LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Gendarmerie (Page 2 of 14)

Qui veut la peau d’Interpol ?

L’élection récente du général émirati Ahmed Naser Al-Raisi à la présidence d’Interpol a causé un sacré remous dans les rangs de l’Organisation internationale de Police criminelle (OIPC), ou plutôt un tourbillon qui risque de lui faire boire la tasse. À première vue, on pourrait se dire que l’homme est à sa place, puisqu’il s’agit d’un ancien policier. Mais son ascension jusqu’aux grades les plus élevés ne s’est pas faite sans violence. Il est d’ailleurs présenté par de nombreuses ONG comme l’un des personnages influents les plus autoritaires du Golfe, pour qui les « droits de l’homme » se résument au droit de la fermer. En France, il fait l’objet de plusieurs plaintes, dont l’une, déposée par Me William Bourdon, le tient pour responsable des tortures infligées à Ahmed Mansoor, détenu à l’isolement depuis quatre ans. Celui-ci, poète, blogueur et défenseur des droits de l’homme, aujourd’hui âgé de 52 ans, a été arrêté en 2017 et condamné en 2018 à dix ans de prison pour avoir publié sur les réseaux sociaux des « informations fausses et trompeuses ».

Sur Twitter, Grégory Doucet, le maire de Lyon, où se trouve le siège d’Interpol, s’est offusqué : « Comment un homme suspecté de tortures peut-il prendre la tête de l’organisation mondiale des polices ? » Cette réaction épidermique inquiète, car l’OIPC a un projet d’agrandissement sur la ville pour un budget de plus de 60 millions d’euros, dont une partie doit être financée par nos impôts – avec un bémol (une menace ?) : sur un coin de table, l’option de transférer son siège dans un autre pays. Les Émirats arabes unis ont évidemment ouvert grand leur coffre-fort : le symbole de cette prestigieuse organisation quittant « la patrie » des droits de l’homme pour un  État monarchique qui cherche à se blanchir d’une image ancrée dans le totalitarisme n’a pas de prix.

En soutenant et en facilitant l’élection de Naser Al-Raisi à la présidence d’Interpol, les autorités émiraties ont posé une première pierre. Si ce projet devait se concrétiser, quelle serait la position de l’Europe, alors que le parlement européen vient de prendre une résolution condamnant la situation des droits de l’homme dans ce pays ? Une résolution qui a été rejetée par les Émirats et par l’Observatoire arabe des droits de l’homme, une émanation du Parlement arabe.

On est en pleine guerre des droits de l’homme !

L’OIPC-Interpol, dont l’un des principes fondateurs est basé sur l’interdiction d’intervenir « dans les questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial », risque donc de s’engluer dans une mouscaille politique. D’autant que pour faire tourner cette énorme boutique, il faut beaucoup d’argent. En 2021, le budget de fonctionnement s’élève à 145 millions d’euros qui sont couverts pour 72 millions par les contributions statutaires des 195 pays adhérents, et le solde par les contributions volontaires de ces pays ainsi que les financements privés. On a reproché par exemple à Interpol d’accepter l’argent de fabricants de cigarettes ou de laboratoires pharmaceutiques, cependant, il n’y a pas de conflit d’intérêt : la lutte contre les trafics autour de ces activités est bien de sa compétence. L’Union européenne, le Canada et les États-Unis sont les principales sources de financement volontaire. La France est l’un des principaux donateurs en nature (personnel, locaux, équipements…). Le quart des effectifs d’Interpol est composé de policiers et de gendarmes détachés. Continue reading

Affaire Jubillar : un meurtre sans cadavre ?

L’infirmière de 33 ans Delphine Jubillar a disparu de sa maison de Cagnac-les-Mines, commune rurale du Tarn, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. Son mari, Cédric Jubillar, a été mis en examen six mois plus tard pour meurtre aggravé ; et écroué, notamment « pour protéger les indices et les preuves éventuelles de son crime ».  Ses avocats, qui fustigent les lenteurs de l’instruction, viennent de demander sa remise en liberté.

Ceci n’est pas un oiseau

Rendre la justice, c’est oublier ses a priori, ses émotions, ses certitudes ou celles des enquêteurs, les complaintes des médias et des réseaux sociaux… pour ne s’en tenir qu’aux faits, qu’ils soient à charge ou à décharge, dans la ligne du code de procédure pénale.

Je disserte sur ce blog, mais je ne rends pas la justice.

Si les magistrats ont la conviction de la culpabilité de Cédric Jubillar, au point de le placer derrière les barreaux, personne à ce jour ne peut objectivement écrire le scénario du crime. Sauf à imaginer un machiavélisme de polar, comment concevoir que ce jeune homme a pu tuer son épouse et fait disparaître son corps et toutes traces de son acte en l’espace de quelques heures ?

Et pourtant, son comportement et les circonstances de cette disparition ont immédiatement intrigué les gendarmes. Les recherches pour retrouver la jeune femme étant demeurées vaines, à défaut de charge, ils lui ont laissé la bride sur le cou, le surveillant étroitement, guettant la faute, la confidence… Mais il semble bien qu’ils aient fait chou-blanc. C’est donc au vu d’éléments ténus qu’il a été écroué. Avec un gros point d’interrogation : où est passé le corps de la victime ?

Les faits – Le 16 décembre 2020, à 4 h 09, les gendarmes reçoivent un appel de Cédric Jubillar : réveillé par sa fille de 18 mois, il vient de constater la disparition de sa femme, qui habituellement dort sur le canapé du salon. Les gendarmes arrivent très vite. À 4 h 50, ils estiment qu’ils sont face à une « disparition inquiétante ». Ils effectuent les premières recherches dans les alentours et donnent l’alerte : rapidement des moyens considérables sont mis en place, comme seuls savent le faire les militaires de la gendarmerie.

Les premières constatations – Delphine Jubillar aurait quitté le domicile en pleine nuit sans prendre ses lunettes, ni son sac à main, ni aucun effet personnel. Seul son téléphone portable n’est plus là. Il a borné pour la dernière fois à 22 h 55, en accrochant un relais à proximité de son domicile. Il n’a pas été retrouvé. Probablement déchargé, il est passé en mode « messagerie » à 7 h 48. Cédric Jubillar a tenté de joindre son épouse jusqu’à 10 h : de très nombreux appels sont enregistrés sur la boîte vocale de celle-ci. Avant de prévenir les gendarmes, vers 4 h, il avait appelé l’une de ses amies, espérant qu’elle avait pu l‘héberger. C’est du moins ce qu’il affirme. Continue reading

La fin de la PJ de papa

C’est quasi certain, la police judiciaire telle qu’on la connaît va disparaître. En province, ses services devraient se noyer dans des directions départementales de la police nationale (DDPN) qui regrouperont la sécurité publique (SP), la police aux frontières (PAF) et la police judiciaire (PJ). Tandis que les quatre départements autour de Paris et sa petite couronne pourraient se voir rattachés au préfet de police – ce qui meublerait la célèbre casquette de Didier Lallement.

Exit la mythique 1re brigade mobile devenue au fil du temps la direction régionale de police judiciaire de Versailles.

Le Tigre Clemenceau est en deuil !

Il n’est d’ailleurs pas inintéressant de noter, à plus d’un siècle de distance, le fossé qui sépare l’approche politique pour lutter contre l’insécurité. C’est un marqueur de l’évolution de notre société. Reste à savoir s’il s’agit d’une évolution positive…

La PJ de papa – En 1907, notamment pour lutter contre une criminalité de plus en plus itinérante, Georges Clemenceau, ministre de l’Intérieur, mais également président du Conseil des ministres, décide d’offrir au pays une police mobile et autonome, dotée de moyens modernes et même de véhicules à moteur, comme la célèbre De Dion-Bouton. Ce qui leur vaudra le nom de « brigades mobiles ». Ces policiers, qui vont défricher un terrain vierge, sont tous partants pour renoncer au train-train du quotidien.

Déchargés des tâches administratives, les « mobilards » vont se lancer dans l’aventure un peu comme des commandos, mais dans les limites du droit, car chapeautés par les magistrats de l’ordre judiciaire. Georges Clemenceau est d’ailleurs intraitable sur ce point. Je ne peux m’empêcher de citer un extrait du courrier qu’il adresse aux préfets : « Les commissaires divisionnaires, les commissaires et les inspecteurs de police mobile ont pour mission exclusive (j’en ai pris l’engagement formel devant les Chambres lorsque je leur ai demandé les crédits nécessaires) de seconder l’autorité judiciaire dans la répression des crimes et des délits de droit commun. Ils ne doivent donc jamais, qu’ils soient au siège de leur brigade ou en route dans l’étendue de leur circonscription, être détrônés par M.M. les Préfets et Sous-Préfets de leurs attributions nettement définies, qui consistent d’une part, dans une collaboration immédiate avec les parquets pour l’exercice de la police répressive, et, d’autre part, dans la recherche et la constatation spontanées des flagrants délits (…). Continue reading

Réforme de la police : on peut toujours rêver…

La France, « patrie des droits de l’homme » a flétri son image internationale par la répression violente des manifestations des gilets jaunes, mais c’est seulement après avoir soulevé une fronde dans les rangs des syndicats policiers par ses déclarations sur les contrôles au faciès qu’Emmanuel Macron a estimé qu’il y avait « urgence à agir ». Dans un courrier adressé à un dirigeant syndicaliste, il a annoncé un « Beauvau de la sécurité » pour une réforme de la police.

Ce Beauvau de la sécurité devrait, selon le communiqué du ministre de l’Intérieur, s’étendre sur plusieurs mois au rythme de débats citoyens hebdomadaires et d’une réunion de travail tous les quinze jours regroupant, outre les représentants syndicaux, des élus et des experts français et internationaux. Ces travaux, dit Gérard Darmanin, « permettront de dessiner des réponses à court terme, mais également de poser les bases de la future loi de programmation de la sécurité intérieure pour 2022 ».

En décortiquant les thèmes retenus, on peut penser que pour le court-terme il s’agit de tenter de calmer les syndicats en revisitant la formation, l’encadrement, les effectifs, les conditions matérielles d’exercice et l’utilisation de la vidéo. Les échanges sur ce dernier point risquent d’être houleux, puisque cela pourrait aussi bien concerner la généralisation des caméras portables pour les forces de l’ordre que l’interdiction (de fait) de les filmer, comme il ressort de la sulfureuse loi sur la sécurité globale.

On s’acheminerait donc vers une réformette, d’autant qu’il n’est plus question de toucher à la monolithique préfecture de police. Pourtant, la création à Paris d’une police municipale ne serait-elle pas l’occasion idéale pour une refonte de ses services afin de mieux assurer la sécurité de l’agglomération parisienne, tout en diminuant les coûts ?

Mais heureusement deux autres points, s’ils étaient menés à terme, pourraient modifier la donne, et même marquer ce quinquennat. D’autant qu’en filigrane, ils sont raccords avec les propos du président de la République Continue reading

Le masque et la plume

2020 s’achève. Rien à regretter. Et, même s’il y a quelques mois, on a pu voir des libraires afficher « la vente de livres est interdite », le bouquin reste notre plus fidèle compagnon, toujours prêt à nous aider à « faire le mur ». Des murs de plus en plus hauts, de plus en plus gris. C’est aussi le cadeau de dernière minute. Le plaisir de partager avec un proche le livre que l’on a aimé va bien au-delà de l’objet-papier, c’est un peu une communion de pensées : à défaut de se prendre la main, on se touche les idées.

Aussi, dans l’esprit de ce blog, je me permets quelques suggestions piochées dans mes lectures de l’année écoulée.

Si vous cherchez un livre sur la police, la gendarmerie, les affaires criminelles, le banditisme, etc., les éditions Mareuil sont incontournables, avec un nombre impressionnant de publications sur le sujet : GIGN, RAID, BRI, Brigade criminelle, PJ de Marseille…

Histoire du RAID est un beau livre cartonné, illustré de nombreuses photos inédites, dont le récit est centré sur l’intervention de police à haut risque. Pierre Joxe, qui l’a préfacé, revendique la paternité du RAID. S’il est vrai qu’il a eu le mérite de le mettre en œuvre, contre l’avis de certains hauts cadres de la police, l’idée en revient à Robert Broussard et à Ange Mancini. C’est en Corse, alors qu’ils sont en charge de lutter contre le terrorisme, que tous deux méditent sur la conception d’un service de police équivalent au GIGN, ou plutôt concurrent. Il faut dire que sur l’Île, l’action underground du capitaine de gendarmerie Paul Barril, alors en charge de l’aspect opérationnel de la cellule élyséenne, leur donne des boutons. Le préfet Broussard devra cependant attendre une opportunité politique pour faire passer son projet. Attendre, un truc qu’il a appris à l’antigang. En 1984, Pierre Joxe est nommé à l’Intérieur par le nouveau premier ministre Laurent Fabius. La réforme est dans l’air, sauf qu’avec lui, ce n’est pas du vent. Il donne son feu vert : le 23 octobre 1985, l’unité de recherche, assistance, intervention et dissuasion (RAID) est officiellement créée. Ange Mancini en devient le premier patron. Dans un récit aéré, les auteurs nous entraînent au cœur de ce service d’exception.

Histoire du RAID illustrée de Charles Diaz et Ange Mancini

 

Jean-Marc Simon, historien et romancier, est l’auteur de plusieurs livres sur l’ennemi public des années 1970, dont un ouvrage de référence paru en 2015. Dans Mesrine, les sept cercles de la mort, il décortique la vie de Jacques Mesrine tout en se livrant à une analyse sociétale et, in fine, il s’interroge : Mesrine était-il à un tournant de son action criminelle ? Allait-il basculer dans le terrorisme ? Continue reading

Floutage de gueule

Après les attentats du mois dernier, droite extrême et extrême droite sont parties au quart de tour dans une surenchère sécuritaire. Un classique, puisqu’il en est de même après chaque attentat. Mais c’est Éric Ciotti qui a décroché le pompon en réclamant la création d’un « Guantanamo à la française ». Pas mieux, a dû se dire Marine Le Pen.

Du côté de la majorité, pas question d’abandonner du terrain à 18 mois des présidentielles : durcissement du projet de loi sur le séparatisme (qui cherche son point d’équilibre : la liberté d’expression peut-elle être à sens unique ?) et cascade d’amendements à la proposition de loi relative à la sécurité globale.

Ce texte sur la sécurité globale a été porté par les députés Alice Thourot et l’ancien patron du RAID Jean-Michel Fauvergue. Avec l’appui de l’ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, aujourd’hui président du groupe LREM a l’Assemblée nationale. Il fait l’objet d’une procédure accélérée.

Initialement, cette proposition de loi visait à créer un « continuum de sécurité » en rapprochant policiers, gendarmes, polices municipales et sécurité privée. Soit 400 à 500 000 personnes qui œuvreraient toutes pour notre sécurité. Toutefois, Gérard Darmanin a recentré cette proposition de loi sur la protection des forces de sécurité. Une façon de les dorloter, alors que de sombres nuages s’accumulent au-dessus de la France. Notamment en mettant en application sa promesse « de ne plus pouvoir diffuser l’image des policiers et des gendarmes sur les réseaux sociaux » (une proposition de loi en ce sens avait d’ailleurs été déposée en mai 2020 par le député Éric Ciotti).

Du coup, un texte qui aurait pu faire consensus est pointé du doigt comme une atteinte aux droits à l’information et un nouveau croche-pied à nos valeurs républicaines.

Toutefois, si l’on passe outre à la démagogie sécuritaire, peut-on trouver des justifications sérieuses à une telle décision ?

L’image, notre image, fait partie intégrante de la vie privée. Or, depuis une loi promulguée le 18 mars 1803, reprise texto dans l’article 9 du code civil, « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Oui, je sais, ça sonne bizarre aujourd’hui… Il en résulte qu’une personne dont l’image est rendue publique sans son consentement, par la reproduction de son visage ou de toute autre manière, peut agir en justice. Mais souvent, ce droit se heurte à la liberté d’expression qui est considérée comme l’un des fondements d’une société démocratique. C’est d’ailleurs au nom de la liberté d’expression que le président Macron défend les caricatures de Charlie Hebdo : pour qu’en France « les Lumières ne s’éteignent jamais » (hommage à Samuel Paty, 21 octobre 2020). Il appartiendra donc au juge, lorsqu’il est saisi, de trouver l’équilibre entre ces deux droits fondamentaux. Mais souvent, Continue reading

Interpellations : la police s’électrise

L’autre jour, j’ai vu Véronique Genest (Julie Lescaut) interviewée à la télé sur le racisme et les violences policières. Moi, je ne suis pas comédien, aussi personne ne m’a demandé mon avis, mais je vais quand même le donner. Juste histoire de souffler sur les braises.

Manifestation interdite du 2 juin 2020 devant le Palais de justice de Paris (capture d’écran)

D’abord on est heureux d’apprendre que ce sont des choses que l’on n’enseigne pas dans les écoles de police, du moins en ce qui concerne le racisme, car pour ce qui est des violences, ben si, ça fait partie de l’entraînement de base – il s’agit de violences légitimes, et maîtrisées.

Mais à partir de quel moment les violences policières deviennent-elles illégitimes ? La réponse n’est pas simple et la plupart du temps lors d’une intervention mouvementée, fi de la théorie, chacun fait ce qu’il peut. Mais il y a pourtant une ligne à ne pas franchir : une personne menottée est intouchable. Mieux, pour la Cour européenne des droits de l’homme, c’est une personne vulnérable placée sous la responsabilité de l’État, représenté en l’occurrence par les agents qui en ont la garde. Toute violence supplémentaire est donc illégitime et devrait faire l’objet de sanctions administratives et éventuellement de poursuites judiciaires, même si l’individu concerné est la pire des crapules. Et même si cette crapule a injurié, craché ou frappé les policiers ou les gendarmes avant son arrestation.

Personne n’a dit que c’était simple.

C’est d’ailleurs ce qui justifie le plaquage ventral, technique destinée uniquement à neutraliser un suspect le temps de lui passer les menottes dans le dos, avant de le relever ou du moins de l’installer dans une position moins inconfortable.

C’est bien ce qui cloche dans l’affaire Traoré.

Le 19 juillet 2016, opérant dans le cadre d’une enquête judiciaire, les gendarmes interpellent sans coup férir Bagui Traoré. Mais son frère Adama, qui l’accompagnait, prend la fuite. Par son comportement, il devient donc un suspect et les gendarmes lui courent après : une action légitimée par un « délit d’apparence », c’est-à-dire une situation qui laisse penser qu’un délit a été commis. Continue reading

Le glissement vers une autre France

L’article 3 de la loi anti-manif, accordant à l’autorité administrative le droit d’interdire à une personne de manifester, a été censuré.  Tout en s’appuyant sur l’article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme », le Conseil constitutionnel s’est livré à un exercice d’équilibrisme qui ne ferme pas la porte à un nouvel essai. À l’évidence, nos valeurs changent.

Comme pourrait dire le député Éric Ciotti, qu’est-ce que c’est que ce pays qui fonde sa constitution sur des textes révolutionnaires !

« Je suis consterné », a déclaré sur BFM le secrétaire national du syndicat de police Alliance Île-de-France, non pas, comme on pourrait le croire, par la tentative de violation de la Constitution par le gouvernement et une majorité de parlementaires,  mais par le refus des Sages de la rue de Montpensier de franchir un pas décisif, au risque de s’asseoir sur notre passé et de flétrir l’image de la France aux yeux de nos concitoyens européens. « La liberté du plus grand nombre n’est pas respectée », a asséné d’un ton péremptoire le responsable de ce syndicat de police très représentatif.

Heureusement pour le corps, d’autres syndicats, comme UNSA Police, ont pris des positions différentes, rappelant qu’il existait suffisamment de lois pour punir les actes délictuels lors des manifestations et que « l’interdiction de manifester ne peut pas être une mesure administrative ».

Liberté des uns contre liberté des autres, il y a matière à faire fonctionner nos petites cellules grises, chères à Hercule Poirot, et à philosopher sur la réflexion de Nelson Mandela, Prix Nobel de la paix après 27 ans d’emprisonnement : « Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu’un d’autre de sa liberté. » Continue reading

À la recherche d’un maintien de l‘ordre républicain

Dans son discours de fin d’année, le président Macron s’est montré menaçant, stigmatisant les Gilets jaunes et affirmant que l’ordre républicain serait assuré « sans complaisance ». Une réflexion qui a fait réagir pas mal de policiers, dont ceux du syndicat contestataire (et contesté) « France Police – Policiers en colère » qui rappelle que depuis le 17 novembre, « plusieurs manifestants pacifiques ont été probablement mutilés par nos LBD [lanceurs de balles de défense] et nos grenades de désencerclement ». Et les syndicalistes de s’interroger pour savoir ce que les policiers doivent faire de plus pour être moins complaisants avec les Gilets jaunes !

Charpentier, 1957

Il faut reconnaître que dans notre pays, un tel usage de la force et des armes pour disperser des manifestants nous ramène loin en arrière.

Si au temps d’une vie notre mètre étalon est Mai-68, le préfet de police, le ministre de l’Intérieur et autres, devraient relire (ou lire) la lettre individuelle que le préfet de police Maurice Grimaud, adressa à chacun des policiers parisiens, quel que soit son grade, près d’un mois après le début des manifestations : « … Je veux parler d’un sujet que nous n’avons pas le droit de passer sous silence : c’est celui des excès dans l’emploi de la force. » Dans ce courrier, tout en se montrant solidaire de « ses » hommes, il a le courage de leur dire que la réputation de la police – notre réputation, écrit-il – est en jeu : « Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. » Mais Grimaud ne s’est pas contenté d’écrire, bien calé dans son fauteuil de cuir, en regardant depuis sa fenêtre Paris s’enfiévrer. Non, chaque jour, il était sur le terrain, sillonnant les rues de la capitale, seul, sans garde du corps, au volant de sa 4 L banalisée, parlant avec les uns, avec les autres. Et ses commissaires l’ont imité : ils sont allés dialoguer. « Une manifestation dans laquelle on a pu établir des contacts se passe infiniment mieux que celle où l’on va comme sur un champ de bataille », dira-t-il, quarante ans plus tard.
La stratégie utilisée lors des manifestations de Mai-68 dans la capitale a assis la réputation de la police française dans le monde entier.

Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

Un autre préfet avant lui, Louis Lépine, avait tenté de faire entrer dans les mœurs un maintien de l’ordre apaisé en tentant de répondre à cette gageure : tenir la rue contre les « trublions » tout en respectant le droit de chacun à manifester sans risque pour sa vie. Continue reading

Inass, la fillette de l’A10 : les ombres juridiques de l’enquête

C’était en août 1987. La période estivale, celle où il est fréquent, hélas, de découvrir des animaux abandonnés par leur maître sur le chemin des vacances. Mais cette fois, ce n’est pas un chien que découvrent les employés chargés de débroussailler en bordure de l’A10, entre Orléans et Blois, mais un petit corps humain, celui d’une fillette d’environ quatre ans, enveloppée dans une couverture.

C’est le début d’une longue enquête.

Elle démarre par une minutieuse autopsie aux résultats effrayants : le corps de la petite fille porte des cicatrices de fractures non soignées, des traces de brûlures au fer à repasser et des cicatrices qui sont le fruit de morsures, probablement par une femme ou un adolescent. Cette fillette a été martyrisée pendant de longs mois avant de renoncer et se laisser mourir.

Les blessures sont tellement inhabituelles que les enquêteurs se demandent si elle n’a pas été la victime d’un sacrifice sectaire !

Des recherches sont lancées, colossales, pour tenter de l’identifier, notamment dans les écoles, les milieux hospitaliers, les associations…, sans résultat. Et des décennies plus tard, on s’aperçoit que l’enquête s’est jouée au tout début, au bord de l’autoroute, lorsque le premier gendarme intervenant, un motard, semble-t-il, dans un réflexe professionnel inhabituel à cette époque, saisit la couverture de la victime et la sauvegarde avec soin « pour les besoins de l’enquête ». Sans savoir qu’il protégeait ainsi les indices du futur. Continue reading

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