Les parlementaires ont été pris la main dans le sac. Par un amendement glissé subrepticement dans la loi pénitentiaire, ils ont tenté de s’affranchir d’une disposition d’une autre loi, celle sur le financement de la vie politique votée en 1995. Et l’on n’y aurait vu que du feu, si un juriste, nous dit Le Monde, n’avait déterré l’affaire. De quoi s’agit-il ?
L’article L.7 du Code électoral entend interdire l’inscription sur les listes électorales, pour 5 ans, des élus et autres dépositaires de l’autorité publique, condamnés pour certaines infractions financières regroupées sous le terme « d’atteintes à la probité ». À cette peine automatique s’en ajoute une autre (art. L.O. 130): l’interdiction de se présenter à des élections pour une période double.
Or cet article semble déroger à un article antérieur du Code pénal (le 132-21) qui soumet, lors d’une condamnation pénale, la perte des droits civiques, civils et de famille, à une décision expressément mentionnée du juge. Donc pas de peine automatique.
Conclusion, me direz-vous, nos députés votent n’importe quoi, ce qu’on savait déjà depuis les péripéties sur la dissolution des sectes.
Mais ce L.7 en embête plus d’un. Aussi, l’amendement déposé par le député PS Jean-Jacques Urvoas a-t-il été adopté sans un murmure par nos chers élus. Ce qui aurait dû attirer l’attention, car il n’est pas si fréquent que la majorité fasse une fleur à l’opposition… Acculé à s’expliquer, M. Urvoas se justifie ainsi : « C’est un amendement de juriste. C’est au juge de décider de la durée de privation des droits civiques ».
Sauf que c’est déjà le cas.
Car cet expert du Code électoral oublie de mentionner un autre article, cette fois du Code de procédure pénale, le 775-1, dans lequel il est dit qu’au prononcé d’une condamnation, le tribunal peut exclure expressément son inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire – ce qui a pour conséquence de faire tomber « toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu’elles soient ».
Et qu’en 2005, le Conseil d’État a confirmé que l’article L.7 était conforme à la Convention européenne des droits de l’homme et qu’il appartenait justement à la juridiction de jugement de décider ou non d’appliquer l’article 775-1.
Par ce vote en tapinois les parlementaires ont donc marqué leur volonté de s’affranchir de la décision du juge pénal, qui pour l’instant peut seul décider si l’élu reconnu coupable d’une malversation doit faire ou non l’objet d’une mesure d’inéligibilité.
Une procédure normale, quoi ! Que nous, les petites gens, on appelle la justice.
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Ben, quand les casseurs des cités auront compris qu’ils est quand même nettement moins risqué et beaucoup plus rentable de faire le voyou sous l’écharpe tricolore que sous une cagoule, on va pas être dans le caca, nous les cons qui raquons le grand-vizir-percepteur sans trop oser se rebiffer ! 🙁
Ainsi va la vie politique française, de droite et de gauche, une perpétuelle escroquerie.
http://allainjulesblog.blogspot.com/
Bonjour,
Rien a voir avec le sujet, mais je tenais à vous dire que j’apprécie beaucoup votre site et vos articles..
Un nouveau lecteur.
Si vous ne comprenez toujours pas, vous pouvez lire l’article publié à ce propos par le Canard enchaîné du 23 septembre dernier sous le titre « Une loi plus douce pour les élus ripoux » (page 3).
Réponse à François Pelletier :
Article L. 7, créé par la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 sur le financement des partis politiques – art. 10 :
« Ne doivent pas être inscrites sur la liste électorale, pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les personnes condamnées pour l’une des infractions prévues par les articles 432-10 à 432-16, 433-1, 433-2, 433-3 et 433-4 du Code pénal ou pour le délit de recel de l’une de ces infractions, défini par les articles 321-1 et 321-2 du Code pénal ».
À cette peine automatique, s’ajoute une autre peine prévue à l’article L.O. 130 du code électoral en vertu de laquelle les personnes condamnées sont inéligibles pendant une période double de celle durant laquelle elles ne peuvent être inscrites sur la liste électorale.
C’est toujours aussi peu clair, même ré-expliqué. Une période double de quoi ? Et quel rapport précis avec le financement des partis politiques ? Je n’ai rien compris aux explications.
Pour résumé et pour répondre à Yves :
Aujourd’hui, la 1ère peine automatique entraîne la 2ème peine automatique. Mais dans son jugement, le juge peut faire jouer l’art. 775-1 (non-inscription au C2), qui annule l’application de L7 et de L.O. 130 (je n’ai pas trouvé d’exemple). L’élu dépend donc de la bonne volonté du juge.
Demain, si L 7 est annulé, il n’existera plus de peine automatique visant l’interdiction de figurer sur la liste électorale. Quid de l’art. L.O. 130 (loi organique qui n’est pas touchée par l’amendement) qui prévoit l’interdiction de se présenter à des élections en doublant la peine du L 7 ? Peut-on doubler une peine qui n’existe plus ? Personnellement, je n’ai pas la réponse. Les juristes sont partagés… C’est le jeu du jour sur le Net.
Je ne vois pas bien non plus en quoi cela les blanchit. Le juge peut toujours les empêcher de se présenter à des élections non ?
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Mort annoncee. je l’ai lu je l’ai apprécié et je n’ai pas fait de commentaires, peut être est ce moins attractif que le reste du blog mais pour tous les goumiers de la profession il est interessant, je l’ai photocopié et affiché. Dont acte.
Bonjour,
Je ne comprends pas. Le mode opératoire avant cet amendement actuel était une peine automatique que le juge pouvait annuler. Maintenant c’est le juge qui décide si il y a inéligibilité ou pas. Qu’est ce que cela change? Où est l’affranchissement de la decision du juge?
La construction de l’article manque un peu de clarté.