Il s’est fait la belle dans un carton, et l’on a souri. Va se faire reprendre, ont dit les cassandres. Et depuis 1 mois 1/2, non seulement il court toujours, mais il trouve le moyen de ridiculiser policiers et gendarmes. C’était le vendredi de la semaine dernière… Les enquêteurs savent qu’il a un rendez-vous avec son amie Blandine, ou du moins qu’il doit venir relever sa boîte aux lettres, en l’occurrence un trou dans un arbre où la jeune femme a déposé un pli, dans l’après-midi. Un arbre avec un cœur gravé dans l’écorce. Les poulagas se frottent les mains. Cette fois, il est marron, le fugitif ! Mais dans la Grande Maison, en haut, on ne veut prendre aucun risque, car plus haut encore, ça commence à tousser : cette histoire a assez duré ! Aussi vers 20 heures, nous dit Jean-Marc Ducos, dans Le Parisien, ce sont les hommes du RAID qui se mettent en place. Rien de moins. Mais pas facile d’établir une souricière dans une forêt, peu de policiers y sont préparés. Même ceux du RAID et j’oserais dire surtout… Entendons-nous bien, j’ai un profond respect pour ces hommes qui sont souvent confrontés à des situations à haut risque, ils ont montré leur valeur. Mais je ne suis pas sûr que les planques fassent partie de leur entraînement quotidien… C’est plutôt le boulot d’une brigade antigang. Enfin, peut-être que je me trompe…
La réforme du Grand Paris de la police a été trop timorée doivent se dire certains. Ah, si la Préfecture de police avait compétence sur toute l’Île-de-France ! Mais pour l’instant on est sur le ressort de la direction régionale de PJ de Versailles.
À 21 heures, les choses bougent. Fausse alerte ! C’est un couple d’amoureux qui se gare en bordure d’un chemin de terre, en plein milieu du dispositif de surveillance. Leur conversation doit être d’un vif intérêt, car ils y restent environ trois quarts d’heure. On imagine les flics qui attendent la fin de la séance couchés sous les feuilles mortes de la forêt de… – et qui se gèlent les… Et impossible de bouger une oreille !
Enfin, les amoureux s’en vont. Mais quelques minutes plus tard, c’est la pluie qui est au rendez-vous. François Pérain, le procureur d’Auxerre, explique que « les conditions météorologiques étaient épouvantables, [et que] la perturbation a bouleversé les surveillances ». On suppose qu’il parle de la visibilité, car on a du mal à imaginer des policiers qui refusent de se mouiller.
Vers 22 heures, une ombre apparaît enfin. Puis plus rien. Les caméras n’auraient selon la thèse officielle, rien enregistré. À cause de la pluie ? Quant au procureur, il refuse de confirmer qu’il s’agissait de Treiber : « Une personne s’est approchée dans l’obscurité et a pris la fuite aussitôt », et c’est tout. En tout cas cette mystérieuse silhouette a eu le temps de relever le courrier. Et le journaliste du Parisien, qui manie la plume avec malice, de conclure son article ainsi : « Aussi incroyable que cela puisse paraître, le fugitif est parvenu à semer les super-policiers super-entraînés et super-équipés ».
C’est une loi relativement récente (2004 et 2005) qui a institué un cadre juridique pour la recherche des personnes en fuite. Elle permet entre autres, à la requête du procureur de la République, d’installer des écoutes, des surveillances techniques, etc.
Avant cette loi, on se débrouillait. Les anciens étaient-ils meilleurs ? Évidemment, non ! Mais ils compensaient le manque de moyens techniques par la fantaisie, l’initiative, le flair peut-être ! Et lorsqu’on loupait une affaire, c’était à l’abri des… caméras.
Aujourd’hui, après le show politique on en arrive à la police-spectacle, au point de voir des images de surveillance dans la presse. On dit que le ministre de l’Intérieur s’est fâché tout rouge (c’est un pléonasme me souffle une voix par-dessus mon épaule). Franchement, il y a de quoi. Et déjà, on a trouvé le responsable : la presse. À tel point qu’un syndicat de journalistes vient de publier un communiqué sous le titre Le Figaro Magazine auxiliaire de la guerre des polices dans lequel il est dit que « l’information s’accommode mal (…) d’une trop grande proximité avec la police ou la justice ».
Et pas de la politique ?
De cette histoire abracadabrantesque, on peut tirer deux enseignements :
D’abord, il faut arrêter de pressurer les policiers et leur laisser suffisamment la bride sur le cou pour qu’ils puissent travailler à leur main – car ce métier ne vaut que par l’initiative individuelle.
Ensuite, les caméras de surveillance dont on veut truffer le pays ne servent pas à grand-chose.
Et par parenthèse, on peut en conclure qu’à l’époque du téléphone portable et d’Internet, le moyen le plus sûr est encore de communiquer via l’entaille d’un tronc d’arbre. Ce que les espions appelaient autrefois une boîte aux lettres morte.
Genial! Merci beaucoup!
Félicitations pour vos qualités rédactionnelles !
On dirait le blog d’un (bon) journaliste…
Tiens, M. Moréas se met à faire de l’humour ? Pas trés « esprit maison » tout ça ! Ceci dit, Treiber présumé innocent ou pas, il faudrait pas que la plaisanterie dure trop, Ministre de l’Intérieur rouge ou pas, les condés vont finir par se couvrir de ridicule… J’imagine un instant que de joyeux lurons se mettent à graver tout plein de coeurs rouges sur quelques dizaines d’arbres de cette forêt histoire d’emmêler les faisceaux d’indices…vous voyez le tableau d’ici là ?
Juste un petit commentaire au passage :
Il me semble que le RAID est aussi spécialisé en filatures et qu’il s’entraîne également en dehors du milieu urbain. Mais mes sources m’ont peut-être menti…
Et ce Treiber (Présumé coupable…),qui court toujours, doit bien rire devant sa télé…
Super article pour un blog de qualité. Merci.
Pour connaitre très bien cette forêt (je suis originaire du coin), je rigole d’avance en pensant aux chasses à l’homme organisé entre adolescent…
Suivre quelqu’un en forêt n’est pas du tout évident. Ca n’a rien à voir avec le déplacement urbain… Il y a ni ruelle, ni rue, ni grille, il y a une infinité de chemins, de détour…etc
Je suis étonné par contre que personne n’est intervenu sur la personne qui a récolté le courrier… parce qu’à ce moment là, il était vraiment exposé… Les policiers devaient ils attendre que l’information remonte au préfet pour recevoir l’ordre d’intevenir? 😉
Père Lucien, vous devez vous tromper de Marie, je ne suis pas sur tous les blogs avec ma dent dure. Quant à vouloir me suivre… il en est hors de question, je ne vous connais pas !
Ce qui m’amuse, c’est d’de penser qu’il y a un gars et sa petite amie, qui ne se doutent pas que pendant trente minutes, leur plaque d’immatriculation a été vérifiée trois fois et qu’il doit exister 289 clichés infrarouges de leur baiser que, dans un élan de romantisme, j’imagine être le premier.
Oui je note surtout que le RAID à l’air de devenir la milice pour répondre à tous les problèmes médiatiques et que la vidéosurveillance n’a servi à rien encore une fois.
Par ailleurs, on pourrait se demander si le couple d’amoureux était fiché et qu’on ai bien son ADN enregistré, c’est tout aussi inefficace, mais à la mode .. et ça fait bien dans les journaux ..
Malheureusement, l’initiative individuelle n’est plus à la mode dans la police, comme sa cousine l’intuition. Ce n’est pas moderne, place aux chiffres !
Je ne pense que le souci réside dans le fait que les policiers soient ou non ridicule!
Et, à mon sens, que ce soit le RAID ou un groupe antigang comme la BRI, le résultat n’aurait pas été différend, à mon sens.
Oui, la BRI est formée à la filature, mais, comme le souligne un commentaire plus haut, ces groupes travaillent en milieu urbain. Et on me dira ce que l’on voudra, il est loin d’être évident de planquer dans une forêt que l’on ne connait pas.
J’y aurais plus imaginé un groupe militaire qui connait ce genre de milieu.
Mais je vous rejoint, lorsque vous dites qu’il faut laisser travailler les policiers. Il existe un Office Central chargé des évadés, qui travaille en collaboration avec des services locaux, SRPJ ou brigade de Gendarmerie. Laissons-les faire.
Oui, et encore oui, il faut savoir faire preuve d’initiative, laisser faire le « flair », mais la police d’aujourd’hui veut que l’on utilise des moyens techniques avancés pour aboutir à nos fins. L’important n’est pas dans la manière, mais dans le résultat. Il faut donc se donner les moyens.
Et non, et encore non, je ne peux être d’accord lorsque vous dites que les caméras que l’on veut installer ne servent à rien. Mais c’est un autre débat.
Je pense aux parents de Géraldine et de Katia qui attendent impatiemment la vérité
J’espère que le procès se tiendra à la date prévue avec tous les acteurs programmés
Marie, cela doit vous brûler les doigts de parler du présumé innocent en cavale, vous qui avez en général la dent si dure sur tous les blogs.
Mais à qui donc faites-vous allusion au juste en parlant de coupables qui vivent 30 ans au sein d’une classe politique impunie ? Je ne suis pas sûr de vous suivre.
On va finir par le trouver sympathique ce Treiber et oublier qu’il est peut-être coupable de deux meurtres. En tout cas, un présumé innocent obligé de se cacher, ça change des coupables qui vivent 30 ans une vie glorieuse et pleins d’heureux évenements !
Elles (les Cassandres) onT dit… au pluriel.
merci..
Réponse : Une belle faute ! J’ai corrigé. Merci.
« Aujourd’hui, après le show politique on en arrive à la police-spectacle, au point de voir des images de surveillance dans la presse » (G.M.)
Et c’est très bien ainsi ! La police finira par crever de ridicule et d’incompétence en emprunter les voies identiques à celles par où le narcissisme de son chef suprême a pêché.
C’est la police qui réclame d’être filmée dans ses actions et qui va même chercher les caméras journalistiques quand elle est sûre de son fait.
Le pain et le cirque que réclame un peuple qui veut tout voir en temps réel donnera finalement raison à tous celles et ceux qui assisteront au spectacle en comptant les points dans leur fauteuil, en renversant le pouce ou en le levant…
A ce compte là, les futurs Robin des Bois ont encore de beaux jours devant eux.
Et la morale est sauve. Tout cela est finalement très sain, à l’ère du reality show sécuritaire, politique et policier.
Ca me rappelle Rambo.
Les policiers sont entrainés aux interventions en milieu urbain. Treiber a passé sa vie dans la forêt. Ils ne l’auront pas là.
Il n’y a plu de policier chasseur?
Excellent article.
J’ai du mal à comprendre comment, s’il a relevé le courrier, les policiers n’ont pas pu réagir. Ils devaient quand même tous avoir les yeux braqués sur cet arbre non ?
http://miroir-politique.eklablog.com/
Cette affaire rocambolesque vire au ridicule pour les forces de l’ordre.
C’est quand même grotesque. Il est vrai que les caméras de surveillance installées ne donnent pas d’images en temps réel mais là, ça devient inquiétant.
Comme le mentionnait son ancienne femme, Treiber ne vit pas dans la forêt. il est hébergé par des gens.
http://allainjules.wordpress.com/
Merci pour cet article, à la fois ludique et sage…comme souvent sur votre blog que je n’ai découvert que trop récemment.
Bonne continuation