LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Droit (Page 17 of 20)

La chasse aux belles voitures est ouverte

Ce ne sont pas les policiers mais des agents du fisc qui vont sillonner les banlieues pour traquer les « bandes organisées ». C’est dans l’air du temps. On a l’impression que les flics (surtout ceux de la financière) ont de moins en moins la cote au Château. belle-voiture_yellow-rtl.jpgAinsi, lorsque le président de la République annonce la chasse « aux belles voitures, aux montres », etc., on se dit qu’il confie une mission au ministre du Budget, et non à celui de l’Intérieur.

C’est la loi du 9 mars 2004, dite Perben II, qui fournit aux enquêteurs la possibilité de toucher au portefeuille les personnes soupçonnées de tirer des revenus de la délinquance organisée. Avec notamment deux armes :

– Engager des poursuites contre celui qui ne peut justifier de ressources correspondant à son train de vie et qui est en relation habituelle avec les auteurs de certaines infractions (association de malfaiteurs, trafic de stupéfiants, proxénétisme, recel…)

– Autoriser la confiscation générale des biens des personnes condamnées pour ces crimes ou délits et, en attente de jugement, prendre des mesures conservatoires pour les biens des personnes simplement mises en examen.

Ce texte pose un véritable problème de fond : le retournement de la preuve. Il appartient en effet aux suspects ou aux prévenus de justifier l’origine de leurs ressources. Mais ce n’est sans doute pas la raison pour laquelle, il est, à ma connaissance, peu utilisé. Je crois que chez les policiers, le pli n’a pas pris, tout simplement.

Aussi, en juin 2009, le législateur est revenu sur le sujet, avec un nouveau texte de loi sur la saisie et la confiscation en matière pénale, qui modifie le Code de procédure pénale.

Il donne au juge des libertés et de la détention ou au juge d’instruction, sur requête du procureur de la République, la possibilité de saisir tout ou partie des biens, lorsque l’origine de ces biens ne peut être établie et si l’enquête porte sur une infraction punie d’au moins cinq ans d’emprisonnement (art.706-147).

Tous les biens sont concernés : voiture, bijoux, immeuble…, et même des biens incorporels, comme les droits d’auteur. S’il s’agit d’argent sur un compte bancaire, les sommes inscrites au crédit de ce compte sont entièrement saisies, sauf si la décision de justice en limite le montant.

Et pour gérer ce patrimoine, un établissement public à caractère administratif a vu le jour : l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (art. 706-158 et suivants). Placée sous l’autorité conjointe du ministre de la Justice et du ministre du Budget, et dirigée par un magistrat de l’ordre judiciaire nommé par décret, elle est en charge d’administrer tous les biens saisis ou confisqués. Avec un aspect positif à l’égard des victimes d’un crime ou d’un délit, puisque cette agence pourra éventuellement les indemniser à l’issue du jugement.

Comme on le voit, les effectifs, les moyens le-policier-et-son-double.gifet les attributions qui sont accordés aux fonctionnaires de ministère du Budget augmentent au fil des ans (TRACFIN, fichiers, pouvoirs de police, etc.). Ce qui, peu à peu, modifie la vision que l’on a des enquêtes traditionnelles. Et je suis prêt à parier que les séries télé de demain, les prochains polars, ne s’appelleront pas Quai des Orfèvres, mais… Quai de Bercy.

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Treiber : le prix de l’amitié a été lu 19.594 en 3 jours et a suscité 52 commentaires. Il est intéressant de noter certaines opinions tranchées sur l’ambiguïté de la loi : assistance à l’auteur d’un crime, etc. Personnellement, en piochant un peu, j’ai trouvé chez les juristes des avis divergents. Il est vrai que d’autres commentateurs, du fait de l’horreur de ce double meurtre, n’apprécient pas que l’on parle de « présomption d’innocence ». Cela dit, sans nier la responsabilité pénale des amis de Treiber, on peut s’interroger : était-il nécessaire de les placer en détention provisoire ?

Coup de gueule du bâtonnier de Paris

Christian Charrière-Bournazel n’y va pas par quatre chemins : « Elle a été menottée, elle a été mise nue, on lui a mis un doigt dans l’anus… ». Il parle de Me Caroline Wassermann, l’ancienne avocate de Jérôme Kerviel. Soupçonnée d’avoir violé le secret carton-rouge_assaintebarbe.JPGprofessionnel, elle a été placée en garde à vue dans les locaux du commissariat de Meaux.

On peut penser qu’il exagère, le bâtonnier.

D’abord sur le menottage… Prévu par l’art. 803 du Code de procédure pénale, il est réservé aux individus considérés comme dangereux pour autrui ou pour eux-mêmes, ou susceptibles de prendre la fuite. Est-il envisageable que le comportement de cette avocate entre dans cette catégorie ? D’autant, si j’ai bien compris, qu’elle avait répondu spontanément à une convocation…

Ensuite la mise à nu… Elle est possible lors d’une fouille à corps, et dans ce cas elle est assimilée à une perquisition. Dans l’hypothèse d’une procédure en enquête préliminaire, cette fouille nécessite l’autorisation de la personne. Et en tout état cause, une « recherche intime », ce que d’aucuns appellent la French touch, ne peut être effectuée que par un médecin – sauf cas exceptionnel de légitime défense (la personne cache une arme dans son moi intime).  

Quant à la fouille administrative de sécurité, elle est inhérente à une mesure privative de liberté. Elle peut être effectuée sans l’accord de l’intéressé par deux personnes de même sexe sous le contrôle d’un OPJ. Mais la règle générale consiste en une palpation (sérieuse) de sécurité. Pour déshabiller entièrement un gardé à vue, il faut que cette décision soit expressément motivée par son état de dangerosité. Appliquée systématiquement, cette pratique est donc condamnable.

Il y a pourtant un petit problème pratique : à ma connaissance, aucune circulaire ne dégage la responsabilité du policier en cas de pépin. Ainsi, par exemple, si une personne en garde à vue tente de mettre fin à ses jours à l’aide d’un instrument dissimulé sur elle, on risque fort de demander des comptes à l’OPJ. C’est comme si on disait aux policiers : Ne faites pas ça, mais s’il y a un incident, il faudra nous expliquer pourquoi vous ne l’avez pas fait…

Aujourd’hui, le système français de la garde à vue est sérieusement mis à mal. Me Stéphane Tabouret, du cabinet Nemesis, à Nantes, à qui j’avais demandé son avis sur le cas de Tony Musulin*, rappelle que le bâtonnier de Paris a récemment levé un lièvre énorme : « Les gardes à vue françaises sont illégales parce que déclarées par la CEDH contraires aux dispositions combinées des articles 6.3 c et 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme ».

Cet arrêt impose (entre autres) la présence de l’avocat lors de l’audition des suspects. Il date du 13 octobre 2009. Et la Cour demande que le requérant se retrouve autant que possible dans la situation petard.gifqui aurait été la sienne si cette disposition n’avait pas été méconnue.

 « Ça doit fumer à la Chancellerie !  », ajoute Me Tabouret.

Et non sans humour, en revenant sur le cas de Tony Musulin, il nous fait un peu de police-fiction : « Et si notre ami convoyeur, que je ne peux m’empêcher de trouver sympathique (vol sans violence, côté artiste, etc.), avait eu connaissance de cet arrêt avant de perpétrer son vol ? » Dans ce cas, estime-t-il, l’illégalité de sa GAV ferait tomber toute condamnation ultérieure !

On n’en est pas là, cher Maître. Mais au fait, que reproche-t-on à votre consœur ? Elle aurait téléphoné au complice d’un trafiquant de drogue pour l’avertir qu’il avait les policiers aux basques. Y’a quelqu’un qui m’a soufflé : « Elle lui a téléphoné pour lui dire que son téléphone était sur écoute »… mais comme c’est un flic, je pense qu’il est de mauvaise foi.

Si les faits sont avérés, elle tombe sous le coup d’une loi de 2004, mitonnée, semble-t-il, pour les avocats et les journalistes : le fait d’avoir connaissance d’informations issues d’une enquête en cours concernant un crime ou un délit, et de les révéler à des gens pouvant être impliqués, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

Ces temps-ci, on tire à boulets rouges sur la garde à vue, et il n’est pas sûr que la procédure actuelle tienne jusqu’à la réforme annoncée pour 2010.

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* La question était de savoir si, une fois le délai de prescription écoulé, Tony Musulin aurait pu être poursuivi comme receleur de ce qu’il a volé (à condition qu’il n’ait pas été arrêté, évidemment)… Comme depuis, il s’est constitué prisonnier, la réponse n’a plus guère d’intérêt – mais c’était oui.

 

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Le billet précédent, Pourquoi Pasqua ne va pas en prison, a été lu 58.922 fois en 2 jours. Il a suscité 53 commentaires, dont quelques-uns assez méchants. Pour fermer certaines portes :
– L’immunité politique des parlementaires s’applique uniquement aux opinions et votes émis dans l’exercice de leurs fonctions. À ne pas confondre avec l’inviolabilité parlementaire qui (sauf crime flagrant) soumet la détention provisoire, la mise sous contrôle judiciaire et la GAV à l’accord du bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat – mais n’empêche en rien les poursuites judiciaires.
– Sauf erreur de ma part, l’appel d’une condamnation devant le TC ne suspend pas systématiquement l’exécution des peines privatives de liberté d’un an et plus.
– Le problème de la récidive est intéressant. Dans son commentaire (et son P.S), il me semble que zadvocate | le 16 novembre 2009 à 12:47, résume bien la situation.

Pourquoi Pasqua ne va pas en prison

Un an ferme, deux ans avec sursis – et l’ancien ministre est libre comme l’air. Il se fend même d’une conférence de presse tonitruante. Certains (mauvais esprits) peuvent s’étonner que dans le même temps, au tribunal de Bobigny prison_afcchurch.jpgpar exemple, les condamnés ressortent systématiquement entre deux gendarmes… Suivez-moi dans les dédales de la justice.

Lorsqu’un individu est reconnu coupable d’un délit, il est la plupart du temps condamné à une peine privative de liberté – de 2 mois à 10 ans. Mais cette peine ne mène pas forcément en prison. Elle peut être assortie d’un sursis. C’est même devenu la règle depuis la refonte du Code pénal. Tout est parti de l’idée qu’il serait de bon ton que le juge motive spécialement le prononcé des peines inférieures à quatre mois.  Mais les sénateurs, en planchant sur ce texte, ont trouvé paradoxal de motiver les peines de 2 mois de prison et pas celles de 10 ans… Alors, il a été décidé que toutes les peines de prison ferme devraient être spécialement motivées. On est donc aujourd’hui dans cette situation où le juge prononce une peine qui n’est pas exécutable, sauf à expliquer les raisons pour lesquelles le condamné doit aller en prison.

Donc, en matière de délit, la règle générale, c’est le sursis (sauf pour les condamnations à plus de 5 ans d’emprisonnement). Charles Pasqua a écopé de deux ans de prison avec sursis.

Oui mais aussi d’un an de prison ferme, ce qui aurait dû le mener derrière les barreaux…

Là, on découvre une autre subtilité de la loi. Le tribunal fixe le régime d’application des peines « en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ». Cela s’appelle le principe de la personnalisation des peines (art. 132-24 du Code pénal). Pour se décider, le juge met en balance, les intérêts de la victime, la défense de la société, la réinsertion du condamné et la prévention de la récidive. C’est ce dernier point, on s’en doute, qui généralement l’emporte sur les autres.

Les enquiquineurs pourraient estimer que le principe de la personnalisation des peines ne met pas tous les citoyens à égalité devant la loi… Le Conseil constitutionnel s’est penché sur la question avec une position que j’interprète (peut être à tort) en demi-teinte. Sans contester expressément ce principe, la Haute juridiction s’est efforcée d’en définir la portée et d’en marquer les limites (Droit pénal général, Desportes et Le Gunehec). Elle a souligné que l’article 8 de la Déclaration de 1789 n’impliquait pas que la peine soit appréciée en fonction de la personnalité du condamné et que le juge n’avait pas à disposer d’un pouvoir arbitraire ; mais dans le même temps, elle n’a pas contesté le principe de l’individualisation des peines. Alors… Quant à la verite-bigfoot_villiard.jpgConvention européenne des droits de l’homme, même si elle ne parle pas de la personnalisation des peines, elle estime que le juge doit être investi d’un pouvoir d’appréciation étendu.

On a quand même l’impression d’une justice sur mesure…

Pour autant, M. Pasqua n’est pas tiré d’affaire. Il a déjà été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour, après avoir autorisé en 1994 l’exploitation du casino d’Annemasse, profité au passage d’un large crédit pour sa campagne électorale. Or cette peine vient d’être confirmée par la Cour d’appel. Avec cette nouvelle condamnation dans l’affaire de l’Angolagate, son sursis pourrait bien tomber et il se retrouverait en prison.

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Le billet précédent, La refonte de la garde à vue suscite des questions, a été lu 788 fois en 2 jours et a suscité 9 réactions. Pour répondre au commentaire de Péhène (), j’ai cru comprendre que le projet d’instituer une retenue de six heures s’accompagnerait de la présence de l’avocat – s’il est pratiqué à l’audition du suspect. A moins que cette retenue ne vise pas uniquement les suspects…

La refonte de la garde à vue suscite des questions

Au fil d’évolutions qui s’imbriquent les unes dans les autres, la garde à vue est devenue une véritable usine à gaz : durée fluctuante, médecin facultatif ou obligatoire, avocat suivant les heures, fouille de questions_professionalstoryteller.jpgsécurité, avis à un proche, enregistrement audiovisuel, registre, procès-verbaux, photos, empreintes, Adn, organisation des repas, temps de repos, cellules, problèmes de place… Le tout en poursuivant l’enquête : auditions, confrontations, tapissages, perquisitions, arrestations de complices… Et les heures qui tournent… Confection des scellés, mise en état de la procédure, la signature qui manque, la pièce égarée, le magistrat qui piaffe… Et à la finale cette GAV qui aurait pu se limiter à quelques heures va durer 24 ou 48 heures.

Les membres du comité de réflexion sur la justice pénale ont donc pensé qu’il fallait simplifier les choses. Dans leur rapport remis au président de la République, ils préconisent une mise à plat de la GAV en retenant trois bases : droit commun, régime dérogatoire en matière de crime organisé et de trafic de stupéfiants, régime exceptionnel en matière de terrorisme.

Et une mesure phare qui vise à augmenter les droits des personnes placées en GAV, notamment en accordant une place plus importante à l’avocat. Parallèlement, il serait créé un système de rétention (uniquement pour les majeurs), d’une durée limitée à six heures.  Dans ce cas, pas de formalisme, pas d’avocat.

Peut-on envisager la présence de l’avocat durant toute la durée de la GAV ? Voici ce qu’en pense le commissaire principal Hervé Vlamynck* dans l’Actualité juridique Dalloz : « Faudrait-il communiquer à l’avocat du gardé à vue le dossier de la procédure ? […] Il y aurait des hypothèses où matériellement cela serait impossible : le temps policier n’est pas le temps judiciaire […] La garde à vue marque une accélération du temps de l’enquête qui se caractérise par un hiatus entre le moment où l’information est révélée et exploitée, et le moment où elle apparaît sur le procès-verbal. Par exemple, il faut tenir compte de la durée de la perquisition et du temps que l’enquêteur mettra pour rédiger son procès-verbal et constituer ses scellés. Lors d’une filature, on n’a pas une main sur le volant et l’autre sur le clavier de l’ordinateur portable. Pourtant, l’officier de police judiciaire va rendre compte des découvertes importantes (l’arme du crime, rencontres entre des suspects, etc.) et cette information sera immédiatement utilisée par d’autres groupes d’enquêteurs avant qu’elle ne soit couchée sur procès-verbal. Il faudrait quasiment que le conseil soit associé en temps réel à tous les actes de procédure et qu’il surmonte la difficulté du principe de simultanéité des actes que les enquêteurs appliquent souvent : interpellations en plusieurs points à la même heure, perquisitions et interrogatoires dans la foulée, et donc éclatement des pièces de la procédure sur les différents sites. »

Nous n’en sommes pas encore là. Pourtant, la réforme proposée va très loin, puisqu’il est envisagé la présence obligatoire du conseil dès le début de la garde à vue, puis une deuxième fois douze heures plus tard. Et dans le cas d’une prolongation, il assisterait son client dans tous les actes le concernant, ou au minimum lors des auditions (ce n’est pas très clair). Avec la possibilité d’accéder à certains éléments du dossier et de demander aux enquêteurs d’effectuer les actes de procédure qu’il estime nécessaires. En deux mots, il s’agit là d’une sérieuse remise en cause des méthodes de travail des policiers et gendarmes. Rappelons qu’aujourd’hui le conseil du gardé à vue se limite à une visite de politesse de trente minutes, renouvelable éventuellement, et qu’il n’a accès ni au dossier ni aux actes qui concernent son client.

Mais dans la pratique, l’audition d’un suspect se fait souvent à chaud, dans les premières heures, l’avocat devra-t-il y assister ou pas ?… Il faut déjà le trouver, le prévenir, qu’il soit disponible… L’OPJ devra-t-il l’attendre avant de commencer à poser ses premières questions ?

Pas évident, de respecter au mieux les droits de la défense sans entraver le bon déroulement d’une enquête… Pourtant, il y a urgence, car, dans une décision du 27 novembre 2008, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) estime qu’en règle générale l’accès à un avocat est nécessaire dès le premier interrogatoire. Et qu’il est « en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense » lorsque des déclarations incriminantes sont faites en son absence.

Je suis enclin à penser que la mesure de rétention, proposée parallèlement à la refonte de la GAV par la Commission, est une astuce pour « arranger le coup ». Mais cela pourrait bien être une fausse bonne idée.

On dit aux enquêteurs : dorénavant, ça va être plus compliqué, alors débrouillez-vous pour régler le maximum de problèmes en six heures, du moins pour les délits les plus courants…  La rétention risque rapidement de devenir le tout-venant – quitte à placer ensuite le suspect en GAV pour une durée de 18 heures (24-6). Et tout cela dans une course contre la montre qui pourrait se montrer préjudiciable tant aux personnes retenues qu’aux policiers et gendarmes.

Nous aurions donc une mini GAV avec moins de protection qu’acourse-contre-la-montre_nouvel-economiste_paperblog.jpegvant, relayée par une GAV avec plus de protection.

Ce remodelage de la mesure coercitive la plus controversée de la procédure pénale s’inscrit dans une réforme globale voulue par le chef de l’Etat. S’il s’agit d’aller vers une simplification et plus de clarté, on ne peut qu’applaudir. Le jour où le droit sera compréhensible par l’ensemble des citoyens, on aura sans doute fait un grand pas. C’est la base d’une justice ouverte. Mais il ne faudrait pas que cette réforme fomente plus de problèmes qu’elle n’en règle. Pour l’heure, on a l’impression qu’elle est comme une garniture autour du plat de résistance : la suppression du juge d’instruction.

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* Hervé Vlamynck est l’auteur du Droit de la police, aux éditions Vuibert.
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Le billet précédent, La grippe A dévoile le fichier de la Sécu, a été lu 25.427 fois en 3 jours. Il a suscité 69 commentaires. Même s’il y avait un zeste de provocation dans ce texte, la confidentialité des données de santé pose problème. Quant à la campagne de vaccination, elle apporte plus d’interrogations qu’elle ne répond aux questions.

Le stress du blogueur

Je suis directeur de publication. C’est ce que je viens de découvrir, non sans appréhension, en farfouillant dans les textes qui régissent la publication sur Internet. Est-ce que les 9 ou 10 millions de blogueurs disséminés aux quatre coins de la France sont au courant de leur statut ? On sait l’influence de la blogosphère, ce monde de trublions qui met parfois carotte.jpgles pieds dans le plat sans trop se soucier des dégâts collatéraux. Ils réagissent vite, les bougres, et souvent ils font mouche avant la presse. Pourtant, ils ne font pas l’opinion publique – ils sont l’opinion publique. Mais quelle carotte fait marcher le blogueur !? Et pourquoi accepte-t-il d’endosser une responsabilité à laquelle il n’est peut-être pas préparé ?

D’après Guillaume Kessler, qui traite des aspects juridiques du blog dans le Recueil Dalloz (2006 p.446), toute information mise en ligne doit être qualifiée d’acte de publication et donc soumise aux dispositions de la loi sur la presse. Même s’il s’agit d’un journal intime. Ainsi, des lycéens ne peuvent impunément traiter leur prof d’anglais de… noms d’oiseaux.

Un accès protégé par un mot de passe ne suffirait même pas à lui donner le régime d’une correspondance privée ! Le simple fait d’une diffusion sur Internet entraînant, semble-t-il, la notion de « publication publique ».

Mais pas de corbeau sur le Net ! Si le blogueur agit en tant que professionnel, il devra indiquer sur son site son nom ainsi que celui de l’hébergeur. S’il agit en tant que non-professionnel, il pourra éventuellement utiliser un pseudo, mais l’hébergeur sera tenu de fournir son identité en cas de besoin.

Chaque blogueur doit être conscient qu’il est tenu de respecter le droit à la vie privée, droit garanti par l’article 9 du code civil. Il n’est pas inutile de rappeler à cet égard que l’article 226-2 du code pénal réprime toute divulgation d’éléments relevant de la vie privée tandis que l’article 226-8 réprime de son côté tout montage utilisant les images ou les paroles d’une personne sans son consentement.

Si la responsabilité du blogueur peut aisément être engagée sur le terrain du droit commun, il en est de même sur celui du droit de la presse. Il devra donc prendre garde à tempérer ses propos afin de ne pas tomber sous le coup des délits, d’injure (art. 33), de diffamation (art. 29), de provocation aux crimes et aux délits (art. 23 et suivants), d’atteinte à la présomption d’innocence (art. 35 ter), de provocation à la haine raciale (art. 24)… L’application du régime du droit de la presse permettra également à la personne mise en cause d’exercer un droit de réponse.

À ce stade de mes méditations, je me dis que je vais tout lâcher…

Le blogueur se doit aussi de respecter le droit de la propriété intellectuelle. S’il diffuse des œuvres musicales, cinématographiques ou photographiques sans autorisation des ayants droit, il se rend coupable de contrefaçon.

J’agrémente mes pages de dessins ou de photos. Je les choisis évidemment sans copyright et, lorsque c’est possible, je sollicite l’autorisation et j’en donne l’origine. Mais je suis conscient d’être parfois limite. D’autant que dans ce domaine, on ne peut pas dire qu’on ignore la loi.

En contrepartie, en tant que créateur du contenu de son blog, l’auteur est protégé par l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle. Ce qui veut dire que toute reproduction doit se faire avec son accord.

Enfin un point positif !

Le blogueur pourrait aussi engager sa responsabilité, non pas de son fait mais de celui des internautes qui laissent des commentaires. À défaut de modération a priori, il doit retirer rapidement tout propos provocateur ou injurieux.

C’est assez rare sur ce blog. Même si certains ont été limite sur des sujets qui touchaient par exemple au rôle de la police sous l’occupation allemande. Personnellement, je lis tous les commentaires avec attention, et s’il m’arrive de les utiliser dans un autre billet, j’y réponds rarement en direct. Il me semble que si mes écrits amènent un débat, il est plus ouvert si je n’interviens pas. Et puis, je vais vous faire une confidence, mon objectif n’est pas de défendre mes idées, mais de me faire une idée. Et si possible plusieurs. Ainsi, il y a 2 ans 1/2, j’ai écrit un billet sur l’arme du policier, et bien, les commentaires sont d’un niveau qui dépasse et de loin mes connaissances dans ce domaine.

Quant à l’hébergeur, il a deux obligations : une obligation d’identification et une obligation de surveillance du contenu. Il se doit de retirer rapidement une information « manifestement » illicite pour ne pas engager sa responsabilité civile (Le Monde.fr veille au grain.). Ce qui pourrait faire penser à une sorte de censure. Mais a contrario, il engage sa responsabilité s’il intervient d’une manière non justifiée. La parade, c’est l’article 6-I-4 de la loi de confiance dans l’économie numérique (LCEN), qui prévoit des sanctions en cas de notification abusive. « Le fait, pour toute personne, de présenter […] un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d’en obtenir le retrait ou d’en faire cesser la diffusion […] est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende ».

Cher lecteur, comme vous le savez maintenant, il vous faut donc saisir le modérateur uniquement à bon escient… Sur ce blog, il a été actionné une fois par un gendarme mécontent. Une autre fois, une personne m’a gentiment adressé un mail pour me faire remarquer une erreur la concernant, dans le récit d’une affaire criminelle. Dans le premier cas, j’ai effacé. Dans le second, j’ai présenté mes excuses et corrigé le texte.

nicolas.jpgMais il n’est pas facile de tant écrire sans se tromper. Une quinzaine de billets par mois. Plus que la plupart des journalistes, mais à la différence de ceux-ci, le blogueur travaille seul, avec les moyens du bord. Mais ce n’est pas un travail, puisqu’il n’y a aucune obligation, et surtout, avantage inestimable, pas de patron sur le dos… Cependant, le moindre sujet demande énormément de temps. Il faut chercher les sources, les renseignements (qu’on ne trouve pas toujours sur le Net), les recouper soigneusement, ne pas hésiter à décrocher son téléphone, etc., et puis, une fois qu’on a tout, il faut tout revérifier. Ensuite, enfin, il faut rédiger, et tout ça sans faute d’ortograf.

Avec à chaque fois que je clique sur « publier », cette appréhension : Est-ce que je n’ai pas raconté des bêtises ? Est-ce que mon histoire va intéresser quelqu’un ? Car des fois, c’est le bide complet, tandis que d’autres fois, je vois la courbe des visites monter, monter… (environ 1.4 million de visites, ou pages vues – je n’ai pas encore compris la différence – depuis le début de l’année). Et au lieu d’être satisfait, le trac me gagne et je me dis : De quel droit tu ouvres ton plomb?

Que de stress pour un modeste blogueur…

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Le billet précédent, Les policiers ont-ils le droit d’interroger un fichier ? a été lu 1.460 fois en 3 jours et le mini-débat qui a suivi a donné lieu à 27 commentaires. Philippe Pichon, qui par la force des choses est devenu un spécialiste en matière de fichiers de police, revient sur le STIC (20 octobre 2009 à 09:46) ; tandis que Marc Louboutin (19 octobre 2009 à 16:43) attire notre attention sur deux articles du Figaro qui parlent du fichier sériel. Si j’ai bien compris, il s’agit de connecter entre eux non seulement les fichiers de police, mais les fichiers d’autres administrations et même des réseaux sociaux, comme Facebook, ou celui des opérateurs téléphoniques. Un outil d’une efficacité redoutable pour les enquêteurs – et redoutable tout court dans de mauvaises mains.

Récidive : la rétention de sûreté est appliquée en douce

Alors que la Garde des Sceaux promet une nouvelle loi sur la récidive des criminels dangereux, presqu’en catimini, une première décision a été prise par une « juridiction régionale de la rétention de sûreté » à l’encontre d’un condamné en fin de peine. Impossible, me direz-vous : la que-les-armes-le-cedent-a-la-toge.jpgloi de 2008 n’est pas rétroactive… C’est sans compter sur l’habileté de nos députés. Voici le scénario :

Acte I : En septembre 2005, le garde des Sceaux, Pascal Clément, présente sa loi destinée à lutter contre la récidive. Devant les députés il s’emballe et déclare qu’il est prêt à prendre « le risque d’une inconstitutionnalité » pour que ce texte s’applique aux personnes déjà condamnées. Tollé à l’Assemblée, puis le président du Conseil constitutionnel le tacle sérieusement en lui rappelant que le respect de la Constitution est un « devoir » et non un « risque ».

Acte II : Notre ministre change alors son fusil d’épaule : le placement sous surveillance judiciaire (PSJ) voit le jour sous la forme d’une mesure de sûreté prononcée par le juge d’application des peines (JAP). Il s’agit d’un ensemble d’obligations et d’interdictions imposé à l’issue de leur peine d’emprisonnement à des personnes condamnées pour crime ou délit et considérées comme potentiellement dangereuses (loi du 12 décembre 2005, dont on peut trouver un résumé sur le site Ban Public).

Comme il ne s’agit pas d’une condamnation mais d’une mesure « d’accompagnement » pour éviter une libération trop « sèche », elle peut s’appliquer aux détenus condamnés antérieurement à la loi. Et elle prend fin à l’expiration définitive de la peine, toutes réductions confondues.

Acte III : En 2008, une nouvelle loi créée la rétention de sûreté qui elle est destinée à retenir dans des centres fermés (distinction subtile avec un condamné, qui lui est emprisonné) certains criminels dangereux qui ont éclusé leur peine et qui sont considérés comme susceptibles de récidiver. Mais pour respecter le principe de non-rétroactivité de la loi, cette mesure n’est applicable que si la Cour d’assises l’a envisagée lors de la sentence – ce qui exclut de facto son application avant plusieurs années.

Elle a également prévu l’application d’une mesure de surveillance de sûreté qui correspond à la surveillance judiciaire (suivi médical, bracelet électronique, etc.) mais qui à la différence de son ainée s’applique à des condamnés qui ont entièrement purgé leur peine.

Prenons deux exemples :

X a été condamné à 20 ans de réclusion pour viol aggravé. Au bout de 17 ans, il est libéré, mais il peut faire faire l’objet d’un placement sous surveillance judiciaire pendant 3 ans, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la peine qui a été prononcée contre lui.

Ce qui s’est passé pour Manuel C., l’homme soupçonné d’avoir tué Marie-Christine Hodeau, à Milly-la Forêt : condamné à une peine de 11 ans, le jour de sa libération conditionnelle, il s’est vu contraint de se soigner et il a eu l’interdiction de rencontrer sa victime et de se rendre dans la commune où elle demeure. Mesures qui ont pris fin en novembre 2008, à l’échéance de sa peine.

Y, lui, est condamné aujourd’hui à 20 ans de réclusion pour les mêmes faits. Si dans son jugement la Cour d’assises le prévoit, lorsqu’il aura purgé sa peine (donc dans 20 ans), il pourra faire l’objet soit d’une mesure de rétention de sûreté (et dans ce cas il se retrouvera dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, autrement dit et au mieux dans un quartier de la prison de Fresnes spécialement aménagé), soit d’une libération sous surveillance de sûreté. Avec des contraintes :

– l’obligation de soins ;

– le placement sous surveillance électronique ;

– des mesures de contrôle par un délégué social ;

– l’interdiction de paraître en certains lieux.

À ce moment, on se dit que MAM peut faire l’économie d’une nouvelle loi, puisque les deux mesures qu’elle veut faire adopter sont déjà prévues dans celle de l’année dernière…

Tout le monde suit bien ? Car ça se complique, et c’est maintenant que cela devient intéressant. Subrepticement, le législateur a prévu qu’une mesure de surveillance de sûreté pouvait se substituer à une mesure de surveillance judiciaire (Art. 723-37).

Donc X, à l’issue de sa période de surveillance judiciaire, pourrait se retrouver sous le coup d’une surveillance de sûreté. Laquelle comme chacun sait est renouvelable chaque année sans limitation dans le temps.

Mais ce n’est pas fini.

Le moindre manquement aux obligations de la surveillance de sûreté (ne pas prendre un médicament, par exemple) entraîne immédiatement la rétention de sûreté. Et ainsi X risque de se retrouver à Fresnes avec Y.

Acte IV : On passe de la théorie à la pratique. Et c’est Martine Herzog-Evans, professeur de droit à Reims, qui nous raconte, dans le Recueil Dalloz (2009 p.2146), l’histoire de M. X, un malade mental condamné à 20 ans de réclusion pour viol aggravé. Au bout de 17 ans, légalement, il est libérable. On s’inquiète : l’individu est toujours considéré comme dangereux et capable de récidiver. Le préfet prend alors une mesure d’hospitalisation d’office et, bien qu’il soit interné, le JAP le place sous surveillance judiciaire. Mais X peut être remis dans la nature sur une simple décision médicale… Que faire ? Finalement, le parquet saisit la juridiction régionale de la rétention de sûreté de Créteil, laquelle décide d’un placement sous surveillance de sûreté.

Et si X sort de l’hôpital psychiatrique, au moindre manquement à ses obligations, cette surveillance se transformera illico en rétention.

X devient donc le premier « bénéficiaire rétroactif » d’une loi non-rétroactive.

Mme Herzog-Evans appelle ça une « entourloupe juridique ».

Qu’elle se rassure, tout va rentrer dans l’ordre. Le porte-parole de l’Élysée (qui avait dégainé avant MAM) a annoncé qu’un projet de loi prévoit que « le placement sous surveillance de sûreté est possible, non seulement à l’issue d’une surveillance judiciaire ayant elle-même accompagné une libération anticipée mais aussi directement à la sortie de prison de la personne dangereuse ».

Ce qui revient, comme dirait Pascal Clément (voir acte I), à prendre « le risque d’une inconstitutionnalité »…

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Je sais bien que la société a le devoir de se protéger de certains criminels particulièrement dangereux, et notamment des criminels sexuels, mais pourquoi utiliser un tel stratagème ? Même si la motivation est compréhensible, nos élus ont-ils le droit de « manipuler » l’esprit de la Constitution* ?

Et pourquoi nous promet-on un projet de loi pour la fin du mois alors que celle de l’année dernière vient juste d’être appliquée pour la première fois !

Cette gesticulation juridique n’abuse personne, car chaque loi nouvelle prise sous le coup de l’émotion populaire démontre l’inefficacité de la loi précédente. Et à chaque fois, le Gouvernement émousse son crédit et les élus du peuple leur prestige.

Politique de la mère Gigogne ou génération parapluie ?

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* Dont le préambule renvoie à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui énonce dans son art. 8 : La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
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Le billet précédent, La police est-elle trop centralisée ? a été lu 1.954 fois en 3 jours et a suscité 4 commentaires.

Peut-on faire l’apologie du tourisme sexuel ?

Les dévergondages littéraires de M. Mitterrand nous interpellent : Peut-on impunément se vanter de pratiquer le tourisme sexuel ? En février 2009, le Parlement européen a demandé la criminalisation de toute forme d’abus sexuel sur mineur, y compris le « grooming » (l’action de manipuler sur le Net point-dinterrogation_canafe-fintracgcjpg des enfants à des fins sexuelles). Et à l’époque, en réponse à un parlementaire, le garde des Sceaux a affirmé que la lutte contre le tourisme sexuel est une politique pénale prioritaire du Gouvernement. Rappelant que les personnes qui ont recours à la prostitution de mineurs à l’étranger sont, par dérogation au droit commun, susceptibles d’être poursuivies en France, même s’il n’existe aucune plainte de la part du pays concerné ou de la victime.

Autrement dit le simple fait pour le procureur d’avoir connaissance de tels agissements devrait suffire à déclencher l’action publique… Et, d’après notre Code, le délit est constitué lorsqu’un individu sollicite, accepte ou obtient des relations sexuelles avec un mineur (donc de moins de 18 ans) qui se livre à la prostitution. La peine encourue est de 3 ans d’emprisonnement, mais si le mineur à moins de 15 ans, elle est portée à 7 ans.

Peut-on parler d’apologie lorsqu’un homme se vante de tels actes ? Le Code pénal envisagerait plutôt la provocation (art. 24 de la loi sur la presse). Mais à ce jour l’application de ce texte vise essentiellement le terrorisme, le racisme ou le négationnisme – même si les agressions sexuelles y sont expressément mentionnées. Le Dalloz donne cette définition de la provocation : « une manoeuvre consciente qui a pour but de surexciter les esprits… » En tout cas, je n’ai trouvé ni exemple ni jurisprudence pour ce type de délit.

La France est signataire, depuis le 25 octobre 2007, de la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels.

Le Code pénal (art. 227-22 et suivants) protège également le mineur face aux nouvelles technologies de communication en sanctionnant par exemple les propositions sexuelles, l’enregistrement d’une image pornographique en vue de sa diffusion, la diffusion sur un réseau d’images pédopornographiques, et même la simple détention d’une image de ce type (2 ans d’emprisonnement et 30.000 € d’amende).

Je n’ai pas lu le livre de M. Mitterrand, et je n’ai pas l’intention de le lire. Il y parle, dit-on, de « jeunes garçons ».

De moins de 18 ans ?
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Le billet précédent, Grand Paris : 1 policier pour 200 habitants, a été lu 700 fois en une journée. En tenant compte des remarques de certains lecteurs, je compte revenir sur le sujet dans les prochains jours.

Du marchandage au plaider-coupable

En revenant sur le devant de la scène, l’affaire Polanski nous interpelle sur les « arrangements » judiciaires. Il avait passé, nous dit-on, un deal avec le juge, que celui-ci aurait eu l’intention de casser pour un procès robes-avocat_site-scp-henri-leclerc.jpgplus traditionnel. Cela nous rappelle le jugement en catimini de Madoff. En France, on n’en est pas là, mais, peu à peu, on s’engage dans cette voie. S’agit-il d’un progrès, d’une justice moderne, comme on nous le claironne, ou au contraire d’une sorte de résignation?

Le comité Léger propose d’instaurer le plaider-coupable dans les affaires criminelles. Pour une bonne justice ? Non, pour « lutter contre l’engorgement des Cours d’assises », a déclaré l’un de ses membres. Il faut reconnaître que l’instauration de la procédure d’appel n’a pas arrangé les choses. Ainsi, en 2006, les Cours d’assises ont siégé environ 2.500 fois, prononçant près de 3.500 condamnations et 250 acquittements. Et 456 affaires sont allées en appel, d’après les chiffres du ministère de la Justice (521 personnes condamnées et 47 acquittées).

Mais cette nouvelle procédure n’aurait rien à voir avec le système du plead guilty en vigueur aux États-Unis. Il s’agirait ici non pas d’un marchandage, mais d’un arrangement à un seul degré : Si vous reconnaissez votre culpabilité, votre peine sera automatiquement allégée d’un cran. Donc, si la peine maximale encourue est de 20 ans de réclusion, elle serait ramenée à 15 ans. Et les jurés n’auraient plus à se prononcer sur la culpabilité de l’accusé, mais uniquement sur les circonstances du crime, atténuantes ou aggravantes, pour déterminer la peine. Cela pourrait se faire lors d’une audience simplifiée où le rôle de l’accusation et de la défense serait quasi symbolique. Ici, un petit doute subsiste : l’arrangement consisterait-il uniquement à diminuer la peine maximale encourue ou à rétrograder automatiquement d’un cran la peine prononcée ? Je n’ai pas la réponse.

En l’état de cette réflexion, on se dit qu’il s’agit d’un changement en demi-teinte destiné avant tout à faire des économies. Et que c’est peut-être le premier pas vers une sorte de marchandising de la justice. Certains magistrats ne voient d’ailleurs pas poindre d’un bon œil ce système anglo-saxon, qui entraîne parfois des dérives : certains coupables obtiennent des peines au rabais alors que certains innocents préfèrent ne pas prendre de risques et « assurer une peine faible ».

Comme on le sait, la procédure du plaider-coupable existe déjà en France  (loi Perben II du 9 mars 2004) pour les délits qui entraînent une peine inférieure à 5 ans d’emprisonnement.  Cela s’appelle la « procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » ou CRPC. En 2007, les tribunaux ont enregistré plus de 45.000 CRPC.
La procédure est simplifiée à l’extrême et la décision est prise en petit comité : le procureur, le justiciable et son avocat. Dans la plupart des cas, c’est réglé en quelques minutes, et il ne reste plus au « tribunal » qu’à entériner l’accord. Souvent, ce sont les enquêteurs qui préparent le terrain. Ils marchandent les aveux. Si tu avoues, tu vas prendre deux fois moins… À se demander si les écoles de police ne vont pas se transformer en écoles de commerce… Je blague, mais on comprend bien que ce système défavorise les plus faibles, psychologiquement ou financièrement. Pourtant, le rapport du professeur Serge Guinchard va plus loin et propose (art. 62) de l’étendre à tous les délits…

Si j’ai bien compris l’idée générale de ce rapport, on accentue la spécialisation des juges, avec la création de pôles intégrés dans trois blocs au sein du Tribunal de grande instance : bloc familial, bloc pénal et bloc des affaires civiles. Et la suppression du juge de proximité. croisee-chemins_libuwoca.gif

Et du moins en matière civile ou de famille, M. Guinchard préconise même une nouvelle procédure calquée sur le collaborative law américain, système qui fait des émules : Grande-Bretagne, Autriche, Nouvelle-Zélande…. Chez nous cela s’appellerait « la procédure participative de négociation assistée par avocats ». Et comme on aime bien les sigles, cela pourrait donner la PPNAA. Cette idée a fait son chemin, et une proposition de loi a déjà été adoptée par le Sénat. Le texte devrait être discuté à l’Assemblée nationale d’ici à la fin de l’année. Pour faire simple, il s’agit de régler les litiges à l’amiable, entre avocats, et de saisir ensuite la juridiction compétente sur la base de l’accord passé entre les parties.

En fait, ce n’est plus un concept : la médiation est déjà entrée dans les mœurs. D’ailleurs, les 16 et 17 octobre, les premières assises internationales de la médiation judiciaire doivent se tenir au Palais du Luxembourg, à Paris, sous le patronnage de Mme Alliot-Marie.

Comme on le voit, la justice est en marche. Il faut juste se demander si elle marche dans le bon sens.

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Le billet précédent, Polanski, les Suisses sont chocolat, a été lu 2.175 fois en 2 jours et a suscité 48 commentaires.

Quand les députés s’auto-blanchissent

Les parlementaires ont été pris la main dans le sac. Par un amendement glissé subrepticement dans la loi pénitentiaire, ils ont tenté de s’affranchir d’une disposition d’une autre loi, celle sur le financement de la vie politique votée en auto-blanchissage_boutiquebaby.gif1995. Et l’on n’y aurait vu que du feu, si un juriste, nous dit Le Monde, n’avait déterré l’affaire. De quoi s’agit-il ?

L’article L.7 du Code électoral entend interdire l’inscription sur les listes électorales, pour 5 ans, des élus et autres dépositaires de l’autorité publique, condamnés pour certaines infractions financières regroupées sous le terme « d’atteintes à la probité ».  À cette peine automatique s’en ajoute une autre (art. L.O. 130): l’interdiction de se présenter à des élections pour une période double.

Or cet article semble déroger à un article antérieur du Code pénal (le 132-21) qui soumet, lors d’une condamnation pénale, la perte des droits civiques, civils et de famille, à une décision expressément mentionnée du juge. Donc pas de peine automatique.

Conclusion, me direz-vous, nos députés votent n’importe quoi, ce qu’on savait déjà depuis les péripéties sur la dissolution des sectes.

Mais ce L.7 en embête plus d’un. Aussi, l’amendement déposé par le député PS Jean-Jacques Urvoas a-t-il été adopté sans un murmure par nos chers élus. Ce qui aurait dû attirer l’attention, car il n’est pas si fréquent que la majorité fasse une fleur à l’opposition… Acculé à s’expliquer, M. Urvoas se justifie ainsi : « C’est un amendement de juriste. C’est au juge de décider de la durée de privation des droits civiques ».

Sauf que c’est déjà le cas.

Car cet expert du Code électoral oublie de mentionner un autre article, cette fois du Code de procédure pénale, le 775-1, dans lequel il est dit qu’au prononcé d’une condamnation, le tribunal peut exclure expressément son inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire – ce qui a pour conséquence de faire tomber « toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu’elles soient ».
Et qu’en 2005,
le Conseil d’État a confirmé que l’article L.7 était conforme à la Convention européenne des droits de l’homme et qu’il appartenait justement à la juridiction de jugement de décider ou non d’appliquer l’article 775-1.

Par ce vote en tapinois les parlementaires ont donc marqué leur volonté de s’affranchir de la décision du juge pénal, qui pour l’instant peut seul décider si l’élu reconnu coupable d’une malversation doit faire ou non l’objet d’une mesure d’inéligibilité.

Une procédure normale, quoi ! Que nous, les petites gens, on appelle la justice.

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Le billet précédent, Mort annoncée de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, n’a guère passionné. Il a été lu 580 fois en une journée, et il y a eu 6 commentaires.

Existe-t-il un droit à l’oubli pour les criminels ?

L’étrange remords de cet homme de 53 ans qui s’accuse d’un meurtre commis en 1975 repose la question de la prescription pénale. Est-elle encore de mise à une époque où les faits criminels ne sont plus seulement gravés danspuzzle_justice_droitenfants.1252690132.gif la mémoire humaine, mais numérisés pour toujours dans des mémoires informatiques, avec tous les éléments de l’enquête.

Or, s’il est avéré que cet individu n’est pas un affabulateur, mais bien un assassin, comment justifier le fait qu’il échappe à la sanction d’un jury populaire ?

Il existe plusieurs causes qui justifient l’extinction de l’action publique (amnistie, abrogation de la loi…), mais une seule (en dehors du décès de l’auteur, évidemment) est liée à un élément que l’on ne maîtrise pas : le temps – 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions.

Mais comme toujours en droit français, il y a des dérogations. Aucun délai pour les crimes contre l’humanité. Ils sont imprescriptibles. Et des périodes qui vont de 10 à 30 ans pour certains crimes ou délits qui touchent au trafic de stupéfiants, au terrorisme et dans certains faits à connotations sexuelles, lorsque les victimes sont des mineurs.

En revanche, la durée est réduite à 3 mois pour les délits de presse et à 6 mois en matière électorale (Les élections à la tête du PS sont-elles concernées ?).

Le délai commence à courir le jour où les faits ont été commis. Avec de nouveau certaines exceptions qui concernent par exemple les délits continus, comme le recel, ou les délits à répétition (le point de départ sera le dernier acte commis et non le premier). Ou encore lorsque la victime est mineure au moment des faits ; dans ce cas la prescription ne démarre qu’à compter du jour de sa majorité. Et d’autres situations, plus spécifiques.

Mais ce délai peut être interrompu ou suspendu.

Le résultat n’est pas le même. Tout acte d’instruction ou de poursuite interrompt la prescription. Et c’est la date du dernier acte répertorié qui fait démarrer ou redémarrer le délai. Ainsi, si le dernier acte a été effectué 9 ans après un crime, on repart pour une durée de 10 ans. Etc.

Quant à la suspension, elle ne fait que marquer une pause devant un obstacle à l’action normale de la justice. Cela peut être un obstacle de droit, comme la durée du mandat du Président de la République, ou de fait, comme une catastrophe naturelle. Ainsi, l’épidémie de grippe, si elle devait prendre des proportions importantes, pourrait entraver le bon fonctionnement de la justice, et dans ce cas, il est probable qu’on pourrait faire valoir la suspension de la prescription. Lorsque la voie est libre, le délai reprend là où on l’a laissé.

La prescription est d’ordre public. Elle s’impose au juge et à la personne mise en cause.

Ce monsieur qui s’accuse d’un crime vieux de 34 ans ne peut donc pas demander à être condamné et aucune poursuite n’est envisageable. L’enquête préliminaire qui a été ouverte n’a pour but que de vérifier la véracité des faits – ou de chercher s’il n’est pas l’auteur d’autres crimes ou délits… plus récents.

S’il avait commis son acte criminel aujourd’hui, dans 34 ans, la police technique et scientifique aurait sûrement les moyens de prouver sa culpabilité. Cela justifie-t-il un allongement du délai de prescription, comme certains le préconisent ? Personnellement, je ne le crois pas. Je serais tenté de dire qu’on donne archimede_intelligence-creativecom.1252690273.jpgdéjà trop d’importance à la technique ou à la science dans les enquêtes judiciaires, souvent au détriment de l’aspect humain des choses. Car la prescription se justifie en partie par une volonté d’apaisement. À quoi bon ressortir de vieilles affaires, à quoi bon ressasser de vieilles querelles !

Mais je sais bien que la société change. Elle se durcit… Qu’est-ce que vous en pensez ?

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