LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Actualité (Page 51 of 71)

Julien Coupat est-il filoché ?

propos-divrogne.jpgC’est le genre de question piège qu’on vous pose généralement entre le fromage et le dessert, et il y a quelques jours, ça n’a pas manqué ! Et si sa libération était un piège des poulets ! a renchéri quelqu’un. J’ai levé mon verre. Un rayon de soleil s’est accroché à la robe pourpre d’un Saint-Amour 2005 ; dans le ciel, un avion traçait un sillage vers l’ouest ; la pollution était normale : bien trop élevée. J’avais envie de répondre un truc du genre j’en sais rien et j’en ai rien… Et puis, je me suis dit que le contrôle judiciaire valait bien une petite réflexion.

Que je vous livre. Sous toutes réserves.

Le principe de droit est fixé par l’article 137 du Code de procédure pénale : « La personne mise en examen, présumée innocente, reste libre. Toutefois (…) elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire (…) Elle peut, à titre exceptionnel, être placée en détention provisoire ».

Dans la pratique, il faut bien admettre qu’après sa mise en examen un présumé innocent devient vite un présumé coupable. Ce qui a été le cas pour Julien Coupat. À tel point qu’à l’issue de sa détention provisoire on a entendu des commentaires du genre : Vous voyez bien qu’il est innocent, puisqu’il est libéré ! Et que le procureur de Paris a dû se fendre d’une explication pour assurer que la fin de sa détention provisoire « ne saurait être interprétée comme le signe de l’absence ou l’insuffisance de charges ».

Donc, après six mois d’emprisonnement, le voici placé sous contrôle judiciaire. Avec des obligations piochées dans l’article 138 du CPP (plus de 2 pages dans le Dalloz) et qui en soit n’ont rien d’extraordinaires. Il est astreint à résidence, il doit pointer toutes les semaines, ne pas voir ou parler aux autres mis en cause, et verser une caution de 16.000 €. On peut trouver qu’il s’agit là d’une somme élevée, mais son montant doit en principe être raccord avec ses ressources. Elle est considérée comme « une garantie de représentation ». Une fraction pourra lui être remboursée s’il satisfait aux obligations du contrôle judiciaire et le reste sera éventuellement utilisé pour dédommager la partie civile (la SNCF est-elle partie civile dans cette affaire ?). En cas de non-lieu ou d’acquittement, cette deuxième fraction lui sera intégralement remboursée.

Mais dans son malheur Julien Coupat a de la chance : il semble avoir échappé au bracelet électronique. Considéré comme une mesure d’application de la peine, ce bijou moche réservé à l’origine aux condamnés peut maintenant garnir la cheville d’un suspect mis en examen.

La personne placée sous contrôle judiciaire supporte nombre d’obligations, d’interdictions…, mais le juge d’instruction a lui des devoirs : Il ne peut porter atteinte à la liberté d’opinion ni aux convictions politiques (si, si !) et religieuses, ni faire échec aux droits de la défense (art R.17 du CPP).

Alors, pour en revenir à la question de base, Coupat est-il filoché ? il me semble qu’une surveillance policière, physique ou à l’aide d’écoutes téléphoniques ou tout autre moyen plus ou moins sophistiqué, porterait forcément atteinte aux droits de la défense. En tout cas, cela donnerait du grain à moudre à ses avocats.

Mais les policiers ont-ils les mêmes contraintes que le juge ? Dans la mesure où ils sont officiers de police judiciaire, la réponse est oui. C’est le cas pour les enquêteurs de la sous-direction antiterroriste de la PJ. Mais ceux qui sont à l’origine de l’affaire appartiennent à la DCRI, un service de contre-espionnage et de renseignements dont les fonctionnaires sont à la fois OPJ et… agents secrets. Alors, la réponse est mitigée. Rien ne les empêche, si ce n’est la morale, l’éthique, de mettre en œuvre toute la panoplie du parfait petit contre-espion : écoutes administratives, micros, caméras, mouchards informatiques, etc. Aucun risque, puisque leur activité est en grande partie couverte par le « secret-défense ». Entendons-nous bien, je ne remets pas en cause l’intégrité des fonctionnaires de la DCRI, mais il faut bien admettre que dans une démocratie, la justice et le secret d’État ne font pas bon ménage.

La création de ce service a d’ailleurs engendré une ambiguïté dont nombre de policiers sont parfaitement conscients. Et de l’ambiguïté naît le doute, voire la défiance…

Pour couper court à ces bruits, au mois de mars, Bernard Squarcini, le patron de la DCRI, a répondu à une interview du Point. Hervé Gattegno lui demande si cette enquête sur des sabotages de voies ferrées relevait réellement du terrorisme : « Ce n’est pas à la police d’apprécier les qualifications pénales retenues contre ces suspects, mais à la justice. Le cadre juridique a été choisi par le parquet, l’enquête est menée par un juge d’instruction, qui a prononcé des mises en examen. La DCRI surveillait ces individus depuis longtemps (…) Assez pour savoir que ce groupe se situait dans les prémices de l’action violente ; le stade où les choses peuvent basculer à tout moment (…) Dans l’affaire de Tarnac, il n’y a pas de délit d’opinion mais un long travail de renseignement. Le problème, c’est que nous avons dû l’interrompre quand la SNCF a déposé plainte : on ne pouvait pas laisser se multiplier des actions qui bloquaient des milliers de passagers dans les gares. Quand le ministère de l’Intérieur et la justice nous l’ont demandé, nous avons communiqué nos éléments… ».

Autrement dit, sous la pression des autorités politiques on est passé directement d’un travail classique de RG à une action judiciaire afin d’éviter que les TGV prennent du retard. J’exagère à peine. 

En l’état, Coupat et ses antinucleaire_celine-lecomte_liberation.pgamis ne sont pas soupçonnés d’avoir voulu faire dérailler un train, mais uniquement d’avoir détérioré des caténaires SNCF. Des actions fréquentes de la part des groupements antinucléaires tant en France qu’en Allemagne, et qui donnent généralement lieu à des enquêtes judiciaires relativement banales. Ainsi, la française Céline Lecomte qui a bloqué pendant une heure un train transportant de l’uranium en Allemagne.

Bernard Squarcini a créé au sein de la DCRI un service chargé d’évaluer les coûts de fonctionnement « pour que les contribuables sachent que leur argent est bien utilisé ».

On aimerait lui poser la question : ces « terroristes » méritaient-ils un tel déploiement de moyens policiers ? Et combien ça nous a coûté ?

Désolé, je me suis éloigné du sujet. C’est à cause du Saint-Amour…

Le retour des gentlemen cambrioleurs

arsene-lupin.gifOn voudrait nous faire croire qu’on vit dans un monde où l’on doit craindre en permanence pour sa vie ou pour ses biens. Pourtant, hier, un homme a fait main basse sur des bijoux d’une grande valeur – sans violence. Certes il tenait une arme à la main, mais sa meilleure arme n’était-elle pas plutôt cette psychose sécuritaire dont on nous rebat les oreilles et qui nous paralyse de trouille ?

Il a une cinquantaine d’années. Il est élégant, et il a troqué le haut-de-forme cher à Arsène Lupin contre un borsalino des années 30. Le portier du grand joaillier Chopard lui ouvre sans hésiter. En ce début de week-end de Pentecôtes, Paris a un petit air de vacances.

L’homme ne perd pas son temps. Il menace les trois employés et repart avec son butin. L’histoire ne dit pas s’il salue en soulevant son borsalino…

Cette histoire me fait penser à celle de Bruno Sulak. Dans les années 80, c’est avec un sang froid identique qu’il avait dévalisé une bonne dizaine de bijouteries. Lorsqu’il braque le joaillier Van Gold, le quartier est… bleu de flics en raison de la visite du chancelier allemand Helmut Kohl. À Cannes, c’est en short et la raquette de tennis sous le bras qu’il se présente chez Cartier. Victime pour la deuxième fois de ce bandit hors du commun, le P-DG de Cartier, Alain-Dominique Perrin, beau joueur et pragmatique déclare alors : « C’est une mémorisation visuelle du nom Cartier comme aucune campagne ne pourrait la créer. »

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Personnellement, c’est en 1982 que je fais la connaissance de Bruno Sulak. Après des mois d’enquête, de surveillances, de filatures, un groupe de l’OCRB (office du banditisme) lui met la main dessus alors qu’il vient rendre visite à sa maîtresse. Une garde à vue de 48 heures dans une ambiance bon enfant. Il avoue une quinzaine de hold-up, se refusant néanmoins à désigner ses complices. C’est un type plutôt sympa et atypique par rapport aux braqueurs qu’on rencontre habituellement. Il parle volontiers, de tout et de rien. Alors qu’il part pour des années de prison, il prévient : « Je m’évaderai, n’ayez crainte ! »

Sept mois plus tard, deux hommes braquent les gendarmes qui l’escortent lors d’un transfert par train. C’est peu après qu’il commence à me téléphoner. Dorénavant, il est connu. Il soigne son image. À l’inverse d’un Mesrine, il se veut romanesque. « Je ne vole qu’aux riches », dit-il. Mais il s’accommode mal de cette cavale permanente. Il a besoin d’une vie sociale, mais ce n’est pas facile : on est toujours derrière lui. Cela l’oblige à souvent changer d’identité, à changer de vie, à abandonner ses amis… En fait, il est enfermé dehors.

Arsène Lupin, le héros de Maurice Leblanc, n’utilisait pas la violence. Il préférait se servir de ses neurones, de son charme et de la naïveté des autres. N’empêche, si ma mémoire est bonne, que de temps à autre il sortait une arme de sa poche…

bruno-sulak_garde-a-vue_perso.jpgTout comme lui Sulak se voulait un voleur aux mains propres. Il disait qu’il ne ferait pas de mal à une mouche. Je le crois. Pourtant un jour, au cours d’un braquage à Thionville, l’affaire tourne mal et pour s’enfuir il prend un otage et menace les policiers avec une grenade dégoupillée. « T’as raison, me dit-il le lendemain au téléphone, je suis un danger pour la société. ». Et il me donne rendez-vous dans un bar : « Tu viens seul, hein !… ». Je me dis qu’il veut peut-être négocier quelque chose. Mais il n’y a rien à négocier. La société ne lui fera aucun cadeau. Il doit en être conscient, puisqu’il ne vient pas. « Je t’ai vu, à la terrasse du café, mais… ».

Il n’y a pas de morale à mon histoire :

« J’aurais pu être flic », m’a dit un jour Bruno Sulak. Je lui ai répondu que j’aurais pu être truand. Et Marcel Achard aurait ajouté : « C’est toujours par hasard qu’on accomplit son destin ».

Le fichier d’analyse sérielle : nouvelle technique d'enquête

L’analyse sérielle n’est pas réservée aux serial killers, mais au plus grand nombre, c’est-à-dire à chacun de nous. Pour que cela fonctionne, il faut recueillir un maximum de renseignements sur un maximum de gens. Ensuite le policier lance son filet, aux mailles plus ou moins fines, et il fait le tri.

peche-filet.jpgBanni donc le temps où la police ne s’intéressait qu’aux suspects. La démarche actuelle part d’un syllogisme à la Socrate : Tous les hommes naissent innocents, les coupables sont des hommes, donc pour trouver les coupables, il faut ficher les innocents.

C’est du moins ce que laisse présager la nouvelle loi sur la sécurité intérieure qui semble entériner le fichier d’analyse sérielle.

Il s’agit de faire ce qu’on a toujours dit qu’on ne ferait pas : le croisement de tous les fichiers (pas seulement ceux de la police) et de toutes les informations qu’on peut recueillir sur un individu, qu’elles soient judiciaires, policières, administratives, ou personnelles (ce qui explique, pour répondre à un lecteur, que les policiers posent parfois des questions saugrenues, alors qu’auparavant on se limitait à la petite ou à la grande identité).

L’analyse sérielle appliquée à la criminalité est le résultat d’une démarche entreprise à la fin des années 90 par des groupes de chercheurs universitaires, des psychologues, des médecins et des gendarmes. C’est ce qui est indiqué dans le préambule du livre Identification et sérialité, publié sous la direction de Loick M. Villerbu et Pascal Le Bas, aux éditions L’Harmattan.

Voici la définition (très simplifiée) qu’en donnent les auteurs : Analyse psycho-criminologique qui vise tous les champs d’un individu (personnalité, habitudes, comportement, déplacements, etc.) afin de bâtir un historique en repérant par rapprochement analogique tout ce qui dans une vie s’opère par répétition.

Autrement dit, si j’ai bien compris, il s’agit de repérer notre manière de vivre, nos habitudes, etc., pour obtenir un portrait informatisé de notre personnalité.

Ensuite, pour rechercher l’auteur d’un crime ou d’un délit, on opère en trois temps :

1) Il faut « reconstruire » l’auteur (inconnu) en accumulant le maximum de détails concrets tant sur sa manière d’agir que sur son comportement et son aspect physique, voire psychologique.

2) L’ordinateur restitue la liste des individus auxquels les éléments recueillis peuvent s’appliquer.

3) Il ne reste plus qu’à faire le tri.

Il est évident que plus il y a d’infractions identiques, plus il devient possible d’affiner la recherche.
Et plus on possède d’éléments sur un grand nombre d’individus, plus la pêche est bonne.

Cette nouvelle forme d’enquête nécessite donc de stocker le plus de choses possibles sur le plus de monde possible, et cela le plus tôt possible, voire dès la naissance. meilleurdesmondes.jpg

Je n’exagère pas. Le 15 janvier 2007, lors d’une réunion qui regroupait les 27 ministres de l’intérieur de l’UE, pour mettre en place le croisement des fichiers Adn, le représentant de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, a déclaré : « Les citoyens seraient mieux protégés si leurs données ADN étaient recueillies dès leur naissance. »

Son nom ? Tiens, je vous laisse deviner. Juste pour vous mettre sur la piste disons qu’aujourd’hui, il se verrait bien place Beauvau.

Les minots-délinquants et les élections européennes

Les minots-délinquants font bondir Darcos et Estrosi qui dans une saine émulation malmènent durement la ministre de l’Intérieur : portiques de sécurité, fouille à corps, enseignants OPJ, etc. Celle-ci réagit avec un temps de retard, et devient du coup l’élément modérateur du gouvernement.

drapeau-europe.jpgLe décor est planté.

Hier, l’air de rien, sur France 2, le bon élève Pujadas a assimilé les mauvais élèves à des délinquants, se gardant bien néanmoins de tomber dans le pathos d’un Roger Gicquel qui, il y a plus de 30 ans, annonçait d’une voix d’outre-tombe : « La France a peur ! ».

Le climat est créé.

Aujourd’hui (communiqué officiel) : « Le Président de la République réunira les principaux acteurs de la sécurité, de la chaîne pénale et de l’Éducation nationale, jeudi 28 mai 2009 à 11h00 au Palais de l’Élysée…».

securite-revue-presse-1986.1243499821.jpg

Ces coupures de presse datent de 1986. Mitterrand est président de la République et l’union de droite RPR-UDF vient de remporter les élections législatives. C’est la première cohabitation, avec au bout de chemin les élections présidentielles. Mais le Front national a obtenu près de 10 % des suffrages exprimés…. Du coup, la sécurité devient un enjeu politique de premier plan.

Pasqua, Pandraud et Chalandon auront beau faire, le 8 mai 1988, au second tour des élections présidentielles, François Mitterrand bat Jacques Chirac avec plus de 54 % des voix.

La ficelle était peut-être trop grosse…

Finalement, rien de nouveau ! La sécurité est toujours le crapouillot  qu’on sort au beau moment… On peut juste en déduire qu’aucun de nos dirigeants ne figure parmi les 57 % de Français qui ne s’intéressent pas aux élections européennes du 7 juin prochain. Et en conclure qu’on aurait tort de ne pas se déplacer…

Si ça se trouve, fera même pas beau !

Antoine a 7 ans

Antoine.pngOn se souvient de ce petit garçon disparu le 11 septembre 2008. Sa maman et son compagnon l’avaient laissé seul à la maison, alors qu’ils allaient dîner au restaurant. Leur absence n’a pas été longue, mais lorsqu’ils reviennent, l’enfant n’est plus là. Cela se passait le 11 septembre 2008, à Issoire, dans le Puy-de-Dôme. Le 24 mai, Antoine a eu 7 ans*.

Malgré les déclarations du procureur, 9 mois plus tard, on ne sait toujours pas ce qu’il est devenu…
(Voir sur ce blog, Antoine, l’enfant oublié)

Et, coïncidence des dates, hier 25 mai, c’était la journée mondiale des enfants disparus. D’après le commissaire Frédéric Malon (le chef de l’OCRVP**), le nombre de disparitions inquiétantes a franchi pour la première fois la barre des 10.000 (10.846) l’année dernière – dont 500 mineurs. Et pour 304 de ces mineurs, il s’agit d’une affaire criminelle. Certaines ont été résolues, mais au premier janvier, pour 77 enfants, on ne sait pas…

La Commission européenne vient d’adopter un numéro d’appel d’urgence pour les enfants disparus, le 116 000. Bientôt l’indicatif 116 sera utilisé pour d’autres services sociaux. Les États ne sont pas tenus d’assurer lesdits services ; ils peuvent être délégués à des organismes privés.

Ainsi pour la France, c’est l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation (Inavem) qui assure (24h/24) l’écoute aux familles ; numéro-enfants disparus-116000.jpgtandis que la Fondation pour l’Enfance prend en charge l’orientation vers les administrations et les associations spécialisées.

Le 116 000 est opérationnel depuis le 25 mai 2009.

Outre-Atlantique, les Québécois sont très sensibilisés à ce problème, avec 17 disparitions signalées chaque jour. (dans 63 % des cas, l’enfant est localisé dans les 24 heures).

Pour Mme Pina Arcamone, responsable de l’association Enfant-retour Québec, un enfant disparu devient la responsabilité de toute la collectivité et il faut que le public se sente concerné. Ce qui importe c’est d’obtenir des indices. Plusieurs dossiers ne progressent pas faute d’information ou d’une simple piste de départ.
Elle pense qu’il est nécessaire de discuter de ce risque avec les enfants, pour qu’ils soient conscients des situations dangereuses.

Personnellement, je partage cette analyse :
– Sensibiliser les enfants et les personnes qui en ont la garde.
– En cas de disparition, recueillir (très vite) le maximum de détails, de témoignages…, pour lancer les recherches et pour orienter utilement l’enquête.

Et peut-être ne serait-il pas inutile de sensibiliser également magistrats, policiers et gendarmes, en leur rappelant qu’il n’existe qu’une seule certitude : lorsqu’un enfant disparaît, ce n’est jamais une enquête ordinaire.
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* Blog sur la disparition d’Antoine.

** L’office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) a été créé en 2006. Il est chargé de coordonner sur le plan national la lutte contre les infractions violentes à l’encontre des personnes. Composé de policiers et de gendarmes, il a repris en compte les missions initialement dévolues à l’office central chargé des disparitions inquiétantes de personnes (OCDIP).

Chroniques du procès AZF (11)

Des suspects a priori – C’est l’impression que l’on ressent en lisant les dépositions d’anciens salariés d’AZF : « J’ai été mis en examen, et je ne sais toujours pas pourquoi. Ne azf-apres-lexplosion_photosebastien-prats- DR.1243258266.jpgme mettez pas les morts en face, ce n’est pas le moment ! On a été traités d’assassins, accusés de meurtre. Au lieu de nous cracher dessus, on aurait dû nous donner une médaille ! (…) On nous dit :  » Vous avez tué des gens « . Non, on a sauvé des gens ! » C’est Richard Mole, un ingénieur du site AZF qui parle ainsi. Lui et quelques-uns de ses collègues en ont gros sur le cœur. Ils n’ont pas digéré la manière dont ils ont été traités par les enquêteurs de la police judiciaire et par les juges d’instruction.

À la lecture de cette nouvelle chronique de Jean-Christian Tirat, on a l’impression que les policiers ont tenté de faire coïncider les dépositions des témoins ou des suspects avec la version officielle annoncée d’entrée de jeu par le procureur de la République.

Une impression dérangeante…

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Le tribunal évacue, invalide, exclut et réfute
Pour élucider le mystère de la catastrophe de Toulouse, les hypothèses d’une météorite tombée fortuitement sur le hangar 221 d’AZF, celle d’une bombe non explosée lâchée par la RAF le 2 mai 1944, et celle encore plus saugrenue d’un essai militaro-industriel high-tech loupé pour des raisons X ou Y, ont été évacuées par tous les experts ; pour une fois unanimes serait-on tenté d’ajouter.
Celle d’un arc électrique a aussi été vite invalidée. On aurait d’ailleurs pu y associer l’idée séduisante d’un « tsunami » de monopôles magnétiques développée par des physiciens de l’Institut Louis de Broglie et de l’institut Semenov de Moscou, mais il n’en a même pas été question.
Restent la piste d’une explosion due à un gaz exogène, tout aussi prestement réfutée par un expert (nous y reviendrons dans une prochaine chronique) ; et la piste intentionnelle gardée au chaud par le président du tribunal (voir la chronique du procès AZF n°10).
En attendant, c’est l’explication privilégiée (de guerre lasse ?) par les juges d’instruction Thierry Perriquet et le très discret Didier Suc, que le tribunal va passer au crible.
Il s’agit du mélange accidentel de quelques balayures d’un dérivé chloré pour piscines (DCCNa) avec des nitrates d’ammonium (NA) humides qui aurait été déversé dans le box d’entrée du hangar 221 où transitaient les NA déclassés pour raisons commerciales*.

* Pour en savoir plus sur les nitrates et le DCCNa.

Le président patouille
11 semaines que le procès est ouvert, sans que la thèse officielle soit franchement évoquée si ce n’est par touches successives, prudentes, méthodiques… Le président a certes fait le ménage, mais il va et vient maintenant au gré de la disponibilité des témoins et au détriment de la cohérence des débats.
Il rôde autour de l’option controversée du mélange incompatible : Il s’englue dans l’huile de carter des engins de chantier, neufs mais déjà fuyants selon l’accusation ; il s’enrhume sous un léger vent d’Autan, peut être humide ; il patouille dans des engrais secs ou boueux, c’est selon ; il patine sur une éventuelle croûte géante de nitrates pollués qui recouvrirait une dalle en béton en plus ou moins bon état. À ce jeu, il finit par s’enliser dans le marigot des textes réglementaires scrupuleusement respectés pour les uns, « adaptés » pour les autres. Pour changer, il flaire les miasmes du chlore ou de l’ammoniac ; il toussote et l’on s’y perd. Quand va-t-il aborder le problème de front ? Les victimes et leurs avocats, comme ceux de la défense s’impatientent. La tension monte.

Elle monte sur les conditions d’exploitation du hangar 221…

Lire la suite de l’article…

Pour un vol de vélos

En interpellant deux enfants à la sortie l’école et en les retenant pendant deux heures, les policiers ont-ils agi en toute légalité ? Rien n’est moins sûr : les mineurs sont « protégés ». Ceux de moins de 10 ans sont intouchables et entre 10 et 13 ans, ils ne peuvent pas faire l’objet d’une mesure de garde à vue.

Nounours-sans-Nicolas-et-Pimprenelle.jpgToutefois, à titre exceptionnel, un enfant de 10 à 13 ans peut être retenu par un OPJ s’il existe contre lui des indices graves ou concordants laissant présumer qu’il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Dans ce cas, l’OPJ doit avoir l’accord préalable d’un magistrat spécialisé dans la protection de l’enfance, et la durée de rétention est fixée par ce magistrat et ne peut dépasser 12 heures. Exceptionnellement, une prolongation de 12 heures peut être accordée.

Même si le législateur ne parle pas de garde à vue, la présence de l’avocat est ici une obligation. Si le mineur ou ses représentants ne le désigne pas, le bâtonnier doit être informé dès le début de la retenue pour que soit commis un avocat d’office.

Pour les deux enfants de Floirac, cette procédure a-t-elle été suivie ? L’un d’eux est âgé de 10 ans… Plus ou moins de 10 ans ?

L’autre a 6 ans. Que se passe-t-il si un enfant de moins de 10 ans a commis une infraction ? D’après François Fourment, dans son traité de procédure pénale, sa rétention ne serait pas envisageable sur la base de l’article 4 de l’ordonnance de 1945, mais « sa rétention resterait possible sur le fondement du pouvoir d’exécution d’office de l’administration, en l’occurrence sur les dispositions du Code civil relatives à l’assistance éducative (art. 375 et suivants) ».

Le rapport avec les enfants est un véritable casse-tête pour le policier. On ne compte plus le nombre d’instructions, de circulaires…, sur le sujet. Sauf erreur, la dernière date du 22 février 2006. Elle donne des instructions précises concernant le contact avec les mineurs, notamment lors des contrôles d’identité, des fouilles à corps, des gardes à vue, etc., et recommande aux policiers de « conserver en toutes circonstances des pratiques professionnelles irréprochables vis-à-vis des mineurs, qu’ils soient victimes, témoins, mis en cause ou simplement contrôlés ».

Gageons que cette histoire de Floirac va donner lieu à une nouvelle circulaire du ministre de l’Intérieur. Comme pour les fouilles à corps, comme pour l’usage des menottes, etc. Mais à quoi bon donner des instructions, si elles ne sont pas appliquées ?

La commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) relève (saisine 2008-34, rapport 2008) le cas d’un enfant de 9 ans que les policiers sont venus chercher à l’école pour le conduire au commissariat, à la suite d’une querelle de mômes.
Son « arrestation » a eu lieu, sans l’accord de ses parents, contre l’avis du directeur de l’école et sans que le procureur de la République ne soit informé – et surtout sans aucun fondement juridique, puisque la loi ne prévoit pas l’audition de mineurs de moins de 10 ans.
À la suite de l’avis de la CNDS et d’une enquête de l’Inspection générale des services, des poursuites disciplinaires ont été engagées à l’encontre des fonctionnaires à l’origine de ces manquements.

Aussi, malgré les déclarations du directeur départemental de la sécurité publique de Bordeaux, la légalité de l’action de ses fonctionnaires n’est pas évidente.les-policiers-et-lenfant_allopolice.1242989642.jpg

Et même si les policiers avaient le droit pour eux… Cette histoire reste incompréhensible. N’y a-t-il pas un moment où il faut jeter sa casquette et se conduire comme un homme responsable, comme un père ? Il suffisait de convoquer les enfants, les parents, d’admonester les premiers, et de placer les seconds devant leurs responsabilités…

On aurait aimé une scène de ce genre:
« Pour cette fois, je ferme les yeux, hein ! Mais je garde le dossier sous le coude, et à la moindre incartade… »

Le policier se veut menaçant, mais il a du mal à retenir un sourire. Et à peine la porte refermée, il jette le dossier dans la corbeille à papier – et, fier de lui, il passe aux choses sérieuses.

Les policiers et la « mort subite »

Lors de ce tir d’armes de gros calibres contre les forces de l’ordre, à La Courneuve, il n’y a pas eu de blessés. Ce n’est pas toujours le cas. Si la plupart des policiers ne connaissent medecin_sante-gouv.jpgjamais l’épreuve du feu, tous sont conscients qu’un jour ou l’autre cela peut arriver.  Et il n’y a pas d’école. On ne peut pas savoir comment on va réagir devant une arme braquée sur soi. Dans de telles situations, j’ai vu des comportements héroïques, voire inconscients, et j’ai vu des types perdre les pédales. Incapables de se maîtriser. Nombre de bavures ont la peur pour origine.

Aussi, lorsque je suis tombé sur cette étude effectuée au sein de la préfecture de police de Paris, j’ai osé un rapprochement.

Durant cinq ans, entre 1967 et 1972, 7.746 policiers parisiens âgés de 42 à 53 ans ont fait l’objet d’attentions particulières. Ils ont eu droit à un suivi médical régulier et notamment à un relevé de leur fréquence cardiaque, non pas seulement pendant l’effort, mais juste avant.

Il s’agissait pour le professeur Xavier Jouven et ses collaborateurs du Centre de recherche cardiovasculaire de Paris (Unité Inserm 970) de mettre à jour une méthode pour prédire quelles sont les personnes présentant un risque accru de mort subite par crise cardiaque.

Et pour cela, ils ont mesuré le stress induit « à l’idée » de pratiquer un test d’effort – avant même de commencer à pédaler sur le vélo habituellement utilisé pour ce genre d’examen.

Au cours des 23 années qui ont suivi, 1.516 décès ont été enregistrés parmi ces policiers, dont 81 « morts subites » faisant suite à une crise cardiaque.

La plus forte proportion de morts subites a été relevée chez les hommes (il n’y avait pas de femmes dans l’étude) dont la fréquence cardiaque avait le plus augmenté avant l’effort et le moins augmenté pendant l’effort.

Les chercheurs avancent donc comme hypothèse « que l’augmentation de la fréquence cardiaque lors du léger stress mental précédant l’effort, est une variable fortement prédictive de mort subite ».

Autrement dit, plus on angoisse à l’idée de l’action qu’on va entreprendre, plus on a des risques de faire une crise cardiaque.

Peut-on parler d’un stress de « l’imagination » ?

Pour Xavier Jouven et ses collaborateurs il s’agissait de trouver un moyen simple de sélectionner les gens à risques pour leur assurer ensuite, du moins je le suppose, un suivi médical adapté.

Mais cette étude ne peut-elle pas être utilisée autrement ?

Si un homme d’action, comme un policier, subit un stress trop important à la simple idée de pédaler sur un vélo, quelle peut être la réaction de son organisme dans une situation tendue, voire dangereuse ?

Et quelle peut être sa réaction tout court ?

J’extrapole, car cette étude n’a pas été faite pour les policiers, il s’est juste trouvé que ces fonctionnaires ont accepté de servir de cobayes. Mais parmi ces 81 victimes d’une mort subite, on peut penser que certains n’étaient pas faits pour ce métier…

Et ils ne le savaient pas. Il me semble qu’il y a là un sujet de réflexion pour l’administration.

Chroniques du procès AZF (10)

La levée du secret-défense –  Le ton monte à Toulouse, et les choses s’accélèrent… Le tribunal veut casser le secret. Il désavoue le travail de la police judiciaire et délivre sac-nitrate_azf-lenquete-assassinee.1242750707.jpgune commission rogatoire aux gendarmes pour identifier les policiers qui 3 semaines avant l’explosion ont informé la SNPE des risques d’un attentat.

Jean-Christian Tirat suit le procès pour nous. Voici la suite de sa chronique…
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Après les témoignages des proches d’Hassan Jandoubi, le tribunal s’est dit « prêt à suivre » leur conviction et à l’exonérer du soupçon de malveillance qui pouvait peser sur lui. Mais à présent, pour se forger une opinion, le Président et ses assesseurs vont écouter des témoignages plus scientifiques : celui des experts.

Espérons que les blogs sauront faire court
La question est de savoir s’il est possible de mettre intentionnellement en détonation un stock de 300 tonnes de nitrate d’ammonium* (25% de NAI et 75% de NAA) avec et sans adjonction de fuel…
Pierre Thébault (expert en pyrotechnie et directeur général adjoint de la société Lacroix) :
– La première condition à remplir est le confinement. Comme ce hangar est ouvert, le confinement ne peut provenir que de la masse elle-même, sous une certaine hauteur de produit. Au cœur du tas il peut donc exister un autoconfinement.
– La deuxième condition, c’est l’énergie délivrée par le détonateur ou l’explosif primaire : « Nous avons fait des essais dans lesquels nous avons examiné la capacité du détonateur seul ou renforcé par une charge complémentaire, dite booster
».

Au sein de l’entreprise Lacroix le spécialiste a « reconstitué » le confinement à l’aide d’enveloppes en carton. Pour effectuer des séries de tirs…

Lire la suite de la chronique AZF…

Quels sont nos droits en garde à vue ?

On n’est pas dans une série américaine… Le flic ne va pas vous lire vos droits – et pourtant vous avez le droit de garder le silence.

Garde-a-vue-et-empreintes_Tardi_120-rue-de-la-gareLe nombre des gardes à vue (GAV) dont il a été question dans le billet précédent provient d’un tableau récapitulatif  « État 4001 ». Il reflète l’activité « chiffrée » de la police et de la gendarmerie. Dans ce tableau on ne retient que les crimes et les délits, à l’exception des délits routiers (les contraventions ne sont pas comptabilisées).

On voit qu’en 2008, il y a eu 577.816 gardes à vue dont 100.593 ont fait l’objet d’une prolongation. Celles-ci ont abouti à l’incarcération de 62.403 personnes. (Je ne sais pas si les mandats de justice, dont l’exécution ne donne pas lieu à GAV, sont comptabilisés dans la liste des écrous.)

Il y a une cinquantaine d’années, la garde à vue n’existait pas. Aussi, en marge du législateur, la police (avec l’appui du parquet) avait « inventé » l’enquête officieuse. Et une pratique de l’arrestation qu’on qualifierait aujourd’hui d’arbitraire.

Dans le Code de procédure pénale, créé en 1958, le législateur officialise la GAV : dorénavant, le policier peut maintenir à sa disposition non seulement un suspect, mais un témoin, s’il le juge nécessaire. Certes, il doit respecter un certain formalisme, mais sans réelles contraintes (un manquement n’entraîne pas la nullité de la procédure).

On peut dire que durant 35 ans, la GAV a été une prérogative du policier, sans trop s’occuper des droits intrinsèques de chaque citoyen. Pour mémoire, la loi du 15 janvier 1963 qui a créé la Cour de sûreté de l’État, permettait une GAV de 15 jours, en cas d’urgence !

Mais en 1993, renversement complet de la philosophie. Pour la première fois on met l’accent sur la protection du gardé à vue et l’on va même jusqu’à autoriser la présence d’un avocat. Au grand dam des policiers, il faut le dire.

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Depuis, le législateur joue au ping-pong, balloté entre les nécessités de l’enquête policière, la liberté d’aller et venir et la présomption d’innocence.

Aujourd’hui, la GAV est encadrée par un formalisme contraignant auquel l’OPJ doit se plier.

Seule la personne qui peut être soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit peut être mise en GAV. Mais on a vu dans le billet précédent ( 1 Français sur 90 en garde à vue ) qu’en l’absence de critères précis cette notion est parfois difficile à maîtriser.

Le procureur ou le juge d’instruction doit être informé dès le début de la mesure de GAV, alors qu’avant cela se faisait plutôt vers la fin.

Et de nos jours la personne gardée à vue possède des droits qu’il est sans doute bon de connaître. On va tenter un petit résumé.

Le droit de prévenir un proche
L’OPJ n’a pas à proposer cette possibilité, sauf s’il s’agit d’un mineur. C’est à l’intéressé d’en faire la demande. Selon l’article 63-2, « Toute personne placée en gardé à vue « peut, à sa demande, faire prévenir par téléphone une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, l’un de ses frères et sœurs ou son employeur ». Dans ce cas, il fournit un numéro. Il n’y a pas d’entretien direct entre la personne gardée à vue et son destinataire, c’est le policier qui passe l’appel. S’il s’agit d’un mineur, l’avis sera donné aux parents, tuteur, personne ou service auquel est confié le mineur.
Toutefois, dans certaines affaires, l’OPJ peut refuser, mais il doit alors en informer le procureur qui seul a le pouvoir de décider.

Le droit d’être examiné par un médecin
À tout moment au cours des premières vingt-quatre heures, le gardé à vue peut demander un examen médical. En présence d’un mineur de seize ans, la désignation aura lieu dès le début de la garde à vue.
C’est le policier qui choisit le médecin et il est admis qu’en attendant sa venue, la GAV se poursuit normalement. En cas de prolongation, un nouvel examen est possible. Le certificat médical est versé au dossier. Il joue un rôle préventif pour le gardé à vue (pas de violences) et pour le policier (pas de fausses accusations de violences). Si le médecin estime que l’état de santé de la personne n’est pas compatible avec la GAV, l’OPJ en informe le procureur.
Rappelons que les investigations corporelles internes ne peuvent être réalisées que par un médecin requis à cet effet.

Le droit de s’entretenir avec son avocat
C’est aujourd’hui un droit fondamental, et sa remise en question par la voie législative est devenue impossible. En revanche, le législateur dispose d’une grande latitude pour en déterminer les modalités d’exercice.
Dans la pratique, c’est à l’OPJ d’informer la personne de cette possibilité. Elle peut y renoncer. Elle peut également revenir sur ce refus à tout moment. Pour les mineurs de seize ans, la demande peut aussi émaner de ses représentants légaux.
Soit le gardé à vue désigne un avocat, et alors le policier doit tout faire pour le joindre, soit il demande la désignation d’un avocat d’office. Dans ce cas, le policier doit accomplir les démarches nécessaires, mais il n’est pas responsable du résultat : c’est au Barreau de prévoir une permanence. En attendant, la GAV se poursuit normalement.
L’avocat intervient dès le début de la GAV, puis dès le début de la prolongation (CPP, art. 63-4). Par conséquent, si le suspect a renoncé à ce droit au début de la GAV, en clair s’il a raté le coche, il ne pourra réclamer un entretien immédiat.
La rencontre avec l’avocat est limitée à 30 minutes. Elle doit s’effectuer en tête-à-tête, en principe dans un local réservé à cet usage. L’avocat est informé de la date et de la nature de l’infraction (on ne lui détaille pas les faits). Il n’a pas accès au dossier. Il peut présenter des observations écrites qui seront jointes à la procédure et qui pourront éventuellement servir pour relever des irrégularités. La commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau a envisagé d’autoriser l’avocat à prendre connaissance du dossier à partir du moment où la garde à vue est prolongée…

Vous avez le droit de garder le silence…
Cependant, l’enquêteur n’a pas à notifier le droit de se taire – ce qui semble logique puisque son objectif est d’obtenir des aveux. La loi du 18 mars 2003 a réaffirmé que le droit au silence est un droit naturel qui possède une force quasi constitutionnelle, mais la Cour EDH admet cependant que le silence peut être utilisé comme élément d’appréciation pour le juge.
Et il est probable que l’exercice de ce droit, celui de se taire, rendra le climat de la GAV plus tendu.

La lecture des droits
On oublie les séries américaines. En France, l’OPJ informe la personne gardée à vue de la nature de l’infraction, de la durée possible de la mesure et des droits visés ci-dessus, éventuellement à l’aide d’un formulaire traduit en huit langues étrangères (allemand, anglais, espagnol, italien, néerlandais, portugais, arabe et russe).
Le déroulement de la garde à vue figure sur le P-V établi par l’OPJ (avec le détail des différentes étapes, les heures d’audition, de repos, de repas…, et sur un registre réservé à cet usage qui peut être contrôlé à tout moment par le procureur de la République.
Ces rappels sont émargés par la personne gardée à vue. En cas de refus, il en est fait mention.

Certes, la GAV est une atteinte à la liberté élémentaire d’aller et venir, et aux droits de la-verite-de-jack-palmer-par-petillon.jpgla défense, en raison du rôle réduit confié à l’avocat, mais si la mesure est justifiée par les nécessités d’une enquête qui concerne un crime ou un délit (et pas un coup de tête) et si la procédure est strictement respectée, on peut dire que de nos jours, c’est « moins pire » qu’avant. On se place ici dans l’hypothèse d’une GAV dite « objective ».

Celle qui pose problème, c’est la GAV « subjective ». Je cite André dans son commentaire du 14 mai 2008. Il est policier à la retraite. Il y a un an, son amie se fait voler son sac. Il l’accompagne au commissariat pour déposer une plainte : « (Nous sommes reçus) comme des chiens dans un jeu de quilles jusqu’à ce que je crie pour leur signifier que nous étions la victime et le témoin des faits. Et là, un gardien m’a signifié que si j’élevais encore la voix il me “collait en garde à vue”. Il a fallu l’arrivée d’un commandant de police à qui j’ai présenté ma carte de retraité pour que l’ambiance se calme.(…) Si quelqu’un qui a passé 31 ans de sa vie dans la police se plaint de l’accueil (…), quid du “quidam” lambda ? ».

À suivre : la garde à vue vacharde…

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