LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Actualité (Page 65 of 71)

Une affaire carrée

L’enquête sur le meurtre de la jeune suédoise Susanna Zetterberg a été résolue en quelques jours. Je sais bien, tant que l’homme mis en examen n’a pas été condamné…

Si l’on veut bien s’attarder sur la technique utilisée par la PJ pour mener à bien cette affaire, on retient d’abord une chose : Il s’agit d’une enquête traditionnelle. On a tellement pris l’habitude de nous bassiner avec l’Adn, les fichiers ceci, les écoutes cela, qu’il est important de le souligner.taxi_journalchretien.1209401081.jpg

Ici, les péjistes ont fait du porte-à-porte. Ils ont enregistré les déclarations des témoins, des amis, etc. Puis, lorsqu’ils ont appris l’existence du texto de la jeune femme qui s’inquiétait du comportement du chauffeur de taxi, ils ont fouillé les fichiers, les dossiers, pour finalement tomber sur le suspect idéal. Faux chauffeur de taxi, vrai détraqué sexuel. Et, avec le concours de la brigade antigang, ils l’ont filoché afin de tenter de récupérer le maximum de preuves. Lorsqu’ils l’ont surpris en train de déterrer quelque chose dans le bois de Boulogne, ils ont décidé de l’interpeller. Quasi en flag !

Donc, fi de tous les gadgets à la mode, il s’agit d’une vraie enquête de flics, telle que la pratiquaient les anciens.

Chapeau !

Les pinailleurs détecteront toutefois une particularité intéressante dans le déroulement de cette enquête – cette fois, côté justice.

Le corps de la jeune femme a été retrouvé le dimanche 20 avril 2008, dans l’Oise, hors du ressort de compétence de la préfecture de police. Concomitamment (ou presque) à cette macabre découverte, les amis de Susanna s’inquiétaient de ne pas l’avoir revue et signalaient sa disparition à la police parisienne.

Les gendarmes chargés de l’enquête en crime flagrant ont donc fait les constatations sur les lieux, sur le corps, etc., et leur enquête semblait avancer rapidement puisqu’ils avaient déjà fait un rapprochement (judicieux) avec une agression similaire.

Et le mardi 22 avril, badaboum ! le procureur de Senlis se dessaisit au profit du parquet de Paris – lequel charge illico la brigade criminelle de la poursuite des investigations. On imagine la tête des gendarmes…

Je crois qu’il s’agit là d’une première. En effet, le seul lien qui relie la capitale au meurtre de Susanna Zetterberg est le fait qu’elle ait pris un taxi à Paris. En l’état, on ne sait pas où le crime a été commis, mais tout laisse supposer que ce n’était pas sur le ressort territorial de la préfecture de police.

Il s’agit donc d’un tour de passe-passe judiciaire pour que cette affaire soit traitée à Paris.

Dans la même lignée, pour justifier que les pirates du golfe d’Aden soient jugés en France, on a dit qu’il s’agissait de terroristes – sans abuser quiconque. Par ailleurs, autre bizarrerie, il semble que les coupables n’aient pas été placés en garde à vue mais en détention administrative. Ce qui est également une première.

Honnêtement, si ces deux affaires n’étaient pas aussi graves, on serait en droit de s’interroger sur ces interprétations très approximatives du code de procédure pénale.

Otages et principe de précaution

Ce 11 avril 2008, les autorités se targuent d’un succès : Les 30 otages du voilier Ponant sont libérés sans aucun dommage. La presse claironne et glorifie l’action de la Marine Nationale et du GIGN, sans tenir compte d’un léger détail : le revirement d’une politique de fermeté (on ne paie pas de rançon) qui date de plus de 30 ans. Et du même coup, on soulève une question : Doit-on appliquer le principe de précaution dans le cas d’une prise d’otages ? Je casque, si ça se passe mal, c’est pas ma faute…

gign_ouestfrance_.1208123628.jpgOn a l’habitude de dire que les enlèvements avec demande de rançon datent de 1933. C’est l’année où le congrès américain a voté une loi, dite loi Lindbergh – dont le bébé avait été enlevé et tué, malgré le paiement de la rançon – qui vise spécifiquement ces agissements. Ce texte a fait du « kidnapping » un crime fédéral.
Il s’agit donc de la naissance juridique de ce type de criminalité.

En France, le premier enlèvement célèbre « répertorié » est celui de Madeleine Dassault, la femme du constructeur d’avions. Le 22 mai 1964, elle est kidnappée par des bandits masqués et séquestrée dans une maison abandonnée, près de Senlis. La rançon exigée pour sa libération, de 4 millions de francs, n’a pas été versée. Quant à l’auteur principal, Jean-Jacques Casanova, arrêté cinq mois plus tard, il fut condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Il ne s’agissait pas d’un véritable truand, mais d’un looser qui avait exercé la profession d’agent de perception, puis d’huissier à l’hebdomadaire Jour de France, appartenant au groupe Dassault.

Dans les années 70, le nombre d’enlèvements avec demande de rançon se multiplie. Parallèlement, certains malfaiteurs, surpris en flagrant délit de hold-up dans des établissements bancaires,weber_mickey_theyliewedie.1208123874.jpg retournent la situation à leur avantage en prenant les clients et les employés en otage. Et l’on assiste à ce paradoxe : Ils sont venus pour piller la banque et ils repartent avec des sommes parfois colossales – versées par la banque. C’est tellement juteux que bientôt les truands pénètrent dans les agences avec cet unique objectif.

Pour mettre un terme à cette nouvelle toquade du grand banditisme, les autorités décident alors de s’opposer par tous les moyens au paiement de la moindre rançon.

Pour prendre un exemple célèbre, lors du rapt du baron Edouard-Jean Empain, les malfaiteurs demandent à négocier avec un représentant du groupe Empain-Schneider. C’est un policier qui tient ce rôle. Il accepte un rendez-vous pour remettre l’argent demandé. La rançon est bidon, mais la fusillade sur l’autoroute du sud bien réelle. Deux policiers sont touchés ; l’un des bandits est tué et un autre blessé. Empain est libéré 48 heures plus tard à la demande du truand arrêté.

Cette politique de fermeté des autorités françaises porta ses fruits. Le nombre d’enlèvements alla decrescendo jusqu’à disparaître – ou presque.

De nos jours, depuis peu, on assiste à un revirement de position. L’exemple vient de haut, puisque le président de la République a lui-même négocié la libération des infirmières bulgares et le rapatriement des membres de l’Arche de Zoé. Ici, il ne s’agit pas de rançon mais « probablement » de compromis plus ou moins politiques. Quant à Ingrid Betancourt, l’otage des Farcs, il semble bien que sous le manteau, les tractations se poursuivent activement…

Or, dès l’abordage du voilier Ponant par des pirates, l’armateur, Jacques Saadé, qu’on dit proche de Nicolas Sarkozy, a tout de suite admis le principe du aon-assurances.1208123763.jpgpaiement d’une rançon. (Certains assureurs acceptent d’ailleurs de couvrir ce risque). Cette rançon a été versée avec la « complicité » des autorités françaises. On raconte même que les billets ont transité par un bâtiment de la Marine Nationale avant d’être remis aux ravisseurs par des membres du GIGN.

On arrive donc à une situation nouvelle où le ressortissant français possède une valeur marchande intrinsèque, tant pour certains pays pirates que pour les pirates de certains pays.

C’est flatteur pour notre ego – mais pas sans risques.

Seul le résultat compte, diront certains. Certes !… On ne peut que se réjouir de la libération sans bobo des 30 otages du Ponant. Mais, peut-on dire pour autant qu’il s’agit là d’une réussite ?

Résumons : Après paiement de la rançon, la Marine Nationale et le GIGN (c’est-à-dire des centaines d’hommes avec des moyens colossaux) sont parvenus à arrêter un tiers des preneurs d’otages et à récupérer un tiers de l’argent versé.

Désolé, en police judiciaire on appellerait ça un échec.

 

L'Adn de Machin

Au début de mois de mars, un homme sonne à la porte de la brigade criminelle : « Bonjour, je m’appelle David A. c’est moi qui ai tué Marie-Agnès B, sous le pont de Neuilly. ».

pont-de-neuilly_infos-trafic-paristf1fr.1206983588.gifC’est évidemment impossible. L’assassin de cette dame a passé 48 heures en garde à vue, dans les locaux du 36, il y a 7 ans – et il a reconnu les faits. Il s’agit de Marc Machin, un SDF de 19 ans (à l’époque). Un pauvre type rongé par l’alcool et par la drogue.

Il a d’ailleurs été condamné en 2004 à 18 ans de réclusion criminelle.

C’est à l’honneur de la brigade criminelle de ne pas hésiter à rouvrir le dossier et à vérifier les allégations du farfelu qui vient ainsi remettre leur travail en question.

Et il faut reconnaître à Philippe Courroye, le procureur de Nanterre, une certaine audace pour suivre les enquêteurs dans leur démarche. Il demande une comparaison de l’Adn de ce… soi-disant criminel avec les prélèvements effectués sur les vêtements de la victime, en 2001. Et il y a concordance.

On ne peut pas dire que David A. a tué madame Marie-Agnès B., mais on peut affirmer qu’il était présent au moment où ce crime a été commis.

Il appartient maintenant à la commission de révision de se prononcer. Mais le résultat ne fait aucun doute : cette affaire sera rejugée.

Il y a un enseignement à tirer de ces événements.

Le procureur de Nanterre a déclaré que ces nouvelles analyses Adn ont été rendues possibles grâce à « de nouvelles méthodes scientifiques » (source : Le Point). Alors la question est la suivante : Pourquoi le fichier Adn (FNAEG) n’est-il jamais utilisé pour confirmer ou infirmer des jugements rendus avant sa mise en fonction ? Puisqu’on nous impose ce flicage génétique, pourquoi ne pas exploiter toutes les possibilités offertes par la police scientifique ? Pourquoi la justice française refuse-t-elle d’envisager l’existence d’erreurs judiciaires ? – etdatisoldes_jym-mgcdblogspotcom.1206983745.jpg qu’en ce moment il y a sans doute des innocents derrière les barreaux. N’en sortirait-elle pas grandie ? Aux États-Unis, des centaines de condamnés – dont certains à la peine de mort – ont ainsi été innocentés. Pourquoi pas chez nous ?

A cause de textes de loi anachroniques : En effet, pour réviser un procès, il faut un élément nouveau – comme une recherche Adn « causante ». Mais pour faire une recherche Adn, il faut… un élément nouveau. Glup !

Ne serait-il pas flatteur, Madame le Garde des Sceaux, que nous associassions votre nom à une loi équitable, comme dans un passé récent (et simple) nous associâmes le nom de Robert Badinter à la suppression de la peine de mort ? Ouf ! – Une loi Dati, ça t’aurait de la gueule, non !

Je crois que les médias devraient appuyer une telle démarche. Mais je crains fort que cela ne soit pas pour cette fois. Ces jours-ci, les journalistes ont recherché dans leurs archives une photo de Marc Machin – vainement. Car cette affaire n’a jamais fait la Une. À défaut, ils ont publié celle du procureur de Nanterre, ou, comme Le Monde, les trottoirs du Pont de Neuilly.

Je vais te dire un truc, Machin ! Ton histoire, elle n’intéresse personne.

La IV° cohabitation

En instituant l’élection du président de la République au suffrage universel, la révision constitutionnelle de 1962 a profondément transformé les fondements de notre pays.

louisxiv_bibliothequeetarchivescanada_lignesdutemps.1205748247.jpgPersonne n’a envisagé à l’époque les difficultés qui pourraient survenir du fait de la différence de la durée du mandat entre le président (7ans) et les députés (5ans).

Car il allait de soi qu’un président ne pourrait rester en place avec une chambre des députés d’une majorité opposée à la sienne !

C’était sans compter sur la fascination du pouvoir. François Mitterrand montre le chemin en 1986, et supporte gaillardement la cohabitation de Jacques Chirac (qu’à l’évidence il ne peut sentir). En 1993, de façon plus policée, il fera de même avec Édouard Balladur.

Et, en 2002, Chirac va tranquillement assurer sa fonction de soi-disant chef de l’État, alors que le pays est dirigé par Lionel Jospin.

Mais notre élite renâcle. Aussi, pour contrer ces « mauvais Français » qui ne savent pas ce qu’ils veulent, Jacques Chirac et Lionel Jospin s’entendent (pour une fois) et décident une nouvelle modification de la constitution afin de ramener la durée du mandat présidentiel à 5 ans.

Cette mesure est supposée éviter toute nouvelle cohabitation – sauf en cas de décès ou de démission du président ou de dissolution de l’assemblée nationale.assemblee-legislative-du-bas-canada_archivesnationalesquebec-lignesdutemps.1205748508.jpg

Au premier coup d’œil, on pourrait penser que les électeurs sont d’accord. En effet, au référendum de l’an 2000, 73 % répondent par l’affirmative. Au deuxième coup d’œil, on voit que le taux d’abstention a dépassé 70 % et que sur les 30 % de votants, 16 % ont voté nuls ou blancs.

singe_terresacreeorg.1205749550.jpgDe fait, la cassure est consommée entre la classe politique et les citoyens. Mais pourquoi notre cœur penche-t-il vers la cohabitation ? Peut-être, tout simplement, parce que nous ne sommes pas favorables à un régime qui donne des pouvoirs exorbitants à un seul homme… Les stigmates de la révolution de 1789 !

En tout cas, les électeurs ont trouvé un nouveau moyen de se faire entendre. À ces élections de mars 2008, de fait, ils viennent de mettre en place la IV° cohabitation.

Dorénavant, la droite dirige la France et la gauche dirige les Français.

Perben III

Dominique Perben, l’homme qui se vantait de n’avoir jamais perdu une seule élection, vient de se prendre une veste aux dernières municipales. Les lyonnais lui ont carrément claqué la porte au nez.

Cet homme aurait-il démérité ?

Perben a été Garde des sceaux de mai 2002 à juin 2005. Son passage à la chancellerie a certes laissé des traces (certains disent des séquelles) puisqu’il est notamment à l’origine de deux lois sécuritaires qui portent son nom.

– La loi Perben I (ou loi d’orientation et de programmation pour la justice), voté au mois d’août 2002. Il s’agit essentiellement de mesures destinées à renforcer la responsabilité pénale des mineurs.

– La loi Perben Inon-a-la104.jpgI (ou loi sur la sécurité intérieure), votée en mars 2004. Ce texte renforce considérablement le pouvoir de la police et des magistrats, au grand dam des avocats qui y voient la violation des droits de la défense.

Ensuite, en tant que ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, Perben a pris une décision qui elle laissera des cicatrices indélébiles : le tracé concernant le bouclage de l’autoroute La Francilienne. Parmi les cinq possibilités, et contre toute attente, il a en effet validé le trajet vert, celui auquel personne ne croyait tant il paraissait absurde. Donc l’A104, puisque c’est son nom, va chevaucher la RN 184. Elle va traverser plusieurs villes, dont Eragny, Conflans-Sainte-Honorine, Achères et Poissy. Elle doit rejoindre l’autoroute A 13 à Orgeval, avec la création du plus grand échangeur autoroutier d’Europe. Rien n’étant prévu pour améliorer la circulation sur cette autoroute déjà surchargée, Dominique Perben a réglé le problème : « Yaka supprimer la voie d’urgence… »

conflans_picasawebgooglecom.1205252733.jpgConflans-Sainte-Honorine est particulièrement touchée par ce projet, puisque la ville va être coupée en deux. Il est amusant de constater que cette décision a été prise au moment même où Nicolas Sarkozy promettait de recouvrir entièrement l’avenue Charles-de-Gaulle, à Neuilly, pour éviter les nuisances…

Il est vrai que si les Conflanais votaient mieux, on n’en serait pas là. Rappelons que cette ville de plus de 30.000 habitants est socialiste depuis plus de 30 ans. Elle a bercé la carrière de Michel Rocard et de Jean-Paul Huchon, l’actuel président de la région Île-de-France. Pire, l’actuel maire, le socialiste Philippe Esnol, vient d’être réélu au premier tour avec 61.5 % des voix.

Dans sa profession de foi, à Lyon, Perben promettait (je cite) de s’occuper de l’enfance, des personnes âgées, de la circulation, de la pollution et de l’économie.

L’enfance : la nouvelle autoroute va pratiquement passer au milieu de la cour d’une école et à proximité immédiate de plusieurs autres et même de crèches.

Les personnes âgées : Plusieurs maisons de retraite sont touchées et le quartier « Fin-d’Oise » de Conflans, où vivent de nombreux retraités, va être durement mutilé. On peut prévoir de nombreuses expulsions, notamment de personnes âgées.

La circulation : Cette nouvelle autoroute doit rejoindre l’A13 à Orgeval. Or, celle-ci est déjà saturée. De plus, les travaux qui doivent durer au moins cinq ans vont créer des bouchons considérables – avec les conséquences que l’on imagine.

La pollution : Aux vents dominants, les villes de Conflans-Sainte-Honorine, d’Herblay, de Poissy… vont connaître un taux de pollution qu’on estime bien supérieur à la limite tolérable.

L’économie : Ce projet va coûter plus de 2 milliards d’euros. Or, la région Ile-de-France refuse de débourser le moindre centime. Question : qui va payer ?

Aux reproches concernant le choix de ce tracé pour l’A104, Perben aseine-depuis-lile-de-migneaux-a-poissy_copra.1205252904.jpg répondu : « Moi, au moins, j’ai le courage de le faire…. » Il est vrai que ce projet était dans les cartons depuis plus de 30 ans.

Si un jour les lois Perben ne plaisent plus, on pourra toujours les annuler, selon le vieux principe : « Ce qu’une loi fait, une loi peut le défaire ». Mais lorsque les bulldozers auront massacré le cœur de Conflans-Sainte-Honorine ou défiguré les rives de la Seine, à Poissy, aucune loi ne pourra remettre les choses en état.

On pourra toujours baptiser cette autoroute la… Perben III.

Le jeune et le magistrat

Début janvier 2008, Robert (j’ai changé le prénom) fête ses seize ans. Comme cadeau d’anniversaire, il souhaite suivre la préparation à la conduite accompagnée. Ses parents sont d’accord. Son père lui propose même un petit galop d’essai.

conduite-accompagnee_optimum-auto-ecolefr.1203516593.jpegLes faits se passent dans un petit village de Normandie. Le jeune homme se met au volant, le papa à ses côtés. Et ils font le tour du hameau.

Eh, bien sûr, ce qui devait arriver… Les gendarmes arrêtent le véhicule.

Contrôle d’état-civil. Le père explique. Contrôle de l’état de la voiture. Discussion entre les deux gendarmes. Le bon et le méchant ? Convocation du père et du fils pour le lendemain matin.

Peut-être le méchant aurait-il voulu aller plus vite et mettre le jeune homme en garde à vue. Après tout, il s’était rendu coupable d’un délit.

Rappelons que depuis la loi du 9 mars 2004, dite loi Perben II, la conduite sans permis est un délit punissable d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15.000€. Or, depuis quelques heures, le jeune délinquant a seize ans révolus. Un âge charnière dans la grille pénale.

Et peut-être le bon aurait-il voulu fermer les yeux…

En tout cas, le lendemain matin, le méchant a gagné. Ce devait être le plus gradé. Les gendarmes enregistrent l’audition du père et dans un bureau voisin l’audition de son fils. Puis on passe l’enfant à la moulinette : Photo de face, de profil, relevé décadactylaire des empreintes digitales, et (probablement car le pauvre était dans un tel état qu’il n’a pas de souvenirs précis) prélèvement de son ADN.

Un mois plus tard, Robert est convoqué par la justice.

D’entrée, le substitut du procureur se montre bon enfant. Il lui dit : « Alors mon garçon, on conduit sans permis… ». Puis gentiment, il cherche à rassurer le jeune homme. « Allez, ce n’est pas si grave… Je te propose d’effectuer une journée de « travail d’intérêt général »… pour te punir de ton imprudence. Tu es d’accord ? » Bien sûr qu’il est d’accord, le Robert. Lui qui se voyait déjà derrière les barreaux.

Lorsqu’on m’a rapporté cette mésaventure, je me suis dit qu’il est quand même rassurant de croiser des hommes, des fonctionnaires, capables de faire front et de réagir selon leur conviction, loin du blabla officiel. Un enfant fautif se présente devant un magistrat et ce magistrat le reçoit comme un enfant… Et pour cet ado qu’il ne connaît pas, il humanise les lois, des lois votées par des gens détachés de la réalité – des lois désincarnées. Je ne sais pas sur quel article du Code pénal le substitut s’est appuyé pour prendre sa décision, je ne suis même sûr que cet article existe, mais je lui tire mon chapeau.

Avant de renvoyer Robert à ses études, il a même ajouté qu’il n’y aurait aucune trace au casier judiciaire. Et dieu sait si c’est important pour un petit homme au seuil de la vie professionnelle !louis-de-funes_forumdoctissimofr.1203516716.jpeg

Mais qu’en est-il des fichiers informatisés de la gendarmerie ? Ces traces-là, elles sont à vie. Je veux penser que ces deux gendarmes, le bon et le méchant, jouaient un rôle, juste pour impressionner le garçon, pour lui faire peur, pour lui mettre du plomb dans la tête. En un mot, qu’ils ont fait semblant, qu’ils se sont déguisés en croquemitaines pour la circonstance et qu’à peine Robert sorti de la gendarmerie, en souriant, ils ont jeté le dossier anthropométrique dans la corbeille à papiers.

Ouais, je veux le penser.

 

Notre ADN et nous

Ce siècle sera celui de l’ADN. Dans les années à venir, à force de tournicoter autour de ce petit noyau, de nombreuses recherches vont déboucher sur des applications pratiques. Et les résultats seront époustouflants. Nous devons nous attendre à un changement radical dans notre mode de vie et probablement à un déplacement de l’économie vers le commerce génétique.

police-adn_notreadnetnous.jpgNous avons une fâcheuse tendance à limiter notre intérêt pour l’ADN aux fichiers de police ou à la vérification de l’identité des migrants. Colin Masters s’en fiche, lui ! Il est professeur à l’université de Melbourne, en Australie, et dans son ouvrage Notre ADN et nous, paru récemment aux éditions Vuibert, collection « Va savoir ! », il nous explique de la façon la plus pragmatique possible tout ce qui est en cause. C’est impressionnant.

La lecture demande un effort. Le texte n’est pas toujours facile à déchiffrer, même s’il est malicieusement égayé par les dessinateurs de Charlie-Hebdo. Et je reconnais avoir lâchement zappé sur certains passages vraiment trop scientifiques. Néanmoins, au fil des pages, on découvre la véritable révolution qui s’est amorcée. Et si l’on est curieux de l’homme, de la société, de son avenir, on ne peut pas passer à côté. Bien sûr, c’est moins « réaliste » que la fonte d’un iceberg, mais là aussi notre avenir se joue. Au moins autant que dans le changement climatique, dont on nous rebat les oreilles – surtout lorsqu’on veut nous faire payer une petite taxe supplémentaire.

En médecine, nous explique Colin Masters : « Les avancées récentes de nos connaissances ADN peuvent conduire à de grands progrès en matière de santé humaine […] On prévoit que la connaissance détaillée du génome humain permettra aux scientifiques de trouver les « déclencheurs génétiques » de centaines de maladies […] et de mettre au point des médicaments spécifiques et efficaces pour leur traitement. »

Mais le véritable bouleversement viendra du mariage de la biologie et de l’informatique : la bioinformatique. « Nous pourrions bien être au commencement d’une révolution dans laquelle les scientifiques seront capables, grâce à la bioinformatique, de construire des modèles prenant en compte le nombre astronomique de réactions biochimiques qui constituent la vie humaine […] En bref, il deviendrait possible de modéliser non seulement les briques humaines de la vie […], mais aussi le fonctionnement de l’organisme entier. »

Et cela concerne le plus secret de nous-mêmes : « Notre médecine et notre alimentation, mais aussi notre identité sociale ou nos liens familiaux pourraient bien être bouleversés dans les prochaines années par l’utilisation des biotechnologies. »notre-adn-et-nous.jpg

On dit que le général de gaulle, en 1966, sentant venir la révolution informatique, décida de créer la CII (Compagnie Internationale pour l’informatique). Ce ne fut pas un franc succès… Mais l’idée était là.

Aujourd’hui, à la veille d’une nouvelle révolution, la biotechnologie, nous créons le FNAEG (fichier national automatisé des empreintes génétiques. Je ne nie pas son utilité dans la lutte contre la criminalité, mais est-il bien légitime que nos gènes soient gérés par le ministre de l’intérieur ?

Pour en avoir vu passer bon nombre durant ma carrière, je me dis que ce n’est pas judicieux – ni rassurant.

L'argent virtuel

50 milliards d’euros ! C’est le chiffre que nous assène la Société Générale. Un modeste salarié de cette grande banque aurait engagé dans le système boursier 50 milliards d’euros ! Sans que personne ne s’en aperçoive… Bon ! la presse répercute. Les journalistes les plus circonspects sollicitent l’avis de grosses pointures de l’économie. Lesquelles confirment.

societe-generale_umourcompgjpgRedescendons sur terre. Il est vrai que cette somme ne représente rien, tant nous manquons d’éléments de comparaisons. Si l’on nous dit que la distance qui sépare la terre de telle étoile est de tant de milliards de kilomètres, on reste de bois. Si l’on précise qu’à la vitesse de la lumière, il nous faudrait 12 années pour y parvenir, on comprend mieux.

50 milliards d’euros, c’est le montant de l’impôt sur le revenu. C’est presque le budget de l’éducation nationale, et c’est plus du sixième des recettes de l’État pour l’année 2006 (source Wikipédia).

Alors, Jérôme Kerviel, 31 ans, coincé dans son bureau d’une tour de La Défense, d’un clic de souris a dépensé le budget de l’éducation nationale. Et personne n’a sourcillé !

Dans le même temps, les plus hautes autorités de l’État dénoncent un marché financier qui tourne sur lui-même, complètement déconnecté du monde réel. Il me semble même avoir entendu le chef de l’État parler du monde virtuel de la finance…

Moi, je ne sais pas trop ce qui se passe dans le monde, qu’il soit réel ou virtuel, mais je sais que sur un petit bout hexagonal de cette planète, il existe bel et bien une bourse virtuelle.

C’est même la raison d’être des produits dérivés.

Si l’on s’intéresse aux contrats Euro Notionnel, par exemple, on peut en donner la définition suivante : Contrat à terme fondé sur un emprunt fictif représentatif d’un emprunt d’État d’une durée de vie de 7 à 10 ans.

La valeur nominale d’un seul contrat notionnel est de 100.000 euros, mais l’acheteur d’un tel contrat n’a pas à débourser cette somme. En fait, il ne débourse rien. Il est seulement tenu à un dépôt de garantie de 1.750 euros. Et il s’engage seulement à acheter un tel contrat à une échéance donnée. Engagement on ne peut plus virtuel, puisque ce contrat ne peut lui être livré, pour la bonne raison qu’il n’existe pas.picsou-jackpot.jpg

Donc, sauf erreur dans les zéros, si Jérôme Kerviel avait pris position sur un tel produit, un engagement de 50 milliards d’euros, qui représente l’achat de 500.000 contrats, aurait nécessité une garantie financière de 875 millions d’euros.

Il ne s’agit pas d’une dépense, mais d’une simple caution. Ce qui pour une grande banque n’est pas exceptionnel. Et pour un trader qui, en 2007, aurait fait gagner à son employeur un milliard et demi (source Le Monde.fr), reste sans doute un engagement acceptable. Ce qui en revanche est exceptionnel (et maladroit) c’est d’interrompre brutalement une stratégie d’investissement. Une bizarre décision qui ne convainc personne.

En perdant autant d’argent, on se demande ce que la Société Générale avait à y gagner…

Les pièges du prélèvement bancaire

Le prélèvement bancaire est une autorisation accordée à un tiers de retirer de l’argent sur son propre compte. C’est une façon bien pratique de payer ses factures récurrentes : impôts, EDF, téléphone… Mais s’agit-il d’un moyen dénoué de tous risques ?
Pas si sûr…

Au mois de septembre, un étudiant s’installe dans un studio, à Suresnes. Il demande à l’EDF l’ouverture de son compteur. Rien de plus simple, lui dit-on. Il suffit de relever soi-même les chiffres sur les deux cadrans et de les communiquer par téléphone. Et que la lumière soit ! (fiat lux ! comme dirait Nestor Burma) Mais les lieux n’ont pas été habités depuis un certain temps, et l’électricité n’a pas été coupée. Prudent, le jeune homme insiste pour obtenir le passage d’un agent afin de relever ledit compteur. À ses frais, bien entendu.
Il a eu le nez creux, l’étudiant !
edf-consommation.jpgLes jours suivants, une première facture lui parvient. Elle concerne les charges pour l’ouverture de la ligne et le déplacement d’un agent. Le montant sera prélevé directement sur votre compte numéro…, etc. « Bizarre, s’étonne-t-il, je n’ai pourtant signé aucune autorisation de prélèvement ! Bof ! ce n’est pas grave, puisque de toute façon, je voulais le faire. On verra bien… » Sa banque paie sans sourciller. « Re-bizarre ! Mais il est vrai qu’auparavant, avant de déménager, j’étais prélevé… Alors… Enfin, quand même, ils exagèrent… »

edf-total-a-payer.jpgDeux ou trois semaines plus tard, arrive une deuxième facture. Montant à prélever : 1.577,28 € – sous quatre jours. Là, il panique, l’universitaire. Il appelle papa, maman, la mamie, la tata, l’EDF… Il téléphone à son banquier, il rédige un fax, il fait opposition au prélèvement (un prélèvement qu’il n’a, on le rappelle, jamais autorisé). Ouf ! Il a eu chaud : la banque rejette le règlement. Coût de l’opération environ 15€.

Alors commence une sorte de farandole entre le répondeur téléphonique de l’EDF. « On comprend bien le problème », affirment les opérateurs aimables et conciliants (mais jamais les mêmes), l’un après l’autre. Mais l’ordinateur lui ne comprend rien. Il a engrangé un impayé : rappels, nouveau prélèvement impayé, lettres d’avertissement, lettres recommandées, menacent de coupure, de poursuites judiciaires, etc. A ses moment perdus, le petit cancre étudie le droit. Intérieurement, il remercie Badinter d’avoir supprimé la peine de mort. À chaque courrier, il répond. Il explique qu’il vient d’emménager dans cet appartement, qu’il ne peut donc avoir à régler une telle consommation d’électricité… Nous sommes là à un haut moment de la relation des clients et des entreprises via l’informatique. A se demander qui dirige le monde !

Finalement, au bout de 5 mois, l’étudiant reçoit une lettre dans laquelle le rédacteur reconnaît qu’il s’agit d’un malentendu et regrette les désagréments qui en ont découlé.

Bon, l’incident est clos.

Mais, comme aurait pu le dire La Fontaine, ce galimatias vaut bien un fromage !

En tout cas, il faut en retenir que les banques effectuent parfois des ponctions sur un compte client sans prendre les précautions nécessaires, et que certaines entreprises profitent de cette insuffisance. Pourtant, nombreuses sont celles qui nous imposent ce mode de paiement. En fait, pour être en règle avec cle_france-serrurerie.jpegla législation, elles « tolèrent » d’autres moyens (en tout petit, en bas, à gauche), mais dans ce cas, elles exigent une importante caution (Orange, SFR, Free, etc.). Effet dissuasif assuré.

Or, lorsqu’on accorde un prélèvement automatique à son créancier, on s’engage sans limitation de somme et sans limitation dans le temps. C’est un peu la clé du coffre-fort.

On peut toujours contester une facture, par la suite, mais une fois qu’elle est payée, même si nous sommes dans notre bon droit, il nous faudra courir après notre argent…

Alors, on aimerait que nos représentants politiques, eux si prompts à vouloir notre bonheur (même parfois contre notre gré), se penchent sur ce mini-problème.

En attendant, je vous invite à recenser les autorisations de prélèvements enregistrées sur votre compte (j’ai commencé, ce n’est pas facile), et à éliminer ceux qui ne sont pas indispensables.

En théorie, tant qu’on n’a pas annulé une autorisation, elle reste valable. Il est donc nécessaire de faire opposition aux prélèvements inutiles, ce qui entraîne des frais. Il faut les négocier.

La demande doit être formulée par écrit (envoi recommandé dans les situations à risques) et doit mentionner s’il s’agit d’une opposition définitive ou limitée dans le temps. Il faut exiger une réponse écrite.

coffre_picsou.pgPersonnellement, je serais tenté d’aller plus loin, et de remplacer les prélèvements par des virements. Au lieu de fournir un RIB à son créancier, on lui demande le sien. On ouvre le coffre, mais on ne lui donne pas la clé. J’ai essayé. Aucun ne m’a donné son accord.

La police de proximité

Pour beaucoup, la police de proximité (la polprox) consiste à attribuer police-de-proximite_photopp.1200396076.jpgun secteur géographique à des policiers, toujours les mêmes (un peu comme les contractuels), afin que s’établisse un contact entre la population et « sa » police. L’image simpliste du flic qui serre la paluche au boucher…

C’est un peu plus compliqué.

La promotion 1998-2000 de l’ENA en donne la définition suivante : « Il s’agit d’une réorganisation de la police nationale pour donner une réponse policière adaptée aux besoins de la population. […] Cette réforme globale vise à garantir le droit à la sécurité sur l’ensemble du territoire par une réponse policière adaptée aux besoins de la population. La novation s’entend d’abord en matière d’organisation interne. Elle recouvre ensuite le réinvestissement par la police du territoire local, et l’ouverture de la police aux partenariats avec les autres acteurs de la sécurité, au point de constituer une véritable « révolution culturelle » pour l’institution… »

Qu’on le veuille ou non, les premières pierres de cette réforme sont posées par Charles Pasqua, en 1995. Alors ministre de l’intérieur du gouvernement d’Edouard Balladur, il envisage la création d’une police de proximité.

Jean-Pierre Chevènement reprend le flambeau, et, deux ans plus tard, en octobre 1997, lors du colloque de Villepinte, le gouvernement de Lionel Jospin annonce des mesures pour combattre l’insécurité et la violence urbaine. Notamment la création d’un conseil de sécurité intérieur et le redéploiement de la police nationale vers les quartiers difficiles. De fait, il s’agit des premiers pas vers la mise en place d’une police de proximité.

En 1999, il existe 59 sites expérimentaux de polprox, répartis sur 33 départements. Trop tôt pour faire un bilan. Mais Daniel Vaillant affirme que « la réforme de police de proximité sera conduite à son terme ». Dans le même temps, il rappelle son refus de voir se développer les polices municipales.

En janvier 2001, Lionel Jospin en ajoute une couche en affirmant devant les députés, à l’assemblée nationale, que la police municipale est une fausse solution. « Sherifiser la police, ce n’est pas la tradition républicaine de l’État en France. »

Pourtant, cette même année, plusieurs maires (dont Jean-Pierre Chevènement, à Belfort) prennent des mesures pour limiter, dans certaines conditions, la libre circulation des mineurs. Et à l’occasion de différents recours, le Conseil d’État rappelle les pouvoirs de police du maire.

En 2002, le journal Libération écrit : « Nicolas Sarkozy fait du passé table rase et tue dans l’oeuf une police de proximité qui se met en place depuis trois ans… » Pourtant, malgré des déclarations à l’emporte-pièce, le nouveau ministre de l’intérieur ne revient pas sur les contrats locaux de sécurité (CLS), créés en 1997, dans la perspective d’une police de proximité. Rappelons qu’un CLS est un accord signé entre le préfet, le procureur de la république et le maire (et éventuellement d’autres acteurs locaux) pour définir un plan d’action de la police, de la gendarmerie et de la justice. La base même de la police de proximité. Il en existe pas loin de mille aujourd’hui. De plus, en 2003, ce même Sarkozy met en place « l’observatoire nationale de la délinquance », organisme voulu par son prédécesseur, chargé de rendre compte de l’évolution de la délinquance.belle-arrestation_opgie2003free.jpg

En politique, il y a le verbe et les faits.

Ce petit récapitulatif (qui est loin d’être exhaustif) m’a semblé intéressant aujourd’hui, alors qu’on revient à une certaine forme de polprox, même si l’on tait le nom. On peut d’ailleurs difficilement faire autrement, tant il s’agit d’une évolution normale de notre police dans la société. La gauche avait sans doute raison dans ce domaine, mais elle a eu tort d’exclure de cette réforme la police municipale. D’ailleurs, dans certaines villes, même socialistes, depuis 2002, de fait, la police de proximité est assurée par des agents de la police municipale – et cela ne gêne personne.

 

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