LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Actualité (Page 8 of 71)

Affaire Grégory : une mère de famille devant le tribunal pour enfants

Finalement, Murielle Bolle est sortie de prison. Les arguments de Jean-Jacques Bosc, le procureur général de Dijon, qui avait demandé son maintien en détention « pour les nécessités de l’enquête et l’efficacité des actes à venir », n’ont pas été convaincants.

Cette requête était assez incompréhensible dans la mesure où les contraintes du contrôle judiciaire sont justement faites pour éviter ce genre de situations. Trop souvent, la justice ferme les yeux sur l’article 137 du code de procédure pénale qui rappelle que si une personne mise en examen et présumée innocente peut être mise en détention, ce n’est qu’à titre exceptionnel. La pratique montre qu’on est loin du compte. Mais dans le cas présent, il est quand même difficile de penser que les suspects vont détruire des preuves d’une affaire passée au tamis depuis plus de trente ans, ou qu’elles vont soudain se rendre coupables d’une « concertation frauduleuse », comme il est dit à l’article 147 du code de procédure pénale.

On a l’impression que les mesures d’isolement imposées aux trois personnes actuellement mises en examen sont plutôt destinées à les éloigner de la curiosité des médias.  Chat échaudé…

Il faut bien reconnaître que l’on voit rarement autant de précautions pour préserver le secret de l’instruction… Mais si l’on veut se faire une idée de la tournure prise par l’enquête, il faut comparer la qualification retenue par la justice. On est passé de l’assassinat (meurtre avec préméditation) à enlèvement suivi de mort. Une infraction tout aussi grave puisque la victime est un enfant : réclusion criminelle à perpétuité.

Quelques années plus tôt, avant 1981, c’était l’article 355 du code pénal qui aurait été applicable. Il se terminait ainsi : « L’enlèvement emportera la peine de mort s’il a été suivi de la mort du mineur. » Continue reading

Dans l’affaire Grégory, avec le temps le piège des faux souvenirs

Si l’enquête sur l’assassinat de Grégory Villemin s’arrêtait aujourd’hui, elle serait prescrite en 2037. Et tout nouvel acte durant ce délai, même émanant de la partie civile, c’est-à-dire de la famille de la petite victime, ferait courir un nouveau délai de prescription d’une durée de vingt ans.

C’est ce qu’il ressort de la nouvelle loi sur la prescription pénale du 27 février 2017. Auparavant, le délai de prescription en matière criminelle était de dix ans, mais dans les faits, cela ne change pas grand-chose, car certains dossiers semblent ne jamais se prescrire, comme la mort du ministre Robert Boulin (1979) ou l’attentat antisémite de la rue des Rosiers (1982).

Mais l’affaire Grégory est d’une autre dimension. Je le dis avec respect pour la famille, mais pour les gendarmes comme pour les magistrats, c’est devenu un challenge. C’est plus avec un esprit de revanche que de justice, comme le dit le juge Lambert dans sa lettre posthume, que ceux qui ont failli il y a trente ans, ou plutôt leurs successeurs, ont rouvert le dossier.

On nous a dit alors qu’un mystérieux logiciel avait analysé des milliers de procès-verbaux Continue reading

Le droit au silence : parlons-en !

Lors du dernier rebondissement de l’enquête sur l’assassinat du petit Grégory, le procureur général de Dijon a déclaré que les époux Jacob, l’oncle et la tante de l’enfant, avaient fait usage de leur « droit au silence ». Une expression reprise par la presse, le plus souvent sans plus d’explication, ce qui a amené nombre de gens à se demander comment cela était possible.

D’après un dessin de Gotlib dans « Trucs-en-vrac »

Autrement dit, dans une affaire aussi grave, comment admettre que des suspects, placés en garde à vue, refusent de répondre aux enquêteurs ! Une question que l’on s’était déjà posée face au mutisme de Salah Abdeslam, actuellement en détention provisoire dans le cadre de l’information judiciaire sur les attentats du 13 novembre 2015.

Il est vrai que l’on peut tout aussi bien inverser ce type d’interrogation : comment obliger quelqu’un à parler ?

En France, si la torture n’est plus de mise, du moins depuis la fin du conflit algérien, le code de procédure pénale ne reconnaît le droit au silence que depuis la loi du 15 juin 2000, une réforme capitale portée par Élisabeth Guigou, alors garde des Sceaux, qui renforce la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes. Même si à l’époque les mauvaises langues ont parlé d’une loi rose bonbon, la première femme à avoir été nommée à la tête d’un ministère régalien a ainsi marqué son passage. En effet, qu’on le veuille ou non, cette loi du gouvernement Jospin a été un pas vers une justice plus respectueuse de l’être humain, auteur ou victime.

Inutile de dire que les syndicats de police sont partis vent debout contre cette réforme. Comment obtenir des aveux d’un suspect si on doit lui dire qu’il a « le droit de ne pas répondre aux questions » ont-ils fait valoir ! Continue reading

L’amère patrie des droits de l’homme

À peine élu, en descendant les Champs-Élysées en command-car, Emmanuel Macron s’est présenté comme un chef de guerre. Dans son premier gouvernement, le ministère de la Défense a d’ailleurs repris l’appellation belliqueuse des années 1950 : ministère des Armées. En annonçant la création d’une task force à sa main et le vote d’une loi mettant notre pays en état d’urgence permanent, il semble assimiler la lutte antiterroriste à un conflit militaire, et il en fait son pré carré. Ignorant le Premier ministre, il se place ainsi comme le chef, non pas des armées, mais de la sécurité nationale.

La task-force – Emmanuel Macron en avait parlé durant la campagne électorale, et, sous l’émotion de l’attentat de Manchester, il a accéléré l’installation d’une force d’intervention placée directement sous ses ordres.

Dans la bouche de notre jeune président polyglotte, c’est une « task force ». Mais, quel que soit le nom qu’on lui donne, il est quand même étonnant de voir que l’on nous sort sans arrêt de vieilles recettes comme s’il s’agissait de nouveautés !

En 1982, après l’attentat de la rue des Rosiers, dans l’une de ses volte-face dont il avait le secret, François Mitterrand décide qu’il faut désormais traquer le terrorisme partout où il se terre, « en remontant jusqu’à la racine du mal ». Il endosse pour l’occasion l’uniforme de chef de guerre : la lutte contre ce fléau devient son domaine réservé. Et il dégaine son arme secrète : « la mission de coordination, d’information et d’action contre le terrorisme », ce qui aurait dû donner la MCIACT, ou un truc comme ça. Pour tout le monde ce sera la « cellule élyséenne ».

Alors que la peinture est à peine sèche dans le bureau de son chef Continue reading

Présidentielles : faut-il flasher les terroristes ?

Vingt-quatre heures après le premier tour des élections présidentielles, la Commission européenne a enregistré une demande de la France de toute première importance : interdire aux « applications smartphone, GPS, sites internet et réseaux sociaux » de signaler aux automobilistes les contrôles de police dans certaines zones dites sensibles, « notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée ».

Si l’utilisation de ces applications (et même leur détention) est interdite depuis un décret Fillon de 2012, cette fois, il s’agit de sanctionner les fournisseurs de ces moyens de signalisation, et comme les mauvais coucheurs pourraient considérer qu’il s’agit là d’une atteinte à la liberté d’expression, le gouvernement a sorti l’arme absolue : la lutte contre le terrorisme.

En conformité avec la procédure européenne, ce décret sera applicable après une période de statu quo de trois mois, sauf si la Commission ou un ou plusieurs États membres émettent des réserves.

Que vive l’Europe !

Existe-t-il un seul exemple qu’un terroriste se soit servi de Waze ou de TomTom pour déjouer les filatures des superhéros de la lutte antiterroriste !

Nous avons là l’exemple parfait d’un nouveau moyen de gouverner, basé sur la peur et destiné à nous faire avaler toutes les couleuvres : le « subterfuge terroriste ».

Un trompe-l’œil largement utilisé ces dernières années Continue reading

Le dernier tour de piste de Carlos

Ces jours-ci, Ilitch Ramirez Sanchez cabotine devant la presse alors qu’il est jugé pour un attentat à la grenade qui a fait deux morts et 34 blessés. Malgré les rides et son visage rondouillard, le bonhomme n’a pas changé : il n’a jamais eu aucun respect pour la vie humaine. Celui qui a terrorisé la France, il y a de cela plusieurs dizaines d’années, ressemble aujourd’hui à un clown qui ne fait rire personne.

Le personnage est apparu au grand jour en 1975, après avoir tué froidement trois hommes, dont deux policiers, et en avoir blessé gravement un autre.

C’était le vendredi 27 juin 1975. Au 13 de la rue des Saussaies, le siège de la DST, l’ambiance est décontractée. Certains se préparent à partir en vacances, d’autres, en week-end. Il y a même un pot pour fêter l’événement et pour marquer le départ à la retraite d’un fonctionnaire de la division B2, celle en charge du terrorisme international. Mais dans la cour, dans les locaux de garde à vue, il y a un certain Michel Wahab Moukharbal, dit Chiquitin, un Libanais de 25 ans que la division de surveillance avait pris en filature depuis sa descente d’avion, à Orly, deux semaines plus tôt.

Une filature qui les avait conduits dans une rue étroite derrière la Sorbonne. Devant l’immeuble du n° 9 de la rue Toullier. Là, un homme attendait. Contact. C’est Carlos – mais personne ne le connaît.

C’est ainsi que cette adresse a été enregistrée par les enquêteurs de la DST Continue reading

Immunités : pour qui pour quoi pourquoi ?

Dans un monde où l’actualité est de plus en plus judiciaire, pas facile de nos jours d’être journaliste ! On a vu récemment les difficultés de la presse à expliquer les subtilités de la nouvelle loi sur la prescription pénale (sur ce blog : La patate cachée derrière l’infraction cachée), tandis qu’aujourd’hui il est question de « l’immunité » parlementaire de François Fillon et de Marine Le Pen.

L’immunité est une cause d’irresponsabilité pénale attachée le plus souvent à la qualité de l’auteur des faits répréhensibles. Elle empêche les poursuites judiciaires sans supprimer l’infraction, ce qui (sauf exceptions) laisse les complices ou coauteurs punissables et ne ferme pas la porte à un procès civil. De fait, l’immunité permet à une personne de commettre un crime ou un délit sans aucun risque. Cette mansuétude est justifiée par l’exigence de la protection d’intérêts considérés comme supérieurs à la justice du tout-venant. Des intérêts qui peuvent être politiques, judiciaires, diplomatiques ou familiaux.  Et dans ce dernier cas, l’immunité nous concerne tous. Continue reading

Police de proximité : l’arlésienne ?

Pour colmater la cassure entre la population et sa police, mise en exergue par l’affaire Théo, certains semblent redécouvrir la police de proximité. On nous a déjà fait le coup. Après sa suppression en 2003 par Nicolas Sarkozy (« La police n’est pas là pour organiser des tournois sportifs… »), elle renaît de ses cendres sous des noms divers au moins par trois fois. La dernière en 2011, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant justifiant alors l’apparition des « patrouilleurs » par le besoin de « créer un climat, une ambiance de sécurité ».

Cette méconnaissance du principe même de la police de proximité est tout simplement affligeante.

Car faire de la « polprox » ne consiste pas à mettre sur le trottoir des gardiens en baguenaude, c’est au contraire une véritable révolution, on pourrait presque dire une philosophie, qui s’inscrit dans un précepte simple : la police n’est pas là pour servir l’État, mais pour assurer la sécurité des citoyens.

C’est un concept relativement nouveau qui est apparu à la fin des années 1980 aux États-Unis et en Angleterre sous l’expression « community policing ». Continue reading

Data-surenchère dans les services secrets

Depuis déjà un certain temps, la DRM (direction du renseignement militaire) s’efforce de convaincre les autres services de mutualiser les moyens techniques. Elle dispose pour cela d’un argument-choc : le Geoint – pour Geospatial Intelligence.

 « La guerre se gagne par la géo-intelligence » a affirmé récemment son directeur, le général Christophe Gomart. Il y a un siècle, il aurait été fusillé pour de tels propos. D’autant qu’il s’adressait à des jeunes gens lors d’un discours tenu sur « l’Intelligence campus entreprise », un lieu où l’Armée et les industriels espèrent recruter de nouveaux cerveaux.

Satellites espions, satellites d'observation, satellites militaires, satellites de télécommunication, satellites météorologiques...

Satellites espions, satellites d’observation, satellites militaires, satellites de télécommunication, satellites météorologiques…

C’est en janvier 2015 que la DRM s’est lancée dans l’aventure en ouvrant, sur la base de Creil, le CRGI (centre de renseignement géospatial interarmées). De quoi s’agit-il ? D’un système tarabiscoté qui mobilise les informations provenant de différentes sources (cybersurveillance, écoutes, sources humaines, documentation ouverte…) en les plaquant sur des images provenant des satellites, des drones, des avions de surveillance, etc. Les techniciens parlent de « chaînes traditionnelles d’exploitation des sources ouvertes ou maîtrisées et de représentation géophysique opérationnelle ». Pourquoi pas !

Pour faire simple, on mélange les images avec les données des sources de renseignement, et l’informatique mouline un résultat. Ce qui donne une sorte de Google earth en live et en 3D. Imaginez, le petit bonhomme jaune au milieu d’un camp djihadiste ! Continue reading

Police : le cadeau de Hollande

Dans le courant de l’année passée, les syndicats de police ont négocié avec le ministre de l’Intérieur un protocole sur l’évolution des carrières et des métiers au sein de la police nationale. Il vient supplanter celui cogité en 2004, alors que Nicolas Sarkozy occupait la place Beauvau, lequel, selon l’analyse contemporaine, aurait bouché les perspectives d’avancement pour nombre d’agents.

Père NoëlLe malaise au sein de l’institution « se nourrit en partie du sentiment d’absence de perspectives de carrière », peut-on lire dans l’introduction de ce nouveau protocole. Cette manie de la gauche de toujours reporter sur les autres ce qui ne fonctionne pas…

Car le malaise des policiers a bien d’autres causes, et notamment le suremploi des forces de sécurité, souvent dans le but purement psychologique de rassurer la population. Vous savez, ce slogan que l’on n’a pas fini d’entendre : « Je veux protéger les Français » – sous-entendu physiquement, car sur le plan social… : plus d’un Français sur sept vit avec moins de 1 003 € par mois (60 % du revenu médian).

Ce protocole couvre l’ensemble des corps « qui, par leur action, concourent à la sécurité des Français » Continue reading

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