LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

La PJ, de 1981

PARTIE 14 – Depuis la disparition brutale de Georges Pompidou, le 2 avril 1974, l’élection présidentielle a toujours lieu au printemps. En cette année 1981, les Français s’y préparent, mais pas la droite. Elle part au combat en ordre dispersé. Tandis que Mitterrand énumère ses « 110 propositions », Coluche lance son slogan de campagne : « Jusqu’à présent la France était coupée en deux, avec moi, elle sera pliée en quatre ! » Pour la police, c’est une année de transition.

En janvier 1980, Patrick Dubois, un jeune appelé du 4° régiment de dragons de Mourmelon disparaît, sans qu’on le recherche vraiment. Il est considéré comme déserteur. Mais, en 1981, trois autres jeunes soldats, disparaissent tout aussi mystérieusement. C’est le début d’une enquête qui a du mal à démarrer et qui va devenir l’exemple-type pierre-chanal_affaires-criminelles.1176150540.jpgde tout ce qu’il ne faut pas faire. Elle va finalement aboutir, en 1988, à l’arrestation, pratiquement en flagrant délit, de l’adjudant-chef Pierre Chanal. Il est condamné à dix ans de réclusion criminelle pour viols et séquestration d’un jeune auto-stoppeur hongrois. En 1995, après une grève de la faim et plusieurs tentatives de suicide, il est libéré. Mais, sur la pression de la famille des militaires disparus et des médias, l’enquête redémarre. Grâce à la police scientifique, de nouveaux indices sérieux sont réunis. Chanal est renvoyé devant les assises pour le meurtre de trois des victimes, sur les huit recensées. Le procès n’aura jamais lieu. Pierre Chanal se donne la mort à la veille de la première audience, le 15 octobre 2003. Cette triste affaire montre la déconfiture de la justice française. En janvier 2005, cette même justice (mais pas les mêmes hommes), jugera la faillite du système et condamnera l’État français pour « une série de fautes commises par les juges d’instruction et les enquêteurs qui ont conduit à ce que demeurent inconnues les circonstances de l’enlèvement et du décès de plusieurs victimes ». (Extrait des attendus du jugement du TGI de Paris.)

Le 24 janvier, les Français font la connaissance de la famille Ewing, avec la diffusion, sur TF1, du premier des 365 épisodes du feuilleton Dallas. En annonçant son programme aux élections présidentielles, « emmerder la droite, jusqu’à la gauche », Coluche lui aussi touche le cœur des Français. Une parodie d’élection pour dénoncer une mascarade de démocratie. Les sondages le placent en troisième position. Finalement, au mois de mars, sans doute pour ne pas gêner le PS, il jette l’éponge. Pendant ce temps, les franquistes tentent un coup d’État en Espagne, et Action directe participe à la campagne à sa manière. Le 15 avril, lors de l’attaque contre une banque, place des Ternes, à Paris, une fusillade éclate. Un policier est tué. Certains pensent que ce groupuscule terroriste a alors passé une sorte de pacte de non-agression avec Mitterrand… En tout cas, Action directe suspend son… action durant la campagne électorale. Et, après son one-man-show au Panthéon, le nouveau président prend une décision d’amnistie concernant les deux leaders du mouvement, Nathalie Ménigon et Jean-marc Rouillan, arrêtés l’année précédente. Ce dernier obtient même le nom de celui qui a permis son arrestation, l’un de ses anciens complices, Gabriel Chahine. Ce Libanais lui avait fait croire à une rencontre avec Ilitch Ramirez Sanchez, le mythique Carlos. Et Rouillan était tombé dans le piège. Sans se douter que le commissaire Jean-Pierre Pochon tirait les ficelles et lui avait tendu un traquenard. Peu de temps après la libération du couple maudit, Chahine est abattu de deux décharges de chevrotines en pleine face.

François Mitterrand est président. Il forme son gouvernement. Pierre Mauroy devient Premier ministre et Gaston Defferre ministre de l’intérieur. Il n’y aura pas de chasse aux sorcières, assure celui-ci, devant un aréopage de chefs de la police. Ils sont rassurés, les grands flics. Ils n’avaient pas compris que Defferre voulait dire… pour l’instant. Cette année-là, Robert Badinter fait adopter la loi supprimant la peine de mort et Jack Lang institue la fête de la musique. Chacun restera dans l’Histoire – à sa manière.

Le 13 juin 1981, un couple flâne sur les berges du lac du bois de Boulogne. Leur attention est attirée par deux grosses valises, dissimulées derrière un buisson. L’homme en ouvre une. Horreur ! Dedans il y a des restes humains. C’est le dixième corps mutilé ainsi découvert en deux ans. Le dernier en date est celui d’une jeune étudiante, Carole Simon, dont le cadavre dépecé a été retrouvé dans les locaux de la faculté de médecine de Paris. Les enquêteurs identifient aisément le propriétaire des valises. Il s’agit d’un asiatique, à l’allure effacée, aux yeux rêveurs. Bien qu’il ait 32 ans, il a l’air d’un étudiant. Il se nomme Isseï Sagawa. La jeune fille, Renée Hartevelt, une étudianteissei-sigawa_photo-le-glaive-et-la-balance-de-charles-villeneuve.1176150650.jpg néerlandaise, a repoussé ses avances, et il l’a tuée d’une balle de .22 LR. « Puis, ajoute le jeune homme, je l’ai déshabillée et j’ai commencé à la manger. » Ensuite, il a prélevé plusieurs morceaux et il les a placés dans le réfrigérateur, où ils ont été retrouvés. Il n’a pas eu le temps de tout finir. On ne sait pas si Sagawa est l’auteur d’autres crimes. D’ailleurs, il ne sera jamais jugé pour le meurtre de Renée Hartevelt. Les psychiatres estiment qu’il n’est pas responsable et le juge d’instruction, un certain Jean-Louis Bruguière, refuse la demande de contre-expertise déposée par la famille de la victime. Il s’ensuit un non-lieu. L’assassin est transféré à l’hôpital psychiatrique de Villejuif. Les parents de la victime font appel, mais non seulement la chambre d’accusation confirme le non-lieu, mais elle les condamne aux dépens. Décision tellement abjecte que le procureur général, Pierre Arpaillange, intervient pour que le Trésor Public prenne ces frais à sa charge. Mais l’affaire n’est pas finie. Le père du meurtrier, Akira Sagawa, est au Japon un homme puissant. Il obtient que son fils soit transféré dans son pays. À son arrivée, le médecin-chef de la clinique qui l’accueille, à Tokyo, le déclare parfaitement sain d’esprit. Quatre ans après ce crime monstrueux, Isseï Sagawa est libre. Il a fait fortune en racontant ses exploits dans deux livres qui se sont vendus à des centaines de milliers d’exemplaires.

Le gouvernement de Pierre Mauroy décide la nationalisation de certaines entreprises, et notamment des banques. Il prend des mesures pour la régularisation des immigrés, et jette les jalons des premières réformes sociales: les 39 heures, la cinquième semaine de congés brassens_espritsnomades.1176182955.jpgpayés, etc. Et Brassens casse sa pipe, en nous laissant bien seul sur les « bancs publics, bancs publics… ».

Le 18 juillet, dans un soubresaut paranoïaque lié au changement de majorité, quelques gros bras du service d’action civique (SAC), envahissent la demeure du sous-brigadier de police Jacques Massié, à Auriol, près de Marseille. Ils le soupçonnent de trahison au profit de la gauche. Le commando d’une demi-douzaine d’hommes va étrangler toute la famille, soit quatre adultes et un enfant de sept ans. C’est la fin du SAC. Il sera dissous l’année suivante. Les six hommes seront condamnés à de lourdes peines de prison. Le paradoxe, c’est qu’ils doivent peut-être la vie à un socialiste, Robert Badinter.

En 1981 apparaissent les premiers cas identifiés de SIDA et IBM sort son fameux PC, avec 16 Ko de mémoires vives. Et, pour les vins de bordeaux, c’est une bonne année.

Bras de fer avec Defferre – A son arrivée rue des Saussaies, Gaston Defferre assure aux policiers que toutes les décisions seront prises en concertation avec les syndicats, et qu’il mettra tout en œuvre pour que la police « retrouve sa vraie place dans la société ». C’est l’état de grâce. Pendant ce temps, sur le trottoir d’en face, Mitterrand congédie les policiers de l’Elysée pour les remplacer par des gendarmes. Au moins, eux, ils n’ont pas de syndicats… Maurice Grimaud, le préfet de police de mai-68, est nommé directeur de cabinet et Gérard Monate, ancien secrétaire général de la fédération autonome des syndicats de police (FASP), est bombardé chargé de mission auprès du directeur général de la police. L’énarque Frédéric Thiriez, originaire d’une riche famille du nord, comme Mauroy, devient l’éminence grise de l’intérieur. Mais il ne doit pas avoir le nombre de neurones réglementaires, car il va se prendre pour un vrai flic, et son bilan sera des plus calamiteux. Le 6 octobre, Gaston Defferre, dans un discours à gaston-defferre_clg.1176150957.jpgl’assemblée nationale, accuse les policiers de racisme. Le syndicat des commissaires réagit. C’est la fin de l’état de grâce. Les cadres de la police se plaignent de ne pas recevoir de directives, et, dans le doute, ils s’abstiennent de toutes initiatives. Jusqu’au jour où le brigadier Guy Hubert est tué par des braqueurs, lors d’un hold-up, à Lyon. Defferre est violemment pris à partie lors des obsèques du policier lyonnais. Peu après, il remet une décoration à l’un des collègues de la victime, qui a été blessé, et il lui dit : « Vous, au moins, vous avez de la chance, vous êtes blessé et décoré. » Ça flotte à l’Intérieur. Les syndicats exigent des instructions précises pour mettre fin au laxisme qui a gagné l’antique demeure. Les éléments sont en place, le jeu de chaises musicales va pouvoir commencer. Il va s’étaler sur une bonne année. Le 30 septembre, Michel Guyot, le directeur central de la PJ et François Le Mouel, directeur de la PJ parisienne sont d’accord pour nommer le patron de la brigade criminelle, Marcel Leclerc, sous-directeur des affaires criminelles à la PP. Pour ne choquer personne, il est convenu d’attendre la fin du procès des assassins de Jean de Broglie. Mais, les chosesbombe-a-retardement_umourcom.1176184864.jpg traînent en longueur. En fait, les syndicats de gauche sont intervenus auprès de Defferre pour écarter Leclerc (qui ne cache pas ses sentiments de droite) de Paris. Finalement, le ministre propose à ce dernier de prendre la tête du SRPJ de Marseille. Le Mouel menace de démissionner et Leclerc refuse la mutation, en se retranchant derrière son statut de commissaire de police de la ville de Paris. La tension monte au 36. Le 7 mars, Defferre affirme que cette mutation n’a rien à voir avec les opinions politiques du commissaire, et le lendemain Leclerc est affecté à l’IGPN, le cimetière des éléphants. Olivier Foll, son adjoint, refuse de prendre sa place à la direction de la brigade criminelle. C’est une jacquerie. Pour couronner le tout, François Le Mouel, l’un des rares grands chefs de la police qui affiche des idées socialistes, met ses menaces à exécution. Il démissionne. Un bras… Defferre, qui se transforme en bras d’honneur.

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5 Comments

  1. Sir Ivan Gordon Stephen

    En tant qu’ancien flic, je viens faire part ici de mon profond mépris envers le Sieur Poulier. Ainsi qu’envers tous ceux qui viendront ici, manquer de respect à la Police…

    Sachez mon PETIT monsieur, que si nous autres flics nous n’existions pas afin d’assurer votre « petite sécurité » (souvent au péril de nos vies, MAIS on a choisi…) Et bien… Je ne donnerais pas cher de vos fesses !

  2. Caddie Chemla

    site officiel des disparus de Mourmelon (Pierre Chanal) :

    http://www.disparusdemourmelon.org

  3. Erwan

    @Poulier
    Merci pour ce condensé minable de mauvais sentiments et d’absence d’analyse aux relents nauséabonds.

    (oui je sais ça fait 4 ans)

  4. Nico

    ca vient du coeur ca…

  5. Poulier

    Merci pour ce ramassis nauséabond de bons sentiments puants et d’analyses minables.

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