour s’apercevoir qu’il atteignait la cinquantaine.
C’était un moment important. Si les fonctionnaires ont l’habitude de voir tourner les ministres, les changements de majorité sont plus rares dans une carrière. Et dans la police cela se traduit souvent par un virage à 180°. Aussi, Place Beauvau, radio-gouttière allait bon train : bouleversements, chasse aux sorcières… Non, rien ! Quelques mutations de personnages politiquement trop voyants. Et même le staff réuni autour de lui n’était pas un réel indicateur de la politique du nouveau ministre. Des gens rassurants, plutôt proches de la retraite.
Lorsqu’il est arrivé, Manuel Valls avait dans sa musette les zones de sécurité prioritaires – l’un des 60 engagements du candidat Hollande. Une mesure « de bureau » qu’au moins une demi-douzaine de ministres ont dû vouloir mettre en place avant lui. Des noms différents, mais le même objectif : concentrer davantage de moyens dans des zones fortement criminogènes. Ça n’a jamais fonctionné. Mais dans la police l’obsolescence n’existe pas. Comme l’ampoule centenaire de Livermore, les idées – même mauvaises – ne s’éteignent jamais. On se souvient peut-être que sous le gouvernement Bérégovoy (Mitterrand II), Bernard Tapie avait été nommé ministre de la Ville pour s’occuper des « quartiers difficiles ». Il y a 20 ans. Alors aujourd’hui, en pleine période de disette… Mais mercredi dernier, devant les grands chefs de la police et de la gendarmerie, notre ministre a déjà pris ses distances : Les ZSP « ne sauraient résumer la politique de sécurité que j’entends mettre en œuvre », a-t-il déclaré.
On l’attendait au tournant sur le récépissé lors des contrôles d’identité : une mesure d’application difficile qui agace fortement les policiers. En fait, ce récépissé ne figure pas dans les propositions écrites présidentielles. On en avait juste parlé pour éviter les contrôles au faciès – qui eux y figurent. Ce maudit mot dit, mais non écrit, est devenu le marqueur de l’autorité du nouveau ministre. Il s’est laissé convaincre assez facilement de l’infaisabilité de la chose, et il a planté là le Premier ministre qui, lui, en avait fait une mesure symbolique.
Couac !
Bon, on peut dire que la diplomatie n’est pas la qualité première de M. Valls. On l’a bien vu en mai dernier, lors de la passation de pouvoirs entre l’ancien et le nouveau. On aurait pu envisager, par exemple, la délivrance d’un récépissé pour les contrôles d’identité approfondis… Et tout le monde aurait été content. Mais en jouant cette carte, il a passé l’épreuve « d’admissibilité » et, l’air de rien, Manuel Valls est devenu le premier flic de France. Pour l’instant, il est adopté. « On dirait du Sarko première période », comme l’écrit le journaliste du Monde Laurent Borredon, qui rapporte les propos d’un haut responsable de la police. Pour mémoire, l’état de grâce de Nicolas Sarkozy, en dehors de ses aficionados, n’a pas duré longtemps…
Il faut dire que le nouveau locataire de Beauvau est porté par les circonstances. Les événements d’Amiens et de Marseille – et leur médiatisation – ont fait grimper l’insécurité de plusieurs crans dans l’échelle des préoccupations des Français. +12 points depuis les élections présidentielles, d’après un sondage publié sur Atlantico.
En fait les premières décisions prises à chaud concernent Marseille. Et là, Manuel Valls a montré son tempérament. À la différence de ses prédécesseurs qui ont surtout brassé du vent, en nommant un préfet de police placé directement sous ses ordres, il se campe au premier rang. Un énarque dirait sans doute que c’est une erreur de commandement, qu’il faut toujours mettre des fusibles entre la décision et l’application, mais, dans la police et la gendarmerie, on aime bien les gens qui prennent leurs patins.
N’empêche que l’idée d’installer un chef de la police et de la gendarmerie dans le département des Bouches-du-Rhône en laisse plus d’un sceptique. Cela nécessite de chambouler complètement la pyramide de la hiérarchie. Autrement dit, il faut revoir l’organisation des différentes directions, et notamment celle de la PJ. Au passage, Christiane Taubira peut-elle accepter qu’une autorité administrative glisse son nez dans les procédures judiciaires, comme cela peut se passer à Paris ? Même si l’ancien préfet de police s’en défendait. Dans son livre (11 propositions chocs pour rétablir la sécurité, aux éditions Fayard) le député Jean-Jacques Urvoas, l’un des aspirants au fauteuil, envisageait de donner au maire de Paris les mêmes pouvoirs de police que les autres maires. La police parisienne, disait-il « doit être placée sous le commandement d’un directeur régional soumis au préfet territorialement compétent, comme dans le reste du pays, et ce dernier doit redevenir le principal interlocuteur des élus. » Pourtant, on dit que c’est lui qui a soufflé cette idée d’un préfet de police marseillais copié-collé sur celui de Paris. « En créant le concept de métropole et de patron unique, on met de la cohésion dans une cité où il y a beaucoup trop de mouvements », dit-il dans Le Télégramme. Comme quoi il faut savoir s’adapter aux circonstances… Mais il est probable que le préfet de police de Marseille n’aura jamais les prérogatives de celui de la capitale.
Il est bien trop tôt pour comparer Manuel Valls à ses prédécesseurs, ni même à Nicolas Sarkozy. Je crois d’ailleurs que c’est son contraire. Alors que ce dernier était impulsif, parfois malavisé dans ses décisions, mais capable d’en changer, M. Valls semble se montrer à l’écoute. Mais il sera probablement inflexible une fois la décision prise.
On l’imagine proche de ses troupes mais en même temps sans concession. Son refus de participer au « gouvernement d’ouverture » de Nicolas Sarkozy situe bien le personnage. Certains policiers, notamment ceux qui ont manifesté contre la décision d’un juge lors de la campagne présidentielle, ont dû avoir les oreilles qui sifflent en entendant la petite phrase prononcée vendredi dernier devant la garde des Sceaux : « Je ne tolérerai pas les mises en cause des décisions de justice ». Une menace à peine subliminale.
Dans les rangs de la police, le laxisme de ces derniers temps n’est donc plus de mise. Du coup, on entend moins les râleurs. Sinon, pour l’instant, peu de changements. Ah si, à Paris, il y a eu un arrivage de biscuits pour les gardés à vue…
Plusieurs grosses pointures de la police sont venues soutenir Michel Neyret devant le conseil de discipline. Il serait un peu léger de n’y voir que du copinage. Car les ennuis judiciaires et administratifs de ce grand professionnel de la lutte contre le banditisme vont plus loin que son cas personnel et risquent de modifier en profondeur le fonctionnement même de la police judiciaire.
Bien sûr, on peut estimer que les méthodes anciennes ont vécu. Mais dans ce cas, par quoi les remplace-t-on ? Les techniques et la science ? La police technique et scientifique prend effectivement de plus en plus d’importance dans les enquêtes, au point parfois de juguler les enquêteurs. La découverte de cette petite fille prostrée sous deux cadavres, dans la BMW découverte criblée de balles, près du lac d’Annecy, en est la démonstration par l’absurde. On gèle une scène de crime – donc l’enquête – en attendant l’arrivée des techniciens. Durant huit heures ! Et si l’enfant avait été blessée ? Cela fait penser à cette mauvaise blague d’école (de police) : Que devez-vous faire en premier en présence d’un pendu ?… Couper la corde, au cas où il ne serait pas mort. On peut d’ailleurs s’étonner que les gendarmes aient fait venir leurs propres techniciens de l’Institut de recherche criminelle, basé dans la banlieue parisienne, alors que le siège de la Sous-direction des services techniques et scientifiques de la police nationale se trouve en périphérie de Lyon. Alors, police-gendarmerie, même rivalité que par le passé… On murmure d’ailleurs Place Beauvau que les deux services pourraient être regroupés au sein d’une nouvelle direction autonome. Cette « autonomie » fait bondir la PJ. La police technique et scientifique doit rester un outil à la disposition des enquêteurs, a rappelé non sans raison l’un de ses patrons.
Personne ne nie l’avancée considérable que représentent la science et les techniques modernes dans la recherche de preuves et d’indices, mais c’est toujours après le crime ou le délit. Or en matière de lutte contre le banditisme, pour être efficace, il faut intervenir en amont.
La police ADN ne marche pas à Marseille.
Bien sûr, on peut planter des écoutes sur les téléphones portables, glisser des balises sous les voitures des suspects, pressurer les dizaines de fichiers, ou pianoter frénétiquement sur les claviers d’ordinateurs, mais… où est le contact humain ?
Autrefois, il y avait autant de règlements de comptes que maintenant et la plupart des enquêtes, comme aujourd’hui, n’aboutissaient pas – mais on savait. On savait pourquoi et par qui. On maîtrisait la structure des bandes et il était même possible de prévoir le nom des prochaines victimes. À défaut de pouvoir empêcher ou réprimer un flingage, on en comprenait les raisons. Cette connaissance du milieu n’existe plus. Or, si l’on veut mettre un frein aux agissements de ces bandes qui gangrènent la région marseillaise, la police a besoin de tuyaux – donc d’indics. Depuis toujours, le système fonctionne ainsi. Même si les flics savent qu’ils jouent avec le feu.
Mais comment « noyauter » ces bandes qui vivent plus ou moins en autarcie ? Eh bien, comme il est impossible d’entrer par la porte, il faut passer par la fenêtre. Car ces jeunots du banditisme ont vieilli. Et peu à peu, ils sont en train de devenir des grands – avec tout ce que cela comporte. Et notamment le désir d’élargir leur environnement, voire de s’en éloigner, afin de mieux profiter de leur bien si mal acquis. Et pour cela, ils ont besoin de complices, des individus tout aussi douteux, mais moins dangereux et surtout beaucoup moins méfiants. Des escrocs, des faiseurs, des enjoliveurs, comme on les appelle (comme ceux que fréquentait Michel Neyret) qui vivent en périphérie du banditisme et qui, pour les enquêteurs, présentent l’avantage d’être visibles. C’est par eux que l’on peut avancer et cerner une équipe de truands. Ensuite, c’est du travail de PJ, presque la routine : surveillances et procédure. Il n’est même pas nécessaire de les prendre la main dans le sac. L’époque du flag est révolue et le code pénal est suffisamment riche pour bâtir un dossier béton pour association de malfaiteurs en emboîtant entre eux des faits qui, à l’unité, ne pèseraient pas lourd devant un juge.
Donc, si l’on veut lutter contre ce néo-banditisme, pas besoin de nouvelles lois, pas besoin de CRS ni de militaires, il faut des moyens de surveillance, de bons procéduriers et… des indics. Pas de ceux que l’on enregistre à la direction centrale et que l’on rétribue avec une poignée de figues (contre reçu, s’il vous plaît). Non, des gens qui sont presque des amis, ou qui peuvent le devenir, et auxquels il n’est pas interdit de rendre de petits services.
Cela nécessite de faire confiance aux policiers. La confiance ! Encore un mot « à l’ancienne ».
La gauche peut-elle innover en matière de sécurité ? En tout cas, elle reste divisée. Mais la droite serait mal venue de critiquer, car le bilan de cette dernière décennie n’est pas des plus brillants. Si on aligne les différentes décisions les unes derrière les autres, c’est comme une litanie. Les mêmes mots, les mêmes ficelles que l’on nous ressort à chaque changement de gouvernement, voire de ministre de l’Intérieur.
Et pour quel résultat…
« La France a peur ! » C’est par cette phrase que le 18 février 1976 Roger Gicquel ouvre le journal de la première chaîne de télévision. Il parle de l’assassinat de Philippe Bertrand, un garçon de huit ans, enlevé à la sortie de l’école et tué par son ravisseur, Patrick Henry. Une affaire sordide comme il s’en produit hélas de temps à autre. Mais cette phrase va bien au-delà. Elle joue comme un déclencheur. C’est peut-être ce qui amène le premier ministre, Raymond Barre, à désigner un Comité d’études pour trouver des solutions à la criminalité violente.
L’ilotage ! C’est l’une des mesures phares du rapport pondu par ce comité (présidé par Alain Peyrefitte) intitulé pompeusement « Réponses à la violence ». Et, parmi les autres mesures préconisées, on trouve le redéploiement des forces de sécurité dans « les zones nouvelles d’urbanisation » et l’amélioration des relations entre la police et les citoyens.
Comme le début d’une rengaine.
Les maires montent au créneau – En 1983, la gauche est au pouvoir depuis deux ans et la police n’a pas encore retrouvé son régime de croisière. Les maires remettent à Pierre Mauroy, alors Premier ministre, un rapport intitulé « Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité ». Ils réclament des mesures pour lutter contre l’insécurité. C’est ainsi que prend forme le Conseil national de prévention de la délinquance. Mulhouse est choisie comme ville test pour mettre en place un plan de prévention. Dix ans plus tard, le président de ce Conseil, Gilbert Bonnemaison, déplorera que la France se soit engagée « dans des démarches complètement sécuritaires ». La prévention n’a jamais eu sa chance. C’est pourtant l’une des trois branches de la police de proximité. Les deux autres étant la répression et l’information.
La régionalisation des services de police – C’est l’une des premières annonces du nouveau tandem de la place Beauvau, Charles Pasqua et Robert Pandraud. On est en 1986, c’est la première cohabitation.
L’ilotage : le retour – La mesure est dans le panier de Pierre Joxe, lorsqu’il rejoint l’Intérieur pour la seconde fois, après la réélection de François Mitterrand, en 1988. Il crée également l’Institut des hautes études de la sécurité. Dans les années qui suivent, les ministres se succèdent, le dernier avant la deuxième cohabitation est Paul Quilès. Il propose un plan d’action immédiate pour la sécurité. Mais, pas le temps. C’est la deuxième cohabitation. Charles Pasqua reprend les rênes avec dans sa besace un plan pluriannuel de modernisation de la police et une volonté de remobiliser les forces de l’ordre.
Les brigades anticriminalitées – La première a vu le jour à Paris, en 1993. Environ deux cents policiers qui tournaient la nuit dans la capitale et qui pouvaient à tout moment être regroupés pour faire face à un événement imprévu. En 1996, les BAC de jour sont mises en place sur l’ensemble du territoire. C’est un peu le fer de lance de la Sécurité publique.
Un juge place Beauvau – En 1995, après 14 ans de règne, Mitterrand s’efface et laisse la place à Jacques Chirac. Jean-Louis Debré, ancien juge d’instruction, devient ministre de l’Intérieur. Il installe le Haut Conseil de la déontologie de la police nationale et met en place les premières sûretés départementales.
L’époque des « petits sauvageons » – Acte manqué pour Chirac qui, deux ans après son élection, dissout l’Assemblée nationale. Jean-Pierre Chevènement devient ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Lionel Jospin. Il prêche pour « des villes sûres pour des citoyens libres ». Avec la mise en place, en 1997, des premiers contrats locaux de sécurité. Parallèlement, un Conseil de sécurité intérieure est créé, placé sous la houlette du Premier ministre, pour mieux assurer l’impulsion de la politique de sécurité intérieure. À compter de 2002, il sera présidé par le Chef de l’État.
L’année suivante, Jean-Pierre Chevènement veut mettre un terme aux violences urbaines. Il fustige ces « petits sauvageons qui vivent dans le virtuel » et annonce le redéploiement de 3000 policiers et gendarmes dans 26 départements sensibles en vue de supprimer les « zones de non-droit ». Il se prononce pour la suspension des prestations familiales afin de responsabiliser les parents de mineurs délinquants. Aussitôt contredit par le Premier ministre. Cette année-là, on discutaille pour l’installation d’une police de proximité afin d’assurer une présence effective et rassurante dans les quartiers sensibles. Et, d’une seule voix, le gouvernement parle d’une politique de prévention « rénovée ».
La police de proximité – Le 26 avril 1999, le ministère de l’Intérieur publie la liste de 59 sites expérimentaux de police de proximité. En décembre, Lionel Jospin qualifie l’insécurité « d’inégalité sociale » et annonce un recrutement exceptionnel de 1000 policiers supplémentaires.
Pas de sheriffs dans la police – Au mois d’août 2000, Jean-Pierre Chevènement rend son tablier et laisse la place à Daniel Vaillant. Alors que le Premier ministre s’est déclaré hostile à la « municipalisation » de la police, des personnalités de droite proposent de placer le maire au centre du dispositif de sécurité de proximité. Daniel Vaillant refuse de voir se développer les polices municipales. L’année suivante, le Premier ministre enfonce le clou : « Sheriffiser la police, ce n’est pas la tradition républicaine de l’État en France ».
Chirac savonne la planche – Dans son allocution télévisée du 14 juillet 2001, Jacques Chirac insiste sur les problèmes de sécurité. On sent bien que c’est sur ce terrain qu’il va croiser le fer en vue de sa réélection. Plus tard, assumant sa défaite, Lionel Jospin dira : « Sur la question de l’insécurité, j’ai péché par naïveté… ».
Les policiers manifestent – Le 16 octobre 2001, deux policiers sont tués par un multirécidiviste, dans le Val-de-Marne. Quelques jours plus tard, plusieurs milliers d’entre eux manifestent dans toute la France. Le Premier ministre évoque la dramatique erreur d’appréciation des juges… Les policiers mettent en cause la loi sur la présomption d’innocence. Le député Julien Dray est chargé d’évaluer le texte.
« L’impunité zéro » – Tandis que Lionel Jospin déplore une « récupération politique » de l’insécurité, Jacques Chirac prône l’impunité zéro. En vieux routier de la politique, il a enfourché le bon cheval : un sondage montre que l’insécurité est la préoccupation majeure des Français. Il est réélu le 5 mai 2002. Nicolas Sarkozy devient ministre de l’Intérieur. À l’ordre du jour, renforcement des moyens pour la justice et les forces de l’ordre, renforcement de la sécurité dans les transports d’Île-de-France et création du Conseil de sécurité qui a pour tâche d’assurer l’impulsion de la sécurité intérieure, de la coordonner et de l’évaluer.
Les Groupes d’intervention régionaux – Dans les jours qui suivent, une circulaire interministérielle donne naissance aux GIR. Il s’agit en fait d’entités, pourvues d’une cellule de permanents, rattachées à la PJ ou à la gendarmerie. Les GIR regroupent l’action de policiers, de gendarmes, de douaniers, d’agents des impôts et même d’agents de l’URSSAF. Leur objectif premier vise à lutter contre l’économie souterraine générée par le trafic de drogue au niveau d’une cité ou d’un quartier. Ces bandes de petits trafiquants étant souvent les premiers à mettre le feu aux poudres.
Le Flash-Ball – Alors que Daniel Vaillant, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, avait répondu au mécontentement des policiers en les dotant de gilets pare-balles, Nicolas Sarkozy arme les policiers de « proximité » de Flash-Ball. Un peu comme Don Quichotte, il est parti en guerre contre la délinquance. Pour « la France des oubliés », comme il dit.
La sécurité, première des libertés – En juin, le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, promet les moyens nécessaires pour lutter contre l’insécurité et, place Beauvau, on parle de la culture du résultat et de la nécessité d’alléger la loi sur la présomption d’innocence. Le programme sécuritaire du nouveau gouvernement est contenu dans la LOPSI du 29 août 2002. (En 2011, il y aura un deuxième P, pour « performance ». On sent tout de suite la différence.) Celle de 2002 porte un beau titre : « La sécurité, première des libertés » : création de 13 500 emplois dans la police et la gendarmerie, renforcement des pouvoirs des forces de l’ordre, création de nouveaux délits, comme le racolage passif, l’occupation de terrain par des gens du voyage, les attroupements dans les halls d’immeuble, la mendicité, etc.
La notation des préfets – Nicolas Sarkozy annonce qu’il publiera chaque mois la liste des 5 meilleurs et 5 plus mauvais départements sur le plan de la sécurité. Et, pour donner du baume au cœur aux préfets, il promet que 3500 CRS et gendarmes seront affectés à la sécurité publique.
On barricade les écoles – Xavier Darcos, ministre délégué à l’enseignement, souhaite équiper les établissements scolaires placés dans des zones sensibles de clôtures, portails, vidéo, etc. Il veut également permettre l’intervention des forces de l’ordre.
Vers la fin de la police de proximité – En février 2003, à Toulouse, Nicolas Sarkozy estime que la police de proximité est inutile si elle privilégie la prévention. Toutefois, quelques jours plus tard, rétropédalage. Pas question de la supprimer. Il est vrai qu’il faut d’abord trouver une solution de remplacement.
Le plan Vigipirate – En mai 2003, la tension monte d’un cran. Jean-Pierre Raffarin décide de porter le plan Vigipirate au niveau d’alerte orange. Sauf erreur, il est aujourd’hui au niveau rouge. Il a même été écarlate en région Midi-Pyrénées, en Aude et en Lot-et-Garonne, le temps de l’affaire Merah.
Les chantiers prioritaires – Ils sont au nombre de six. C’est le plan de bataille du nouveau ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin. Mais Jacques Chirac le pousse aux fesses. En novembre, il appelle le gouvernement à aller plus loin. Il souhaite par exemple la création d’établissements pour « accueillir » les auteurs de crimes les plus graves, après leur sortie de prison. Et il veut également renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière. Dominique de Villepin fixe la barre à 20 000 expulsions pour 2005. Mais cette année-là, il rejoint l’Hôtel Matignon et Nicolas Sarkozy retrouve ses pantoufles place Beauvau.
Les émeutes de 2005 – Alors qu’au mois de mars, d’après un sondage, la sécurité ne venait plus qu’au 9° rang de la préoccupation des Français, patatras ! en novembre les banlieues explosent. Signe évident d’un affolement des autorités, le président Chirac décrète l’état d’urgence. Une mesure jusqu’alors appliquée uniquement lors de la guerre d’Algérie. Ces désordres favoriseront sans doute Nicolas Sarkozy dans sa course à la présidence.
Les UTEQ – En 2008, Michèle Alliot-Marie annonce l’expérimentation de nouvelles unités destinées aux quartiers sensibles, les UTEQ. Avec pour objectif la lutte contre le trafic de stups et le rétablissement d’un lien de confiance entre la police et la population.
Les compagnies de sécurisation – Une vieille idée parisienne qui revient à la surface : en septembre 2008 la première sécu est installée à Bobigny. Elle a pour mission de lutter contre la petite et la moyenne délinquance et contre les violences urbaines.
Une pause pour réfléchir… En octobre, la ministre annonce la création d’un Conseil économique et scientifique de sécurité, chargé de réfléchir aux « enjeux globaux » de la sécurité et de définir « quel niveau de sécurité mettre en place et dans quelles conditions économiques et techniques ».
La Place Vendôme en effervescence – Rachida Dati est sur tous les fronts. Les lois répressives pleuvent. Concernant les jeunes délinquants, elle annonce son intention de diminuer l’âge de la responsabilité pénale avec la possibilité d’une condamnation à la prison dès l’âge de 12 ans. François Fillon s’y oppose.
Protéger les Français – C’est le discours répété du président de la République. À Orléans, il annonce qu’en 2009, toute l’action du gouvernement « sera tendue vers cet objectif ». Il débloque cent millions d’euros pour la police et la gendarmerie.
Les référents – MAM veut consolider les liens entre la police et la population pour mieux lutter contre les vols à main armée dont le nombre ne cesse de croître. Outre la vidéosurveillance, elle préconise des contrôles fixes et itinérants dans les quartiers les plus touchés et une « coopération de terrain » via la mise en place de policiers et de gendarmes référents.
Les violences en bandes – C’est le nouveau cheval de bataille du président Sarkozy. En mars 2009, il annonce 16 mesures nouvelles pour combattre ce phénomène. Et quelques mois plus tard, en réaction à des faits divers, il tance ses ministres en leur rappelant les objectifs essentiels de la politique de sécurité : « La lutte contre les bandes et les violences urbaines, la lutte contre les violences à l’école, la répression des trafics criminels, en particulier le trafic de drogue ». Dans le même temps, Martine Aubry sort un « livre noir » qui dresse un bilan des « atteintes aux libertés publiques ».
Les brigades spéciales de terrain – C’est Brice Hortefeux qui lance le projet, en 2010. Il s’agit de créer des unités dont la mission est de mettre fin à la délinquance tout en rétablissant un lien avec la population. La première BST est installée en Seine-Saint-Denis.
Les patrouilleurs – En 2011, Claude Guéant préfère les patrouilleurs. Pour faire simple, il s’agit de policiers dont la mission est de déambuler dans une rue, dans un quartier. Il s’agit par leur présence de rassurer les gens et de nouer le contact (avec la population). En 1976, on appelait ça l’ilotage.
La LOPPSI de 2011 – La loi d’orientation et de programmation pour la performance sur la sécurité prévoit de nouvelles mesures pour permettre aux forces de l’ordre de « s’adapter avec le maximum de réactivité possible aux évolutions de la délinquance ». Malgré la promesse d’une enveloppe financière cinq fois plus élevée qu’en 2009, l’ouverture sur la sécurité privée et sur les polices municipales est presque un aveu d’échec.
Le sentiment d’insécurité – Après des années de pression, les Français sont redescendus sur terre. Dans un sondage du mois de mars, 8% seulement déclaraient que la question pèserait dans leur vote à l’élection présidentielle. Contre 14% pour les impôts et les taxes. Et 36% pour le pouvoir d’achat et le chômage.
Et maintenant ? Les têtes ont changé mais les problèmes demeurent. Après les événements d’Amiens, François Hollande a promis de mettre en œuvre tous les moyens de l’État pour lutter contre les violences. Quant à Manuel Valls, il planche sur la mise en place de nouvelles « zones de sécurité prioritaire ». Mais il a dit aussi, lors d’une interview, qu’il fallait avant tout s’attaquer aux causes. Or les violences urbaines sont souvent liées au trafic de drogue. Et, partout de par le monde, la lutte contre ce fléau a échoué. « C’est un peu comme si on était sur un vélo d’appartement ; on pédale, on pédale, mais le problème demeure », a dit Juan Manuel Santos, le chef d’État colombien. Il y a peut-être là un véritable sujet de réflexion…
Il est également intéressant de savoir que François Lamy, le ministre délégué à la Ville, a porte ouverte place Beauvau, car la police ne peut pas tout. Elle agit un peu comme un antalgique, elle calme le mal mais elle ne le supprime pas.