Après la mort d’un collègue, le 19 mai 2021, de nombreux policiers se sont massés devant l’Assemblée nationale pour scander leur ras-le-bol et dénoncer une justice trop laxiste, aussitôt rejoints par de pseudo-responsables de partis politiques allant de l’extrême-droite à la gauche socialiste. Il faut bien le dire, ce jour-là, un seul est resté droit dans ses bottes républicaines.
Qu’il est vieux jeu, ce Mélenchon !
Après une mise en scène du plus mauvais goût, allégorie d’une justice balayant les cadavres, grisés par le succès de la manif, certains leaders syndicaux, d’Alliance, évidemment, n’ont pas hésité à réclamer un « toilettage de la Constitution » pour établir une passerelle entre la place Vendôme et la place Beauvau. Et pourquoi pas une fusion Intérieur-Justice !
Il ne faut surtout pas prendre ces revendications trop au sérieux. Ces magistrats qui ne comprendraient rien au travail de terrain, c’est comme un leitmotiv dans la police.
Il y a près de 40 ans, le 3 juin 1983, à l’issue des obsèques de deux gardiens de la paix abattus de plusieurs balles lors d’un banal contrôle routier, au cours duquel un troisième était gravement blessé (un autre devait trouver la mort dans des conditions similaires 48 heures plus tard), plusieurs milliers de policiers manifestent leur exaspération sous les fenêtres du garde des Sceaux, entonnant, comme il se doit, La Marseillaise. Un coup de gueule que Badinter apprécie moyen, d’autant que Mitterrand et lui sont en pleine extase angélique, et qu’une majorité de gens rêvent (encore) d’une France patrie des droits de l’homme.
Après une loi d’amnistie généreuse, l’abolition de la peine de mort, le raccourcissement de la sûreté pour les peines perpétuelles, la suppression des quartiers de haute sécurité, la suppression de la Cour de sûreté de l’État, la disparition de l’association de malfaiteurs (rétablie en 1986), les policiers, même les plus modérés, savent que ce n’est pas tenable. La coupe déborde après l’adoption par les députés d’une loi pour abolir la loi « sécurité et liberté ». Une loi adoptée en catastrophe avant les Présidentielles, notamment pour étendre les prérogatives des forces de l’ordre, renforcer les pouvoirs des procureurs et restreindre la liberté d’appréciation du juge lors du prononcé de la peine. Une mauvaise pioche de Giscard d’Estaing qui a misé sur un tour de vis sécuritaire alors que les Français aspiraient à plus de liberté.
Et c’est le 31 mai, le jour où cette « contre-loi » est votée, que les deux gardiens de la paix sont tués, puis un autre trois jours plus tard : le treizième en deux ans. On peut donc comprendre l’amertume des manifestants : la police est malade de la justice, pouvait-on entendre dans leurs rangs.
Cette situation, miroir de celle d’aujourd’hui, montre que les policiers sont constants dans leurs revendications : quand ça merde, c’est la faute des juges ! En réalité, chacun sait que, du moins pour les délinquants d’habitude, la peine n’est pas dissuasive : l’abolition de la peine de mort n’a pas entraîné un rebond des infractions criminelles.
Mais sur le plan sociétal, il en va différemment.
Le 19 mai 2021, la manifestation a été accompagnée par la classe politique, et le ministre de l’Intérieur, qui se veut le premier flic de France, est venu réconforter « ses » hommes, comme un général sur le champ de bataille. Personne pour soutenir la Justice. Devant cette manifestation carnavalesque, le Premier ministre et le président de la République sont restés cois ! Finalement, ce sont les juges eux-mêmes, en l’occurrence les hauts magistrats de la Conférence nationale des premiers présidents, qui ont sifflé la fin de partie : « Ça suffit ! » ont-ils martelé face à l’opinion publique, à défaut de trouver des interlocuteurs dans les rangs de la majorité.
À l’issue de la manifestation de mai 1983, le préfet de police démissionne, le directeur général de la police est remercié, un policier est mis à la retraite d’office, sept sont suspendus et deux représentants syndicaux, dont le secrétaire général USC-Police, sont révoqués pour avoir organisé « un acte collectif contraire à l’ordre public ».
À quarante ans de distance, deux situations identiques aboutissent à deux positions politiques opposées, aussi inappropriés l’une que l’autre.
Alors, les policiers ont-ils plus de raison de se plaindre que leurs anciens ? Si l’on comptabilise les morts en service, comme on le fait chaque jour pour suivre la situation sanitaire, la réponse serait non. Selon le mémorial virtuel des policiers morts en service, le nombre d’agents tués a fortement baissé depuis 40 ans. Une baisse sans doute due pour partie à la dotation généralisée des gilets pare-balles. En revanche, le nombre de suicides, toujours important, avec des pics inexplicables, montre que le problème des policiers et des gendarmes n’est ni la justice ni la délinquance : c’est l’exercice même de la profession qui est difficile. Un job qui vous prend tout… mais parfois tellement gratifiant !
D’autant que les réseaux sociaux accentuent la pression : l’activité des forces de l’ordre est plus que jamais sous les projecteurs. Une situation qui met les nerfs en tension, un peu comme les comédiens sur la scène de théâtre. Mais là, il n’y a pas d’entracte.
Les grandes gueules de la police testent les limites de leur pouvoir devant un ministre qui laisse faire, mais ils ne sont pas la police à eux tout seuls. Il faut se garder de généraliser. Une majorité de policiers, j’en suis sûr, sans doute trop silencieux, voudraient juste faire le métier qu’ils ont choisi, au service des autres.
Ça fait toujours du bien de vous lire, dans toute cette cacophonie de polémiques à deux balles 🙂
Bon:
sur le long terme, une évolution est constatée: les Français (ceux qui, par leurs impôts, payent le salaire -hors 13/14 mois pour outrage) des policiers) meurent de moins en moins de mort violente.
Ceci est dû à deux causes (hors criminalité routière, qui a baissé par amélioration des voitures -crash tests- et des infrastructures-)
:
a) une amelioration des services hospitaliers, tant qu’ils ne fonctionnent pas à flux tendu (si quelq’un se faisait suriner, du temps de la Brigade du Tigre, ça faisit deux morts , l’un par scepticemie -faute d’antibiotiques- ou par hemorragie -faute de transfusion-, l’autre par étêtage).
b) une amélioration des loisirs: au lieu d’aller au bistrot s’alcooliser, les chaînes TV offrent tous les divertissements possibles (allant jusqu’à Euro Vison: c’est dire). Les gens ne sont plus tentés d’aller chercher des querelles d’ivrognes (éventuellement, ils tuent leur femme si aucun programme ne les divertit: la police est particulièrement inefficace dans ce dernier cas).
Une politique repressive est dont absoluement inefficace pour limiter la mortalité par mort violente… mais ça défoule.
Dans les années 50, au moment de la guerre d’Indochine
et
du plein emploi
, une femme d’officier disait que, dans sa famille, il y avait énormément de veuves de guerre. Même actuellement, des officiers généraux sont surpris par le fait que les militaires oublient parfois la partie non écrite de leur contrat (ils peuvent mourir pour leur patrie; les pensions pour les veuves et orphelins sont plus généreuses qu’au millénaire dernier)…
A noter que le policiers peuvent quitter plus facilement leur métier que les militaires, si leurs souffrances sont aussi indicibles qu’ils le clament (les infirmier.e.s, après la première vague d’une épidémie de COVID gérée au tiroir caisse -tardif- et aux mouvements de menton, ont souvent démissionné, sans cinéma).
Démissionner présenterait de nombreux avantages:
pour les policiers, ils ne seraient pas aussi exposé à des dangers indicibles. Is n’auraient qu’à traverser la rue et passer le concours de l’ENM. (ou aller à Paul Emploie: mais je ne doute pas des capacités des policiers, s’ils veulent faire la loi).
pour les consommateurs (il n’est pas obscène de rappeler que les policiers tirent leur salaire de nos impôts), ça ferait un recrutement plus jeune -donc moins payé-, capable -si cette faculté est testée lors du recrutement- de s’adapter plus facilement. (par exemple, d’accueillir sérieusement des victimes de violence conjugales, voire de viols -il doit y avoir des experts dans ce gouvernement- , ou de propos/actes racistes: ce sont des tendances qui montent, et que ni les antibiotiques, ni les séries TV ne peuvent empêcher de monter).
Le décompte du nombre de morts violentes est absurde.
Nous sommes en France, pas aux USA. Le nombre annuel est trop faible pour donner un échantillon statistique pertinent, trop sujet à variations.
Ce qui importe, c’est d’une part le nombre de violences habituelles, d’autre part les circonstances des décès.
Qu’un policier se fasse tuer par un fou d’Allah ou un anarcho-autonome à la pré-fourrière de Pantin, c’est très différent d’un homicide lors d’un simple contrôle pour 10 € de shit.
Alliance a bien réussi son opération de communication, en donnant dans la grossièreté pour faire parler de lui.
La réalité, c’est que le véritable sujet majeur, c’est l’incapacité de la justice à écarter les personnes identifiées comme dangereuses. C’est l’exécution des peines qui est le véritable enjeu de fond, le paramètre qui sabote l’action des juridictions pénales. C’est difficile d’en parler, les gouvernants qui vident les prisons (économies) à tort et à travers n’ont certes pas envie de le faire. Le gouvernement actuel pourrait se voir expliquer les conséquences de sa politique carcérale qui a consisté à vider les prisons sous prétexte de covid.