LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Sécurité (Page 8 of 8)

Le canon à eau dans les manifs

David Cameron a déclaré qu’il était prêt à mettre les canons à eau en action – si nécessaire. Une véritable renversée pour les Britanniques, jusqu’à présent peu enclins à utiliser la force dans les manifestations. Ces engins ont une mauvaise image, et pourtant, il s’agit d’un moyen efficace et peu dangereux pour disperser une émeute. En France, pour l’instant, tout est calme, mais les CRS viennent de toucher de magnifiques camions « lanceurs d’eau ». Une première, car, à ce jour, seule la préfecture de police de Paris utilisait ce type de matériel.

Lorsqu’un commissaire de police donne l’ordre de charger des manifestants, c’est que tout a échoué. L’affrontement direct est la dernière des solutions. Or les moyens préliminaires sont peu nombreux : gaz lacrymogènes, obstacles de rue pour limiter les déplacements ou barrages humains, qui nécessitent de nombreux effectifs et mettent souvent à vif les nerfs des policiers ou gendarmes, obligés de rester statiques sous les injures ou les projectiles. Or, deux hommes dans un camion lanceur d’eau peuvent vider un périmètre de ses occupants. Et cela sans risque. Car, à ma connaissance, personne n’a jamais été sérieusement blessé par un jet d’eau, même puissant.

Extrait de l'article de Dominique Noël dans Police Pro (mai-juin 2011)

Lors d’une interview donnée au magazine Police Pro, en février dernier, Hubert Weigel, alors directeur des CRS, expliquait les raisons de ce choix, notamment lié à la diminution des effectifs, à une augmentation des interventions et à l’évolution des techniques de maintien de l’ordre. « Moins il y a de confrontations physiques, mieux on se porte ! » expliquait-il. Il faut dire qu’Internet a changé la donne. De nos jours, les photos ou les vidéos amateurs d’une manif font le tour de la planète en quelques minutes. Avec, souvent, un objectif amplificateur ou déformant. Et les États se trouvent confrontés à un dilemme, un problème d’image : celle d’un pays où la rue a pris le pouvoir ou celle d’une police exagérément répressive. Entre les événements de Grande-Bretagne et ceux de Syrie, on a les deux extrêmes.

C’est sans doute cette réflexion qui a amené la Direction centrale des CRS à s’intéresser aux camions lanceurs d’eau, en étudiant notamment les dispositions prises en Allemagne. Elle dispose depuis quelques mois de neuf véhicules de ce type et en attend encore une douzaine. Deux sont tout neufs, les autres sont des camions-citernes des Eaux et Forêts, relookés par les techniciens du service auto. J’espère qu’on n’a pas dépouillé les pompiers et qu’il leur reste de quoi lutter contre les incendies !

En Allemagne, l’utilisation des lanceurs d’eau fait partie de la routine, alors que de l’autre côté de la Manche, on est quasi au bout de la chaîne répressive. Presque un aveu d’échec. Surtout quand le Premier ministre parle d’une « riposte »… Quant à la France, elle fait ses premiers pas dans ce domaine (sauf à Paris).

Iveco Magirus, le spécialiste des véhicules de lutte contre l’incendie, est bien placé dans la construction de ces engins particuliers. Toutefois, même si on n’en voit pas au salon de l’auto, Mercedes en fabrique également. Le 4000 Renault M210 (photo du haut), de taille relativement petite (6 m.15) possède une citerne de 4.000 litres. Le débit de son canon est de 500 litres à la minute avec une portée d’environ 30 mètres. Ce qui lui donne une autonomie d’action théorique de huit minutes. Mais quel que soit le modèle, il s’agit dans la pratique d’expédier des « rafales » en pointillés, et il est possible de graduer la force du jet suivant le but recherché : dissuader ou refouler. L’objectif n’est pas de viser les gens, mais de les faire déguerpir, comme on le voit sur cette capture d’écran. Toutefois, dans le passé, des petits malins avaient imaginé de colorer l’eau pour mieux repérer les groupes les plus virulents.

Comme tout matériel de police, ces engins ne sont pas vraiment sympathiques. On peut imaginer un monde sans agressivité, sans casseurs, où les canons à eau deviendraient des objets de collection. Hélas, on n’en est pas là. Et pas besoin d’être prophète dans son pays pour savoir que les difficultés qui nous attendent n’iront pas sans une recrudescence des manifestations, plus ou moins violentes – pas seulement en Grande-Bretagne et en Grèce.

Il paraît que ce tour de vis social, dont les premiers signes se font déjà sentir, serait le prix à payer pour rétablir l’équilibre financier mondial…

Le risque d’une police de proximité à deux vitesses

Quelle tenue pour la police de proximité ? Les BST (brigades spécialisées de terrain) doivent-elles garder leur uniforme classique ou endosser la tenue de maintien de l’ordre ? La question aujourd’hui fait débat. Il y a ceux qui trouvent l’accoutrement MO par trop agressif et ceux qui pensent que la sécurité des policiers passe avant tout. Un budget de 180 000 € vient cependant d’être débloqué pour l’équipement des BST de la police d’agglomération parisienne : bâtons télescopiques, boucliers grand modèle, jambières, manchettes, gilets tactiques, etc. Et plusieurs communes vont prochainement servir de banc d’essai : Asnières, Nanterre, Saint-Denis, La Courneuve, Aulnay-sous-Bois, comme le dit le syndicat Alliance, qui se réjouit de cette décision.

J’espère que l’été ne sera pas trop chaud…

On se souvient que les BST, créées par M. Hortefeux en 2010, ont remplacé les UTeQ (Unités territoriales de quartier) créées par Mme Alliot-Marie en 2008 pour remplacer la police de proximité. Laquelle avait été mise à mal par Nicolas Sarkozy en 2003 dans un discours à Toulouse qui a fait date :  « Vous n’êtes pas des travailleurs sociaux (…) La mission première de la police : l’investigation l’interpellation, la lutte contre la délinquance ». Résultat, 3 ou 4 ans plus tard, les violences aux personnes avaient augmenté de près de 50 % dans la Ville rose. Depuis, cette forme de délinquance ne cesse de progresser, à Toulouse comme ailleurs : 2 à 3 % par an. Et l’on comprend bien que dans la population, il s’agit là du marqueur le plus important de l’insécurité. C’est sur ce sentiment de crainte au quotidien qu’aux yeux de Monsieur Toulemonde, la politique voulue par le président de la République apparaît comme un échec. En exhibant des policiers sur la défensive, on ne fait qu’attiser cette crainte. C’est probablement la réflexion que s’est faite Claude Guéant en reconnaissant, en avril 2011, la nécessité de « créer un climat, une ambiance de sécurité ». Et pour cela, il a décidé de mettre en place des policiers « patrouilleurs ». Un véritable contre-pied, puisque ces patrouilleurs fonctionnent en binômes et se déplacent à pied, à vélo, voire en rollers, avec une mission première : entretenir le « contact avec la population ». Après une période d’essai, le procédé vient d’être généralisé à l’ensemble du territoire.

En fait, entre les BST et les patrouilleurs, ce sont deux conceptions du métier de policier qui s’affrontent, qu’en simplifiant on pourrait définir en deux mots : confiance ou méfiance.

Soit on estime que les missions de la police de sécurité publique sont « assister, servir, protéger ». Soit on part du principe que la meilleure des préventions, c’est la répression. Autrement dit, d’un côté, on montre sa bienveillance, son humanité ; et de l’autre, on montre ses muscles.

La crainte, c’est évidemment de faire deux poids deux mesures. D’une part, des gardiens de la paix (au sens noble du terme) qui se baladeront dans les communes tranquilles ; et de l’autre, des flics harnachés comme pour la guerre – ailleurs.

Un choix de société.

Ce monde me rend parano

En plein séisme de l’affaire DSK, un ami m’envoie un mail  sur des faits alors peu connus de la presse, et notamment la manière dont avait été informé le président de la République. Je le lis dans le métro, sur mon téléphone portable, me promettant de l’étudier avec soin plus tard. Quelques heures après, une fois chez moi, pas de trace de ce mail dans ma boîte. Je reprends mon smartphone : surprise, le message a disparu !

À une autre époque et dans d’autres circonstances, je me serais traité de tous les noms, certain d’avoir fait une fausse manœuvre, un mauvais clic. Pas cette fois ! Sans plus réfléchir, j’ai tout de suite imaginé que mes communications étaient surveillées et qu’un mystérieux personnage calfeutré dans un blockhaus secret de la DCRI, avait fait disparaitre ce texte compromettant.

Je suis parano.

Mais je ne suis pas le seul. Il y a quelques jours, un ami flic m’appelle pour m’inviter à déjeuner : – On se retrouve où ? Euh, tu sais, me dit-il, le resto où nous nous sommes vus l’autre fois…

Il est parano.

Autour de moi, je vois des gens qui ne sont ni des truands ni des espions, fermer ostensiblement leur téléphone portable lorsqu’ils ont une conversation « sérieuse ». Une amie, même pas flic, retire la batterie lorsqu’elle se rend à un rendez-vous confidentiel. Bon, elle laisse la carte SIM, « c’est vraiment trop chiant à enlever ».

La puce est la meilleure amie de l’espion (et du flic). Et même parfois du journaliste, comme nous le montre l’affaire du News of the World. Notre téléphone cellulaire est devenu le traceur de notre vie. Notre mouchard de poche en quelque sorte.

Dans le temps, les amants clandestins devaient se méfier de la glace sans tain, au-dessus du lit des petits hôtels de rendez-vous. Certains, près des Champs-Élysées, étaient d’ailleurs bien connus des RG. Mais aujourd’hui, comment détecter la caméra miniature qui filme vos ébats ? Et il ne suffit pas d’éteindre la lumière, même dans le noir, ça marche.

Sans compter la vidéoprotection, implantée au coin de la rue, dont le zoom puissant se glisse dans l’interstice des rideaux…

Aujourd’hui, l’une des principales activités des cabinets de sécurité (et pas nécessairement des officines) est le « dépoussiérage » des bureaux. Les techniciens agissent le plus souvent de nuit, pour ne pas inquiéter le personnel. Pas un chef d’entreprise sérieux n’envisagerait un conseil d’administration dans une pièce qui n’aurait pas été sécurisée. Ceux qui sont le plus atteints par ce mal étrange font installer (à prix d’or) de véritables cages de Faraday. Et l’on est prié d’éteindre les portables, voire de les laisser au vestiaire. Ce qui pose un autre problème de sécurité : les services secrets français conseillent aux « hommes d’affaires » de ne jamais se séparer de leur téléphone portable sans avoir auparavant effacé les données et retiré la puce ainsi que la batterie.

En 2009, les possesseurs de BlackBerry résidant au sein de la fédération des Émirats arabes ont été invités à télécharger une mise à jour qui s’est avérée être un logiciel espion. En Chine, il y a quelques mois, un mystérieux virus s’est attaqué aux téléphones utilisant le système Android, lequel permettait d’en visualiser le contenu et même d’en prendre le contrôle. En fait, piéger un téléphone portable semble être un jeu d’enfant. Google, par exemple, a retiré de son panel plusieurs applications qui se sont avérées être des logiciels espions.

Plus officiellement, la loi offre aux policiers la possibilité de s’introduire dans un téléphone portable ou un système informatique, du moins pour certaines enquêtes qui concernent la criminalité organisée ou le terrorisme. Mais dans tous les cas, c’est devenu routinier : l’enquêteur s’intéresse d’entrée de jeu au téléphone de la victime et des suspects : carnets d’adresses, relevés de communications, etc. Puis à son ordinateur. Ce qui permet, par recoupements de connaître ses relations, et les relations de ses relations. Si un assassin a le même médecin que vous, vous serez inscrit dans son cercle de contacts, alors même que vous ne le connaissez pas.

Les caméras dernier cri sont capables de vous suivre à la trace, les radars lisent le numéro d’immatriculation de votre voiture, etc. À Nice, d’après la Cour des comptes, tous les véhicules qui entrent ou qui sortent de la ville sont identifiés. Et pendant ce temps, les fichiers croisés se multiplient au point que nous ne sommes plus inconnus – nulle part. Cachés derrière le « secret défense », des milliers de policiers, de gendarmes et de militaires, utilisent les moyens les plus sophistiqués pour nous surveiller. Et l’on raconte que, même entre eux, la suspicion est omniprésente. Dans l’affaire Bettencourt, Le Monde porte plainte pour violation du secret des sources : les fadettes attestant les conversations téléphoniques de ses journalistes auraient été contrôlées. Quant au Canard Enchaîné, il accuse la DCRI d’espionner à distance des ordinateurs privés.

Tous paranos, je vous dis.

Je me souviens de ce commissaire de police qui lassé d’être sans arrêt dérangé par une personne qui suspectait son entourage de lui vouloir du mal, avait fini par lui dire : – Je vous ai envoyé la brigade des zombies. – Mais je n’ai vu personne ! – C’est normal, ils sont invisibles.

Garde à vue : la feuille de route de l’Union européenne

La France est loin du compte. Si la loi sur la garde à vue votée au mois d’avril se rapproche des règles minimales voulues par l’U-E, il est sûr qu’elle n’est pas suffisante. À la lecture des nouvelles propositions du Parlement européen et du Conseil, on peut dire que certaines des mesures appliquées aujourd’hui – avec bien des difficultés de la part des policiers et des gendarmes – ne sont que la portion congrue de la procédure de demain.

La croisée des cheminsDans un document du 8 juin 2011, l’Union fixe une nouvelle directive « relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après arrestation ». Elle concerne les personnes soupçonnées d’un crime ou d’un délit et celles qui sont visées par un mandat d’arrêt européen. Ces mesures font partie d’un pack global qui sera présenté au fil des ans et qui tient compte « des différences entre les traditions et systèmes juridiques des États membres ». L’idée est de rapprocher les différentes législations. Tout part d’un constat : la feuille de route de 2009 n’a pas été entièrement prise en compte et bien des efforts restent à faire.

Perquisitions, contrôle des lieux de détention, etc. – Le rôle de l’avocat tient une place importante dans cette directive. « Que la personne concernée soit privée de liberté ou non, elle doit pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat dès son audition. » Même s’il n’existe aucun élément concret contre elle. À partir du moment où il ne s’agit pas d’un témoin – au sens vrai : quelqu’un qui a vu ou entendu quelque chose – l’enquêteur doit envisager la présence d’un avocat. Il s’agit là d’une sérieuse difficulté, car la marge est souvent étroite entre un témoin et un suspect, et c’est parfois en témoignant qu’un individu peut devenir suspect. On doit donc s’interroger sur la validité de l’article 62 (modifié par la loi du 14 avril 2011) de notre Code de procédure pénale qui autorise une « retenue » de quatre heures des personnes contre qui il n’existe « aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ». Car, aux yeux de l’U-E, cette absence de garde à vue pourrait très bien être paraître… suspecte. On est sur le fil.

La participation de celui-ci ne doit pas se limiter aux auditions mais il doit être présent à tous les actes de la procédure concernant directement la personne soupçonnée. Ce qui est souvent le cas des perquisitions.

À noter que la proposition européenne donne également à l’avocat la possibilité de contrôler les lieux de détention. Et que les entretiens qu’il peut avoir avec son client « ne sont limités d’aucune manière ». On s’éloigne donc des trente minutes autorisées par la loi française. Un héritage du passé.

L’absence de l’avocat – Il ne peut être dérogé à la présence de l’avocat que dans des conditions exceptionnelles. « Toute dérogation doit être justifiée par des motifs impérieux tenant à la nécessité urgente d’écarter un danger qui menace la vie ou l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes. » Ce qui serait par exemple le cas dans une affaire de prises d’otages. La décision de transgresser ce postulat ne peut se fonder exclusivement sur le type d’infraction ou sur sa gravité. Le contraire de ce que dit notre Code qui retient la particularité de l’enquête, ou l’urgence. Ou qui vise justement un type d’infraction particulier, les crimes et délits en bande organisée (art. 706-73). Dans ce cas, le suspect peut-être gardé à vue en l’absence de son défenseur durant une période qui peut atteindre 72 heures.

De quoi faire bondir les sages de Bruxelles !

D’autant que pour tous les autres crimes et délits, l’officier de police judiciaire peut demander que les auditions et confrontations se déroulent hors la présence de l’avocat durant les douze premières heures. Vingt-quatre heures dans certaines conditions.

Alors que l’article 8 de la Directive parle de circonstances exceptionnelles et d’une décision prise par une autorité judiciaire, chez nous, pour les premières vingt-quatre heures, c’est le procureur qui se prononce. Le juge des libertés et de la détention n’intervenant que dans un second temps. Or, pour la CEDH, le procureur, comme on le sait, n’est pas représentatif du pouvoir judiciaire.

La garantie d’une vraie justice – Même difficulté lorsqu’il s’agit du droit de communiquer avec un tiers après l’arrestation, qui, en France, peut être repoussé par le procureur, à la demande de l’officier de police judiciaire. Une sorte de mise au secret que ne supportent pas les instances européennes. Pour elles, ce droit de communiquer, ainsi que le droit à ne pas contribuer à sa propre incrimination, sont des garanties importantes contre d’éventuels mauvais traitements.

Les conséquences prévisibles – En cas de violation du droit d’accès à un avocat, la personne soupçonnée se retrouve à la case départ. Et les États membres « risquent de devoir supporter de coûts considérables » résultant des dommages-intérêts qui pourraient être versés aux requérants ayant obtenu gain de cause auprès de la CEDH.

À la lecture de ce jeu de recommandations, on se dit que cette réforme de la garde à vue, décidée en catastrophe après des années de valse-hésitation, n’est finalement qu’une loi toute provisoire. D’autant, comme l’a précisé la Cour de cassation, que les décisions de l’Union européenne doivent être appliquées par les États membres sans même attendre une modification de notre législation.

D’où cette situation drolatique dans laquelle le pouvoir législatif court derrière le pouvoir judiciaire… Allez, on n’a pas fini d’en parler.

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Quant à ce blog, il sera silencieux durant une dizaine de jours, car je me prépare à des vacances bien méritées, sous le soleil de Bretagne.

Visite au musée de la police

Savez-vous qu’au XIX° siècle, le commissaire Maigret était le patron du commissariat de quartier de la rue des Écrivains, à Paris ? Rue où se trouvait la maison de archer-du-guet.1305287674.jpgl’écrivain public Nicolas Flamel , qui aurait, dit-on, découvert le secret de la pierre philosophale. Connaissez-vous le mystère de la rame 382 ? Ou la machine infernale de Fieschi ? Savez-vous quels ont été les premiers vigiles ? Et, simplement, par curiosité, pourquoi flic, poulet …? Doù vient l’expression « prendre une balle dans le buffet » ?… Si vous cherchez des réponses, puisque samedi, c’est la Nuit européennes des musées, pourquoi ne pas passer la soirée au musée de la préfecture de police ?

Créé sur l’initiative du préfet de police de la Seine, Louis Lépine, en 1909, c’est toute l’histoire de la police parisienne qui est alignée sur plus de cinq cents mètres carrés, au troisième étage de l’hôtel de police du 5° arrondissement. Mais on peut dire aussi que c’est un morceau de l’Histoire de France.

Vous y serez accueilli par le commissaire divisionnaire Françoise Gicquel, quifrancoise-gicquel.1305287260.jpg dirige la maison, ou par l’un de ses collaborateurs, comme Philippe Laganier, guide-conférencier depuis une vingtaine d’années, qui connaît chaque recoin de son musée et qui a toujours une petite anecdote en réserve, ce truc en plus qui ne figure dans aucun manuel. C’est lui qui m’a branché sur le commissaire Maigret, en me révélant l’existence de l’Almanach royal de 1821 (voir en bas de page).

Difficile de décrire un musée, mais voici en vrac quelques souvenirs anecdotiques de ma visite :

Bonnes gens, dormez en paix ! – En 1254, Saint-Louis crée le guet royal, commandé par un noble, le chevalier du guet. Assphilippe-laganier.1305287644.jpgisté de 20 sergents à cheval et 26 sergents à pied, il est chargé d’assurer la sécurité de Paris, notamment la nuit. Philippe le Bel, en 1306, met en place les commissaires au Châtelet, qui sont également des magistrats, et qui portent la robe longue, symbole du pouvoir judiciaire. En 1526, c’est la création du lieutenant criminel, qui lui est en robe courte, symbole d’un pouvoir plus limité. Mais la délinquance continue à augmenter (déjà !). En 1660, les commerçants parisiens participent à leur propre sécurité et rémunèrent des hommes qui se joignent aux archers du guet (photo du haut). Lesquels ne sont pas dotés d’un arc, jugé peu adapté aux petites rues de la cité, mais d’une lance à triple usage. La partie recourbée servait à couper la sangle des cavaliers. Pour les deux autres, pas besoin de dessin !

Du lieutenant de police au commissaire – En 1667, l’édit que présente Colbert envisage pour la première fois une approche globale de la criminalité. Il constitue l’acte fondateur de la police et institue un lieutenant général de la police. Le premier sur la liste est Nicolas de la Reynie. Il le restera trente ans. Les commissaires du Châtelet deviennent alors des commissaires tout court. En 1708, ils seront assistés des inspecteurs de police. note-francois-vidocq.1305288424.jpg

La mouche et le flic – Pour beaucoup, Eugène-François Vidocq est un ancien bagnard devenu chef de la police. En fait, en 1811, il a été placé à la tête d’une brigade de sûreté composée essentiellement d’anciens condamnés, avec pour mission d’infiltrer le milieu. Mais la bourgeoisie acceptait mal que la police soit représentée par un ancien truand et, finalement, il a été contraint à la démission. Mais pendant une vingtaine d’années, il a été un espion de la police rémunéré et efficace, un « mouchard », comme on disait alors. En lien sans doute avec l’expression de l’époque : Les mouches en liberté et les moutons en prison. Il est possible que le mot « flic » vienne de la traduction approximative du mot mouche en allemand (fliegen).

La première police en uniforme du monde – Au début du XIX° siècle, « La criminalité se développe, favorisée par une situation économique et sociale qui ne s’améliore le-premier-code-penal.1305288134.jpgpas. » (Histoire de la police – ministère de l’Intérieur). Et en 1829, apparaissent les sergents de Paris, qui portent un tricorne et l’épée. La première force de police en uniforme du monde. « Ces sergents de ville, dont les plus méritants peuvent être promus brigadier (grade créé en 1830) sont placés sous les ordres d’officiers de paix qui répondent eux-mêmes à ceux d’un commissaire appelé chef de la police municipale à Paris. »

La police technique et scientifique – En 1882, la préfecture de police se dote d’un service d’anthropométrie puis d’un service photographique. Alphonse Bertillon en prendra la direction onze ans  plus tard. Après avoir mis au point la signalisation anthropométrique des individus arrêtés, basée essentiellement sur la morphologie et la dimension des os, il va bertillon-au-travail.1305288742.jpgalors se rallier à l’identification par les empreintes digitales.

22 v’la les flics – Il semble que l’expression provienne de l’uniforme de certains policiers du début du siècle dernier ou de la fin du siècle précédent dont la tunique portait deux rangées de onze boutons.

Les hirondelles – Les brigades cyclistes ont été créées par le préfet Lépine et si le bon peuple les a surnommées les hirondelles, ce n’est ni pour leur cape qui flottait au vent ni en raison du printemps, mais simplement à cause de leur vélo, de marque Hirondelle.

marque-velo-hirondelle.1305288893.jpgEt les poulets ! – Les services de la préfecture de police se trouvaient rue de Jérusalem, mais les locaux étaient sans doute trop étroits ou peu rationnels (ce qu’on dit actuellement du 36) et il a fallu envisager plus grand. D’où la caserne de la Cité, construite pour une moitié sur un ancien couvent et pour l’autre sur un ancien marché aux poulets.

Une balle dans le buffet !Le premier policier de la préfecture de police mort (officiellement) en service est l’inspecteur Buffet. Le 9 mars 1804, il reconnaît Georges Cadoudal, un général chouan, contre-révolutionnaire acharné, qui complote contre le régime en place et projette d’enlever le Premier consul. Avec son collègue, Buffet tente de l’arrêter, mais celui-ci prend la fuite. Puis il attend son poursuivant au coin de la rue de Buci et tire froidement sur lui. Buffet avait 43 ans et était père de trois enfants. Cadoudal est condamné à mort. Refusant de demander maigret-001-copie.1305290173.jpgsa grâce, grâce que Bonaparte lui aurait probablement accordée, il est guillotiné le 25 juin 1804. Plus tard, Cadoudal sera anobli et élevé au grade de maréchal de France.

Il y a une leçon dans cette triste histoire.

J’arrête là, mais il y a plein d’autres choses. Tant et tant, qu’il est difficile de s’y retrouver sans guide*. Mais pour la Nuit des musées, tout le monde sera mobilisé, et je ne crois pas me tromper en disant que les visiteurs seront particulièrement chouchoutés.

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* Musée de la préfecture de police, Hôtel de police du 5° arrondissement, 4, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève. Horaires des visites guidées pour ce samedi 14 mai : 19h05 – 19h35 – 20h05 – 20h35 -21h05 – 21h35 -22h05.

Le coup du colis suspect

« Le service est interrompu à la suite d’un colis suspect au Châtelet. Les passagers sont invités à descendre… » Tous les utilisateurs des transports en commun connaissent la chanson. Rien qu’à Paris, cela se produit des dizaines de fois par mois. Les gens rouscaillent, regardent leur montre, sortent leur téléphone portable, lèvent les yeux vers les panneaux, se bousculent, etc.

Personnellement cela m’est arrivé hier à la station Auber. Je me rendais au musée de la police pour préparer mon prochain billet : comment faire pour rejoindre Maubert-Mutualité ? Tout le monde n’y allait pas, c’est sûr, mais tout le monde cherchait son chemin et des groupes de personnes comme moi déboussolécolis-piege_site_terra-economicainfo.1305187790.jpges se pressaient devant les plans de métro. Au demeurant pas très lisibles. J’eus alors un coup de nostalgie pour ces plans lumineux qui ont fait la joie de bien des gosses de ma génération. On appuyait sur un bouton et de petites ampoules de différentes couleurs vous indiquaient votre trajet. Je crois qu’il reste encore quelques tableaux de ce genre. J’espère que la RATP aura le souci de ne pas les détruire…

Dans le M7, où j’étais finalement parvenu à me faufiler, je me disais qu’il doit être bien difficile pour les démineurs du Laboratoire central de la police scientifique de prendre à chaque fois les mesures de sécurité et de précaution comme s’il s’agissait d’une bombe ! Car, bien sûr, ce n’est jamais une bombe, jusqu’au jour où… D’autant que nous serions, paraît-il, le deuxième pays du monde sur la liste noire d’Al-Qaïda. Et comme il est difficile d’aller plus haut dans l’échelle du plan Vigipirate (au rouge fixe depuis des années), le ministre de l’Intérieur a donné des instructions pour renforcer « la densité et la qualité » dudit plan. Nous voilà rassurés.

Sur le terrain, cela veut dire que la simple découverte d’un colis suspect génère une procédure plutôt lourde : périmètre de sécurité, recherche des témoins en attendant l’arrivée des spécialistes du Labo, etc. Et dans le métro, par exemple, cela entraîne généralement l’évacuation des quais et le blocage des rames.

D’où la pagaille aux alentours.

Il s’agit parfois d’une simple étourderie, le quidam stressé ou l’étourneau, mais la plupart du temps, le sac ou le colis a été abandonné sciemment. On peut s’interroger sur la raison qui pousse de petits plaisantins à ainsi foutre le bordel…

J’en étais là de mes supputations lorsque le conducteur du métro a informé les voyageurs qu’ils se devaient d’être vigilants car la police signalait que des pickpockets avaient été repérés sur les quais et dans plusieurs rames.

Un sac judicieusement abandonné sur un coin de quai, et c’est la bousculade. Les circonstances idéales pour mettre la main dans votre poche.

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Les commentaires sont actuellement peu lisibles, car ce blog fait l’objet d’une attaque en règle de spammeurs. Je vous prie de m’en excuser. GM

Sécurité : le vent de Grenoble mollit

Il s’agissait d’un message symbolique adressé aux forces de l’ordre : celui qui s’en prend à vous, n’est pas digne d’être français.  C’était, l’on s’en souvient, l’un des points phares du fameux discours de Grenoble, fin juillet 2010, après les scènes de violences survenues dans la ville, au cours desquelles les fonctionnaires de police avaient essuyé des tirs à balles réelles. «La nationalité française se mérite. Il faut pouvoir s’en montrer digne. Quand on tire sur un agent chargé des forces de l’ordre, on n’est plus digne d’être Français », avait dit Nicolas Sarkozy, avant de s’en prendre aux Roms.

assurancetourix.1299658875.gifIl s’agissait de déchoir de leur nationalité les Français depuis moins de dix ans qui se seraient rendus coupables d’un crime à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique. Un rendez-vous pour dans 30 ans, puisque dans le même discours, il était également question de l’instauration d’une peine incompressible de 30 ans « pour les assassins de policiers ou de gendarmes ».

Un discours qui a fait le lit de Marine Le Pen.

« Je prends mes responsabilités », avait-il martelé. A priori, les députés de sa majorité aussi, puisqu’il semble bien que cette loi vienne d’être rangée aux oubliettes.

Pour celui qui se veut le « parrain » des policiers, c’est un échec. Non pas que ceux-ci aient été fous friands de cette vengeance de l’au-delà, mais lorsque l’on joue avec les grands principes, il faut s’y accrocher. Et quelque part, ils sentent bien que le vent politique est en train de changer. Les promesses ont fait long feu. Il est d’ailleurs de plus en plus vraisemblable que les élections de l’année prochaine ne se joueront pas sur la peur de son voisin, mais plutôt sur la peur du chômage. Et lorsqu’il s’agit d’économie, il est plus difficile de dire n’importe quoi. Comment faire oublier, par exemple, que le gaz a augmenté de 20 % en un an et que prix du carburant à la pompe atteint des records ?

Heureusement, il n’y a pas que des mauvaises nouvelles. Ainsi, GDF Suez a dégagé un bénéfice de 4.61 milliards d’euros en 2010, tandis que la Société Générale se contentait de 3.9 petits milliards, ce qui représente quand même 6 fois son bénéfice annuel de l’année capture2.1299658963.JPGprécédente. Quant à Total, c’est l’une des entreprises françaises les plus prospères, avec 10.3 milliards de bénéfices.

Des discordances qui font mal.

Ce blog n’est pas politique, mais on ne peut être qu’effaré devant la myopie de nos décideurs. On se souvient de cet entretien télévisé où le Président réglait les problèmes de quatre sous de Paul ou de Jacques, je ne sais plus, alors que de l’autre côté de la Méditerranée la révolution était en marche. C’était surréaliste. Il manquait juste le chêne. Et aujourd’hui, le débat sur les religions…

Les défis du nouveau ministre de l’Intérieur

Les policiers, au cours de leur carrière, voient défiler environ une vingtaine de ministres. Certains ont laissé leur marque, en raison de leur personnalité, comme Pasqua et Defferre, d’autres ont marqué par leur compétence, comme Joxe – que la plupart des anciens s’accordent à reconnaître comme le meilleur de ces dernières décennies.  Eh bien sûr, il y a eu Nicolas Sarkozy ! Mais c’est un cas à part dans la galerie de portraits. Alors qu’il était place Beauvau, il se voyait déjà rue du faubourg Saint-Honoré ; et aujourd’hui, on a l’impression qu’il regrette de l’avoir quittée.

grille-dentree-du-ministere-de-linterieur.jpgCe n’est donc pas sans une certaine curiosité que l’on va assister à la mise en jambes de Claude Guéant, que personne, j’en suis sûr, n’osera appeler Monsieur Claude, même si dans l’auguste maison on adore gratifier les patrons de gentils surnoms. Si sa feuille de route consiste à rétablir un sentiment de sécurité dans la population et la confiance des policiers et des gendarmes, il a du pain sur la planche.

Je suis de ceux qui pensent, quelles que soient les statistiques de M. Bauer, que l’insécurité en France n’est ni meilleure ni pire que par le passé. Mais sans doute dans une société plus douillette est-elle moins bien acceptée… Et sans se montrer partisan, on peut dire que c’est là aussi le résultat de ce qu’il faut bien appeler la politique de l’angoisse. En surchargeant les événements au fil de l’actualité, on a fait naître dans toutes les couches de la société une peur pathologique, pour mieux pouvoir sans doute nous rassurer, nous pouponner. Mais comme les résultats ne sont pas au rendez-vous, le manège a échoué. Et l’on approche aujourd’hui de l’effet boomerang.

D’où un certain affolement.

Si le nouveau ministre de l’Intérieur veut rétablir « l’impression » de sécurité, je crois que c’est trop tard, ou du moins qu’il n’en aura pas le temps avant les Présidentielles.

Il faut donc souhaiter qu’il ne vienne à personne l’idée de pratiquer la politique de la terre brûlée… Aggraver la situation pour mieux se rendre indispensable.  Un machiavélisme qui serait indigne et qu’aucun homme politique, j’en suis persuadé, n’oserait utiliser.

D’autant que dans les prochaines années, l’insécurité ne pourra aller que croissante, de façon naturelle, si j’ose dire, en raison de l’appauvrissement des plus pauvres et de l’enrichissement des plus riches. Une société de plus en plus déséquilibrée, entre les gens de biens et les gens de rien. D’autant que l’inflation, qui arrive à grands pas, va faire mauvais ménage avec un chômage pérenne. Une situation qui risque fort d’appauvrir les classes moyennes : stagnation des salaires, voire diminution, tandis que les dépenses incompressibles (énergie, assurances, impôts…) augmentent avec une régularité inquiétante.

La deuxième mission du nouveau ministre de l’Intérieur sera sans doute de rétablir un climat de confiance avec les policiers et les gendarmes.

Là non plus, ce n’est pas gagné !

Les policiers, pressurés par une hiérarchie qui n’ose plus servir de tampon, sont bien souvent désorientés. Des instructions louvoyantes, des règles qui changent sans arrêt, une justice qui ne semble pas en phase, la politisation de certains syndicats, des avancements ou des mutations à relent politique…, autant d’éléments qui les empêchent de se donner à fond. Au point que certains se demandent s’il ne faut pas attendre le contrordre avant d’exécuter un ordre. À force de tout chambouler au moindre fait divers, on n’avance pas.  levee-de-chaussures_site-aufaitmaroc.jpgOn piétine. Avec cette pénible impression d’être devenus les jouets des grands de notre petit monde.

Quant aux gendarmes, si par la force des choses leur colère est silencieuse, elle n’en est pas moins omniprésente.

Pour regagner la confiance des troupes, je crois qu’une prime ne sera pas suffisante. Malgré la diminution des effectifs, ce n’est même pas une question de moyens ou d’argent. Il faut simplement redonner aux policiers et aux gendarmes la fierté de leur métier. Et pour cela, ils ont besoin d’une feuille de route claire et précise – et qu’on leur fasse confiance. Ils seront d’un coup plus efficaces et plus appréciés de la population.

En tout cas, malgré la réforme de l’État, la fameuse RGPP, je crois que les Français ne sont pas mûres pour accepter ce qui hélas est en marche : la privatisation de la sécurité. Un créneau sur lequel lorgnent de plus en plus de grands noms du CAC 40.

Une loi contre les pirates de la mer

Alors que l’on continue de s’interroger sur les conditions de l’intervention militaire au Niger et au Mali, il est intéressant de se pencher sur cette loi du 5 janvier dernier destinée à mieux lutter contre la piraterie en mer. Elle a pour origine une autre affaire de prises d’otages qui, elle, concernait l’équipage d’un yacht de luxe, Le Ponant.

pirate_site_coloriage-dessin.1295174439.jpgOn se souvient, c’était en avril 2008, ce grand voilier est abordé dans le golfe d’Aden par un groupe de pirates. Grâce à une action conjointe entre les commandos marine (FORFUSCO : force des fusiliers marins et des commandos) et le GIGN, l’opération « Thalatine », les otages sont libérés, et six des ravisseurs sont arrêtés.

Le succès de cette opération est le résultat d’une préparation de longue date, le plan Pirate-Mer, mis en place en 1980 pour des situations de ce genre et notamment pour faire face à une attaque terroriste en mer. Rapidement, dès le début de l’alerte, chacun des intervenants trouve sa place. Tandis que les militaires échafaudent une stratégie d’intervention, l’armateur du Ponant, discrètement conseillé par les spécialistes du GIGN, négocie les conditions pratiques de la remise de la rançon. Imposant ses conditions. Il est convenu que les otages quitteront le voilier au moment où celle-ci sera payée : l’instant idéal pour agir. Car la consigne de l’Élysée est claire : priorité aux otages, mais une fois ceux-ci en sécurité, il faut tout faire pour intercepter les pirates – et récupérer la rançon.

Et même si une partie de l’argent s’est évaporé, cette affaire est une belle démonstration du savoir-faire français : une coordination impeccable, et la participation de toutes les armées : mer, air, terre. Et je regrette d’avoir fait à l’époque sur ce blog, et à chaud, un billet plutôt négatif.

Le plan Pirate-Mer prévoit que le GIGN se concentre sur l’aspect « terroriste » tandis que le commando marine évalue la dimension maritime du problème. Une concertation permanente entre les acteurs politiques et les responsables opérationnels permet de coordonner au mieux l’ensemble de l’opération. « Les clés du succès ont résidé, d’une part, dans la préparation et les compétences des commandos et du GIGN et, d’autre part, dans l’organisation de l’opération », peut-on lire dans le remarquable rapport de l’Assemblée nationale de 2009. Ajoutant un peu plus loin : « Pour combattre la piraterie dans le cadre d’un État de droit et conformément à la convention de Montego Bay, la seule « réponse militaire » ne peut suffire (…) Il ne faut donc surtout pas oublier que les opérations menées contre la piraterie utilisent des moyens militaires mais sont des opérations de police qui auront des conséquences judiciaires. »

C’est d’ailleurs le problème qui s’est posé, à l’issue de l’affaire du Ponant. Il y a eu six prisonniers, mais comment les traiter ? Car si la mobilisation internationale est forte pour lutter contre ce fléau, la multiplication des directives fait un peu fouillis. Et la France ne possédait pas les structures juridiques nécessaires. Les pirates sont néanmoins ramenés en France – malgré le flou du droit. D’où cette loi du 5 janvier 2011. Dorénavant, la procédure s’identifie à celle qui vise la criminalité organisée (alinéa 17 à l’article 706-73 du Code de procédure pénale), avec à la clé une peine de trente ans de réclusion criminelle (art. 224-6-1 du Code pénal).  Et à défaut d’officiers de police judiciaire, les commandants de bâtiments et d’aéronefs d’État et les officiers de la marine nationale pourront exercer des actes de police judiciaire (constatation des infractions, arrestations des suspects, saisies…).

Les pirates ayant porté atteinte à des ressortissants français seront donc désormais traduits devant des tribunaux français – en toute légalité. « (Car) actuellement, dit Nicolas Gros-Verheyde sur son blog Bruxelles2, consacré en partie à l’Europe de la Défense, les pirates pris en flagrant délit ou suspects sont tout simplement remis en liberté, après interrogatoire et prise des empreintes ou identités. Quand c’est possible, ils sont rapatriés en Europe. Mais c’est rare. Moins d’une quarantaine ont été ainsi rapatriés. Peu de pays les acceptent. Et encore en quantité très limitée. La France pourtant très allante dans les actions de piraterie n’a ainsi plus accueilli de suspects, depuis avril 2009. Il faut dire que les premiers pirates transférés, en avril 2008 suite à l’affaire du Ponant n’ont toujours pas été jugés. Cela va faire maintenant trois ans… »

Bizarrement, les choses se présentent différemment si l’on ne parle plus de pirates, mais de terroristes, car il est admis que la lutte contre le terrorisme permet de s’affranchir de certaines contraintes, comme celles qui visent à la protection des libertés individuelles.

On peut cependant s’interroger sur la différence entre un enlèvement crapuleux et une action terroriste… On est dans l’épaisseur du mot. Je crois, pour ma part, qu’il s’agit le plus souvent d’une sémantique de salon. Problème que l’on retrouve d’ailleurs dans notre droit pénal. Le sabotage d’une ligne TGV est-il du vandalisme ou un acte terroriste ?

Ainsi, il y a deux mois, lors d’une opération de grande envergure menée conjointement par la police et l’armée nigériane, 19 otages, dont deux Français, ont été libérés. Ils avaient été enlevés dans la région du delta du Niger. Enlèvement revendiqué, pour la plupart d’entre eux, par le Mend (Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger), lequel justifie ses actions par la volonté d’obtenir une meilleure répartition de la richesse pétrolière. Pour certains, il s’agit d’une façade pour masquer des actes qui relèvent du banditisme, tandis que d’autres estiment son action politique. En tout cas cette opération, rendue possible, paraît-il, grâce aux renseignements fournis par des « repentis », a été un succès.

Pour mémoire, quelques jours auparavant, trois otages français avaient également été libérés, probablement contre l’échange d’une rançon versée par l’entreprise qui les emploie. Dans ce cas-là, un enlèvement spécifiquement crapuleux. Le Point estime que la société Bourbon, une parapétrolière, a versé une rançon d’environ 110 000 €.

Même si la motivation des ravisseurs diffère, peu de choses séparent une prise d’otages d’une autre. Les méthodes et les conditions de détention sont les mêmes et les exigences sont souvent très proches. Et, pour reprendre le parallèle avec les affaires de grand banditisme que l’on a connues en France, l’épidémie de kidnappings des années 70-80 a cessé lorsque les truands ont compris qu’il n’y avait rien à gagner dans ce genre d’aventure.

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