LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Droit (Page 10 of 20)

Affaire Achoui : les indics en question

Au troisième jour du procès des agresseurs de Karim Achoui, le commissaire divisionnaire Stéphane Lapeyre s’est défendu bec et ongles des accusations portées contre lui. Il a nié toute implication dans la tentative d’assassinat dont a été victime l’ancien avocat, en 2007. Par sa carrière, ce commissaire a gagné qu’on l’écoute. Et il faut avouer que l’idée d’un complot fomenté par la police judiciaire pour éliminer un avocat au talent trop dérangeant ne tient guère la route. Même si le scénario ne manque pas d’originalité…

Stéphane Lapeyre a permis l’identification et l’arrestation des accusés qui doivent répondre de tentative d’assassinat ou de complicité, en désignant, comme tireur présumé, l’un de ses anciens indics, Ruddy Terranova. Continue reading

Pas de RIF, pour les disparues de Perpignan

Les recherches dans l’intérêt des familles (RIF) ont été supprimées il y a quelques mois. Une banale circulaire du 26 avril 2013 a mis fin à un système vieux de près d’un siècle. Pourtant, si la coutume avait résisté aux ans, c’est peut-être qu’elle avait son utilité. La prise en charge de la détresse d’une personne, désorientée par la disparition d’un proche, n’est-elle pas un devoir de service public ? Même si l’on ne peut pas faire grand-chose… Non, nous dit la circulaire ministérielle, il faut « orienter les demandeurs vers les réseaux sociaux sur l’Internet qui offrent d’intéressantes possibilités ». On pourrait presque lire en filigrane : dé… brouillez-vous ! Continue reading

L’arrestation de l’extrémiste norvégien montre les limites d’une enquête proactive

Kristian Vikernes, présenté par le ministre de l’Intérieur comme étant « susceptible de préparer un acte terroriste d’envergure », a été relâché à l’issue de sa garde à vue. Et l’emballement médiatique sur ce « néonazi sataniste et meurtrier de l’un de ses amis » n’a pas mis longtemps à retomber. Peut-on en déduire que Manuel Valls a volontairement grossi l’affaire ? Ou qu’il a été mal informé ? Ou que la DCRI s’est plantée ?

Lors de son jugement en 1994 (capture d’écran)

En fait, même si l’on est en droit de s’étonner que les enquêtes de police judiciaire se traitent autant dans les salles de rédaction que dans les bureaux cotonneux des magistrats, cette arrestation préventive met en exergue une question importante – maîtresse depuis l’affaire Merah : faut-il prendre le risque d’agir trop tôt pour ne pas intervenir trop tard ?

Nous sommes ici dans le flou d’investigations et de surveillances d’individus que l’on suppose capables du pire mais qui ne sont pas passés à l’action. C’est la définition même de l’enquête proactive. Par opposition à l’enquête réactive, qui, elle, résulte d’un crime ou d’un délit bien réel.

Dans la vie de tous les jours, les contrôles d’identité, par exemple, sont souvent proactifs : ils sont destinés à éviter une infraction ou un trouble à l’ordre public. Tandis que les policiers qui viennent sur les lieux d’un cambriolage sont eux « réactifs » à une infraction consommée. Plus de 60 % des enquêtes sont proactives.

L’enquête proactive a deux casquettes : l’une police, l’autre justice. Les policiers, qu’ils soient de la DCRI ou de la PJ peuvent démarrer des surveillances et des investigations sur des individus qu’ils pensent susceptibles de fomenter un mauvais coup. Cela depuis la nuit des temps. C’est l’abc de la lutte contre la criminalité organisée. C’était même l’une des missions confiée aux brigades mobiles par Georges Clemenceau. Les enquêteurs ne disposent alors d’aucun pouvoir particulier, si ce n’est éventuellement l’utilisation d’écoutes administratives. S’ils vont au-delà, c’est à leurs risques et périls. Comme ce fut le cas pour les enquêteurs de la BRB, empêtrés dans une procédure pour justifier une balise GPS placée « au cas ou » sous un véhicule suspect, deux jours avant la fusillade de Villiers-sur-Marne, le 20 mai 2010. Comment envisager alors que cette « pêche à la ligne » se terminerait par une fusillade et la mort d’une jeune policière municipale ! C’est pourtant cette initiative qui a permis l’identification des auteurs présumés, dont le fumeux Redouane Faïd. Car le principe veut que les éléments de ces « surveillances » de police ne figurent pas dans la procédure. C’est un travail hors justice. Toutefois, les enquêteurs peuvent à tout moment franchir le pas et rédiger un procès-verbal. Auquel cas, ils passent de l’enquête d’initiative à l’enquête préliminaire, dont les règles sont fixées par le code de procédure pénale. Ils doivent alors en rendre compte au procureur de la République. Même s’il s’agit toujours d’une enquête proactive, la différence est de taille : les policiers perdent leur liberté d’agir ou de ne pas agir.

Kristian Vikernes était dans le collimateur de la DCRI depuis pas mal de temps, probablement depuis son arrivée en France, en 2010. Vu le profil du personnage, une surveillance normale pour un service de renseignements, et qui peut s’éterniser. D’autant que le terrorisme n’est pas nécessairement violent. En droit français, il peut prendre d’autres formes (terrorisme écologique, cyberterrorisme…). Il ne se traduit donc pas nécessairement par une atteinte à l’intégrité physique. Et dans ce cas, il n’y a pas urgence à intervenir.

Mais lorsque sa compagne a acheté plusieurs carabines, la DCRI s’est fait peur et elle a refilé la patate chaude à la section antiterroriste du parquet de Paris. Plaçant du même coup son action sous la responsabilité d’un magistrat. Qu’est-ce qu’ils me disent, ceux-là ? Un loup solitaire en Corrèze… Avec le profil de Breivik ! Le procureur ne pouvait guère prendre une autre décision que celle d’intervenir. Pas question de jeter la pierre à l’un ou à l’autre, on peut simplement regretter qu’aujourd’hui, dans toutes les administrations et au plus haut niveau de l’État, c’est le principe de précaution qui génère l’action.

Dans la police, l’époque du flag est révolue. Il est d’ailleurs inenvisageable en matière de terrorisme violent, et inutile, car il existe à présent des « infractions obstacles » qui permettent d’intervenir avant le moindre préjudice. En effet, pour éviter le pire, on peut opérer dès que les suspects se préparent en vue de commettre un crime ou un délit. Une arrestation proactive ! Peu importe qu’ils aient ou non l’intention de passer à l’action. Leur comportement suffit. L’infraction n’est pas constituée par un « commencement d’exécution », comme pour la tentative, mais par la simple matérialisation de la pensée criminelle. À la limite du délit d’intention. Une limite déjà franchie par certains pays, comme l’Italie.

La planque d’Action directe dans le Loiret (21 février 1987 – capture d’écran)

Que voulez-vous, il faut vivre avec son temps ! Au risque d’y perdre son âme, le droit pénal moderne est comme notre société, à la recherche d’efficacité. La conception romantique du délinquant politique n’est plus de mise. On imagine mal François Hollande faire adopter une loi d’amnistie pour absoudre des terroristes, comme l’a fait François Mitterrand, en 1981, pour des membres d’Action directe. Six ans plus tard, ils étaient de nouveau arrêtés à Vitry-aux-Loges (Loiret).

Peu à peu notre société glisse donc vers la répression des comportements à risque. Ce que démontre parfaitement l’arrestation de Kristian Vikernes : ses allures de néonazi ont fait peser sur lui la suspicion, alors qu’il n’est probablement que le « Canada Dry » du terrorisme. C’est du moins l’impression que l’on ressent après l’interpellation et la libération de ce Corrézien d’adoption. À moins, évidemment, que les enquêteurs de la DCRI ne cachent quelques mystérieux secrets dans leur sac à malices.

Bernard Tapie face à une enquête patrimoniale

 « On ne peut pas accepter des décisions comme ça », clame-t-il avec sa fougue habituelle. Les magistrats se seraient concertés pour lui « piquer ses biens » et toute cette procédure n’aurait d’autre but que de le descendre en flammes. « Je ne savais pas qu’on vivait dans un pays où l’on peut exécuter des gens avant d’avoir été jugés. » Pour lui, c’est la seule raison de cette enquête ouverte pour escroquerie en bande organisée. Pourtant, la loi du 9 juillet 2010 qui a donné aux juges et aux procureurs la possibilité de saisir les biens lors de l’enquête ou de l’information judiciaire ne vise pas que la criminalité organisée, mais toutes les infractions dont le but recherché est le profit. Et pour cela, les magistrats ont besoin d’un bilan de fortune, une sorte d’inventaire qui vient de plus en plus souvent se joindre au dossier judiciaire : l’enquête patrimoniale.

C’est l’une des missions de base de la PIAC (plate-forme d’identification des avoirs criminels). Créée en 2005, pour répondre à un besoin, à l’initiative du chef de l’office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), la PIAC a été officialisée le 15 mai 2007. C’est un service de police judiciaire à compétence nationale, dirigé par un commandant de police, composé de policiers, de gendarmes et de fonctionnaires relevant d’autres administrations (impôts, douanes…).

À l’époque, la loi n’autorisait la confiscation des biens avant jugement que dans quelques cas précis, notamment par mesure de sûreté (armes, produits nocifs…) ou s’ils étaient directement liés à l’infraction. Même si certains juges pugnaces allaient bien au-delà. La loi de 2010 a changé la donne en instituant un principe de base : tous les biens confiscables sont saisissables.

Autrement dit, tout ce qui pourrait être récupéré après le jugement peut être saisi avant le jugement. Quitte à procéder à une restitution en cas de non-lieu ou d’acquittement.

Les biens concernés sont donc les mêmes que ceux visés à l’article 131-21 du CP qui prévoit la peine complémentaire de confiscation. Une sanction qui peut être prononcée à l’égard de l’auteur de n’importe quelle infraction punie d’une peine d’emprisonnement supérieure à un an (sauf délit de presse). Et lorsqu’il s’agit d’un délit punissable d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement, pratiquement tous les biens sont saisissables, qu’ils soient ou non matériels, sauf à pouvoir en justifier expressément l’origine. La confiscation peut même être générale pour les crimes les plus graves. On parle alors de saisie patrimoniale.

Le préalable à ces saisies est donc l’enquête patrimoniale. Elle est destinée à identifier et à localiser, en France comme à l’étranger, les biens mobiliers ou immobiliers qui composent le patrimoine d’une personne condamnée ou d’un suspect. Rien de plus simple pour un individu lambda, mais dès que l’on s’attaque à un « gros poisson », les écrans et les intermédiaires se multiplient. Les enquêteurs doivent donc connaître toutes les ficelles du monde underground de la finance.

Comme toujours dans une enquête de police, tout commence par la consultation des fichiers. Les fichiers de police et de gendarmerie, mais également, par voie de réquisition, les administrations, les banques, les assureurs, le cadastre, le bureau de conservation des hypothèques, etc. Il est évident que l’interrogation des différents fichiers fiscaux (revenus déclarés, comptes bancaires, coffres-forts, immeubles, participation dans des sociétés, etc.) est le béaba de l’enquête patrimoniale. Celle-ci s’étend le plus souvent aux proches de la personne soupçonnée.

Les documents recueillis lors des perquisitions sont également une source de renseignements. Les officiers de police judiciaire doivent désormais se livrer à un « calcul patrimonial » lors des perquisitions et des scellés. En garde à vue, il est même possible de réserver un temps d’audition pour inviter la personne à s’expliquer sur ses biens.

À la finale, la PIAC dressera une fiche d’identification patrimoniale (FIP) qui pourra être exploitée par le magistrat.

Mais l’identification des biens va au-delà des frontières. Une loi-cadre de 2006 (dite initiative suédoise) prévoit l’échange direct d’informations entre les services répressifs au niveau européen. En cas d’urgence, cela peut ne prendre que quelques heures. Et il existe, depuis 2007, dans presque tous les États de l’U-E, une unité nationale de dépistage et d’identification des avoirs criminels. D’une manière plus large, le réseau CARIN (Camden Asset Recovery Inter-agency Network) permet des échanges opérationnels et juridiques entre une soixantaine de pays.

Monsieur et Madame Tapie détiennent de nombreux biens à l’étranger. Les magistrats instructeurs en possèdent donc la liste et, s’ils l’estiment opportun, ils ont la possibilité de faire appel à l’entraide judiciaire internationale pour en obtenir la saisie, ou même délivrer directement un « certificat de gel de biens », conformément à l’article 695-9-1 du CPP. La raison voudrait qu’ils se limitent à la somme en litige (278 millions d’euros) et aux acquisitions effectuées après l’encaissement de cette somme, en juillet 2008. Cependant, comme l’intéressé est mis en examen pour escroquerie en bande organisée (dix ans de prison), rien ne les empêche d’élargir leurs exigences et de demander la justification de l’origine de l’ensemble de son patrimoine.

La saisie est devenue la nouvelle arme des juges d’instruction. Une arme d’une efficacité redoutable, parfaitement adaptée à la lutte contre la criminalité organisée et qui trouve son assise sur l’enquête patrimoniale. Mais est-elle toujours justifiée ? Il ne faudrait pas que cela devienne une sanction et que le justiciable ait l’impression d’être condamné avant d’être jugé, comme le dit Bernard Tapie. La liberté de disposer de ses propres biens constitue en effet l’un des attributs les plus importants du droit de propriété.

Sur un autre plan, ce droit de propriété ne serait-il pas menacé par l’application de cette pratique à un délit aussi mal défini que la fraude fiscale ? En effet, la peine encourue dans la loi actuellement en discussion va jusqu’à sept ans d’emprisonnement. Un individu soupçonné de fraude fiscale pourra donc se voir privé de tout ou partie de ses biens, en attendant d’être jugé.

Riches ou pauvres, nous n’aimons pas trop que l’on furète dans notre vie. Ce ne sont pas les sénateurs qui diront le contraire, eux qui viennent de rejeter le projet de loi sur la transparence. L’un d’entre eux a même déclaré que la publication de leur patrimoine serait une « atteinte au droit à la vie privée ». Pas mieux ! doit se dire Bernard Tapie.

 

Une bande organisée, c’est quoi ?

Dans l’affaire Tapie, trois personnes ont été mises en examen pour escroquerie en bande organisée. Les mots sont cinglants, et surtout, ils parlent à tout le monde. Mais en droit, quel est le sens réel de cette épithète à l’infraction de base ?

La bande organisée suppose l’existence d’une organisation structurée en vue de commettre un crime ou un délit (art.132-71). Lorsque cette hypothèse est retenue, elle entraîne une aggravation de la peine, un peu comme la préméditation transforme le meurtre en assassinat. Mais surtout, elle donne des moyens d’investigation plus importants.

Dans notre droit, la différenciation est récente. Une ébauche apparaît dans la loi « Sécurité et  liberté » de 1981.  Mais le texte était tellement mal fichu qu’il n’a pratiquement jamais été utilisé. C’est la loi du 9 mars 2004 qui a rendu l’idée cohérente.

L’intérêt principal de la bande organisée se situe dans les pouvoirs d’enquête. Cette qualification permet des mesures dérogatoires au droit commun, assimilables à celles qui sont utilisées pour lutter contre le terrorisme, le proxénétisme ou le trafic de stupéfiants. Lorsque les magistrats ajoutent les mots magiques, les enquêteurs disposent de tout ou partie des pouvoirs détaillés dans le titre XXV du Code de procédure pénale : garde à vue plus longue, infiltration, écoutes téléphoniques, perquisitions en dehors des heures légales, sonorisation, captation d’images et de données informatiques, etc.

 » Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on est plus de quatre on est une bande de cons… « 

Toutefois, la conséquence la plus visible est l’alourdissement de la peine. En fin de parcours, c’est souvent la cour d’assises. En théorie. Car, dans la pratique, la justice « correctionnalise » à tout va. Ainsi, une information judiciaire ouverte pour vol en bande organisée passible des assises et de 15 ans de réclusion criminelle peut devenir un vol en réunion, délit passible de 5 ans d’emprisonnement. Les juges feront mine de croire que la réunion est fortuite. Il n’y aurait donc ni organisation ni préméditation.

Il pourrait bien en être ainsi dans l’affaire du Carlton de Lille. Les personnes poursuivies, dont DSK, ont été mises en examen pour proxénétisme en bande organisée. Une infraction qui relève de la Cour d’assises, punissable de 20 ans de réclusion criminelle et de 3 millions d’euros d’amende. Or, au terme de ce dossier particulièrement médiatisé et qui a coûté fort cher au contribuable (il y aurait plus de 3.000 P-V), les juges envisageraient de requalifier l’infraction en proxénétisme en réunion (10 ans d’emprisonnement), ce qui permettrait au procès de se tenir devant un tribunal correctionnel. En l’occurrence, il faut reconnaître que des magistrats professionnels montreraient peut-être plus de sérénité qu’un jury populaire dans une affaire qui a un peu chatouillé l’opinion publique.

La bande organisée permet donc de donner des armes supplémentaires aux juges et aux enquêteurs. Mais la généralisation de son application semble donner raison aux juristes qui s’inquiètent de cette vulgarisation des moyens dérogatoires au droit commun. Et si son utilisation devait devenir une ficelle juridique, il y a fort à parier que, sous la pression de la Cour européenne, le législateur pourrait être amené un jour ou l’autre à revoir sa copie.

Et pour revenir à l’affaire Tapie, en clin d’œil à Brassens, qui sera le cinquième de la bande ?

La lutte contre le terrorisme passe-t-elle par les armes ou par le droit ?

En ce mois de mai 2013, les parlementaires se sont penchés sur deux rapports concernant les services de renseignement français. Le premier concerne l’encadrement juridique de leur action, tandis que le second analyse leur fonctionnement « dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés ». Et comme les deux portent la griffe du député Jean-Jacques Urvoas, on retrouve un peu de l’un dans l’autre. À la lecture de ces documents, au demeurant fort intéressants (que l’on peut trouver ici et ici), il reste une question en suspens : Faut-il accorder aux agents qui luttent contre le terrorisme des pouvoirs extra-judiciaires ?

Conférence de Jean-Jacques Urvoas

De quoi s’agit-il ? De donner à des policiers des pouvoirs de police administrative équivalents à ceux qu’ils détiennent dans le cadre d’une enquête judiciaire : surveillance, captation d’images, de sons, géolocalisation, intrusion occulte dans un domicile, une voiture… Tout cela sur des personnes qui n’ont commis aucun crime, aucun délit. De simples suspects.

Quels sont les services concernés ?

Les principaux acteurs du renseignement français sont au nombre de six, mais trois seulement ont un rôle important dans la lutte contre le terrorisme :

La DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), autrefois surnommée La Piscine en raison de la proximité de ses bureaux avec la piscine des Tourelles, est chargée du renseignement et de l’action à l’extérieur des frontières. Sous sa forme actuelle, ce service a été créé en 1982. Il a remplacé le SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage), lequel a été rattaché au ministère de la Défense en 1966, après l’affaire Ben Barka. La DGSE n’a aucune relation avec la Justice.

Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) est rattaché au ministère des Finances. Ce service a été créé en 1990 pour lutter contre le blanchiment d’argent. Dix ans plus tard, il a vu ses compétences élargies à la lutte contre le financement du terrorisme, et, en 2007, il a rejoint la communauté du renseignement.  Il y a deux ans, une cellule spécifique a été créée pour mieux détecter le financement du terrorisme. Un travail de fourmi. C’est un service d’enquêtes administratives.

La DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) a été créée en 2008 en mariant la DST (Direction de la surveillance du territoire) et une grande partie de la DCRG (Direction centrale des renseignements généraux). Particularité française, c’est à la fois un service secret et un service de police judiciaire.

C’est cette double casquette qui pose problème, car, comme tout service secret, une partie de son activité est clandestine, voire entachée d’illégalité. En revanche, dès qu’un OPJ de la DCRI rédige un procès-verbal, il doit respecter scrupuleusement la loi et il agit alors sous le contrôle d’un magistrat. Or, les informations recueillies en tant « qu’agent secret » ne peuvent figurer dans une procédure, sauf à se livrer à des acrobaties qui aboutissent souvent à des dossiers bancales et à mettre les magistrats dans l’embarras (l’affaire de Tarnac en est un bon exemple). Ainsi, le juge anti-terroriste Marc Trévidic n’hésite pas à déclarer devant les parlementaires : « J’ai moi-même été amené à faire des choses qui ne sont pas légales, car il n’est pas possible de faire autrement… ».

Source : rapport de la Commission d’enquête C.Cavard/JJ.Urvoas

Alors, pour pallier cette difficulté, le député Urvoas, qui est aussi le président de la Commission des lois, propose de faire adopter une loi qui aurait l’avantage de rendre les choses illégales légales.

Aucun risque de dérapage, nous assure-t-il, car aujourd’hui l’État ne peut se soustraire aux juridictions administratives ou à l’acuité des médias. Lire dans un rapport parlementaire que les journalistes sont là pour assurer le contrôle de l’État est assez surprenant…

Yves Bertrand, l’ancien directeur des RG, qui vient de mourir, déclarait l’année dernière à Médiapart (cité par Wikipédia) en parlant de la création de la DCRI  « On ne fusionne pas un service dont la vocation est avant tout judiciaire et opérationnelle, comme la DST, avec un service d’information, comme les RG (…) sinon pour créer une  » police politique  » ». Je ne suis pas loin de partager son avis. En tout cas, si le rapport parlementaire sur « le nouveau cadre juridique pour les activités du renseignement » est suivi d’effet, on prend le risque de s’en approcher un peu plus.

Vous me direz, il faut bien se donner les moyens de lutter contre le terrorisme !

Comment lutter contre le terrorisme ? – En fait il y a deux méthodes pour combattre ce fléau. Soit on estime qu’il s’agit d’une guerre, et alors le terroriste est un ennemi qu’il faut éliminer à tout prix. Dans ce cas, la Justice devient un obstacle. C’est la voie choisie par les États-Unis. Pour les autorités de ce pays, on se trouve en présence d’un conflit d’un nouveau genre, sans uniforme et sans patrie, et l’on peut par conséquent s’affranchir de toutes les conventions internationales. – Mais ceux qui font le sale boulot ne sont pas des policiers.

Soit on considère les terroristes comme des criminels et on les combat par le code pénal. C’est la méthode européenne. Pour nous, Français, cette démarche est conforme à notre passé qui veut que l’on ne déclare pas la guerre à des hommes mais seulement à des États et que l’on ne condamne pas a priori un mouvement, mais uniquement ceux qui, à l’intérieur de ce mouvement, se livrent à des actes criminels. Et cependant, il faut bien reconnaître que la menace islamiste remet les pendules à l’heure, car l’action d’un juge ne sera jamais suffisante.

Pourtant, il n’y a pas d’alternative : le terroriste est un ennemi ou un justiciable. Et se cacher derrière une loi pour effectuer des opérations hors la loi relève du clair-obscur. Dans les services techniques de la DST où j’ai œuvré durant plusieurs années, il y avait des fonctionnaires qui posaient des micros, d’autres ouvraient les serrures, d’autres le courrier… Chacun savait qu’il faisait une chose illégale, mais c’était pour la bonne cause, du moins le croyait-on (le contre-exemple étant la pose de micros dans les locaux du Canard Enchaîné). Si ces actes avaient été couverts par une loi, ils n’auraient eu que l’apparence de la légalité. Ce que le professeur Massimo Donini, de l’Université de Modène, qualifie de « droit pénal de l’ennemi », et qu’il ne considère en aucun cas comme un droit légitime. Il faut prendre garde de ne pas glisser de l’État de droit à l’État de police, ajoute-t-il dans la Revue de science criminelle 2009.

À ce jour, on peut dire que les deux méthodes sont plutôt inefficaces. Mais la méthode américaine présente au moins l’avantage de bien séparer le terrorisme des autres activités criminelles. Alors que chez nous, il y a fréquemment confusion des genres et les décisions prises pour lutter contre le terrorisme s’appliquent souvent à des infractions de droit commun. Et, à l’arrivée, nos libertés individuelles sont de plus en plus écornées, au point aujourd’hui de pouvoir condamner quelqu’un non pas pour un crime ou une tentative de crime, mais pour une simple intention criminelle.

Chérie, tu peux arrêter l’aspirateur ! Je suis en train de lire Urvoas dans le texte.. et le bruit m’empêche de me concentrer.

Il n’existe sans doute aucune solution satisfaisante, mais notre exigence de sécurité ne doit pas nous inciter à faire n’importe quoi. Il faut faire le moins mal possible. Il existe bien l’article 15 de la Convention européenne de droits de l’homme qui prévoit des dérogations à certains grands principes. Et notre Constitution, elle, renforce sérieusement les pouvoirs de police administrative lorsque l’état d’urgence est décrété. Alors, il y a peut-être quelque chose à envisager en se rapportant à ces textes… Une sorte d’état d’urgence au coup par coup : pour un temps déterminé et pour des faits précis, il serait accordé des pouvoirs exceptionnels à des services de police spécialement désignés… Et leur action serait contrôlée a posteriori. Mais finalement c’est peut-être ça que préconise M. Urvoas.

Allez, je vais relire les 360 pages de ses deux rapports…

Meurtre de Léa : le droit jusqu’à l’absurde

Le jeune homme qui a avoué avoir violé et tué Léa, à Montpellier, une nuit de la Saint-Sylvestre, sera-t-il un jour jugé ? En tout cas, si, malgré les arguties juridiques, il doit rendre compte de ses actes devant un jury d’assises, son procès sera bardé d’incertitudes. Mais pas sûr qu’il ait lieu. On le saura le 18 mai prochain.

Pourtant, pour Thomas Meindl, le juge qui a instruit l’enquête, les faits ne font guère de doutes. Rarement une affaire criminelle n’aura été aussi carrée. Du moins dans les actes – car sur le plan juridique, on patauge dans la semoule. Aussi, il y a une quinzaine de jours, il a refermé son dossier en ordonnant la mise en accusation du dénommé Seureau Gérald, 26 ans, pour avoir dans la nuit du 31 décembre 2010 donné volontairement la mort à Léa. Crime accompagné de plusieurs viols caractérisés.

Mais l’avocat du (futur ?) accusé ne l’entend pas de cette oreille. Il a fait appel de cette décision et demande à la chambre d’instruction de constater l’insuffisance de charges, en tenant compte du fait que les aveux de son client ne sont pas conformes au droit : absence d’avocat lors des auditions et droit de garder le silence. Pour lui, avec ce qu’il reste dans le dossier, il pourrait tout au plus être poursuivi pour des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

On imagine la consternation de la famille de la victime. Et ce sentiment de révolte, cet écœurement, contre une justice qui ne ferait pas justice.

Et pourtant, dans cette affaire, les enquêteurs, les magistrats, tout le monde a fait son job. Aucune erreur.

Enfin si. On peut quand même reprocher aux policiers de ne pas avoir prévu que quelques mois après ce crime, les députés allaient adopter une loi pour réformer la garde à vue. Un truc qu’on n’apprend pas encore dans les écoles de police : prévoir le futur.

Donc, en ce 1er janvier 2011, Gérald Seureau a reconnu ses crimes, après avoir – comme c’était la règle à l’époque – simplement consulté son avocat. Et, 3 mois plus tard, nos élus pondent un texte plus conforme au droit européen applicable en principe au 1er juin 2011. Toutefois, pour éviter l’annulation des procédures en cours, on déroge et l’on applique les grandes lignes dans l’urgence. Et urgence il y a, puisqu’au lendemain de cette loi, la Cour de cassation estime en deux mots que toutes les gardes à vue antérieures sont entachées de nullité. Une tempête judiciaire. Heureusement, il y a dans le code de procédure pénale un petit article, le 173-1, qui fixe la durée de l’appel à 6 mois après la mise en examen. Ouf ! On limite la casse.

Mais pour le meurtre de Léa, on est en plein dedans.

Durant sa garde à vue, Gérald Seureau fait des aveux circonstanciés. Et comme c’était à craindre, en juin 2012, la Cour d’appel de Toulouse annule tous les procès-verbaux d’auditions ainsi que les enregistrements audiovisuels afférents et certaines investigations connexes.

Néanmoins, le dossier n’est pas vide. Il existe contre lui de nombreux témoignages et des éléments matériels : sa gourmette retrouvée sur les lieux du crime, ses vêtements tâchés du sang de la victime, saisis à son domicile, et surtout des traces de sperme, identifié comme étant le sien, prélevées en plusieurs endroits sur le corps de la jeune fille.

Mais aujourd’hui, Gérald Seureau, ne se souvient plus de rien. Tout au plus reconnaît-il un flirt avec Léa et quelques coups sans conséquences qu’il lui aurait administrés.

Alors, peut-il s’en sortir comme ça ?

On peut résumer les premières heures de l’enquête de la manière suivante :

Vers 21 heures, le père de Léa vient signaler au commissariat la disparition de sa fille. Il est accompagné de Seureau, la dernière personne à lui avoir parlé. Les policiers enregistrent son témoignage, mais, lorsqu’il retire un gant pour signer son P-V, ils constatent l’existence d’ecchymoses sur sa main. On peut penser qu’ils le pressent de questions. Il y a peut-être quelque part une jeune fille à sauver ! Dans le même temps, un témoin déclare que, lorsqu’il a aperçu le jeune homme vers 14 heures, il a remarqué qu’il avait des griffures sur les avant-bras, que son tee-shirt était déchiré et que son pantalon portait une large tache de sang.

Spontanément, Gérald Seureau avoue alors qu’il a abandonné Léa dans un parc, sans trop savoir dans quel état elle se trouvait. Et il accepte de conduire les enquêteurs sur place. Sur ses indications, ceux-ci découvrent le corps dénudé et sans vie de la jeune fille. Lors de l’autopsie, les médecins légistes noteront de nombreuses blessures et des lésions en plusieurs endroits consécutives à des pénétrations sexuelles.

Entre ces événements et les éléments matériels subsistants après l’écrémage de la Cour d’appel, il reste probablement suffisamment d’éléments pour convaincre les jurés d’une Cour d’assises. Mais qu’en dit le droit, ou plutôt la jurisprudence ?

« Quand bien même des aveux auraient été recueillis au cours d’une garde à vue s’étant déroulée dans des conditions irrégulières, il reste possible à la juridiction de jugement de prononcer une déclaration de culpabilité dès lors que cette déclaration se fonde sur des éléments autres que ces aveux » (Xavier Salvat, avocat général à la Cour de cassation – Revue de science criminelle 2013). Mais encore faut-il que ces « éléments autres » n’aient aucun lien avec les aveux obtenus hors de la présence de l’avocat, a décrété la Cour de Strasbourg en 2012. En fait, pour résumer, en cas de jugement et de condamnation, il appartiendrait probablement à la plus haute juridiction pénale, voire à la Cour de Strasbourg, de vérifier que cette condamnation a été faite sans tenir compte des zones de l’enquête invalidées.

Un long parcours judiciaire.

Karine Bonhoure, la maman de Léa, crie son indignation : « Le procès, initialement prévu au début de l’année 2012, n’a toujours pas eu lieu. Je me trouve aujourd’hui confrontée, pour la quatrième fois, à un recours de la défense… » Face aux techniciens du droit, elle n’a que sa douleur. Seuls les élus locaux l’appuient. Dans la mairie de Mauguio, près de Montpellier, un livre de soutien a été ouvert. Et, le 15 mai à 18 heures 30, une réunion silencieuse est prévue à Montpellier, Toulouse et Paris.

À qui devons nous ce pataquès ? Je vous laisse juge. En tout cas, si Gérald Seureau évitait le procès, ou s’il devait être acquitté aux seuls bénéfices de règles de procédure pénale, je me demande si la famille de Léa ne pourrait pas attaquer la France devant la Cour européenne pour déni de justice.

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Sur son blog,  Maître Éolas voit les choses de façon différente : De l’absurde jusqu’au droit.

La PJ va donc s’enrichir d’un nouvel Office central

Pour mieux lutter contre la fraude fiscale, François Hollande a annoncé la création d’un parquet et d’un office central spécialisés. Oubliant au passage que dans ce domaine les poursuites pénales ne sont pas l’apanage du procureur mais le privilège de l’administration fiscale. Pour faire simple, la peine de prison, c’est un peu le bâton que l’on agite sous les yeux du fraudeur pour l’inciter à négocier au mieux pour les caisses de l’État.

Parmi la ribambelle de crimes et délits, ceux qui touchent à l’argent sont les plus compliqués à établir. Dans un hold-up, il y a les braqueurs, les complices et éventuellement les receleurs. Alors que dans un dossier de fraude fiscale ou de blanchiment, on peut tout aussi bien trouver des criminels, des trafiquants, des margoulins et… d’honnêtes gens. Comme le montre la mésaventure de Florence Lamblin, l’élue écolo, prise à son insu dans l’engrenage d’un blanchiment d’argent de la drogue. D’ailleurs, même si ce n’est pas dans les textes, les juges font la distinction entre l’argent sale, issu du crime, et l’argent gagné proprement, uniquement sali par un détournement des règles fiscales.

Le délit de fraude fiscale résulte de la dissimulation de sommes soumises à l’impôt. Cela va du montage international sophistiqué à la simple omission de déclaration sur sa feuille d’impôts. Il est le plus souvent sanctionné par des pénalités, déterminées par l’administration elle-même sous le contrôle du juge des impôts. Quant aux sanctions pénales, elles sont exceptionnelles. Leur effet dissuasif est d’ailleurs très incertain du fait de la modestie des peines prononcées : le plus souvent une simple amende (autour de 5 000 €). Pourtant, depuis la dernière loi des Finances, dans certains cas, les peines prévues peuvent aller jusqu’à 7 ans de prison et 1 million d’euros d’amende (art. 1741 du CGI). Et, pour sourire un peu au souvenir des avant-dernières déclarations du président de la République, il n’est pas inutile de rappeler que toute personne condamnée pour fraude fiscale peut perdre ses droits civiques.

Pour s’affranchir du bon vouloir de l’administration fiscale, policiers et magistrats préfèrent s’intéresser au blanchiment de fraude fiscale. Il consiste pour un fraudeur ou ses complices à réintroduire l’argent douteux dans un circuit légal. Et pour cela, toutes les combines sont bonnes. Il y a encore quelques années, l’un des moyens souvent utilisé consistait à se faire prêter de l’argent par un établissement bancaire installé en France, en garantissant ce prêt par un dépôt en espèces effectué à l’étranger (back to back). Souvent en Suisse. Un autre procédé ressemblait à un de jeu de chaises musicales, faisant tourner l’argent des clients d’une même banque d’un pays à l’autre. À une toute autre échelle, ces procédés sont toujours utilisés pour le blanchiment du produit du crime organisé. Une plongée dans certains comptes chypriotes serait sans doute révélatrice de ce système. Le blanchiment simple est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende.

Ces deux infractions sont fortement imbriquées mais pour qualifier le blanchiment, il faut d’abord établir l’existence d’une fraude fiscale, même si l’infraction n’est pas poursuivie. Un peu comme un cambrioleur pourra faire l’objet de poursuites pour recel si l’on ne parvient pas à établir sa participation au vol.

Pour lutter contre la fraude et le blanchiment, une loi du 12 juillet 1990 a créé Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins). Cet organisme est considéré comme un service secret. Il est donc protégé, un peu comme la DCRI. Je ne sais pas si un sénateur peut s’en faire ouvrir les portes… En tout cas pour Bercy, c’est une arme redoutable, la clé de voûte de la lutte anti-blanchiment. D’autant qu’à la différence des journalistes qui peuvent s’abriter derrière la loi sur la protection des sources (comme l’a fait Le Monde pour les documents dits « Offshore Leaks »), des tas de professions (banquiers, assureurs, notaires, huissiers, agents immobiliers, casinotiers…) sont tenus de lui dénoncer toute transaction inhabituelle. Même les avocats sont concernés (CEDH : aff. Michaud contre la France). Deux situations opposées : les journalistes disent ne pas vouloir faire le métier de la police et les autres ont juste le droit de s’exécuter. Dans les deux cas, cela peut poser un problème de conscience. Je me demande s’il y a eu débat à la rédaction du Monde

On envisagerait d’ailleurs, Place Beauvau, un système d’alerte qui lui s’adresserait à tout le monde, avec, pour le dénonciateur, la carotte du statut de repenti.

Pour mémoire, en 2001, Arnaud Montebourg (avocat de profession) avait déposé un amendement devant ses collègues députés pour faire de la non-dénonciation en matière fiscale un délit.

Le 9 avril dernier, Pierre Moscovici et ses homologues, britannique, allemand, espagnol et italien, ont demandé au Commissaire européen en charge de la fiscalité l’instauration d’un projet multilatéral d’échange du renseignement inspiré de la législation américaine (FATCA).

On a vraiment l’impression d’une histoire sans fin. Pourtant, ce n’est pas faute pour la police d’avoir accumulé les structures…

Tentons de décortiquer le mille-feuille de ces dernières années :

En mai 2002, il a été mis en place au sein de chaque région administrative des Groupes d’intervention régionaux (GIR) dans lesquels se mélangent plusieurs administrations avec l’objectif essentiel de lutter contre l’économie souterraine. Une coordination nationale de ces groupements est assurée au sein de la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière.

Cette sous-direction de la PJ chapeaute également la division nationale d’investigations financières et fiscales (DNIFF) – dont dépendent la brigade de répression de la délinquance financière (BRDFi), la brigade centrale de lutte contre la corruption (BCLC), créée en 2004, et la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), qui a vu le  jour en 2010.

Services auxquels il faut ajouter l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) au sein duquel sont placés la brigade centrale pour la répression des fraudes communautaires (BCRFC), la brigade de recherches et d’investigations financières nationales (BRIFN) et la plate-forme d’identification des avoirs criminels (PLAC).

Et j’en oublie sans doute, comme la brigade nationale d’enquêtes économiques, dont je découvre l’existence.

Et cela uniquement pour la direction centrale de la police judiciaire.

Le nouvel office central de lutte contre la fraude fiscale et la corruption (OCLCFFC ? – ça se complique) va donc s’insérer dans cet organigramme, probablement en regroupant deux ou trois de ces services – sans doute sans l’ombre d’un effectif supplémentaire. Mais cela aura peut-être le mérite de mieux harmoniser les efforts…

Toutefois, le plus important dans la lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment et la corruption, ne se trouve pas dans l’Hexagone, mais au-delà des frontières. Or, ce nouvel office va indéniablement faciliter les échanges internationaux (la DCPJ assure en effet la gestion et le suivi des trois canaux de coopération internationale : Interpol, Europol, et le système d’information Schengen).

Mais restons lucide, cela ne réglera pas le problème. Pour mémoire, l’OCRTIS (Office central pour la répression du Trafic illicite des stupéfiants) a été créé en 1953. Il a donc 60 ans – Et le trafic international de stupéfiants n’a jamais été aussi prospère, car, comme en matière de fraude fiscale, la solution du problème (si elle existe) se trouve en amont de la répression – et certainement pas dans une réaction coup de poing à une affaire ponctuelle.

Il n’est d’ailleurs pas interdit de s’interroger sur le bien-fondé de cette chasse aux simples évadés fiscaux avec des moyens d’investigation (notamment techniques) identiques à ceux utilisés pour lutter contre le grand banditisme, le trafic de stups ou le terrorisme. Chacun en pense ce qu’il veut. Moi, je suis perplexe, car nous sommes tous contribuables, donc tous suspects… Or, à chaque fois que l’on pénètre plus avant notre sphère privée, que l’on cherche à nous rendre plus transparent, notre autonomie en prend un coup. Et on nous moutonne un peu plus.

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