LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Web/Tech (Page 3 of 5)

Ce monde me rend parano

En plein séisme de l’affaire DSK, un ami m’envoie un mail  sur des faits alors peu connus de la presse, et notamment la manière dont avait été informé le président de la République. Je le lis dans le métro, sur mon téléphone portable, me promettant de l’étudier avec soin plus tard. Quelques heures après, une fois chez moi, pas de trace de ce mail dans ma boîte. Je reprends mon smartphone : surprise, le message a disparu !

À une autre époque et dans d’autres circonstances, je me serais traité de tous les noms, certain d’avoir fait une fausse manœuvre, un mauvais clic. Pas cette fois ! Sans plus réfléchir, j’ai tout de suite imaginé que mes communications étaient surveillées et qu’un mystérieux personnage calfeutré dans un blockhaus secret de la DCRI, avait fait disparaitre ce texte compromettant.

Je suis parano.

Mais je ne suis pas le seul. Il y a quelques jours, un ami flic m’appelle pour m’inviter à déjeuner : – On se retrouve où ? Euh, tu sais, me dit-il, le resto où nous nous sommes vus l’autre fois…

Il est parano.

Autour de moi, je vois des gens qui ne sont ni des truands ni des espions, fermer ostensiblement leur téléphone portable lorsqu’ils ont une conversation « sérieuse ». Une amie, même pas flic, retire la batterie lorsqu’elle se rend à un rendez-vous confidentiel. Bon, elle laisse la carte SIM, « c’est vraiment trop chiant à enlever ».

La puce est la meilleure amie de l’espion (et du flic). Et même parfois du journaliste, comme nous le montre l’affaire du News of the World. Notre téléphone cellulaire est devenu le traceur de notre vie. Notre mouchard de poche en quelque sorte.

Dans le temps, les amants clandestins devaient se méfier de la glace sans tain, au-dessus du lit des petits hôtels de rendez-vous. Certains, près des Champs-Élysées, étaient d’ailleurs bien connus des RG. Mais aujourd’hui, comment détecter la caméra miniature qui filme vos ébats ? Et il ne suffit pas d’éteindre la lumière, même dans le noir, ça marche.

Sans compter la vidéoprotection, implantée au coin de la rue, dont le zoom puissant se glisse dans l’interstice des rideaux…

Aujourd’hui, l’une des principales activités des cabinets de sécurité (et pas nécessairement des officines) est le « dépoussiérage » des bureaux. Les techniciens agissent le plus souvent de nuit, pour ne pas inquiéter le personnel. Pas un chef d’entreprise sérieux n’envisagerait un conseil d’administration dans une pièce qui n’aurait pas été sécurisée. Ceux qui sont le plus atteints par ce mal étrange font installer (à prix d’or) de véritables cages de Faraday. Et l’on est prié d’éteindre les portables, voire de les laisser au vestiaire. Ce qui pose un autre problème de sécurité : les services secrets français conseillent aux « hommes d’affaires » de ne jamais se séparer de leur téléphone portable sans avoir auparavant effacé les données et retiré la puce ainsi que la batterie.

En 2009, les possesseurs de BlackBerry résidant au sein de la fédération des Émirats arabes ont été invités à télécharger une mise à jour qui s’est avérée être un logiciel espion. En Chine, il y a quelques mois, un mystérieux virus s’est attaqué aux téléphones utilisant le système Android, lequel permettait d’en visualiser le contenu et même d’en prendre le contrôle. En fait, piéger un téléphone portable semble être un jeu d’enfant. Google, par exemple, a retiré de son panel plusieurs applications qui se sont avérées être des logiciels espions.

Plus officiellement, la loi offre aux policiers la possibilité de s’introduire dans un téléphone portable ou un système informatique, du moins pour certaines enquêtes qui concernent la criminalité organisée ou le terrorisme. Mais dans tous les cas, c’est devenu routinier : l’enquêteur s’intéresse d’entrée de jeu au téléphone de la victime et des suspects : carnets d’adresses, relevés de communications, etc. Puis à son ordinateur. Ce qui permet, par recoupements de connaître ses relations, et les relations de ses relations. Si un assassin a le même médecin que vous, vous serez inscrit dans son cercle de contacts, alors même que vous ne le connaissez pas.

Les caméras dernier cri sont capables de vous suivre à la trace, les radars lisent le numéro d’immatriculation de votre voiture, etc. À Nice, d’après la Cour des comptes, tous les véhicules qui entrent ou qui sortent de la ville sont identifiés. Et pendant ce temps, les fichiers croisés se multiplient au point que nous ne sommes plus inconnus – nulle part. Cachés derrière le « secret défense », des milliers de policiers, de gendarmes et de militaires, utilisent les moyens les plus sophistiqués pour nous surveiller. Et l’on raconte que, même entre eux, la suspicion est omniprésente. Dans l’affaire Bettencourt, Le Monde porte plainte pour violation du secret des sources : les fadettes attestant les conversations téléphoniques de ses journalistes auraient été contrôlées. Quant au Canard Enchaîné, il accuse la DCRI d’espionner à distance des ordinateurs privés.

Tous paranos, je vous dis.

Je me souviens de ce commissaire de police qui lassé d’être sans arrêt dérangé par une personne qui suspectait son entourage de lui vouloir du mal, avait fini par lui dire : – Je vous ai envoyé la brigade des zombies. – Mais je n’ai vu personne ! – C’est normal, ils sont invisibles.

Jeux en ligne : Si tu me pousses, je te tire !

Il y a quelques jours, le FBI a lancé un vaste coup de filet sur plusieurs sites de jeux d’argent en ligne et notamment le plus gros d’entre eux, PokerStars. Lequel serait dirigé depuis le paradis fiscal de l’Île de Man. Ses dirigeants sont accusés de picsou-argent.1303575812.jpgfraude bancaire et de blanchiment d’argent. Ils risquent 55 ans de prison. La filiale française de PokerStars, qui est dirigée par Alexandre Balkany, n’est pas concernée par cette affaire, puisque cette entreprise possède une licence en bonne et due forme.

Contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là, les jeux en ligne ne sont pas prohibés aux USA, mais une loi de 2006, promulguée par George W. Bush dans le cadre de la sécurité du territoire, vise le financement de ces jeux. Pour faire simple, elle interdit aux entreprises de paris en ligne de percevoir ou de déposer de l’argent auprès des banques américaines. Un rien hypocrite, non ! Ce qui oblige celles-ci à une petite gymnastique, comme de proposer aux clients des achats fictifs pour, de fait, alimenter leur compte joueur… Les Américains seraient ainsi quinze millions à acheter des objets qui n’existent pas pour mieux se livrer à leur passion : le jeu virtuel.

Pour les satisfaire, c’est toute une filière frauduleuse qui avait été mise en place, et il n’est pas interdit de s’interroger : Cette combine aurait-elle pu aller jusqu’au recyclage de l’argent du crime ou de la drogue ? Il est probable que la justice américaine a préféré ne pas prendre ce risque. Elle vient de donner un sérieux avertissement – et compte au passage récupérer environ 3 milliards de dollars de taxes.

Le casino, qu’il soit en dur ou virtuel, est l’endroit idéal pour blanchir l’argent sale. En France, on connaît bien le système de la paire de joueurs : celui qui gagne et celui qui perd. À la roulette, pour prendre le cas bêta, si l’un joue noir et l’autre rouge, il n’y a ni gain ni perte (sauf si le zéro sort), mais il est alors possible de justifier de l’origine de l’argent que l’on a dans sa poche, puisqu’on vient de le gagner au casino. Un truc utilisé par tous les truands, à plus ou moins grande échelle. À ne pas confondre avec la technique de la paire, telle qu’elle est pratiquée  par les spéculateurs boursiers. On sélectionne deux actions d’un même secteur, on en achète une et l’on vend l’autre. Ce qui diminue les risques et augmente sérieusement les probabilités de gains.

Bizarrement, cette intervention du FBI suit à quelques semaines d’intervalle le rejet d’une proposition de loi qui voulait faire du New Jersey le premier État américain où le poker en ligne aurait été autorisé. Une sorte de Silicon Valley des jeux en ligne. Et le sénateur qui soutenait ce projet se lamente du lobbying exercé par les casinotiers du Nevada, lesquels auraient dépensé des millions de dollars pour le faire capoter.

Chez nous, le lobbying doit plutôt s’exercer dans l’entourage de François Baroin, le ministre du Budget, puisque le Comité consultatif des jeux, qui a compétence sur tous les jeux d’argent et de hasard, vient de passer sous sa tutelle. Initialement, il devait être rattaché au Premier ministre, mais celui-ci aurait semble-t-il botté en touche, sans que l’on ne sache trop pourquoi. Le mois dernier, lors d’un colloque à Paris, les participants ont fait le point sur la loi de mai 2010 qui légalise les jeux d’argent en ligne. Que du beau monde : le député Lamour, le sénateur Trucy, l’homme d’affaires Partouche (une cinquantaine de casinos), etc. Rien n’est vraiment sorti de ces discussions, si ce n’est la conclusion du ministre du Budget, que je résume : Pour la clause de revoyure, on en reparlera après les Présidentielles.

En revanche, il y a une certaine agitation du côté de l’Union européenne. Le commissaire (et ancien ministre) Michel Barnier, vient d’ailleurs de présenter un Livre vert sur les jeux d’argent et de hasard en ligne dans le marché intérieur. La bible européenne du jeu, en quelque sorte, qui appuie là où ça fait mal :

Du marché noir au marché gris – Aujourd’hui, parallèlement à l’augmentation des services de jeux autorisés par les États membres, un vaste marché illicite s’est développé au sein de l’Europe. Cela va des sites sans aucune licence, le marché noir ; aux sites autorisés sur leur territoire mais qui prospectent allègrement dans les pays voisins, ce qu’on appelle le marché gris. Il y aurait plus de 12 000 sites de jeux en ligne qui seraient ainsi hors la loi. D’où la réaction des instances européennes.

Le droit européen – Comme l’a confirmé la Cour européenne, les sites de jeux sont régis par l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « Les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites » – sauf si un État membre s’y oppose pour des raisons qui touchent à la protection des consommateurs ou aux risques de troubles à l’ordre public.

L’argent du jeu – En 2008, en Europe, les recettes annuelles des jeux d’argent et de hasard ont atteint 75.9 milliards d’euros (les mises, moins les gains et les bonus), dont 6.16 milliards pour les seuls jeux en ligne. Avec une croissance prévue à deux chiffres. La France se situe au quatrième rang, mais bien loin du Royaume-Uni, qui devance largement tous les pays d’Europe. Le petit tableau, extrait du Livre vert, donne la répartition des jeux.

capture2.1303575923.JPG

On se trouve devant cette situation ambivalente : d’un côté les États-Unis d’Amérique qui ne veulent pas des jeux en ligne et de l’autre, les États d’Europe, qui s’organisent pour mieux les réglementer.

Qui a raison ?

Je crois que, lorsque l’on ne peut maîtriser une situation, il n’est pas idiot de chercher à la réglementer. C’est d’ailleurs l’argument phare de ceux qui voient dans la dépénalisation du cannabis un moyen de mettre un sérieux coup de frein à un marché underground que personne ne peut contrôler. S’il s’agit de canaliser, moi, je suis plutôt pour. Et au passage, on pourrait, comme cela se passe pour les jeux en ligne, prélever une taxe destinées aux services hospitaliers d’addictologie. La loi sur les jeux en ligne prévoit en effet qu’une fraction des mises soit reversée à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé et au régime d’Assurance maladie.

Et pourquoi ne pas rétablir les bordels et prélever des taxes !

Je plaisante.

Mais rien ne pourra empêcher la prolifération des jeux d’argent en ligne. Que ce soit sur Internet, sur les téléphones portables ou via la télévision. casser-ordinateur_fotosearch.1303628037.jpegIl faut donc faire avec et en tirer un avantage : si tu me pousses, je te tire, comme au judo.

Et au moins, les casinos en ligne, on ne peut pas les braquer !

Le coup de baguette magique des FAI

On va payer plus ! Non seulement pour la télévision reçue via l’ADSL ou les offres triple play, mais également pour les téléphones portables. Comment justifier cette augmentation des tarifs aux yeux du public ? Simple, il suffit de lire l’article 11 de la loi de finances pour 2011 :

« Le taux réduit n’est pas applicable lorsque la baguette_magique.1293792043.jpgdistribution de services de télévision est comprise dans une offre unique qui comporte pour un prix forfaitaire l’accès à un réseau de communications électroniques au sens du 2° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques. Néanmoins, lorsque les droits de distribution des services de télévision ont été acquis en tout ou partie contre rémunération par le fournisseur des services, le taux réduit est applicable à la part de l’abonnement correspondante. Cette part est égale, en fonction du choix opéré par le distributeur des services, soit aux sommes payées, par usager, pour l’acquisition des droits susmentionnés, soit au prix auquel les services correspondant aux mêmes droits sont distribués effectivement par ce distributeur dans une offre de services de télévision distincte de l’accès à un réseau de communications électroniques. »

C’est l’explication que me fournit SFR dans la lettre que je viens de recevoir. Comme je n’y ai rien compris, j’ai cherché à en savoir plus…

À la création de Canal +, en 1982, il avait été décidé d’une TVA à 5.5 %. Par la suite, lorsque d’autres chaînes à péage ont vu le jour, ce taux réduit s’est appliqué tout naturellement aux nouveaux arrivants. Avec l’apparition des offres triple play, logiquement, les FAI auraient donc dû retenir cette TVA light sur le tiers de la facture, c’est-à-dire la partie télé. Mais, avec la bénédiction de l’administration fiscale, ils ont fait moite-moite, et parfois plus. En contrepartie de quoi, les opérateurs étaient invités à verser une « contribution pour le financement de la production audiovisuelle » : la taxe COSIP.

Mais certains de nos voisins n’ont pas trouvé la chose à leur goût. Ils ont saisi la Commission européenne. Laquelle a mis la France en demeure de se mettre aux normes. On pouvait donc s’attendre à une TVA au taux de 5.5 % non plus sur 50 % de la facture, mais sur un tiers.

Sauf que les FAI appliquent cette TVA réduite un peu comme ils l’entendent, même pour les abonnés aux téléphones mobiles qui ne reçoivent pas la télé. Lesquels verront aussi leur facture grimpée de 6.26 % pour un forfait de 24.90 €. C’est l’exemple donné par SFR. Cette histoire représente au passage un sérieux manque à gagner pour l’État.

Lorsqu’on voit la polémique suscitée par le taux à 5.5 % dans la restauration, on est en droit de s’interroger.

Une combine qui laisse craindre « que les opérateurs aient utilisé un dispositif fiscal pour dégager une marge qui n’a jamais été redistribuée aux consommateurs », nous dit l’UFC-Que Choisir. Tandis que d’autres mettent carrément les pieds dans le plat et parlent d’un véritable scandale.

Mais qu’on se rassure, le ministre du numérique a demandé des comptes aux FAI. Chiche qu’il leur impose un rattrapage de TVA !tchin_wwwtchintchinch.1293792165.jpg

Avec mes meilleurs vœux à tous.

Si Julian Assange était français…

« Le préservatif se serait déchiré pendant un rapport sexuel consenti », nous dit l’avocat du cofondateur de WikiLeaks. Or, lorsque sa partenaire a découvert qu’il n’était plus couvert, elle a vu rouge, rouge comme une notice d’Interpol, et elle a déposé une plainte pour viol.

wikileaks_censure.1291455613.jpgJ’espère que le monsieur y a pris du plaisir, car depuis, il est en cavale. Pas loin de rejoindre Ben Laden au hit-parade des gens les plus recherchés de la planète.

Sans être dans le secret des dieux, personne n’est dupe. On sent bien que les E-U sont derrière cette mascarade de justice – avec la complicité de nombreux autres États. Il faut dire que les Américains ont un sacré problème : une constitution psychorigide et des lois qui ne changent pas tous les trois mois. Pas étonnant qu’ils jalousent notre si beau pays…
Un pays où « de simples soupçons, et non des preuves formelles » suffisent pour incriminer un individu, comme le rapporte la note du Monde du 29 nov. 2010 : Comment Washington voit la lutte contre le terrorisme en France ().

Une chose est sûre, si Julian Assange avait été français, on ne lui aurait pas reproché de se découvrir durant l’amour. Non, on aurait feuilleté le Code pénal, et dans le capharnaüm des textes qui visent « les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation », on aurait nécessairement trouvé des raisons pour embastiller ce monsieur. On l’a bien fait pour justifier la surveillance d’un journaliste…

Mais c’est quoi les intérêts fondamentaux de la nation ? D’après l’art. 410-1, cela va de l’intégrité de son territoire, à sa sécurité, ses institutions, ses moyens de défense et de diplomatie, l’équilibre de son milieu naturel, son environnement et son patrimoine culturel, etc. En fait, on peut tout y mettre. Ainsi, quand Éric Cantona appelle à retirer son argent des banques pour faire capoter le système, il ne sait pas qu’il a probablement commis un délit contre la sûreté de l’État. Car il s’agit de déclarations propres à ébranler directement ou indirectement la confiance dans la solidité de la monnaie. Et le fait d’inciter le public à des retraits massifs de fonds pourrait être considéré comme l’élément déterminant de ce délit. Je mets tout cela au conditionnel, car il s’agit d’un droit peu appliqué. Bon, il a de la chance notre footballeur-acteur, pour déclencher l’action publique, il faut une plainte du ministre des Finances. Et pour l’instant, Mme Lagarde s’est contentée de le renvoyer dans ses buts.

Alors, vous imaginez… Un bonhomme qui se permettrait de dévoiler des notes diplomatiques dans lesquelles on découvrirait que nos élus (et même nos magistrats) vont régulièrement faire carpette à l’ambassade américaine de Paris, ou encore que notre Président est entouré d’une cour de conseillers « qui évitent de le contredire ou de provoquer son mécontentement ». Au point d’avoir détourné l’avion présidentiel pour éviter qu’il puisse apercevoir la Tour Eiffel éclairée aux couleurs de la Turquie, à l’occasion de la visite du premier ministre turc. Une bonne blague de Bertrand Delanoë (Voir la note du Monde du 30 nov. 2010 : Nicolas Sarkozy, « l’Américain » ().

Mais comme Assange n’est ni français ni réfugié en France, Éric Besson, notre ministre de l’Économie numérique s’en prend à l’un des hébergeurs de WikiLeaks qui, lui, se trouve sur notre territoire. Il demande au vice-président du CGIET (Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies) comment faire pour neutraliser ce site. Pour mémoire, le CGIET est placé sous l’autorité directe du ministère des Finances.

bessonwikileaks-copie.1291456003.png

Les autorités se donnent le droit de nous espionner, d’écouter notre téléphone, d’ouvrir notre courrier, de placer chez nous des micros ou des caméras, et lorsque la situation se renverse, et que pour une fois, c’est nous, les petits, qui pouvons jouer les voyeurs, tous les grands de ce monde montent au créneau pour défendre leur intimité.

Qu’on ne s’y trompe pas, c’est une véritable révolution qui est en marche. Une révolution virtuelle. Selon les résultats, soit on va s’acheminer vers un monde dans lequel les internautes deviendront tous des malfaiteurs en puissance ; soit, au contraire, vers une légitimation de la liberté de l’information.

J’ai un peu le trac, d’un seul coup.

Écoutes et espionnage

La plainte déposée par Le Monde pour violation du secret des sources incite à faire le point sur les  « interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications ». Les zozors, comme on disait dans le temps ! Depuis les fameuses « bretelles » que jadis de mystérieux noctambules des PTTtelephone_site_design-technology.JPG plaçaient sur les câbles des centraux téléphoniques, l’eau a coulé sous les ponts. Aujourd’hui, on obtient tout d’un clic de souris. Et l’écoute d’une conversation téléphonique a souvent moins d’importance que les informations que l’on peut glaner en périphérie : identifications, points de chute, relations, géolocalisation, etc.

Pour 2008, le budget de la justice consacré à ces écoutes était d’environ 33.2 M€ (pour faire un parallèle, celui des analyses génétiques était de 17.5 M€). Soit environ 12% des frais de la justice pénale. Une manne qui alimente les opérateurs et certaines officines habilitées. Un marché juteux. Mais qui devrait bientôt prendre fin avec la mise en service de « la plate-forme nationale des interceptions judiciaires ». Celle-ci permettra aux OPJ et aux agents de la douane judiciaire de surveiller, depuis leur poste de travail, et en temps réel, l’ensemble des communications électroniques (téléphonie fixe et mobile, fax, flux internet, et probablement les images).

Elle devrait voir le jour en 2012, malgré l’avis défavorable de certains conseillers de l’Intérieur. Comme Alain Bauer, qui parle d’une usine à gaz (cité par Sophie Coignard, Le Point). Aujourd’hui, seule fonctionne une mini plate-forme dite STIJ (système de transmission des interceptions judiciaires). Elle permet aux OPJ, depuis leur bureau, de lire les SMS et de prendre connaissance de certaines données connexes (date, heure, numéro, etc.).

Le secret de l’instruction sera paraît-il garanti, pourtant, certains juges sont dubitatifs. Auraient-ils peur que de grandes oreilles indiscrètes se glissent dans leurs dossiers ?

Rappelons que dans le cadre d’une information judiciaire, c’est le juge d’instruction qui accorde l’autorisation de placer une écoute, sous forme d’une commission rogatoire, dite « technique », pour une durée de quatre mois renouvelables. Ensuite, c’est  l’officier de police judiciaire qui gère. Sauf découverte d’une affaire incidente, seuls les éléments qui concernent l’enquête sont retranscrits.

En enquête de flagrance ou en enquête préliminaire, c’est le juge des libertés et de la détention qui donne son feu vert, sur requête du procureur de la République. La durée est de quinze jours renouvelables (délai à vérifier dans Loppsi 2).

Au ministère de l’Intérieur, on n’est pas en reste. Depuis 2007, il existe aussi une plate-forme d’interception (une usine à gaz ?) destinée à prévenir tout acte de terrorisme (loi du 3 janvier 2006). Elle était à l’époque gérée par l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, mais je dois avouer qu’aujourd’hui, je ne sais pas trop comment elle fonctionne.

Les écoutes administratives de sécurité partent tout azimut, mais sont fortement encadrées : demande écrite du ministre de tutelle du service qui sollicite l’écoute et décision écrite et motivée du Premier ministre ou de l’une des deux personnes spécialement déléguées par lui. L’autorisation est accordée pour quatre mois et les enregistrements doivent être détruits dans les dix jours. Une commission a été créée pour veiller au respect des dispositions légales.  Elle est destinataire de la demande  et peut émettre un avis défavorable. Elle a également le pouvoir de contrôler toute interception pour en vérifier la légalité.

Ces écoutes, dites administratives, sont secrètes, et leur divulgation tombe sous le coup de la loi. Elles ne peuvent être utilisées dans une procédure judiciaire, raison pour laquelle on trouve parfois cette formule laconique en préliminaire d’une enquête : Selon un informateur anonyme…

Cette réglementation sur les interceptions télécoms est-elle respectée ? Ce n’est pas à moi de le dire, mais il semble bien qu’il y ait des ratés. Ainsi, dans l’affaire de Tarnac, la Cour d’appel doit très prochainement se prononcer sur la légalité des interceptions effectuées sur le réseau internet de l’épicerie de la commune, où certains des suspects travaillaient, car l’écoute a été effectuée sans l’autorisation du juge des libertés et de la détention, alors que les policiers agissaient en enquête préliminaire.

De même pour un système de vidéosurveillance mis en place au domicile parisien de Julien Coupat. D’après Me Thierry Lévy et Jérémie Assous, seul un juge d’instruction aurait pu décider de cette surveillance technique. Or il n’a été saisi que trois mois plus tard.

Dans l’affaire du Monde, après s’être emberlificoté dans des réponses vaseuses, le patron de la DCRI a sorti de sa manche l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 (JO du 13), lequel vise la surveillance et le contrôle des communications radioélectriques. Une mission séculaire de la DST et de la DGSE qui n’a rien à voir avec les téléphones portables. Donc, mauvaise pioche, car il n’a réussi, semble-t-il, qu’à dévoiler une ficelle de la maison. D’ailleurs, aussitôt dit, Le Canard a mis ses pieds palmés dans la mare : les policiers utilisent ce procédé pour requérir les opérateurs télécoms « hors de tout contrôle », écrit en résumé l’hebdomadaire.

Le titre de ce billet est celui d’un livre que j’avais publié en 1990, et qui avait eu un certain retentissement dans les médias (et qui m’avait valu quelques désagréments). J’y dénonçais l’absence d’encadrement juridique des écoutes. Certains députés de l’opposition (la majorité actuelle) s’en étaient d’ailleurs inspirés pour exiger une loi. Celle justement de 1991.

Sous le pont Mirabeau coule la Seine…

Ce livre est obsolète, c’est un peu comme si l’on comparaît le Minitel à un iPad, mais je ne peux m’empêcher de citer un extrait du « bêtisier des écoutes » :

1970 – René Pleven, garde des Sceaux : « … L’écoute téléphonique ne doit être utilisée que pour protéger la sécurité de l’État ou l’intérêt public… Actuellement, la véritable garantie réside dans la conscience des ministres qui disposent en pratique du moyen de recevoir des écoutes… »
1973 – Albin Chalandon, futur ministre de la justice : « … Inadmissible (que les écoutes) soient utilisées comme cela en France, pour espionner systématiquement ceux qui sont d’une façon ou d’une autre mêlés à la vie publique, amis ou ennemis du pouvoir. »
1974 – Valéry Giscard d’Estaing, nouveau président de la République : « Il faut supprimer les écoutes… si elles existent. »
1974 – Raymond Marcellin, ancien ministre de l’Intérieur : « Les écoutes sont une corvée nécessaire que le gouvernement va essayer de refiler aux magistrats. »
1977 – Michel Poniatowski, ministre de l’Intérieur : « … Il n’y a plus d’écoutes d’hommes politiques, de journalistes et de syndicalistes. Les seules écoutes sont celles relevant de la criminalité, et particulièrement des affaires de drogue… »
1981 – Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur : « Il faut en finir pour toujours avec les écoutes. »
1982 – Pierre Mauroy, Premier ministre : « … C’est un hommage au gouvernement d’avoir supprimé les écoutes téléphoniques… »
1986 – Jacques Chirac, Premier ministre, s’engage à : « … Limiter les écoutes téléphoniques à celles qui sont décidées par l’autorité judiciaire ou exigées par la sécurité de l’Etat. »le-flic-solitaire_dessin-de-savaro_collection-personnelle.1285401743.jpg
1986 – Jacques Toubon, député, à l’Assemblée nationale : « … Quand j’entends ricaner sur les bancs socialistes lorsque le Premier ministre annonce que nous allons supprimer l’essentiel des écoutes téléphoniques […] Nous voulons faire ce que vous n’avez pas fait. Le courage que vous n’avez pas eu, nous l’aurons. »

2010 – Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur : Le gouvernenent ne pratique « aucune écoute téléphonique illégale ».

… Les jours s’en vont, je demeure.

____________________________________________________________________________________________________

La DCRI en question a été lu 10 197 fois et a suscité 32 commentaires.

Votre webcam vous surveille

La caméra de rue, chère au maire de Nice (et surtout chère pour ses administrés), est-elle en passe de devenir un objet ringard ? Il est devenu si simple de surveiller les gens dans leur intimité qu’on peut se poser la question… Ainsi, cette webcam que vous avez peut-être devant vous, alors que vous lisez ces lignes, n’est-elle pas en train de vous espionner ?

webcam-design-oeil-akor-micro.jpeg

Un jeu d’enfant avec le petit logiciel qu’il est possible de télécharger sur le Net pour la modique somme de 8 €. Et pour à peine le double, la version pro permet de se connecter à 24 ordinateurs simultanément.

« Il suffit d’entrer l’adresse de messagerie du compte de l’individu pour pirater sa webcam », nous dit le fabricant. À défaut, l’adresse IP fera l’affaire, car le logiciel peut scanner l’ordinateur à distance afin de détecter les ports ouverts.

Ce piratage est évidemment répréhensible. Un an de prison et 45 000 € d’amende. Et la fabrication, la location ou la vente du dispositif qui permet cette infraction est punie de la même peine. Le simple fait d’en faire publicité aussi (art. 226-3 du Code pénal).

Vous comprendrez que je ne donne ni nom ni lien…

Christian Borniche, le président de l’UFEDP (Union fédérale des enquêteurs de droit privé), condamne l’utilisation de tels procédés d’espionnage. Et il s’étonne, tout comme moi, que la loi ne soit pas appliquée.

Bien sûr, le vendeur pourrait se trouver loin de nos frontières… C’est la magie d’Internet : on achète, et souvent on ne sait trop ni à qui ni où. Mais ici, ce n’est pas le cas. La petite entreprise qui commercialise ce produit se trouve à Paris.

D’après un journaliste américain, traduit sur Slate.fr, il existe un procédé identique pour hacker le micro d’un ordinateur. Ce qui est encore plus sournois, car si l’on peut désactiver sa webcam, ce n’est pas le cas du micro. Pour éviter de se faire piéger, il donne les conseils suivants : ne pas ouvrir la pièce jointe d’un mail dont on ne connaît pas l’origine et ne jamais cliquer sur un lien dans un message.

Que ce soit pour des raisons de sécurité, pour des motifs commerciaux, pour des sondages, ou pour je-ne-sais-quoi, sans arrêt on passe notre vie au tamis.

Parfois, même sur ce blog, certains disent, on s’en fiche, on n’a rien à cacher. Eh bien, ils ont tort. Notre vie privée, c’est la clé de notre liberté. Et, contrairement à ce que dit Monsieur Estrosi, le premier droit d’un homme c’est la liberté, et non la sécurité.

La preuve, aucun combat, aucune guerre, n’a jamais été mené au nom de la sécurité, alors que bien des Français ont sacrifié leur vie pour défendre leur liberté.

Il faut se réveiller. Et si l’on accepte reveil_site_dictiotouch.jpgde partager  sa vie avec quelqu’un, de grâce, que ce soit en connaissance de cause, et uniquement « pour le meilleur comme pour le pire ».

________________________________________________________________________________________

Manouches sans le savoir a été lu 5 304 fois et a suscité 31 commentaires.

Y avait-il un micro dans les douches ?

Dans la police, lorsqu’on a un tuyau qui provient d’une écoute, d’une esgourde, d’un zozor, on dit qu’il s’agit d’un indic, un tonton, quoi ! Dans les vestiaires de l’équipe de France, le vocabulaire est différent, mais le résultat est le même.

Le plus facile pour sonoriser une pièce, m’a dit un spécialiste, est d’utiliser un quelconque téléphone enigme-picsou.jpgportable, à condition qu’il soit muni de la fonction « décrochage automatique ». On coupe la sonnerie et l’éclairage du cadran, et, lorsqu’on lance un appel sur ce mobile, on peut capter tout ce qui se dit autour. Bien sûr, c’est du bidouillage, il existe des moyens autrement plus sophistiqués.

Mais, amateur ou professionnel, derrière la technique, il y a une main, comme on dit au foot. Il faut donc se poser la question : à qui profite le crime ?

En tout cas, à aucune des stars du ballon rond. Eux, ils ont joué (si l’on peut dire) et ils ont perdu. Mais alors, qui y gagne ?

Par habitude, les yeux se tournent vers l’Élysée… Ah non, pas cette fois ! D’ailleurs le patron des lieux a envoyé sa  Roselyne au charbon. Ordre de mission : regonfler le moral de la troupe. « Ce sont vos gosses, nos enfants, pour qui peut-être vous ne serez plus les héros », leur a-t-elle susurré. On aurait dit Malraux devant le Panthéon dans l’hommage à Jean Moulin : « C’est la marche funèbre des cendres que voici (…)  Et depuis sont nés seize millions d’enfants… »
Elle est parvenue, paraît-il, à leur tirer une larme à ces grands gaillards. C’est vrai qu’il est plus facile de leur tirer une larme que de leur faire tirer un but…

Bon, il y a le cas Woerth. On est bien obligé de s’y arrêter, car pendant que l’on suit les rebondissements du ballon rond, on oublie la réforme des retraites et même (un peu) ses problèmes de couple. À noter pourtant que ce ministre qui a tant communiqué sur sa lutte contre l’évasion fiscale va se faire coiffer au poteau par son jeune successeur, lequel va probablement doubler le score sur une seule tête.

C’est vrai que ces jours derniers, on ne parle plus guère non plus de l’affaire de Karachi, ni de la plainte pour corruption déposée contre le club de Balladur pour une lointaine histoire de rétrocommissions. Je ne sais pas si ce monsieur a un alibi, mais on ne l’a pas vu dans les gradins ces temps-ci – ni avant d’ailleurs.

Donc, exit nos élites de la liste des suspects. Quant à TF1, on peut l’exclure aussi, vu que la chaîne va y laisser des plumes. Bon, vous me direz,  Bouygues vient de récupérer le marché pour la rénovation du vélodrome de Marseille, c’est quand même un beau lot de consolation, non!

Alors, il y a la presse écrite. Ca ronronnait dur en Afrique de Sud, à tel point que les Français commençaient même à se désintéresser de leurs joueurs, et patatras ! L’Équipe nous affiche un titre que même dans ce modeste blog je n’ose reproduire. On en est baba. On s’interroge… Et finalement la solution de l’énigme se trouve (peut-être) dans Le Monde du 22 juin : « (…) Il n’existe plus dans le stade, qu’un lieu sanctuarisé : le vestiaire. Là où, par chance, la langue de bois peut se volatiliser (…) Deux journaux en France se livrent une lutte sans  merci pour recueillir les propos qui ont pu s’échanger dans ce huis-clos : l’Équipe et Le Parisien. »

Sans merci, jusqu’à quel point ?
___
Post-scriptum : Je
présente mes regrets pour avoir osé raconter cette fable sur un sujet coq-gaulois_bondy-blog.jpgqui n’est pas de mon ressort (sauf les écoutes). Mais j’ai une excuse : on ne parle que de ça.

Cela dit, je suis Français, moi, et je ne démissionnerai pas !

________________________________________________________________________________________________________________
Le dictaphone du majodorme de Mme Bettencourt a été lu 26 934 fois et a suscité 18 commentaires.

Rue89 et les voleurs d’images

Nicolas Sarkozy se chauffe pour une émission sur France 3. Il y a maintenant deux ans, Rue89 a diffusé ces images, enregistrées juste avant l’ouverture de l’antenne. Et vendredi dernier, un journaliste est mis en examen, non pas pour cette diffusion, liberté de la presse oblige, mais pour recel d’images. Or, pour qu’il y ait un receleur, il faut qu’il y ait un voleur. voleur_ozepicesch.1276497889.jpgC’est le bon sens.

Mais peut-on voler des images ou des sons ?

C’est le concept même de  l’émission Les infiltrés, présentée sur France 2 par David Pujadas, « montrer ce qui est censé rester secret… », et pour cela, «  équipés de micros caméra, « les infiltrés » tentent chaque jour d’en savoir plus sur l’entreprise dans laquelle ils ont été embauchés… sur l’association, le milieu ou le mouvement qu’ils ont réussi à intégrer… »

On peut potiner sur le travail de ces journalistes. On peut se demander s’ils ne se sont pas trompés de voie…  D’ailleurs, quand on regarde leurs reportages, on est presque obligé de s’interroger : que fait la police ? Bon d’accord, ce n’est pas le sujet. En tout cas, à ma connaissance, ils n’ont jamais été poursuivis pour vol.

Pourtant, à la suite de cette diffusion sur le site Rue89, la direction de France 3 a déposé une plainte pour vol et recel…

Il y a là quelque chose qui m’échappe.

Puis, en y réfléchissant, je me suis dit que cette affaire m’en rappelait une autre. Souvenez-vous, c’était l’année dernière. Cet employé de la banque suisse HSBC qui s’était introduit dans le système informatique de ladite banque pour y dérober le listing de milliers de comptes étrangers. Il s’agissait ici d’un vol caractérisé (atteinte au système de traitement automatisé des données ou STAD). C’est même pour un motif semblable (entre autres) que Jérôme Kerviel est actuellement jugé.

Or le ministre du budget de l’époque, M. Eric Woerth, dont les services, par on ne sait trop quel moyen avait réussi à obtenir ce listing, avait déclaré : « Ce qui serait choquant, c’est de ne pas utiliser ces informations ».

Alors, deux poids deux mesures ? D’un côté un service de l’État, receleur de fait d’un document volé serait en droit de l’utiliser en toute impunité, et de l’autre, un journaliste, « receleur » d’une image, deviendrait un hors la loi !

Avec, dans ce dernier cas, une question préalable : l’infraction est-elle réellement constituée ?

Rappelons les faits : Le président de la République est installé dans un studio de télévision : maquillage, essais de voix, de lumière…, etc. On attend l’antenne. « Trois minutes ! » annonce le régisseur. Mais pendant ce temps, la caméra tourne. Ce sont donc ces images, enregistrées juste avant l’émission, qui sont l’objet du délit de recel.

Recel d’images. À quand le recel d’idées ?

Dans une affaire récente qui concernait la violation du secret de l’instruction, le Tribunal correctionnel de Paris avait estimé que la faute n’incombait pas aux journalistes, mais à ceux qui avaient laissé filtrer l’information, c’est-à-dire les services de justice. Et les juges avaient conclu à la responsabilité de l’Etat.

Il serait amusant qu’à la suite de la plainte de France 3, la chaîne publique soit condamnée pour faute lourde.

On nous parle (à demi-mot) de rigueur, on nous dit qu’il va falloir se serrer la ceinture, faire des économies de tous côtés, surtout du nôtre, et voici qu’un procureur ouvre une information judiciaire pour une broutille de ce genre. Et voici qu’un juge d’instruction, Mme Anne-Julie Paschal, planche sur ce dossier depuis bientôt deux ans ! Avec aujourd’hui, quatre personnes mises en examen. Combien de commissions rogatoires ont été délivrées ? Combien de policiers ont travaillé sur ce dossier ? Comobelix_imagesshack.1276497971.jpgbien d’experts, d’écoutes téléphoniques ou informatiques ? Tout ce temps passé, au détriment de quels crimes, de quels vols, de quelles infractions financières ? Combien de dossiers glissés sous la pile ? Combien de victimes attendent justice ? Qui peut nous dire combien ça a coûté…

Tout cela n’est pas très sérieux.

_________________________________________________________________
Les coulisses des reconstitutions judiciaires a été lu 908 fois et a suscité 5 commentaires.

Internet, roulette et grosse galette

Aujourd’hui, on doit connaître les joueurs sélectionnés pour la Coupe du monde de football, mais d’autres personnages piaffent dans les starting-blocks : ceux qui attendent les jeux en ligne. Même si les choses ont pris un peu de foot-et-argent_plocteville.1273562408.gifretard, à cause de Malte, qui ne voit pas d’un bon œil lui échapper les « clandés » qui prospèrent sur son sol, c’est promis juré, avant le premier coup de sifflet de l’arbitre, les jeux seront faits. Juste deux ou trois obstacles juridiques à franchir et l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), délivrera les premières licences. Pour l’instant cela concerne le poker, les paris sportifs et les paris hippiques.

Dans les coulisses, dans le monde de la finance et de la politique, on imagine les pourparlers, les négociations, le donnant, donnant…

Car, même si Charles Pasqua a été blanchi dans l’affaire du casino d’Annemasse, on sait bien que les jeux d’argent et la politique sont inséparables.

Cette masse de billets que génèrent les casinos a toujours suscité convoitises et tentations. Et comme ces entreprises « à part » ont besoin d’autorisations administratives, on imagine les magouilles… En sera-t-il de même avec les jeux virtuels ?

Si aujourd’hui la guerre commerciale est ouverte, en tout cas, la guerre des jeux n’est pas un long fleuve tranquille, loin s’en faut. Voici deux exemples, parmi tant d’autres, l’un, vieux de plusieurs dizaines d’années, l’autre, plus récent.

Dans les années 70, grandes manœuvres pour l’ouverture d’un deuxième casino à Nice, le Ruhl. Le 13° de la Côte d’Azur. Chiffre qui ne portera pas chance à tout le monde. C’est Jean-Dominique Fratoni, dit Jean-Do, qui mène la danse. Le bonhomme est ambigu. Il cultive les relations mais il n’a sans doute pas les épaules pour agir de son propre chef. Derrière, on subodore des hommes puissants…

Jean Bozi, un ancien député UDR, appuie la demande d’agrément. Or Bozi est casino-ruhl.1273562546.jpgégalement un proche de Marcel Francisci, qui est lui-même un ami d’Alexandre Sanguinetti, lequel roule dans le sillage de Roger Frey. Pour situer les personnages, les années précédentes, alors que le pays est déstabilisé par la fin de « l’Algérie française », Frey est ministre de l’Intérieur et à ses côtés Alexandre Sanguinetti recrute des gros bras dans la pègre pour lutter contre l’OAS. Il est d’ailleurs l’un des fondateurs du SAC (service d’action civique) avec Charles Pasqua et Etienne Léandri, association 1901 destinée à l’origine à soutenir la politique de De Gaulle, et téléguidée en sous-marin par Jacques Foccart.

Pour en revenir au Ruhl, Jacques Médecin, le maire de Nice, n’est pas en reste. Il veut que sa ville supplante Monaco. Il rajoute au pot et accorde même à Fratoni une réduction importante sur le montant des taxes qu’il doit régler à la commune. Tandis que son concurrent, situé à moins de trois cents mètres, Le Palais de la Méditerranée, paie plein pot.

En fait, il n’y a pas la place pour deux casinos à Nice. Rapidement, les hostilités sont ouvertes. Ainsi, en 1975, un mystérieux groupe de joueurs italiens fait pratiquement sauter la banque du Palais dans des circonstances qui n’ont jamais été vraiment élucidées.

Mais Fratoni a beau se démener, la mayonnaise ne prend pas, et malgré le renflouement d’Alain Delon, le Ruhl connaît rapidement de sérieuses difficultés financières.

Raison qui explique la tentative de prendre le contrôle du Palais de la Méditerranée, via les actions détenues par la fille de sa dirigeante, Renée le Roux. On connaît la suite: la disparition d’Agnès Le Roux qui a conduit, plus de trente ans plus tard, son amant, l’avocat Maurice Agnelet, à être condamné à vingt ans de réclusion criminelle – sans pour cela qu’on n’en sache plus sur cette affaire.

À cette époque, derrière chaque casino, on devine l’ombre de Marcel Francisci ou de son concurrent, Baptiste Andréani. Entre les deux, une ribambelle de cadavres.

Mais indiscutablement, c’est Francisi qui  porte la couronne. Jusqu’en 1981, où ses ennuis commencent avec le nouveau ministre de l’Intérieur, Gaston Defferre. Il n’en verra pas le bout. Il est tué dans le parking de son immeuble, à Paris, en janvier 82. Trois balles de 11.43, à bout touchant. Les soupçons des enquêteurs se portent sur ses anciens associés, les frères Zemour. Sans preuve. Mais il semble que d’autres ne s’embarrassent pas de ces détails: Edgard Zemour est abattu l’année suivante, à Miami, en Floride, où il s’est retiré ; et Gilbert Zemour quelques mois plus tard. Deux balles de 357 alors qu’il promenait ses quatre caniches. Et une dernière, pour la route, le canon de l’arme sous le menton.

On peut se dire, bon, tout ça c’est de l’histoire ancienne…

Alors, parlons du cercle Concorde. Cette maison de jeu de la rue Cadet, à Paris,  a obtenu une autorisation d’ouverture en novembre 2006, alors qu’à cette époque l’établissement était dans le collimateur des policiers. Ceux-ci enquêtaient (entre autres) sur un flingage qui avait eu lieu quelques mois auparavant à Marseille, à la brasserie des Marronniers. Quatorze balles, trois morts. Lorsque les enquêteurs déterminent qu’un certain Paul Lantieri pourrait être l’un des instigateurs de ce règlement de comptes, finauds, ils font le rapprochement avec le cercle Concorde. Car le bonhomme, qui possède pas mal d’établissements de toutes sortes sur l’Île de Beauté, est également propriétaire du restaurant qui jouxte le cercle de jeux. Il est arrêté en janvier 2007 et mis en examen pour association de malfaiteurs. Bizarrement, il est laissé libre. Dès lors, la PJ ne le lâche plus d’une semelle. Ce qui va permettre aux enquêteurs un sacré coup de filet dans lequel se prendront au passage un banquier suisse, un ancien capitaine de gendarmerie et un vieux de la vieille du milieu marseillais : Roland Cassone.

Pour le folklore, celui-ci est arrêté alors qu’il taille la haie de son jardin, un flingue dans la ceinture et le gilet pare-balles à portée de la main. Un rôle en or pour le regretté Paul Meurisse.

En janvier 2008, l’Express s’interrogeait : « Il reste à comprendre pourquoi Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, a autorisé l’ouverture de la maison de jeux avec à sa tête ce sulfureux attelage à l’automne 2006, et pourquoi Michèle Alliot-Marie a renouvelé cette autorisation un an après. Dans les écoutes, l’un des suspects fait allusion à un ancien ministre proche de Charles Pasqua et de Sarkozy ».

Depuis des lustres, la roulette est interdite en région parisienne, pour éviter, disait-on dans le temps, que les ouvriers n’y laissent leur paie. Aujourd’hui, le poker, boosté par des stars du showbiz et soigneusement mis en scène par la télévision, notamment Canal +, a changé la donne. Sa popularité renforce l’attrait des salles de jeux parisiennes. Businessmen et voyous s’en pourlèchent les babines.

chien-voyou1170497922.1273562632.jpgQue va-t-il se passer lorsque les jeux en ligne vont s’ouvrir légalement aux Français ?

Pour l’instant, il paraît que le combat est acharné. L’objectif est de figurer à tout prix dans le peloton de tête, quitte à perdre de l’argent au départ. Car les gains espérés sont énormes.

Mais si tous les coups sont permis – on n’en est pas encore aux coups de calibre.

___________________________________________________
Le torchon brûle entre commissaires et magistrats a été lu 2 290 fois et a suscité 14 commentaires.

Des rumeurs du micro… cosme aux écoutes téléphoniques

Dans cette affaire dite des « fausses rumeurs » lancée par on ne sait trop qui et relayée par on sait qui mais sans savoir trop pourquoi, à la réflexion, un seul élément vaut le coup qu’on s’y attarde : Mme Dati a-t-elle fait ou non l’objet d’une écoute téléphonique ?

grandes-oreilles_film-la-legende-de-despereaux.1271316597.jpgBernard Squarcini, le patron de la DCRI, a annoncé clairement les choses : c’est non ! Son service a effectivement effectué une enquête mais il n’a pas été fait usage  d’écoutes téléphoniques, ni sur ladite dame ni sur personne.

Pour les non-initiés, il existe trois sortes d’écoutes téléphoniques : les écoutes administratives, les écoutes judiciaires et les écoutes sauvages.

Les premières sont réservées à certains services de police, gendarmerie, douanes… Chacun de ces services disposant d’un quota. Du temps de Mitterrand, la cellule élyséenne avait le sien. Les « productions » sont classifiées et ne peuvent être utilisées en justice. Pour cela, il faut utiliser les écoutes judiciaires.  Elles sont ordonnées soit par le juge d’instruction, soit, depuis la loi Perben II, par le procureur, via le juge de la détention et des libertés. Les autres, peut-être les plus nombreuses, ce sont les écoutes sauvages. La technique permet aujourd’hui des tas de choses, comme piéger un téléphone portable, ou le transformer en micro d’ambiance. Mais le top, c’est la réception en direct, par voie hertzienne, sans passer par l’opérateur. Donc, sans laisser de trace.  Pour cela, il suffit d’une valise de type « apériodique » qui permet de détecter tous les téléphones portables dans un rayon de plusieurs centaines de mètres.

Combien existe-t-il d’écoutes ? Inutile d’avancer un chiffre, il serait faux. Mais en fait, tout le monde est écouté, puisque la loi oblige les fournisseurs de réseaux à conserver la trace des communications pendant un an. On est donc écoutés par défaut.

En réalité, l’écoute des conversations est devenue accessoire. Il est plus important d’enregistrer un carnet d’adresses, de savoir qui appelle qui, à quelle fréquence, de quel endroit ; ou de détecter d’un clic de souris, toutes les personnes qui se trouvent à proximité de telle autre. Et tout cela peut aujourd’hui se faire de façon quasi automatique. On envisage pour demain – si ce n’est déjà fait –  l’enregistrement de toutes ces données d’une façon systématique. Aucune atteinte à la vie privée, nous dira-t-on, car ces données ne seraient utilisées qu’en cas de besoin.

Il y a un aspect positif à cette histoire de « petits clapotis ». Puisque la DCRI a été chargée d’effectuer des recherches sur l’origine de ces rumeurs, cela peut vouloir dire, a contrario, qu’il n’existe pas auprès du président de la République un service top secret capable de le faire…

Donc, pas de « bad » brigade au Château, comme cela était le cas à d’autres époques. Une bonne chose pour la démocratie.

____________________________________________________________

Le poisson d’avril de MAM a été lu 3 713 fois et a suscité 9 commentaires.
« Older posts Newer posts »

© 2025 POLICEtcetera

Theme by Anders NorenUp ↑