LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Terrorisme (Page 3 of 8)

15 ans, l’âge pénal de raison

Plusieurs adolescents d’une quinzaine d’années ont été arrêtés ces derniers jours pour s’être laissés embobiner par des partisans du djihad armé, au point, pour certains, paraît-il, d’être à deux doigts de « passer à l’acte ». Les enquêtes antiterroristes étant secrètes, nous sommes tenus de croire ce que l’on nous raconte, néanmoins, il est difficile de ne pas s’interroger : un délit d’intention peut-il s’appliquer à un enfant ?

La scène médiatique du terrorisme offre une tentation forte de vouloir y jouer un rôle. On en a un bon exemple avec ces ados qui ont « scénarisé » l’alerte bidon dans une église du quartier des Halles de Paris. Comment faire la différence entre l’intention malicieuse et l’intention pernicieuse ? Au lieu de déclarer que l’État se portera partie civile, le ministre de l’Intérieur n’aurait-il pas été plus inspiré de dire que cet événement a été un excellent exercice pour ses services parisiens ! Leur rapidité d’intervention a en effet démontré que l’on peut compter sur eux.

Manuel Valls, lui, a promis des « sanctions exemplaires » contre ces garnements. Euh !…

NOMBRE JEUNES DELINQUANTSLa justice des mineurs est sérieusement encadrée et s’il y a un domaine où les magistrats montrent leur indépendance, c’est bien celui-là. Continue reading

L’Europe désarme les « civils »

Lors de son fameux discours devant le congrès, après les attentats du 13 novembre 2015 (vous vous souvenez : « La France est en guerre… »), François Hollande a décidé de donner aux magistrats les « moyens d’enquête les plus sophistiqués, pour lutter contre le trafic d’armes « car ce sont avec les armes du banditisme que les actes terroristes sont commis ».

Proc Epique

Il a également rappelé que la France avait depuis longtemps demandé à l’Europe de prendre des dispositions pour lutter contre le trafic d’armes.

La Commission européenne avait alors réagi au quart de tour. 48 heures après ce discours, elle annonçait une révision de la directive sur l’acquisition et la possession des armes à feu en dressant une palette de mesures qui allaient du bon sens au non-sens. Finalement, lors des débats en commission du commerce intérieur, la présidente avait reconnu que « le texte avait sérieusement besoin d’être retravaillé ». En gros, il devenait quasi impossible pour un particulier de posséder une arme légalement. Un bien mauvais signal, car, historiquement, c’est l’une des premières mesures prises dans les pays où s’installe le totalitarisme.

Trop de précipitation, sans doute. Continue reading

Une Cour de sûreté antiterroriste !

À l’approche des élections présidentielles, les (grands) esprits s’efforcent de nous persuader qu’ils ont trouvé la solution miracle pour lutter contre le terrorisme. Le plus simple, affirment certains, serait de réformer la Constitution, afin de rendre légales des mesures illégales, comme l’enfermement administratif des Français faisant l’objet d’une fiche S (les étrangers, eux, les veinards, étant seulement expulsés). C’est l’avis de notre ancien président Nicolas Sarkozy. Pourquoi pas ! Après tout, François Hollande a bien voulu changer la Constitution pour y inscrire la déchéance de nationalité ! Sarkozy veut également créer une « Cour de sûreté antiterroriste », sur le modèle de l’ancienne Cour de sûreté de l’État et un parquet antiterroriste.

Holà ! Pas question lui répond François Molins, le procureur de Paris, en s’immisçant dans le débat politique. Il y a déjà un procureur national antiterroriste, et c’est moi ! « Depuis, trente ans, dit-il aux journalistes du Monde (3 sept. 2016) la justice antiterroriste fonctionne de manière centralisée et spécialisée. Le dispositif actuel est un gage d’efficacité et de cohérence […] Quant à la cour d’assises spéciale, elle a son propre fonctionnement, sans jury. »

Code et menottesLe procureur de Paris fait référence à une loi qui a effectivement 30 ans – presque jour pour jour, puisque la première loi antiterroriste a été votée le 9 septembre 1986. Continue reading

Nice : après le drame, le cafouillage

Quelques heures après l’attentat au camion fou sur la Promenade de Nice, en pleine nuit, François Hollande s’est adressé à la Nation pour faire connaître les décisions qu’il avait prises.

Coucher soleilSi c’était pour nous rassurer, c’est raté. Car il est pour le moins inquiétant de voir le chef de l’État réagir ainsi à un événement, aussi dramatique soit-il, sans prendre le recul que lui imposent ses responsabilités. Cela ressemble trop à de l’affolement.

« Nous continuerons à frapper ceux qui, justement, nous attaquent sur notre propre sol, dans leur repaire ! » déclame-t-il. Et il annonce de nouvelles (?) mesures, comme renouveler l’état d’urgence, alors qu’il venait de dire que la dernière loi antiterroriste le rendait inutile, et renforcer l’action militaire en Syrie et en Irak. Il est à peine 4 heures du matin. Le drame a eu lieu à 22 h 45.

Petit flou le vendredi, lorsque les premiers éléments de l’enquête laissent à penser que le terroriste n’est pas un loup solitaire, mais plutôt un barjot solitaire, sous soins psychiatriques, qui aurait décidé de « sublimer » son suicide.

Lors d’une conférence de presse, François Molins, le procureur de Paris, prend d’ailleurs des gants pour nous dire que l’attentat n’a pas été revendiqué et que l’individu abattu par la police n’était pas radicalisé et qu’il est inconnu des services de renseignement. Puis il donne son identité, laquelle avait d’ailleurs déjà fuité dans la presse.

Ce qui va permettre à l’État islamique d’effectuer les vérifications nécessaires, afin de revendiquer l’attentat. 36 heures plus tard, Mohamed Machin est ainsi devenu un soldat du califat. (Je reste persuadé qu’il faut anonymiser les terroristes pour éviter que naissent des disciples.) Continue reading

Je n’irai pas cracher sur vos tombes

Lors de son discours de Versailles, devant les cercueils de Jessica Schneider et Jean-Baptiste Salvaing, les deux fonctionnaires de police assassinés à Magnanville, François Hollande n’a pas prononcé le nom de leur meurtrier. Il a parlé de ces « barbares qui commettent des horreurs au nom d’une religion qu’ils défigurent et qu’ils dévoient ». Et d’une guerre qui sera longue…

Ecusson-dcsp-en-deuilC’était un moment fort pour les policiers, les gendarmes et tous ceux qui se trouvaient sur cette place de Versailles. De ces moments que chacun de nous a connus, où, devant le corps d’un parent, d’un ami, croyant ou non, on se laisse prendre par l’envoutement d’une cérémonie mortuaire. Hier, sur la place, devant la préfecture de Versailles, il y avait l’immobilité, longue, de celle qui oblige au recueillement ; la musique militaire, prenante, que l’on a l’impression d’entendre pour la première fois ; puis le discours du Président, juste, au début, avant de devenir plus politique. Mais peu importe, on ne l’écoute plus, les paroles ne sont qu’un bruit de fond, une sorte de mélopée qui vient renforcer l’émotion. On pense à ces amis, à ces collègues, qui ne demandaient qu’à vivre. On pense à cet enfant privé de ses parents. Puis surgit l’introspection : ses propres collègues, ses amis, sa famille, soi… C’est un moment où l’on se demande pourquoi on a choisi ce métier-là. Continue reading

Coup de balai antiterroriste : une enquête qui nous ramène à 2001

Les autorités françaises, certains de nos parlementaires et pas mal de journalistes ballottent : dans la lutte antiterroriste, les échecs sont-ils le fait des Belges ou des instances européennes ? Notre journal favori (qui supporte ce blog mais dont je ne suis pas actionnaire), en date du 26 mars 2016, titre : « Révélations en cascade sur les failles des enquêteurs belges ».

Et pourtant, ces dernières 48 heures, les arrestations se multiplient : France, Belgique, Pays-Bas, Italie… On a l’impression que les services d’enquête de différents pays européens obéissent à un mot d’ordre commun pour mettre à mal un réseau terroriste d’une ampleur insoupçonnée. Le plus grand peut-être que l’on ait connu. Lorsque l’on découvre que l’un des individus arrêté, l’Algérien Abderrahmane Ameuroud, était impliqué dans l’attentat suicide qui a entraîné la mort du commandant Massoud, à la veille des attentats du 11 septembre 2001, on réalise que ledit réseau ne date pas d’hier.

Après avoir combattu l’occupation de l’Afghanistan par les Soviétiques, Ahmed Chah Massoud luttait contre les talibans, autrement dit les inféodés au mouvement fondamentaliste musulman. Dans son combat, le commandant Massoud avait le soutien « off » des services secrets américains et français et l’appui financier de l’Arabie saoudite. Continue reading

Abdeslam va-t-il être livré à la France ?

Après l’arrestation rocambolesque, en Belgique, de celui qui semble le dernier survivant du commando du 13 novembre 2015, la question se pose de savoir si Salah Abdeslam va être remis aux autorités françaises. Pour François Hollande, cela semble ne faire aucun doute : « Le procureur de Paris va demander l’extradition », a-t-il dit. Euh !…

Depuis maintenant une douzaine d’années, il existe un truc qui s’appelle le mandat d’arrêt européen (MAE), qui a remplacé les procédures d’extradition entre les États membres de l’Union européenne. C’est d’ailleurs la seule réponse importante qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001.

Abdeslam SalahQuelles différences entre l’extradition et l’exécution d’un MAE ? Il y en a une, de taille, qui concerne la séparation des pouvoirs. En France, la décision d’extrader un étranger se prend au sein du gouvernement. C’est une décision politique. Or, depuis le 1er janvier 2004, date de la prise d’effet du MAE, on a passé la main au pouvoir judiciaire. Le MAE est donc délivré par un magistrat, le plus souvent par un juge d’instruction. Il n’a pas besoin d’être notifié à un État pour être applicable. Ainsi, un signalement spécifique dans le système d’information Schengen (SIS), dans la mesure où il comprend les informations suffisantes (identité, faits reprochés, peines encourues…), vaut MAE provisoire. En ce qui concerne Salah Abdeslam, on peut espérer que c’est le cas et que les recherches ne sont pas limitées à l’appel à témoins lancé par la police nationale et au simple mandat de recherche dont il est fait mention… A défaut, Abdeslam a été arrêté dans le cadre d’une procédure judiciaire belge qui justifie sa garde à vue et sa détention. Et ce n’est qu’ensuite que le mandat d’arrêt lui sera notifié. D’une certaine manière, la justice française perdrait la main sur l’individu.

Mais que va-t-il se passer maintenant ? Continue reading

Apple : une pomme de discorde

Les géants de la Silicon Valley soutiennent Apple qui refuse de craquer son bébé chéri, l’IPhone. Ont-ils raison ou tort ? Pourtant, il ne semble pas disproportionné qu’un juge demande à la firme à la pomme de fournir « une assistance technique raisonnable » au FBI dans une enquête criminelle qui a fait 14 morts et 26 blessés. On se souvient, c’était le 2 décembre 2015 : un couple pénètre dans un foyer social de San Bernardino, en Californie, et ouvre le feu au fusil d’assaut alors que des dizaines de personnes sont réunies pour un repas pré-Noël.

capture3Sur le plan technique la question est simple – c’est la réponse qui est complexe. Il s’agit de découvrir le mot de passe du téléphone de l’un des terroristes, Syed Farook, citoyen américain abattu par la police quelques heures après le drame. Or, l’IPhone est programmé pour « s’autodétruire » après dix tentatives infructueuses. Et même si l’utilisateur n’a pas actionné cette sécurité, les délais entre chaque essai s’allongent rapidement, au point de rendre inutilisable un logiciel de décryptage.

Malgré tout, les techniciens du FBI décident de tenter le coup. Et ils se plantent. En désespoir de cause, ils demandent alors à Apple de modifier le système de son IPhone en y plaçant une sorte de porte dérobée. Une porte qui permettrait d’ouvrir tous les IPhones, répond la société.

Il s’agit d’un dialogue de sourd Continue reading

Vers un droit d’arrestation

Une nouvelle loi antiterroriste (la 5ème, la 6ème depuis le début du quinquennat de François Hollande ?) va remiser l’état d’urgence au musée des oubliettes. En attendant que n’arrive « l’état d’extrême-urgence ».

Menottes 2Le plus perturbant, à mon avis, dans ces mesures mi- judiciaires mi- administratives, c’est la création d’une détention de quatre heures à la bonne volonté des forces de l’ordre et hors la présence d’un avocat. Il faut bien comprendre que, sous prétexte de lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme, cette disposition est faite pour s’appliquer à tout le monde. Vous comme moi. Il s’agit d’un pas supplémentaire dans une technique d’enquête inédite qui consiste à interpeller une personne à qui l’on n’a – légalement – rien à reprocher. Comme dit le vieux Panicault dans Topaze (Marcel Pagnol) : « Les coupables, il vaut mieux les choisir que les chercher. »

Vous me direz, quatre heures, c’est vite passé ! Continue reading

Perquise de nuit

Un projet de loi « longuement mûri par la chancellerie », nous dit un communiqué de presse de Matignon, doit consolider la place de l’autorité judiciaire dans la lutte contre le crime organisé et son financement. Mais comme ce projet vise également la lutte antiterroriste et donne de nouveaux moyens au préfet, il faut bien reconnaître que le message est un peu brouillé.

Piles codes 2Quelle est la raison de cette nouvelle loi ? Simple ! Il s’agit de boucler la boucle : 1/ on donne « des moyens sans précédent » aux services chargés de lutter contre le terrorisme – 2/ On donne à la police judiciaire des pouvoirs équivalents – 3/ on pérennise les pouvoirs de police administrative de l’état d’urgence.

Pour faire un nœud à la boucle, et l’on n’en parle plus, je suggère de réactiver un ancien article du code de procédure pénale, l’article 30, qui donnait des pouvoirs de police judiciaire aux préfets.

Ces textes à répétition compliquent tellement la procédure pénale que plus personne n’y comprend rien.

C’est notamment le cas en matière de perquisition. Continue reading

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