LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Actualité (Page 4 of 71)

Qui veut la peau d’Interpol ?

L’élection récente du général émirati Ahmed Naser Al-Raisi à la présidence d’Interpol a causé un sacré remous dans les rangs de l’Organisation internationale de Police criminelle (OIPC), ou plutôt un tourbillon qui risque de lui faire boire la tasse. À première vue, on pourrait se dire que l’homme est à sa place, puisqu’il s’agit d’un ancien policier. Mais son ascension jusqu’aux grades les plus élevés ne s’est pas faite sans violence. Il est d’ailleurs présenté par de nombreuses ONG comme l’un des personnages influents les plus autoritaires du Golfe, pour qui les « droits de l’homme » se résument au droit de la fermer. En France, il fait l’objet de plusieurs plaintes, dont l’une, déposée par Me William Bourdon, le tient pour responsable des tortures infligées à Ahmed Mansoor, détenu à l’isolement depuis quatre ans. Celui-ci, poète, blogueur et défenseur des droits de l’homme, aujourd’hui âgé de 52 ans, a été arrêté en 2017 et condamné en 2018 à dix ans de prison pour avoir publié sur les réseaux sociaux des « informations fausses et trompeuses ».

Sur Twitter, Grégory Doucet, le maire de Lyon, où se trouve le siège d’Interpol, s’est offusqué : « Comment un homme suspecté de tortures peut-il prendre la tête de l’organisation mondiale des polices ? » Cette réaction épidermique inquiète, car l’OIPC a un projet d’agrandissement sur la ville pour un budget de plus de 60 millions d’euros, dont une partie doit être financée par nos impôts – avec un bémol (une menace ?) : sur un coin de table, l’option de transférer son siège dans un autre pays. Les Émirats arabes unis ont évidemment ouvert grand leur coffre-fort : le symbole de cette prestigieuse organisation quittant « la patrie » des droits de l’homme pour un  État monarchique qui cherche à se blanchir d’une image ancrée dans le totalitarisme n’a pas de prix.

En soutenant et en facilitant l’élection de Naser Al-Raisi à la présidence d’Interpol, les autorités émiraties ont posé une première pierre. Si ce projet devait se concrétiser, quelle serait la position de l’Europe, alors que le parlement européen vient de prendre une résolution condamnant la situation des droits de l’homme dans ce pays ? Une résolution qui a été rejetée par les Émirats et par l’Observatoire arabe des droits de l’homme, une émanation du Parlement arabe.

On est en pleine guerre des droits de l’homme !

L’OIPC-Interpol, dont l’un des principes fondateurs est basé sur l’interdiction d’intervenir « dans les questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial », risque donc de s’engluer dans une mouscaille politique. D’autant que pour faire tourner cette énorme boutique, il faut beaucoup d’argent. En 2021, le budget de fonctionnement s’élève à 145 millions d’euros qui sont couverts pour 72 millions par les contributions statutaires des 195 pays adhérents, et le solde par les contributions volontaires de ces pays ainsi que les financements privés. On a reproché par exemple à Interpol d’accepter l’argent de fabricants de cigarettes ou de laboratoires pharmaceutiques, cependant, il n’y a pas de conflit d’intérêt : la lutte contre les trafics autour de ces activités est bien de sa compétence. L’Union européenne, le Canada et les États-Unis sont les principales sources de financement volontaire. La France est l’un des principaux donateurs en nature (personnel, locaux, équipements…). Le quart des effectifs d’Interpol est composé de policiers et de gendarmes détachés. Continue reading

Cour d’assises : la fin du jury populaire se fait-elle au détriment des victimes ?

La loi Dupond-Moretti sur « la confiance dans l’institution judiciaire » a été sérieusement détricotée par les sénateurs, mais finalement la commission mixte paritaire a trouvé un accord sur un projet qui devrait être adopté dans les prochains jours.

Sauf amendement de dernière minute, les cocus de ce texte sont les avocats. Le garde des Sceaux voulait inscrire le secret professionnel dans le marbre et les députés l’avaient même sacralisé. Finalement, par un jeu de circonvolutions, la loi qui sort du chapeau le met quasiment ko. Un paragraphe est particulièrement retors, et quasi insultant, puisque le secret professionnel ne pourrait plus être opposé aux enquêteurs, si l’avocat, de bonne foi, a été manipulé par son client.

Mais cette loi sonne aussi le glas de la justice « pour le peuple, par le peuple » : à partir de 2023, les crimes punissables d’une peine pouvant atteindre 20 ans de réclusion seront jugés par une « cour criminelle » composée uniquement de professionnels du droit. Exit le jury populaire. C’est symbolique : on touche là à un héritage postrévolutionnaire, sans aucune justification sérieuse, juste une histoire de gros sous.

Pour avoir été échaudés dans tous les domaines, on sait très bien que les lois expérimentales sont adoptées et que les lois adoptées sont ensuite modifiées pour toujours aller plus loin. Il ne faudra pas attendre longtemps avant que toutes les affaires criminelles se passent de l’avis du peuple. A l’appui du bien-fondé de ces modifications, on citera les dossiers terroristes jugés par une cour d’assises spéciale, sans jury populaire, comme c’est le cas actuellement pour les attentats du 13-Novembre. Et pourtant, s’il y a des affaires qui concernent le peuple, c’est bien celles-là.

C’était d’ailleurs l’avis des parlementaires lors du vote de la loi antiterroriste de 1986 : le crime terroriste visant d’une manière aveugle tous les citoyens, les personnes mises en cause doivent être jugées par un jury populaire.

Mais Régis Schleicher, ce dur d’Action directe, en a décidé autrement. Le 3 décembre de la même année, lors de son procès pour le meurtre de deux gardiens de la paix, avenue Trudaine, à Paris, il profère des menaces de mort contre les jurés. Certains prennent peur (c’était une époque de forte insécurité terroriste). Cinq d’entre eux vont présenter un certificat médical. Le procès est renvoyé.

Trois mois après la promulgation de la loi antiterroriste, un additif a donc été ajouté : les infractions criminelles en rapport avec le terrorisme seront jugées par une cour d’assises spécialement constituée. Elle ne comprend aucun juré. Elle siège à Paris et elle est composée de magistrats professionnels : le président et six assesseurs. En appel, elle compte deux assesseurs supplémentaires.

En 1992, sans trop que l’on sache pourquoi, la compétence de cette juridiction d’exception a été élargie au trafic de stupéfiants en bande organisée.

Mais en dehors de cet aspect historique, l’apparition de la cour criminelle départementale ne diminue-t-elle pas l’influence de la victime dans le procès criminel ?

En effet, dans notre droit, la victime est partie civile. Continue reading

Le secret professionnel face à la lâcheté de la société

Le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Éric de Moulins-Beaufort, piégé par un journaliste pugnace, a soutenu que « le secret de la confession est plus fort que les lois de la République ». Tollé général dans les médias et réaction immédiate du cabinet du ministre de l’Intérieur : l’ecclésiastique est convoqué par Gérard Darmanin « afin de s’expliquer sur ses propos ».

À quel titre, cette convocation ? On ne sait pas trop, car si le ministre de l’Intérieur est également ministre des Cultes, c’est essentiellement pour que chacun, en France puisse pratiquer la religion qu’il souhaite, s’il le souhaite. Il n’a aucun pouvoir hiérarchique sur les gens d’église, d’autant que depuis 1905, les prêtres ne sont plus payés par l’État, mais par les dons de fidèles, via des associations cultuelles.

Pour ne pas être en reste, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, toujours péremptoire, affirme que le secret de la confession n’est pas absolu. Pour lui, un prêtre qui reçoit dans le cadre de la confession des confidences sur des faits de pédocriminalité a « l’impérieuse obligation de mettre un terme à ces faits ». S’il ne le fait pas, il peut être condamné, « cela s’appelle non empêchement de crime ou de délit », a-t-il affirmé.

J’aurais préféré qu’il dise que les prêtres, comme tout un chacun, ont l’impérieuse obligation « morale » de réagir pour sauver un enfant. Car en droit, les choses ne sont pas si tranchées qu’il veut bien l’affirmer : la loi prévoit la dénonciation obligatoire de certains faits – sauf si la loi en dispose autrement.

Une inaction qui porte atteinte à l’action de la justice – Plusieurs articles du code pénal punissent la personne qui n’aurait pas informé les autorités judiciaires ou administratives d’une infraction mentionnée par ces dits articles alors qu’elle en a eu connaissance, d’une manière ou d’une autre.

On va se limiter à l’article 434-3 qui vise les actes (privations, mauvais traitements, agressions sexuelles…) infligés à un mineur ou à un adulte qui n’est pas en mesure de se protéger « en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse ».

La personne qui a connaissance de tels actes a l’obligation de parler, de désigner les « coupables », ou a minima de dénoncer les faits. À défaut, elle encourt une peine qui peut atteindre cinq ans d’emprisonnement.

Les exceptions – Évidemment, il y a des exceptions. L’article 434-3 se termine par cette phrase sibylline Continue reading

Une claque politique

Au cri de ralliement des chevaliers français, mardi dernier, un homme a giflé le président de la République, alors que ce dernier se livrait au rituel du serrage de mains. L’agresseur, Damien Tarel, 28 ans, a été rapidement plaqué au sol, tandis que l’un des agents de la protection rapprochée ceinturait Emmanuel Macron dans une prise arrière, comme pour le contenir et l’empêcher de riposter. Au passage, je ne suis pas certain que cette réaction (filmée) ait été appréciée…

La classe politique, les éditorialistes, les juristes et tutti quanti en ont fait une montagne, le Premier ministre appelant même à un sursaut républicain – à deux doigts de demander une minute de silence – tandis que les communicants de l’Élysée tentaient, mais vainement, d’appuyer sur la pédale de frein.

Dites-le avec des fleurs !

Après un léger cafouillage juridico-administratif : qui fait quoi ? les gendarmes drômois ont ouvert une enquête pour violence légère contre une personne dépositaire de l’autorité publique.

Et 48 heures plus tard, en comparution très immédiate, Damien Tarel se retrouve face à ses juges. Le procureur parle d’un acte « parfaitement inadmissible ». Il fallait le dire. Il requiert 18 mois de prison pour violences volontaires sur une personne dépositaire de l’autorité publique. Droit dans ses cuissardes médiévales, le prévenu assume. Son avocate s’échine à rappeler qu’il ne peut y avoir de « justice d’exception » et que des travaux d’intérêt général seraient préférables à une incarcération, etc. Elle aurait pu ajouter qu’il ne serait pas malin d’entrer dans le jeu de son client et de faire de ce procès la catachrèse de l’anti-macronisme… Au final, le tribunal suit le ministère public sur la durée de la peine, limitant toutefois son exécution immédiate à 4 mois d’emprisonnement.

Le condamné fait de plus l’objet de peines complémentaires symboliques comme la privation de ses droits civiques et l’interdiction d’exercer une fonction publique. Tiens, on ne lui a pas sucré le RSA !

Emmanuel Macron semble le seul à avoir compris le piège. Il rame pour prendre ses distances avec cet événement : « Ce n’est pas grave de recevoir une gifle quand on va vers une foule ! » Continue reading

Une police en déshérence

Après la mort d’un collègue, le 19 mai 2021, de nombreux policiers se sont massés devant l’Assemblée nationale pour scander leur ras-le-bol et dénoncer une justice trop laxiste, aussitôt rejoints par de pseudo-responsables de partis politiques allant de l’extrême-droite à la gauche socialiste. Il faut bien le dire, ce jour-là, un seul est resté droit dans ses bottes républicaines.

Qu’il est vieux jeu, ce Mélenchon !

 

Après une mise en scène du plus mauvais goût, allégorie d’une justice balayant les cadavres, grisés par le succès de la manif, certains leaders syndicaux, d’Alliance, évidemment, n’ont pas hésité à réclamer un « toilettage de la Constitution » pour établir une passerelle entre la place Vendôme et la place Beauvau. Et pourquoi pas une fusion Intérieur-Justice !

Il ne faut surtout pas prendre ces revendications trop au sérieux. Ces magistrats qui ne comprendraient rien au travail de terrain, c’est comme un leitmotiv dans la police.

Il y a près de 40 ans, le 3 juin 1983, à l’issue des obsèques de deux gardiens de la paix abattus de plusieurs balles lors d’un banal contrôle routier, au cours duquel un troisième était gravement blessé (un autre devait trouver la mort dans des conditions similaires 48 heures plus tard), plusieurs milliers de policiers manifestent leur exaspération sous les fenêtres du garde des Sceaux, entonnant, comme il se doit, La Marseillaise. Un coup de gueule que Badinter apprécie moyen, d’autant que Mitterrand et lui sont en pleine extase angélique, et qu’une majorité de gens rêvent (encore) d’une France patrie des droits de l’homme.

Après une loi d’amnistie généreuse, l’abolition de la peine de mort, le raccourcissement de la sûreté pour les peines perpétuelles, la suppression des quartiers de haute sécurité, la suppression de la Cour de sûreté de l’État, la disparition de l’association de malfaiteurs (rétablie en 1986), les policiers, même les plus modérés, savent que ce n’est pas tenable. La coupe déborde après l’adoption par les députés d’une loi pour abolir la loi « sécurité et liberté ». Une loi adoptée en catastrophe avant les Présidentielles, notamment pour étendre les prérogatives des forces de l’ordre, renforcer les pouvoirs des procureurs et restreindre la liberté d’appréciation du juge lors du prononcé de la peine. Une mauvaise pioche de Giscard d’Estaing qui a misé sur un tour de vis sécuritaire alors que les Français aspiraient à plus de liberté.

Et c’est le 31 mai, le jour où cette « contre-loi » est votée, que les deux gardiens de la paix sont tués, puis un autre trois jours plus tard : le treizième en deux ans. Continue reading

Commissaire Moulin, police judiciaire

Yves Rénier est décédé il y a quelques jours, à 78 ans. Il ne verra donc pas la fin annoncée de la police judiciaire au profit de la police administrative, une spécialité qu’il a si bien représentée dans le rôle d’un « patron » de terrain, plutôt borderline, mais toujours attachant. Je suis sûr que ses fictions ont fait naître des vocations.

Capture d’écran du générique de « Paris 18 »

Même s’il restera à jamais le commissaire Moulin, c’était un homme-orchestre du spectacle : scénariste, réalisateur, producteur, doubleur de voix…, mais avant tout comédien, évidemment. D’un caractère entier et indépendant, volontiers provocateur, il vous neutralisait d’un sourire ravageur avant de vous balancer ses quatre vérités. C’est ce qui m’avait plu chez lui.

Et pourtant, la première fois que nous nous sommes rencontrés, ça avait plutôt frité !

Sur ce blog, j’évite de trop parler de moi, mais, allez ! je vais me lancer.

Après vingt ans d’une vie à cent à l’heure, je venais de démissionner de la police et j’avais publié quelques bouquins qui avaient plus ou moins trouvé leurs lecteurs. À la suite de la sortie de l’un d’eux (Un solo meurtrier, 1986), le producteur Christian Fechner me contacte : après le succès du film de Patrice Leconte Les spécialistes, il envisage un film avec Gérard Lanvin en flic solitaire et marginal. Lors d’un déjeuner, la conversation avec ce dernier n’est pas débridée, nous sommes tous deux des taiseux, mais perso, je le trouve sympa, surtout lorsqu’il raconte que tout jeune il faisait les marchés au quartier Saint-Paul, un endroit où j’ai traîné mes culottes courtes.

Quelques semaines plus tard, je remets mon projet de scénar à Fechner qui le passe à José Giovanni, lequel le réécrit et le prend à son compte : fin de l’histoire entre un ancien taulard et un ancien flic.

Pour les Moulins, ça s’est passé à peu près pareil. Claude de Givray, l’un des responsables de la fiction sur TF1, me demande d’écrire un scénario pour la reprise de la série Commissaire Moulin. Et cette fois, c’est Yves Rénier qui me renvoie à mes gammes. Qu’est-ce qu’on peut prendre comme coups dans la gueule dans la vie ! Je me souviens de notre premier resto, un chinois, près de Champs. C’était classe, mais j’ai eu du mal à terminer le repas. De toutes manières, ils ne savent pas faire les desserts.

En rentrant chez moi, la tête dans les épaules, je me suis dit qu’il était plus facile d’être un vrai flic qu’un flic de cinéma.

Yves m’a rappelé le lendemain. Continue reading

La fin de la PJ de papa

C’est quasi certain, la police judiciaire telle qu’on la connaît va disparaître. En province, ses services devraient se noyer dans des directions départementales de la police nationale (DDPN) qui regrouperont la sécurité publique (SP), la police aux frontières (PAF) et la police judiciaire (PJ). Tandis que les quatre départements autour de Paris et sa petite couronne pourraient se voir rattachés au préfet de police – ce qui meublerait la célèbre casquette de Didier Lallement.

Exit la mythique 1re brigade mobile devenue au fil du temps la direction régionale de police judiciaire de Versailles.

Le Tigre Clemenceau est en deuil !

Il n’est d’ailleurs pas inintéressant de noter, à plus d’un siècle de distance, le fossé qui sépare l’approche politique pour lutter contre l’insécurité. C’est un marqueur de l’évolution de notre société. Reste à savoir s’il s’agit d’une évolution positive…

La PJ de papa – En 1907, notamment pour lutter contre une criminalité de plus en plus itinérante, Georges Clemenceau, ministre de l’Intérieur, mais également président du Conseil des ministres, décide d’offrir au pays une police mobile et autonome, dotée de moyens modernes et même de véhicules à moteur, comme la célèbre De Dion-Bouton. Ce qui leur vaudra le nom de « brigades mobiles ». Ces policiers, qui vont défricher un terrain vierge, sont tous partants pour renoncer au train-train du quotidien.

Déchargés des tâches administratives, les « mobilards » vont se lancer dans l’aventure un peu comme des commandos, mais dans les limites du droit, car chapeautés par les magistrats de l’ordre judiciaire. Georges Clemenceau est d’ailleurs intraitable sur ce point. Je ne peux m’empêcher de citer un extrait du courrier qu’il adresse aux préfets : « Les commissaires divisionnaires, les commissaires et les inspecteurs de police mobile ont pour mission exclusive (j’en ai pris l’engagement formel devant les Chambres lorsque je leur ai demandé les crédits nécessaires) de seconder l’autorité judiciaire dans la répression des crimes et des délits de droit commun. Ils ne doivent donc jamais, qu’ils soient au siège de leur brigade ou en route dans l’étendue de leur circonscription, être détrônés par M.M. les Préfets et Sous-Préfets de leurs attributions nettement définies, qui consistent d’une part, dans une collaboration immédiate avec les parquets pour l’exercice de la police répressive, et, d’autre part, dans la recherche et la constatation spontanées des flagrants délits (…). Continue reading

Anticor et à cri

Depuis 18 ans, l’association Anticor s’est imposée comme l’acteur principal de la lutte anticorruption. Elle est sur tous les fronts : l’affaire de l’ancien PDG de Radio France Mathieu Gallet, qui vient d’être condamné en appel pour favoritisme, l’enquête sur les Mutuelles de Bretagne, qui a valu à Richard Ferrand une mise en examen et son portefeuille de ministre ; la saisine de la Cour de justice de la République concernant Éric Dupond-Moretti ; l’affaire Alstom, les milliards du Grand Paris, les fraudes aux subventions agricoles en Corse, Sarkozy, Buisson, Benalla… (voir la liste des affaires) ou encore l’enquête sur les manquements du maire de Pourrières, dans le Var,  après le décès de deux jeunes filles lors de l’accident d’une navette scolaire…

Inutile de dire combien cette association empoisonne le panthéon de la politique en s’appliquant à combattre un mal bien implanté en France : la corruption. Un mal qui, selon une étude du parlement européen, coûte 120 milliards d’euros par an aux contribuables que nous sommes, soit l’équivalent du budget de l’Éducation nationale, et qui mine la confiance dans les institutions (3 Français sur 4 estiment la société politique « plutôt » corrompue).

Le fait de profiter de sa fonction pour obtenir un avantage personnel, quel qu’il soit, est un acte de corruption. Ce délit (et son avatar le trafic d’influence) est donc lié au pouvoir. Il ne concerne pas que les élus ou les membres du gouvernement, mais toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public. On parle là de corruption publique, car une loi de 2005 a introduit la corruption privée dans le code pénal (art. 445-1 et 445-2). Cela concerne aussi bien les salariés, que les dirigeants, et même les entreprises en tant que personnes morales.

Mais pour qu’une association puisse ester en justice, il faut qu’elle ait intérêt à agir, et en matière de corruption ou autres délits proches, qu’elle obtienne un agrément ministériel. Tout est dit dans l’article 2-23 du code de procédure pénale qui autorise les associations anticorruption déclarées depuis au moins cinq ans à exercer les droits reconnus aux parties civiles – sous réserve d’être agréées selon les conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ce qui se traduit par une décision ministérielle renouvelable tous les trois ans.

Il faut donc l’accord du pouvoir exécutif pour lutter contre la corruption.

« L’action associative devant les juridictions traduit de façon modeste la possibilité d’un autre rapport au pouvoir. Elle a permis à une citoyenneté vigilante d’entrer dans les prétoires », dit Éric Alt. Il sait de quoi il parle puisqu’il assume à la fois son rôle de vice-président de l’association et ses fonctions de magistrat (ce qui lui a valu de faire l’objet d’une enquête interne). Mais les associations sont poil à gratter Continue reading

Réforme de la police : on peut toujours rêver…

La France, « patrie des droits de l’homme » a flétri son image internationale par la répression violente des manifestations des gilets jaunes, mais c’est seulement après avoir soulevé une fronde dans les rangs des syndicats policiers par ses déclarations sur les contrôles au faciès qu’Emmanuel Macron a estimé qu’il y avait « urgence à agir ». Dans un courrier adressé à un dirigeant syndicaliste, il a annoncé un « Beauvau de la sécurité » pour une réforme de la police.

Ce Beauvau de la sécurité devrait, selon le communiqué du ministre de l’Intérieur, s’étendre sur plusieurs mois au rythme de débats citoyens hebdomadaires et d’une réunion de travail tous les quinze jours regroupant, outre les représentants syndicaux, des élus et des experts français et internationaux. Ces travaux, dit Gérard Darmanin, « permettront de dessiner des réponses à court terme, mais également de poser les bases de la future loi de programmation de la sécurité intérieure pour 2022 ».

En décortiquant les thèmes retenus, on peut penser que pour le court-terme il s’agit de tenter de calmer les syndicats en revisitant la formation, l’encadrement, les effectifs, les conditions matérielles d’exercice et l’utilisation de la vidéo. Les échanges sur ce dernier point risquent d’être houleux, puisque cela pourrait aussi bien concerner la généralisation des caméras portables pour les forces de l’ordre que l’interdiction (de fait) de les filmer, comme il ressort de la sulfureuse loi sur la sécurité globale.

On s’acheminerait donc vers une réformette, d’autant qu’il n’est plus question de toucher à la monolithique préfecture de police. Pourtant, la création à Paris d’une police municipale ne serait-elle pas l’occasion idéale pour une refonte de ses services afin de mieux assurer la sécurité de l’agglomération parisienne, tout en diminuant les coûts ?

Mais heureusement deux autres points, s’ils étaient menés à terme, pourraient modifier la donne, et même marquer ce quinquennat. D’autant qu’en filigrane, ils sont raccords avec les propos du président de la République Continue reading

Cour d’assises : dans le secret du délibéré

Le procès d’assises qui a conduit à la condamnation de Jonathann Daval, le 21 novembre 2020, pour le meurtre de son épouse Alexia, s’est tenu à Vesoul sous le feu des projecteurs, mais le verdict a été élaboré à l’abri des regards, dans le secret du délibéré.

Personne ne saura ce qui s’est dit derrière la porte de la chambre des délibérations, mais il n’est pas inintéressant de connaître la démarche qui a amené la cour à prononcer une peine de 25 ans de réclusion criminelle, alors que l’avocat général, Emmanuel Dupic, avait conclu son réquisitoire en demandant la perpétuité (art. 221-4 du code pénal, qui dans son 9° ter vise le meurtre commis par le conjoint de la victime, son concubin ou son partenaire pacsé).

Une peine, comme l’a souligné Randall Schwerdorffer, l’avocat de Daval, « qu’on prononce contre les criminels les plus dangereux de la société : Francis Heaulme, tueur d’enfants, Fourniret, Marc Dutroux, Guy Georges… ».

Néanmoins, si l’avocat général requiert une condamnation au nom de la société, si les avocats plaident au nom de leurs clients, c’est finalement la cour qui décide : trois magistrats et six personnes « ordinaires » (neuf en appel) tirées au sort plusieurs fois pour participer à une aventure dont ils garderont à jamais le souvenir.

Ils auront la lourde tâche de se forger une opinion sur une enquête judiciaire, longue de plusieurs années, qu’ils découvriront au fil du procès. En l’espace de quelques jours ou de quelques semaines, ils vont devoir se glisser dans la peau d’un citoyen-juge avec pour tout bagage juridique une formation de quelques heures au cours de laquelle ils auront reçu des notions de procédure pénale et le canevas du déroulement du procès. Pour mieux comprendre, lors des débats, ils peuvent poser des questions aux accusés et aux témoins, en prenant garde toutefois de ne pas manifester leur opinion. Les jurés s’intègrent très vite et sont rapidement en phase avec le ministère public, disait il y a quelques jours l’ancien président de cour d’assises de Paris Dominique Coujard, lors d’une conférence aux avocats du barreau de Paris. « J’ai toujours été surpris par l’intelligence des jurés et leur scrupule à bien juger », ajoutait-il.

C’est leur présence qui justifie l’oralité des débats. Continue reading

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