LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Sécurité (Page 6 of 8)

Marseille : vous avez dit guerre des gangs ?

Marseille est-elle à feu et à sang ? Non, a répondu le préfet délégué Alain Gardère sur l’antenne de RTL, c’est plutôt « une ville paisible ». Les habitants de l’agglomération ne seront sans doute pas tous d’accord, mais il est vrai que ce focus permanent sur la cité phocéenne donne une vision tronquée de la réalité.

Coupure de presse du 1er septembre 1989

En fait, on pourrait dire « rien de nouveau » : cela fait plus de 30 ans que Marseille est au hit-parade des règlements de comptes. Ainsi, en 1982, 67 affaires de ce type ont été recensées sur l’ensemble du territoire, dont plus du tiers sur le seul ressort du service de police judiciaire de Marseille (15 homicides et 15 tentatives d’homicide). En décembre 1985, Le Figaro, qui a fait deux pages sur le sujet hier, me citait : « L’explosion de la violence dans les rangs du grand banditisme est un phénomène indéniable ». Une remarque sans aucun intérêt, que je reprends uniquement pour montrer que l’histoire du banditisme bégaie. Et moi aussi. Mais je ne suis pas le seul : on retrouve à peu près les mêmes mots dans la presse de ces derniers jours.

Alors, pour Marseille, l’année 2012 sera-t-elle pire que 1982 ? On s’en approche. Mais on n’est pas dans un match de foot, et il est un peu ridicule de compter les morts. Il est plus positif de tenter de comprendre.

Il y a trente ans, les truands étaient plus âgés, plus structurés qu’aujourd’hui. La plupart étaient issus des milieux pauvres, mais dès qu’ils le pouvaient, ils s’en échappaient pour les beaux quartiers. Ils avaient alors pignon sur rue : bars, salles de jeux, sociétés en tous genres… Il était donc plus facile de les surveiller. C’était un milieu que la police pouvait pénétrer, même si quelques poulets s’y sont brûlé les ailes. Comme aujourd’hui, les clans éliminaient la concurrence ou ceux qui leur « avaient manqué », ou les jeunots qui venaient marcher sur leurs plates-bandes. Une bonne partie de ces meurtres ne rentraient d’ailleurs pas dans les statistiques pour la bonne raison que l’on ne retrouvait pas toujours les corps.

À l’époque, les voyous ne se servaient pas de la mythique Kalachnikov. Non, les truands préféraient le pistolet 11,43 ou encore le fusil à pompe, sans doute impressionnés par la puissance de feu (exagérée) de Steve Mac Queen dans le film Guet-apens. À la question d’un sénateur qui interpellait le ministre de l’Intérieur sur l’augmentation du nombre de saisies de kalaches (+113% en un an), Manuel Valls a répondu (JO du 30 août 2012) que le nombre d’armes de guerre récupérées par les services de police et de gendarmerie, toutes catégories confondues, était passé de 90 en 2010 à 165 en 2011. Il ne donnait pas de chiffres pour l’AK 47, mais estimait que « cet armement reste difficile à acquérir et peu répandu ». A-t-il raison ? Oui, car si l’on s’en tient au département des Bouches-du-Rhône, sur 265 armes d’épaule saisies en 2011, il n’y avait que 22 Kalachnikov (8 en 2010). Sur un total de 534 armes récupérées durant l’année (près de 4000 au plan national). Pour la petite histoire, on estime à environ cent millions le nombre de kalaches qui circulent sur la planète. Comme quoi, il faut se méfier des pourcentages – et surtout de l’effet loupe des médias.

Lors de sa réponse au sénateur, le ministre de l’Intérieur a également rappelé que « les travaux réglementaires de mise en application de la loi [du 6 mars 2012] sur le contrôle des armes font l’objet de la plus grande attention ». C’est le moins que l’on puisse dire, car, de mémoire, la proposition de loi remonte au mois d’avril 2010. En réalité, cela n’a guère d’importance : les voyous se soucient peu de la loi. Et même la justice réagit parfois bizarrement dans son application. Ainsi, il n’y a pas longtemps, un homme a été trouvé en possession d’un AK 47, d’un fusil à pompe et d’un pistolet 9 mm : les enquêteurs ont dû insister lourdement pour que le délinquant soit présenté à un juge. Il n’a d’ailleurs pas été incarcéré, mais placé sous contrôle judiciaire. Cette mansuétude, même si elle s’appuie sur de bonnes raisons juridiques, n’est certainement pas un bon message. C’est même peut-être un mauvais service rendu à l’intéressé.

Une quinzaine de règlements de comptes depuis le début de l’année, cela vaut-il la peine d’envoyer l’armée ? La sénatrice socialiste Samia Ghali a sans doute cédé à son exaspération, car la réponse se trouve dans notre constitution. Pour que l’armée dispose de pouvoirs de police, il faut que le Conseil des ministres et le Président de la République décrètent l’état de siège. Ce qui n’a jamais été fait sous la Ve République. La réponse de Manuel Valls a été d’une grande limpidité : « Il n’y a pas d’ennemi intérieur ». Autrement dit, les policiers ne font pas la guerre aux délinquants. Un langage que l’on n’avait pas entendu depuis longtemps.

Steve Mac Queen dans le film Guet-apens (capture d'écran)

Alors, si on n’envoie pas l’armée, on fait quoi ? Il faut d’abord s’interroger sur l’enjeu de ces règlements de comptes entre voyous : la concurrence pour le trafic de stups, l’exemplarité et l’argent. Tout cet argent liquide qu’il faut sortir de sa planque pour le blanchir. Ce qui entraîne, on s’en doute, pas mal de tentations. Et dans ce drôle de monde, les arnaques se paient cash. Le petit blanchissage, via des restos, des cafés, des pizzas…, c’est sans doute là le talon d’Achille de ces truands qui savent faire parler la poudre mais qui ne l’ont pas inventée. Il semble de bon augure que Pierre Moscovici participe au comité interministériel « sur Marseille » qui doit se réunir le 6 septembre autour du Premier ministre. Le ministre des Finances a sans doute un rôle important à jouer. Mais il ne sera pas facile d’inciter les agents du fisc à repérer ceux qui paient trop d’impôts. C’est contre-nature.

Et puisque l’on sait que les produits stupéfiants sont en grande partie responsables de ces règlements de comptes, quitte à passer aux yeux de Mme Ghali pour un « pseudo-gaucho-intello-bobo », je reste persuadé qu’il faut sécher le problème à la base. Et je ne vois pas le mal que l’on se fait à y réfléchir. D’autant que nous sommes nombreux, sans doute, à nous demander comment on peut installer des « salles de consommation à moindre risque » pour les drogues injectables (d’une certaine manière, on dépénalise) et refuser systématiquement toute avancée pour la drogue la plus consommée en France : le cannabis.

L’histoire sans fin de la sécurité

La gauche peut-elle innover en matière de sécurité ? En tout cas, elle reste divisée. Mais la droite serait mal venue de critiquer, car le bilan de cette dernière décennie n’est pas des plus brillants. Si on aligne les différentes décisions les unes derrière les autres, c’est comme une litanie. Les mêmes mots, les mêmes ficelles que l’on nous ressort à chaque changement de gouvernement, voire de ministre de l’Intérieur.

Et pour quel résultat…

 « La France a peur ! » C’est par cette phrase que le 18 février 1976 Roger Gicquel ouvre le journal de la première chaîne de télévision. Il parle de l’assassinat de Philippe Bertrand, un garçon de huit ans, enlevé à la sortie de l’école et tué par son ravisseur, Patrick Henry. Une affaire sordide comme il s’en produit hélas de temps à autre. Mais cette phrase va bien au-delà. Elle joue comme un déclencheur. C’est peut-être ce qui amène le premier ministre, Raymond Barre, à désigner un Comité d’études pour trouver des solutions à la criminalité violente.

L’ilotage ! C’est l’une des mesures phares du rapport pondu par ce comité (présidé par Alain Peyrefitte) intitulé pompeusement « Réponses à la violence ». Et, parmi les autres mesures préconisées, on trouve le redéploiement des forces de sécurité dans « les zones nouvelles d’urbanisation » et l’amélioration des relations entre la police et les citoyens.

Comme le début d’une rengaine.

Les maires montent au créneau – En 1983, la gauche est au pouvoir depuis deux ans et la police n’a pas encore retrouvé son régime de croisière. Les maires remettent à Pierre Mauroy, alors Premier ministre, un rapport intitulé « Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité ». Ils réclament des mesures pour lutter contre l’insécurité. C’est ainsi que prend forme le Conseil national de prévention de la délinquance. Mulhouse est choisie comme ville test pour mettre en place un plan de prévention. Dix ans plus tard, le président de ce Conseil, Gilbert Bonnemaison, déplorera que la France se soit engagée « dans des démarches complètement sécuritaires ». La prévention n’a jamais eu sa chance. C’est pourtant l’une des trois branches de la police de proximité. Les deux autres étant la répression et l’information.

La régionalisation des services de police – C’est l’une des premières annonces du nouveau tandem de la place Beauvau, Charles Pasqua et Robert Pandraud. On est en 1986, c’est la première cohabitation.

L’ilotage : le retour – La mesure est dans le panier de Pierre Joxe, lorsqu’il rejoint l’Intérieur pour la seconde fois, après la réélection de François Mitterrand, en 1988. Il crée également l’Institut des hautes études de la sécurité. Dans les années qui suivent, les ministres se succèdent, le dernier avant la deuxième cohabitation est Paul Quilès. Il propose un plan d’action immédiate pour la sécurité. Mais, pas le temps. C’est la deuxième cohabitation. Charles Pasqua reprend les rênes avec dans sa besace un plan pluriannuel de modernisation de la police et une volonté de remobiliser les forces de l’ordre.

Les brigades anticriminalitées – La première a vu le jour à Paris, en 1993. Environ deux cents policiers qui tournaient la nuit dans la capitale et qui pouvaient à tout moment être regroupés pour faire face à un événement imprévu. En 1996, les BAC de jour sont mises en place sur l’ensemble du territoire. C’est un peu le fer de lance de la Sécurité publique.

Un juge place Beauvau – En 1995, après 14 ans de règne, Mitterrand s’efface et laisse la place à Jacques Chirac. Jean-Louis Debré, ancien juge d’instruction, devient ministre de l’Intérieur. Il installe le Haut Conseil de la déontologie de la police nationale et met en place les premières sûretés départementales.

L’époque des « petits sauvageons » – Acte manqué pour Chirac qui, deux ans après son élection, dissout l’Assemblée nationale. Jean-Pierre Chevènement devient ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Lionel Jospin. Il prêche pour « des villes sûres pour des citoyens libres ». Avec la mise en place, en 1997, des premiers contrats locaux de sécurité. Parallèlement, un Conseil de sécurité intérieure est créé, placé sous la houlette du Premier ministre, pour mieux assurer l’impulsion de la politique de sécurité intérieure. À compter de 2002, il sera présidé par le Chef de l’État.

L’année suivante, Jean-Pierre Chevènement veut mettre un terme aux violences urbaines. Il fustige ces « petits sauvageons qui vivent dans le virtuel » et annonce le redéploiement de 3000 policiers et gendarmes dans 26 départements sensibles en vue de supprimer les « zones de non-droit ». Il se prononce pour la suspension des prestations familiales afin de responsabiliser les parents de mineurs délinquants. Aussitôt contredit par le Premier ministre. Cette année-là, on discutaille pour l’installation d’une police de proximité afin d’assurer une présence effective et rassurante dans les quartiers sensibles. Et, d’une seule voix, le gouvernement parle d’une politique de prévention « rénovée ».

La police de proximité – Le 26 avril 1999, le ministère de l’Intérieur publie la liste de 59 sites expérimentaux de police de proximité. En décembre, Lionel Jospin qualifie l’insécurité « d’inégalité sociale » et annonce un recrutement exceptionnel de 1000 policiers supplémentaires.

Pas de sheriffs dans la police – Au mois d’août 2000, Jean-Pierre Chevènement rend son tablier et laisse la place à Daniel Vaillant. Alors que le Premier ministre s’est déclaré hostile à la « municipalisation » de la police, des personnalités de droite proposent de placer le maire au centre du dispositif de sécurité de proximité. Daniel Vaillant refuse de voir se développer les polices municipales. L’année suivante, le Premier ministre enfonce le clou : « Sheriffiser la police, ce n’est pas la tradition républicaine de l’État en France ».

Chirac savonne la planche – Dans son allocution télévisée du 14 juillet 2001, Jacques Chirac insiste sur les problèmes de sécurité. On sent bien que c’est sur ce terrain qu’il va croiser le fer en vue de sa réélection. Plus tard, assumant sa défaite, Lionel Jospin dira : « Sur la question de l’insécurité, j’ai péché par naïveté… ».

Les policiers manifestent – Le 16 octobre 2001, deux policiers sont tués par un multirécidiviste, dans le Val-de-Marne. Quelques jours plus tard, plusieurs milliers d’entre eux manifestent dans toute la France. Le Premier ministre évoque la dramatique erreur d’appréciation des juges… Les policiers mettent en cause la loi sur la présomption d’innocence. Le député Julien Dray est chargé d’évaluer le texte.

 « L’impunité zéro » – Tandis que Lionel Jospin déplore une « récupération politique » de l’insécurité, Jacques Chirac prône l’impunité zéro. En vieux routier de la politique, il a enfourché le bon cheval : un sondage montre que l’insécurité est la préoccupation majeure des Français. Il est réélu le 5 mai 2002. Nicolas Sarkozy devient ministre de l’Intérieur. À l’ordre du jour, renforcement des moyens pour la justice et les forces de l’ordre, renforcement de la sécurité dans les transports d’Île-de-France et création du Conseil de sécurité qui a pour tâche d’assurer l’impulsion de la sécurité intérieure, de la coordonner et de l’évaluer.

Les Groupes d’intervention régionaux – Dans les jours qui suivent, une circulaire interministérielle donne naissance aux GIR. Il s’agit en fait d’entités, pourvues d’une cellule de permanents, rattachées à la PJ ou à la gendarmerie. Les GIR regroupent l’action de policiers, de gendarmes, de douaniers, d’agents des impôts et même d’agents de l’URSSAF. Leur objectif premier vise à lutter contre l’économie souterraine générée par le trafic de drogue au niveau d’une cité ou d’un quartier. Ces bandes de petits trafiquants étant souvent les premiers à mettre le feu aux poudres.

Le Flash-Ball – Alors que Daniel Vaillant, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, avait répondu au mécontentement des policiers en les dotant de gilets pare-balles, Nicolas Sarkozy arme les policiers de « proximité » de Flash-Ball. Un peu comme Don Quichotte, il est parti en guerre contre la délinquance. Pour « la France des oubliés », comme il dit.

La sécurité, première des libertés – En juin, le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, promet les moyens nécessaires pour lutter contre l’insécurité et, place Beauvau, on parle de la culture du résultat et de la nécessité d’alléger la loi sur la présomption d’innocence. Le programme sécuritaire du nouveau gouvernement est contenu dans la LOPSI du 29 août 2002. (En 2011, il y aura un deuxième P, pour « performance ». On sent tout de suite la différence.) Celle de 2002 porte un beau titre : « La sécurité, première des libertés » : création de 13 500 emplois dans la police et la gendarmerie, renforcement des pouvoirs des forces de l’ordre, création de nouveaux délits, comme le racolage passif, l’occupation de terrain par des gens du voyage, les attroupements dans les halls d’immeuble, la mendicité, etc.

La notation des préfets – Nicolas Sarkozy annonce qu’il publiera chaque mois la liste des 5 meilleurs et 5 plus mauvais départements sur le plan de la sécurité. Et, pour donner du baume au cœur aux préfets, il promet que 3500 CRS et gendarmes seront affectés à la sécurité publique.

On barricade les écoles – Xavier Darcos, ministre délégué à l’enseignement, souhaite équiper les établissements scolaires placés dans des zones sensibles de clôtures, portails, vidéo, etc. Il veut également permettre l’intervention des forces de l’ordre.

Vers la fin de la police de proximité – En février 2003, à Toulouse, Nicolas Sarkozy estime que la police de proximité est inutile si elle privilégie la prévention. Toutefois, quelques jours plus tard, rétropédalage. Pas question de la supprimer. Il est vrai qu’il faut d’abord trouver une solution de remplacement.

Le plan Vigipirate – En mai 2003, la tension monte d’un cran. Jean-Pierre Raffarin décide de porter le plan Vigipirate au niveau d’alerte orange.  Sauf erreur, il est aujourd’hui au niveau rouge. Il a même été écarlate en région Midi-Pyrénées, en Aude et en Lot-et-Garonne, le temps de l’affaire Merah.

Les chantiers prioritaires – Ils sont au nombre de six. C’est le plan de bataille du nouveau ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin. Mais Jacques Chirac le pousse aux fesses. En novembre, il appelle le gouvernement à aller plus loin. Il souhaite par exemple la création d’établissements pour « accueillir » les auteurs de crimes les plus graves, après leur sortie de prison. Et il veut également renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière. Dominique de Villepin fixe la barre à 20 000 expulsions pour 2005. Mais cette année-là, il rejoint l’Hôtel Matignon et Nicolas Sarkozy retrouve ses pantoufles place Beauvau.

Les émeutes de 2005 – Alors qu’au mois de mars, d’après un sondage, la sécurité ne venait plus qu’au 9° rang de la préoccupation des Français, patatras ! en novembre les banlieues explosent. Signe évident d’un affolement des autorités, le président Chirac décrète l’état d’urgence. Une mesure jusqu’alors appliquée uniquement lors de la guerre d’Algérie. Ces désordres favoriseront sans doute Nicolas Sarkozy dans sa course à la présidence.

Les UTEQ – En 2008, Michèle Alliot-Marie annonce l’expérimentation de nouvelles unités destinées aux quartiers sensibles, les UTEQ. Avec pour objectif la lutte contre le trafic de stups et le rétablissement d’un lien de confiance entre la police et la population.

Les compagnies de sécurisation – Une vieille idée parisienne qui revient à la surface : en septembre 2008 la première sécu est installée à Bobigny. Elle a pour mission de lutter contre la petite et la moyenne délinquance et contre les violences urbaines.

Une pause pour réfléchir…  En octobre, la ministre annonce la création d’un Conseil économique et scientifique de sécurité, chargé de réfléchir aux « enjeux globaux » de la sécurité et de définir « quel niveau de sécurité mettre en place et dans quelles conditions économiques et techniques ».

La Place Vendôme en effervescence – Rachida Dati est sur tous les fronts. Les lois répressives pleuvent. Concernant les jeunes délinquants, elle annonce son intention de diminuer l’âge de la responsabilité pénale avec la possibilité d’une condamnation à la prison dès l’âge de 12 ans. François Fillon s’y oppose.

Protéger les Français – C’est le discours répété du président de la République. À Orléans, il annonce qu’en 2009, toute l’action du gouvernement « sera tendue vers cet objectif ». Il débloque cent millions d’euros pour la police et la gendarmerie.

Les référents – MAM veut consolider les liens entre la police et la population pour mieux lutter contre les vols à main armée dont le nombre ne cesse de croître. Outre la vidéosurveillance, elle préconise des contrôles fixes et itinérants dans les quartiers les plus touchés et une « coopération de terrain » via la mise en place de policiers et de gendarmes référents.

Les violences en bandes – C’est le nouveau cheval de bataille du président Sarkozy. En mars 2009, il annonce 16 mesures nouvelles pour combattre ce phénomène. Et quelques mois plus tard, en réaction à des faits divers, il tance ses ministres en leur rappelant les objectifs essentiels de la politique de sécurité : « La lutte contre les bandes et les violences urbaines, la lutte contre les violences à l’école, la répression des trafics criminels, en particulier le trafic de drogue ». Dans le même temps, Martine Aubry sort un « livre noir » qui dresse un bilan des « atteintes aux libertés publiques ».

Les brigades spéciales de terrain – C’est Brice Hortefeux qui lance le projet, en 2010. Il s’agit de créer des unités dont la mission est de mettre fin à la délinquance tout en rétablissant un lien avec la population. La première BST est installée en Seine-Saint-Denis.

Les patrouilleurs – En 2011, Claude Guéant préfère les patrouilleurs. Pour faire simple, il s’agit de policiers dont la mission est de déambuler dans une rue, dans un quartier.  Il s’agit par leur présence de rassurer les gens et de nouer le contact (avec la population). En 1976, on appelait ça l’ilotage.

La LOPPSI de 2011 – La loi d’orientation et de programmation pour la performance sur la sécurité prévoit de nouvelles mesures pour permettre aux forces de l’ordre de « s’adapter avec le maximum de réactivité possible aux évolutions de la délinquance ». Malgré la promesse d’une enveloppe financière cinq fois plus élevée qu’en 2009, l’ouverture sur la sécurité privée et sur les polices municipales est presque un aveu d’échec.

Le sentiment d’insécurité – Après des années de pression, les Français sont redescendus sur terre. Dans un sondage du mois de mars, 8% seulement déclaraient que la question pèserait dans leur vote à l’élection présidentielle. Contre 14% pour les impôts et les taxes. Et 36% pour le pouvoir d’achat et le chômage.

Et maintenant ? Les têtes ont changé mais les problèmes demeurent. Après les événements d’Amiens, François Hollande a promis de mettre en œuvre tous les moyens de l’État pour lutter contre les violences. Quant à Manuel Valls, il planche sur la mise en place de nouvelles « zones de sécurité prioritaire ». Mais il a dit aussi, lors d’une interview, qu’il fallait avant tout s’attaquer aux causes. Or les violences urbaines sont souvent liées au trafic de drogue. Et, partout de par le monde, la lutte contre ce fléau a échoué. « C’est un peu comme si on était sur un vélo d’appartement ; on pédale, on pédale, mais le problème demeure », a dit Juan Manuel Santos, le chef d’État colombien. Il y a peut-être là un véritable sujet de réflexion…

Il est également intéressant de savoir que François Lamy, le ministre délégué à la Ville, a porte ouverte place Beauvau, car la police ne peut pas tout. Elle agit un peu comme un antalgique, elle calme le mal mais elle ne le supprime pas.

Plus de biscuits en garde à vue

Le nombre de gardes à vue a diminué, mais le respect de la dignité humaine n’est toujours pas au rendez-vous. Loin s’en faut. Non pas du fait des policiers ou des gendarmes, mais en raison des conditions matérielles réservées aux suspects. Autrement dit, les caisses du ministère de l’Intérieur sont vides.

Et, sans argent, la nouvelle politique de sécurité voulue par Manuel Valls a-t-elle une chance de réussir ?

Dans les commissariats parisiens, par exemple, depuis plusieurs semaines, il n’y a plus de biscuits pour le petit déjeuner. Vous me direz, des biscuits… Pourquoi pas des croissants pendant qu’on y est ! Sauf que les deux biscuits du matin constituaient l’unique pitance des gardés à vue. Même pas un café. Il leur reste la briquette de jus d’orange, du genre de celle que l’on donne aux enfants, en moins bon. Et avec ça, les gaillards doivent tenir jusqu’au repas du midi : une barquette à choisir entre deux plats. Il paraît que le poulet-riz a la faveur du public. Comme quoi ils ne sont pas rancuniers les taulards d’un jour, puisqu’ils aiment le poulet. Si on ne pratique pas en France la torture infamante, avec ce régime hypocalorique, on n’est pas loin de « la tortore affamante ».

Mouais, je sais… Et pour me faire hara-kiri, je pourrais ajouter qu’il ne reste plus aux suspects qu’à manger le morceau.

Et la nuit, ils peuvent rêvasser dans leur couverture cradoque. Le plus souvent allongés par terre, car les matelas sont bizarrement d’une taille qui correspond rarement aux bancs de GAV. Quant à la douche, il ne faut guère y compter. Si elle existe, la plupart du temps, il n’y a pas de serviettes de toilette. Comme disait un commissaire : z’on qu’à prendre du PQ. Sauf qu’il n’y en pas toujours. Il suffit que le livreur passe en l’absence du préposé au ménage, pour que la semaine se déroule sans. Et chaque fonctionnaire de planquer son petit rouleau perso dans son caisson. De toute façon, même s’il y a des douches, même s’il y avait des serviettes, il n’y aurait pas assez de personnel pour accompagner les gardés à vue aux sanitaires.

Donc, tout est pour le mieux.

Un autre exemple de la paupérisation de la police : on manque de cartouches pour les Taser ! Cela se passe dans le Haut-Rhin. C’est un syndicat qui a tiré la sonnette d’alarme : le directeur de la sécurité publique serait prêt à retirer les Taser X26 de la circulation. Heureusement, le préfet pour l’administration de la police a finalement entrouvert son escarcelle : 10 cartouches auraient été livrées.

D’ici qu’on ressorte les bâtons blancs !

Je ne dis pas ça pour me moquer, mais en lisant les instructions du ministre de l’Intérieur sur la mise en place des quinze premières ZSP (zones de sécurité prioritaires), je ne pouvais m’empêcher de me demander où diable il allait trouver les moyens de sa politique… J’ai cru comprendre qu’une partie du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) serait mobilisée. Plus de 50 millions d’euros pour 2012. Rappelons que ce fonds sert à financer en priorité la prévention de la délinquance des jeunes, et, pour plus de la moitié de l’enveloppe, la vidéoprotection. Le plan-caméra si cher au gouvernement Sarkozy-Fillon (et si cher aux contribuables), vivrait-il ses derniers jours ?

La zone de sécurité prioritaire, c’est un peu le contre-pied de la police de proximité du gouvernement Jospin. Dans sa récente circulaire aux préfets, le ministre de l’Intérieur explique qu’il s’agit de s’attaquer « aux causes » et de « lutter en profondeur contre les formes les plus ancrées de la délinquance ».

Donc, pas question de jouer au foot avec les jeunes. Mais au contraire d’unir les forces de plusieurs ministères pour être le plus opérationnel possible en se concentrant sur certains objectifs : l’économie souterraine, le trafic de stupéfiants et d’armes, les violences, les cambriolages, les regroupements dans les parties communes d’immeubles, les nuisances sur la voie publique, les incivilités, etc. Et pour être encore plus pointu, il faudra sélectionner au maxi quatre cibles par zone. Tandis que les collectivités territoriales s’intéresseraient plutôt à la prévention et à la « proximité ». Probablement des missions dévolues aux polices municipales.

Pour cette première année d’activité, il n’y aura ni effectif supplémentaire ni nouvelle implantation immobilière. On peut donc s’attendre à un certain remue-ménage dans les services. Peut-être même un remodelage des structures existantes, « l’occasion d’une redéfinition de certaines unités, notamment celles affectées à la recherche du renseignement ou à la lutte contre la criminalité de voie publique », déclare M. Valls. Entre les lignes, on pourrait penser à un retour des RG et peut-être à la fin des BAC.

Comme l’écrit dans son blog Émilie Thérouin (adjointe au maire, chargée de la sécurité à Amiens), désormais, le préfet reprend la main. Et cela semble une bonne chose. Des services comme la DCRI ont montré les limites d’une centralisation à outrance. On serait donc sur le bon chemin. À condition toutefois que la justice soit au diapason. Ce qui pour l’instant reste à démontrer. Car s’il est question du procureur de la République dans la lettre du ministre aux préfets, c’est au conditionnel. Ce magistrat pourra « s’il le souhaite » assurer la codirection de la cellule opérationnelle. Y aurait-il mésentente entre la place Beauvau et la place Vendôme ?

Réussir une telle réforme sans y mettre un sou, c’est un véritable challenge. Croisons les doigts. Pourtant, il y a une chose qui n’aurait rien coûté. Un vocabulaire plus tolérant.  Je trouve que « zone » cela fait zonard, donc marginal. J’aurais préféré que l’on parle d’espaces de sécurité prioritaire. Mais ce ne sont que des mots.

La police tunisienne en miettes

La Tunisie va mal et la police aussi. C’est du moins ce que me dit un policier tunisien dans un mail envoyé récemment. Depuis le départ de Ben Ali, le pays semble partagé entre l’idéalisme démocratique, né de la Révolution, et claironné par le président provisoire Moncef Marzouki, et une aspiration profonde à l’islam. Et cette ambigüité pèse lourdement dans la musette des policiers.

A priori, dans la rue, ce sont bien les lois islamiques qui prennent le pas sur les lois républicaines. Ainsi, en cette période de ramadan, les forces de sécurité sont souvent à l’œuvre pour fermer les bars et les restaurants, ces endroits ouverts aux « non-jeûneurs ». Mais certains s’interrogent sur la base légale de ces interventions. Et, en l’absence de loi, il semble bien que le ministre de l’Intérieur cède à la pression des « religieux » et notamment à une sorte de congrégation qui il n’y a pas si longtemps, s’appelait encore « Association de la promotion de la vertu et de la prévention du vice ». Il y a quelques jours, lors d’une opération destinée à fermer ces lieux de… perdition situés dans le centre commercial Carrefour, en périphérie de Tunis, mal à l’aise, les policiers ont justifié leur action en invoquant le principe de précaution : éviter que les salafistes ne viennent tout casser. On pourrait donc penser que la police plie devant la milice des extrémistes. Mais en fait, ils ne peuvent guère dire autre chose, les policiers, car en obéissant à un ordre sans base légale, ils se placent eux-mêmes dans l’illégalité. Cette ambigüité dans les instructions de la hiérarchie flirte avec la sensibilité de chacun. Et cela se traduit par des dissonances : une répression violente, le 9 avril, lors des manifestations pour la Fête des martyrs (commémoration de l’année 1938, lorsque les forces coloniales françaises ont tiré sur la foule), alors que quelques semaines plus tôt ces mêmes policiers offraient des fleurs aux manifestants.

Au mois de juin, des heurts violents ont eu lieu entre les forces de l’ordre et des groupes islamistes radicaux qui dénonçaient une exposition de tableaux jugée offensante pour l’islam. L’un d’eux, « Femme au couscous à l’agneau », représentait une femme nue avec en arrière-plan des bonshommes barbus. Bilan : un tribunal incendié, plusieurs postes de police attaqués et des dizaines de policiers blessés. Mais ils n’ont pas tiré à balles réelles contre les manifestants, malgré la déclaration du ministre de l’Intérieur rappelant à ses troupes qu’une loi de 1969 leur en donne le droit en « état d’urgence ». L’état d’urgence perdure en Tunisie. Il a déjà été prolongé cinq fois depuis qu’il a été prononcé, en janvier 2011. En principe, il doit prendre fin dans 48 heures – à moins qu’il ne soit à nouveau prorogé.

La  plupart des syndicats de police se sont montrés satisfaits de cette déclaration de leur ministre. Cependant, jeudi dernier, alors que des manifestants s’en prenaient à la préfecture de Sidi Bouzid, sur le terrain, les forces de l’ordre se sont limitées à des tirs de sommation et à l’utilisation de gaz lacrymogène. Que se serait-il passé dans le cas contraire ? On se souvient en effet que c’est devant cette même préfecture qu’un jeune vendeur de fruits et légumes, Mohamed Bouhazizi, s’était immolé par le feu, marquant symboliquement le point de départ de la Révolution tunisienne et par extension du Printemps arabe. Une place de Paris, dans le 14° arrondissement, porte désormais son nom.

Vu de France, il est bien difficile d’y voir clair dans cet embrouillamini politico-policier. Mais il semble bien que la liberté syndicale des policiers soit en train d’en prendre un sacré coup. Les délégués sont sérieusement mis à mal depuis qu’ils ont osé revendiquer une meilleure protection juridique et une amélioration de leurs moyens d’action afin de pouvoir exercer leur métier « dans les meilleures conditions et dans le respect des valeurs des droits de l’homme dans la Tunisie postrévolutionnaire ». Le Syndicat national des forces de sûreté intérieures exige une rupture nette avec le passé. Il faut que le ministre de tutelle arrête de recycler les symboles de l’ancien régime. Mais, pour l’instant, j’ai l’impression que la seule réforme concerne le changement des uniformes… Il y a quelques jours, ils étaient nombreux à manifester suite à l’arrestation (on ne sait pour quel motif) de leur collègue, Issam Dardouri, secrétaire général de la cellule de l’aéroport international de Tunis-Carthage (il aurait été libéré mardi dernier). Pour les syndicalistes, qui prennent d’énormes risques, la société civile doit aussi se mobiliser et les soutenir dans l’approche d’une police républicaine. « Dans le cas contraire, a déclaré un responsable national, je donne six mois à la police pour revenir à sa qualité d’outil de répression ».

En attendant, les sanctions pleuvent : mutations, révocations, arrestations administratives et judiciaires… Et, à l’opposé, pour les plus souples, promotions surprises. Il y a indéniablement une volonté de contrôler les organisations syndicales pour les empêcher de se pencher sur les dysfonctionnements mis en exergue par la Révolution et sur les errements des fonctionnaires « qui ont contribué à la dictature de l’ancien régime ».

A ma connaissance, il n’y a pas eu de véritable épuration après les répressions sanglantes. Seuls quelques dizaines de cadres auraient été renvoyés.

Et tandis que les forces de l’ordre sont déstabilisées et souvent occupées à des missions de maintien de l’ordre, la criminalité prolifère, l’insécurité s’installe et les touristes fuient le pays. La Tunisie pourra-t-elle attendre les élections prévues pour mars 2013 sans verser dans le chaos ? Et demain, quel sera son profil ? Pour Nicolas Clinchamps, maître de conférences de droit public à Paris 13, le pays est « toujours écartelé entre les deux extrêmes de l’islamisme et du nationalisme ». D’autres vont beaucoup plus loin, comme ce cheikh, al-Khatib al-Idrissi, une référence spirituelle pour les salafistes tunisiens. Lui ne se limite pas à une Tunisie sous charia mais envisage carrément une « nation musulmane » mondiale : l’oumma. Pour lui, ce sont les occidentaux qui ont dressé des frontières entre les musulmans, « mais déjà les dictatures chutent : Tunisie, Égypte, bientôt la Syrie… En même temps, d’autres pays s’affaiblissent, tout comme les États-Unis. Ils vont vers l’effondrement et l’islam en profitera ».

On ne peut être plus clair.

Justice : le poids des « petits pois »

À la différence de 2007, la sécurité n’est pas au centre de cette campagne présidentielle. Et c’est sans doute une bonne chose. Car l’insécurité, c’est un peu comme une maladie : il faut se soigner, mais c’est encore mieux de ne pas l’attraper. Toutefois, chaque candidat propose ses remèdes.

Quelques mois après les élections de 2007, Nicolas Sarkozy avait traité les magistrats de petits pois : « même couleur, même gabarit, même absence de saveur ». Ce qui n’était gentil pour personne, même pour les petits pois. Deux ans plus tard, une commission de réflexion présidée par Philippe Léger se penchait sur la réforme du Code pénal et de la procédure pénale. Hélas, la volonté politique de supprimer le juge d’instruction devait occulter son travail. C’est donc en catastrophe, devant le risque de voir des centaines de procédures invalidées que, l’année dernière, la loi réformant la garde à vue a été adoptée. Avec des résultats mitigés. Un premier coup de canif vient d’ailleurs de supprimer un article du code de procédure pénale (le 706-88-2), jugé anticonstitutionnel, qui empêchait le libre choix de son avocat par un individu entendu dans une affaire liée au terrorisme.

Dalloz Actualité a tenté de placer le sujet au cœur du débat politique en décortiquant les déclarations de chacun des candidats. C’est assez technique, mais en se limitant aux grandes lignes et aux principaux candidats, on peut se faire une idée du chemin qui pourrait être suivi dans les cinq prochaines années.

L’indépendance de la justice – Il faut d’abord noter (et se réjouir) du consensus qui se dégage pour renforcer l’indépendance de la justice. Mais chacun voit les choses à sa manière. Ainsi, les deux François souhaitent que les procureurs soient nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, mais M. Hollande veut aussi que les membres du CSM soient désignés différemment, de manière moins politique.  Pour Nicolas Sarkozy, pas de proposition, puisqu’il a déjà fait un premier pas (modification de la Constitution de 2008 et la loi organique de 2010) vers une plus grande autonomie du CSM, même si, pour ses détracteurs, le compte n’y est pas. Quant à Eva Joly, elle souhaite que le CSM statue comme conseil de discipline et qu’il soit le garant de l’indépendance des magistrats du siège et du parquet. Marine Le Pen va plus loin. Pour elle, les membres du parquet doivent être inamovibles et les magistrats, un peu comme les militaires, ne devraient pouvoir ni se syndiquer ni s’engager politiquement.

L’indépendance des procureurs – Dans sa lettre aux Français, Nicolas Sarkozy nous dit clairement que le parquet doit être dirigé par une autorité politique élue démocratiquement, car « le rôle du parquet est de défendre la société ». Le programme du PS revendique l’indépendance de la justice mais ne parle pas de l’indépendance des procureurs. Toutefois, l’intervention politique serait limitée aux seules directives générales. Autrement dit, les instructions individuelles rétablies en 2002 seraient de nouveau impossibles. De plus, la durée des enquêtes préliminaires serait limitée. Pour éviter, comme dans l’affaire Bettencourt, que le procureur retarde la saisie d’un juge d’instruction. Le plus important dans ce programme, me semble-t-il, concerne le juge des libertés et de la détention. Il deviendrait un véritable juge des libertés (plus classe !), aux pouvoirs élargis pour mieux contrôler toutes mesures qui touchent aux libertés individuelles. Mais, alors que l’échéance se rapproche, on est bien loin des grandes idées, de celles qui font rêver…

Les justiciables – Dans un pays financièrement exsangue, l’une des questions tourne autour de l’aide juridictionnelle. Comment donner à chacun le moyen de se défendre ? Cela ne concerne pas que les voleurs ou les assassins. Tous, un jour ou l’autre, nous pourrions être soupçonnés d’avoir de près ou de loin participé à l’une des 10 249 infractions répertoriées dans les différents textes qui régissent notre vie de tous les jours. Et même un homme aussi puissant que DSK a avoué devant la caméra de TF1 que, pris dans le tourbillon d’une enquête judiciaire, il avait eu peur. Du côté de François Hollande, on s’oriente vers une justice de proximité et le développement des Maisons de justice et du droit, ou une poussée vers la justice numérique. Avec, tout comme M. Bayrou, la volonté de renforcer la médiation, la conciliation et la recherche d’un nouveau moyen de financement. Mais personne ne parle de taxes supplémentaires. Des mots tabous dans une campagne électorale. Eva Joly est la seule, je crois (c’est plus flou, chez les socialistes), à annoncer une mesure souhaitée par beaucoup de Français : la possibilité d’agir en justice de manière groupée, la class action. Quant au candidat sortant, il veut simplifier le langage juridique pour une meilleure compréhension du droit. Je dois avouer qu’à la lecture du décret du Premier ministre sur les avocats (billet précédent), on est en droit d’être perplexe.

Les victimes – Là, le plus tranchant, c’est M. Sarkozy. Il veut accorder aux victimes le droit de faire appel des décisions des cours d’assises et des tribunaux correctionnels. Une victime pourrait même s’opposer à la demande de libération de son agresseur si elle se sent menacée.

Quels moyens pour la justice ? – Pour Nicolas Sarkozy, il s’agit de poursuivre le programme de construction de nouvelles prisons (6 000 de plus durant son quinquennat) afin d’atteindre 80 000 places en 2017 (environ 57 000 aujourd’hui pour plus de 65 000 détenus). Et il est question d’une nouvelle loi de financement de la justice. François Hollande, lui aussi, parle gros sous. Il souhaite remettre à niveau le budget de la justice et ouvrir de nouveaux postes pour rattraper notre retard par rapport aux autres pays européens. Jean-Luc Mélenchon le rejoint sur les effectifs, par son projet de création d’emplois publics. Marine Le Pen, elle, veut revaloriser le budget à 8.5 milliards d’euros sur le quinquennat. Avec un objectif : 20 magistrats pour cent mille habitants – et la création de 40 000 places de prison. Quant à Eva Joly, elle veut traquer la délinquance financière (c’est son dada), la délinquance environnementale et le crime organisé.

Y a du pain sur la planche – Aujourd’hui, la France compte 12 juges pour cent mille habitants. Le budget de la justice est entre 0.18 et 0.19 % du PIB. Alors que pour nos voisins, il est de plus du double (0.38 % pour l’Allemagne, 0.43 % pour l’Espagne…, et 0.52% pour la Pologne). Ce qui nous classe au 37° rang européen –  sur 43.

Et la police dans tout ça ? Euh !… Je n’ai pas trouvé de quoi faire un billet. Mais je vais chercher.

Vers une chasse aux sorcières dans la police ?

Dans un article du 14 février 2012, Le Monde pose le problème de la reprise en main de la police en cas de victoire de François Hollande à la Présidentielle. La question vaut d’être posée, car, ces dix dernières années, la police a fortement été marquée par Nicolas Sarkozy. Au premier abord, on peut se dire que les mal-pensants ont été depuis longtemps écartés et que les postes clés sont aujourd’hui tenus par des fidèles, mais les réformes entreprises sont plus profondes. Il y en a eu des bonnes. Et d’autres plus discutables, comme la création de la DCRI ou le rattachement de la gendarmerie à l’Intérieur. En tout cas, il ne faudrait pas tout casser, comme dans le passé…

En 1981, beaucoup de policiers, comme moi, attendaient un grand chambardement. Nous pensions que notre Maison valait mieux que les copinages, les réseaux ou autres petits arrangement, et qu’il y avait là un beau défi pour la gauche : rabibocher les Français avec leur police.

Quelle déception !

Cette année-là, le 19 mai, Valéry Giscard d’Estaing nous dit au revoir. Il nous fait le coup de la chaise vide. Ce sera un adieu. Son successeur, lui, prépare son investiture. Avec le réalisateur Serge Moati et le comédien Roger Hanin, François Mitterrand met la dernière touche à son périple dans les galeries du Panthéon : des roses rouges et une musique de Beethoven. Un grand spectacle populaire. Mais dans les jours qui ont précédé ces événements, l’effervescence était ailleurs. Dans les ministères la consigne était de faire place nette. Ainsi, à Beauvau, on a assisté à un va-et-vient de mystérieux « déménageurs ». Enfin, n’exagérons pas, rien à voir avec les convois de camions de Mai-68. À cette époque, dans la crainte d’un coup d’État, ce sont toutes les archives secrètes de la rue des Saussaies qui avaient alors quitté le ministère.

Si, si, nous sommes bien en République ! Celle de Coluche qui, candidat pour rire, avait lancé son slogan de campagne : « Jusqu’à présent la France était coupée en deux, avec moi, elle sera pliée en quatre. »

Il n’y aura pas de chasse aux sorcières annonce Gaston Defferre, avant même de prendre ses fonctions. N’empêche que certains serrent les fesses. Au SAC, le fameux Service d’action civique cher à Pasqua, c’est l’affolement. Et si on déterrait de vieilles affaires ! Dans une sorte de soubresaut, quelques gros bras envahissent la demeure du sous-brigadier de police Jacques Massié, à Auriol. Ils le soupçonnent d’avoir viré à gauche. Ils tuent toute la famille. Le SAC est dissous l’année suivante et les six hommes du commando sauvent probablement leur tête grâce à Robert Badinter qui, entre temps, a fait adopter la loi contre la peine de mort.

Defferre se veut grand seigneur. Toutes les décisions seront prises, assure-t-il, en concertation avec les syndicats. Dans la police, on rêve… Douche froide, le nouveau locataire de l’Élysée congédie les policiers pour les remplacer par des gendarmes – qui, eux, n’ont pas de syndicats. Et, un peu plus tard, il créera la fameuse cellule élyséenne dont les principaux responsables, bien des années après, passeront en justice pour avoir pratiqué des écoutes illégales.

Le nouveau ministre s’entoure de Maurice Grimaud, le préfet de police de Mai-68, de Bernard Deleplace, le secrétaire général de la Fédération autonome des syndicats de police (FASP), et de Frédéric Thiriez (qu’il n’a sans doute pas choisi), un jeune énarque, originaire du nord de la France, comme le premier ministre Pierre Mauroy,

L’état de grâce ne dure pas longtemps. Le 6 octobre, Gaston Defferre, dans un discours à l’Assemblée nationale, accuse les policiers de racisme. Le syndicat des commissaires réagit sèchement. D’autant que les cadres de la police sont dans le flou. Ils se plaignent de ne pas recevoir de consignes précises. La boutique tourne à vide. En fait, on ne sait pas trop qui commande. Le 3 novembre, à Lyon, le brigadier Guy Hubert est tué par des braqueurs. Mouvement de colère lorsque l’on apprend que les auteurs appartiennent à Action directe, dont deux membres importants (Rouillan et Ménigon) ont été amnistiés peu avant par le président de la République. Le ministre de l’Intérieur est violemment pris à partie lors des obsèques du policier lyonnais. Peu après, il remet une décoration à l’un des collègues de la victime, qui lui n’a été que blessé, et il lui dit : « Vous, au moins, vous avez de la chance, vous êtes blessé et décoré. »

L’ambiance se détériore. Le jeu de chaises musicales va commencer. Marcel Leclerc, le patron de la brigade criminelle, est proposé pour la place de sous-directeur à la PJ-PP. Mais les syndicats de gauche l’estiment trop à droite. Ils font barrage. Defferre recule et lui propose alors de prendre la direction du SRPJ de Marseille. Leclerc refuse. François Le Mouel, le directeur de la PJ parisienne, menace de démissionner. La tension grimpe au 36. Defferre affirme que cette décision n’a rien à voir avec les opinions politiques du commissaire. Finalement, Leclerc est affecté à l’IGPN, le cimetière des éléphants. Du coup, Olivier Foll, son adjoint, renonce à prendre la tête de la brigade criminelle. C’est une jacquerie. Pour couronner le tout, François Le Mouel, l’un des rares grands chefs de la police qui affiche des idées socialistes, met ses menaces à exécution. Il démissionne. Un bras… Defferre, qui se transforme en bras d’honneur.

Les deux années suivantes sont des années noires. La majorité de gauche tiraillée entre son désir de s’émanciper du tout-répressif et la réalité au quotidien : crimes, délits, terrorisme, etc., ne parvient pas à trouver le point d’équilibre. Tandis que la plupart des chefs de service font le dos rond, et s’accrochent à leur fauteuil, les opportunistes jouent des coudes, et les bannis du gouvernement précédent règlent leurs comptes. Ceux qui se contentent d’être flics, la grande majorité, assistent désabusés à la démolition de leur maison, attendant en vain qu’à l’horizon un sage se profile et leur donne enfin une feuille de route.

Pour récupérer le coup, Pierre Mauroy nomme en catastrophe un secrétaire d’État pour la police, Joseph Franceschi. Celui-ci appelle à ses côtés l’ancien patron de la FASP, Gérard Monate. Ce sera son conseiller technique. Du coup, la Fédération est omniprésente dans toutes les décisions. La Franc-maçonnerie aussi.

Mais derrière les hommes de lumière il y a aussi les hommes de l’ombre. En effet, sur le trottoir d’en face, d’autres tirent les ficelles. En apparence, c’est le directeur de cabinet de l’Elysée, Gilles Ménage, qui mène le jeu. Mais il est probable qu’en arrière plan, Michel Charasse et le secrétaire général, Jean-Louis Bianco, sont les véritables chefs d’orchestre. Lorsque les choses vont se tendre, Frédéric Thiriez, servira de fusible. Fort opportunément, la DST sort alors un dossier sur son passé trotskyste, et, dans la foulée, on parle aussi de ses relations avec une personne proche du Canard Enchaîné. Exit Thiriez.

Le 31 mai 1983, tandis que l’Assemblée nationale examine en deuxième lecture l’abrogation de la loi « sécurité et liberté », jugée « liberticide », à Paris, un banal contrôle d’identité se transforme en drame. Deux gardiens de la paix sont tués, Émile Gondry et Claude Caïola. Un troisième, Guy Adé, est très grièvement blessé. C’est la goutte d’eau. La fronde menace. Quelques jours plus tard, lors de la cérémonie à la mémoire de ces hommes, dans la cour de la Préfecture de police, Gaston Defferre et Joseph Franceschi sont accueillis par des huées et des coups de sifflet. Puis, spontanément, les policiers décident d’aller manifester devant le palais de Justice. Au fil du parcours, le cortège grossit. Ils sont trois ou quatre mille en arrivant place Vendôme. La Chancellerie est gardée par deux escadrons de gendarmes mobiles et quelques dizaines de gardiens de la paix. Ceux-ci mettent képi bas devant leurs collègues. Le Garde des sceaux, Robert Badinter, déclarera plus tard sur Europe 1 que, depuis la fenêtre de son bureau, alors que les policiers entonnaient La Marseillaise, il les a nettement vus, le visage défiguré par la haine, lever le bras « dans un geste qui lui a rappelé les tristes souvenirs de son enfance ». Une déclaration étonnante pour un homme d’une telle culture. Bilan de cette journée noire : le préfet de police démissionne, le directeur général de la police est remercié, un policier est mis en retraite d’office, sept sont suspendus, et deux représentants syndicaux sont révoqués pour « participation à un acte collectif contraire à l’ordre public ». C’est la plus grave atteinte aux libertés syndicales depuis la triste époque de l’occupation allemande.

Lorsque Defferre et Franceschi quittent la place Beauvau, en 1984, la police est KO debout. Heureusement, Pierre Joxe, le successeur sera à la hauteur.

« Il y aura des changements à opérer », confie François Rebsamen dans cet article du Monde. « Il ne s’agit pas de descendre trop bas dans la hiérarchie, ni de faire un grand chambardement. Mais ceux qui ont impulsé des comportements peu républicains ou des pratiques professionnelles éloignées de l’esprit républicain doivent être remplacés. Il faudra redonner confiance à l’ensemble des préfets ».

La confiance ! Oui, aux préfets aussi… Mais n’oubliez pas, Monsieur le futur ministre de l’Intérieur, que les policiers ne sont efficaces que par leur initiative. Et l’initiative ne se commande pas, elle s’encourage.

Faut-il démanteler la DCRI ?

La direction centrale du renseignement intérieur, c’est un peu le fait du prince. Créée par la seule volonté du président Sarkozy, sur les conseils forcément autorisés d’on ne sait trop qui, à ce jour, elle n’a pas réussi à convaincre. Pire, elle draine la suspicion. Sa première affaire, l’arrestation spectaculaire, au fin fond de la Corrèze, de Julien Coupat et de son équipe de pseudo-terroristes, restera dans les annales. Une enquête, affirmait alors sans rire le ministre de l’Intérieur (Mme Alliot-Marie), effectuée en collaboration avec les services secrets américains et ceux de plusieurs pays d’Europe, qui a mis à mal une « structure à vocation terroriste ». Et aujourd’hui, une affaire qui semble en déliquescence. D’autant qu’une information judiciaire a été ouverte pour faux en écriture publique, en raison d’un procès-verbal de surveillance peut-être bidonné. Et une seconde, par un juge de Brive-la-Gaillarde, pour des écoutes sauvages mises en place sur le bar-épicerie que tenaient les « terroristes ».

On pourrait se dire qu’il s’agissait d’une mise en jambes… Sauf que si le service était tout récent, les policiers, eux, ne manquaient pas d’expérience. C’est donc l’organisation même qui a failli. Trop proche du pouvoir politique, diront certains.

C’est sans doute l’avis du député Jean-Jacques Urvoas. Dans une étude de trente pages, que l’on peut télécharger sur le site de la fondation Jean Jaurès, Il revient sur la suppression de la direction de la surveillance du territoire (DST) et des renseignements généraux (DCRG). Une réorganisation effectuée à l’emporte pièces, sans aucune étude préalable, supprimant d’un coup des services qui marchaient bien, même si tous deux ont connu parfois quelques trous d’air. Avec un objectif principal : centraliser le renseignement « fermé », c’est-à-dire secret, voire protégé par l’estampille « secret-défense ». Les RG de Paris, qui dépendent du préfet de police, sont d’ailleurs restés en dehors de la réforme. Même si l’on a changé leur nom : les RGPP sont devenus la DRPP (direction du renseignement de la préfecture de police).

Pour le reste de la France, la direction des renseignements généraux a été dissoute pour faire place à une sous-direction de l’information générale (SDIG) rattachée à la sécurité publique. Perdant au passage plus de la moitié de ses effectifs. Rappelons que si les RG avaient souvent mauvaise presse dans l’opinion publique, aucun gouvernement, ni de droite ni de gauche, n’avait pris jusqu’ici le risque de s’en passer. Ils étaient un peu le thermomètre de la société. La SDIG, qui les a remplacés, a-t-elle les moyens de suivre les difficultés de la population, des entreprises, des commerçants, des administrations… ? En fait, avec cette réforme, il semble bien que nos dirigeants se soient coupés de la France profonde. Ils sont à présent souvent dans l’impossibilité de prévoir une fermeture d’usine, un mouvement social…, ou tout simplement de prendre le pouls d’une cité de banlieue.

Quant à la gendarmerie nationale, qui excelle dans le domaine du renseignement « ouvert », après une période de flottement, elle a finalement relancé son activité dans ce domaine. Ce qui entraîne une compétition gendarmerie-police qui va à l’encontre de l’objectif fixé par le rapprochement de ces deux grands corps de l’État.

« Comment se fait-il qu’à l’heure actuelle, demande M. Urvoas, en pleine crise économique, aucune synthèse ne vienne centraliser les notes alarmistes qui remontent des services territoriaux, annonçant la fermeture imminente en cascade d’entreprises et d’usines ? » Et de quand date la dernière synthèse nationale sur les violences urbaines ? Le député socialiste propose plusieurs pistes de réflexion pour « reconstruire » le renseignement social, dont la création d’une direction générale. Peu importe les modalités, le plus important, me semble-t-il, tient dans le titre même de la note : Rebâtir le renseignement de proximité.

Et, comme cela suppose des moyens en hommes et en matériel, il est probable que l’on déshabille la DCRI. En deux mots, on reviendrait peu ou prou à la case départ. En essayant de faire mieux, mais en se disant aussi que cela ne marchait pas si mal avant.

Les hackers sont-ils des terroristes ?

Il y a quelques jours, Anonymous piratait le site d’un syndicat de police. L’action des « cyber-activistes » se serait traduite par la publication pendant quelques heures des coordonnées personnelles de 541 policiers.

Publier des informations permettant d’identifier quelqu’un dans l’intention de lui nuire est un délit, mais il n’est pas sûr que le texte soit bien adapté. L’année dernière, pour des événements sensiblement similaires, le ministre de l’Intérieur avait préféré déposer plainte pour diffamation publique. En revanche, le fait de s’introduire dans « tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données » entraîne une kyrielle de sanctions prévues dans les articles 323-1 et suivants du code pénal. Et la volonté d’entraver le fonctionnement d’un système informatique, par exemple en le saturant, est considéré comme un déni de service (5 ans de prison).

Tout cela ne fait pas des Anonymous de dangereux terroristes. Sauf, évidemment, si les autorités du pays estimaient que par leur action, ils portent atteinte aux « intérêts fondamentaux de la Nation ». Dans ce cas, peut-être, l’article 411-9 pourrait s’appliquer (15 ans de détention criminelle)…

Mais alors, pourquoi la DCRI est-elle chargée de ce type d’enquête ? C’est tout simplement que cette direction de la police nationale a hérité des services techniques de la DST. Qui, il n’y a pas si longtemps, étaient chargés entre autres de la « police des communications radioélectriques » (PCR). Et même – un peu plus avant – de la surveillance des pigeons voyageurs. Si, si ! Il y avait un groupe « colombophilie » composé, il est vrai, d’un seul enquêteur. L’ami Raymond. Les anciens de la PCR (comme moi) se souviennent des « nuits gonio » passées dans l’ancien centre d’écoutes de « la Grenouillère », à Noisy-le-Grand ; ou de la chasse aux fanas de la « citizen band », les gentils rebelles des années 60. Bon, d’accord, ce sont les mêmes poulagas qui ont tenté de « bidouiller » les locaux du Canard Enchaîné… Personne n’est parfait.

Heureusement, ces « techniciens » d’aujourd’hui ne semblent pas plus méchants que ceux des décennies précédentes. Du moins si l’on se rapporte au récit que fait Pierrick Goujon de son arrestation, à OWNI, ou sur une page personnelle : « Je ne crache pas sur des mecs qui font leur métier, ceux à qui j’ai eu affaire étaient vraiment sympas (…) Merci pour ce que vous avez fait pour moi. Et de m’avoir laissé fumer 20 clopes en 60 heures, je sais que beaucoup ne l’auraient pas fait. »

C’est vrai qu’ils sont plutôt sympas, à la DCRI. Ils auraient pu verbaliser pour « tabagisme dans un lieu à usage collectif »…

 « Nous traversons le présent les yeux bandés… », dit Soph’, dans un commentaire du billet précédent, citant Milan Kundera.

Il y a 25 ans, le 9 juillet 1986, une bombe explosait dans les locaux de la brigade de répression du banditisme (BRB) de Paris : un mort, l’inspecteur divisionnaire Basdevant, et vingt blessés. L’attentat était revendiqué par un groupuscule inconnu qui aurait voulu venger un jeune homme tué par les CRS. Toutefois, à l’époque, l’enquête s’est plutôt orientée vers l’artificier de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) – aujourd’hui en règle avec la société. Jacques Chirac, alors tout nouveau Premier ministre de François Mitterrand, s’était déplacé Quai de Gesvres : « La police est de nouveau en deuil, une fois encore, etc. ». Bon, sur le petit film de l’Ina, on voit bien qu’il a d’autres soucis en tête que la mort d’un poulet. « Notre nouvelle frontière, ce doit être l’emploi », avait-il déclaré quelques semaines plus tôt, lors de son discours de politique générale prononcé devant l’Assemblée nationale. La même volonté farouche de lutter contre le chômage que dimanche dernier, sur le petit écran…

Tout ça pour dire qu’il n’est pas mauvais de se tourner vers son passé et de vivre le présent avec discernement.

 

Les Anonymous peuvent-ils manifester masqués ?

Ils appellent à la manifestation aujourd’hui 28 janvier 2012. Les Anonymous se présentent comme des « hacktivistes » et ambitionnent de protéger l’Internet de toute censure, qu’elle soit politique ou commerciale. Mais là, ils veulent lever la tête de leur écran pour descendre dans la rue.

Ils peuvent le faire, mais à condition de tomber le masque.

En effet, à la suite des manifestations de Strasbourg, en avril 2009, en marge du sommet de l’OTAN, le gouvernement a décidé de poursuivre les manifestants masqués. Pas de loi, mais un décret en date du 19 juin 2009, plaisamment baptisé « décret anti-cagoules ». Le Code pénal a donc été enjolivé de l’article R-645-14. Il prévoit une amende de 1 500 € pour toute personne qui, dans une manif ou à proximité immédiate, dissimule volontairement son visage afin de ne pas être identifiée « dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l’ordre public ». La peine est doublée en cas de récidive. Et si le manifestant commettait un délit (violences, casse, etc.), cela aggraverait sérieusement son cas.
Mais le texte est ambigu. Il semble bien que le simple fait de dissimuler son visage ne soit pas suffisant pour constituer l’infraction. Il faut le faire avec l’intention d’échapper à toute identification et en agissant de telle manière que les autorités puissent craindre un trouble à l’ordre public. Deux éléments subjectifs qui rendent les poursuites délicates…

S’emmitoufler pour lutter contre le froid, se protéger des gaz lacrymogènes, etc. peut très bien justifier qu’on dissimule son visage. Autrement dit, il peut exister un motif légitime.

On peut également se demander ce que signifie la dérogation qui vise des « usages locaux »… Des médecins et des infirmiers, par exemple, qui manifesteraient devant leur hôpital avec leur masque médical tomberaient-ils sous le coup de la loi ?

La question se pose de la même manière pour les Anonymous. Si, dans une manif, seulement quelques dizaines de personnes sont masquées, elles ont de fortes chances d’être interpellées. Mais si, dans un rassemblement pacifique, sans casse, sans violence…, tout le monde porte le masque de Guy Fawkes, doit-on considérer que les manifestants cherchent à cacher leur identité ou simplement qu’ils affichent le symbole de leur mouvement ?

Intellectuellement, on peut se poser la question, mais sur le terrain, ce sont les responsables du maintien de l’ordre qui prendront la décision. Ce qui ne sera pas, on s’en doute, à l’avantage des manifestants. Toutefois, devant le juge, il pourrait bien en être autrement. Et ce texte, volontairement évasif, pris pour faciliter le travail des forces de sécurité, jouerait alors en faveur du justiciable.

Police et faits divers : 2011, une année chaude

En France, 2011 aura été l’année la plus chaude depuis le début du XX° siècle. Avant, on ne comptait pas. Sans parler d’un record, je crois qu’elle se situe également en bonne place en matière de faits divers.

L’année démarre mal. Le 7 janvier, alors qu’ils dînent dans un restaurant, deux Français sont enlevés à Niamey, la capitale du Niger. Les ravisseurs sont pris en chasse par les forces de sécurité nigériennes et les militaires français. Lorsqu’ils franchissent la frontière malienne, les commandos français reçoivent l’ordre d’intervenir. Les deux otages sont tués. Nicolas Sarkozy fait part de sa profonde tristesse après « l’assassinat de nos deux compatriotes ». Une information judiciaire est ouverte et confiée à un juge antiterroriste. Quatre policiers sont envoyés sur place. Il semble bien que l’un des otages ait été exécuté par ses ravisseurs lors de l’assaut aérien et que le second ait été brûlé vif lors de l’explosion du véhicule dans lequel il se trouvait. On ne négocie pas avec Aqmi (Al-Qaida au Maghreb islamique) aurait dit un représentant du Quai d’Orsay à Annabelle Delory, la sœur de l’une des victimes, comme pour s’excuser. Plus tard, même si comme tout le monde elle s’est réjouie de la libération de Stéphane Taponier et de Hervé Ghesquière, otages en Afghanistan, elle s’est quand même dit que « la vie de deux journalistes valait plus chère que celle de deux péquenots que personne ne connaît ».

Pendant ce temps, en Tunisie, la révolution non-violente se poursuit. En France, on n’a rien vu venir. À tel point que le 12 janvier, le ministre des Affaires étrangères, Mme Alliot-Marie, propose devant l’Assemblée nationale de transmettre à la police tunisienne le savoir-faire français « pour régler les situations sécuritaires ». Deux jours plus tard, après 23 ans au pouvoir, le président Ben Ali quitte son pays, une main devant une main derrière. Quant à Mme Alliot-Marie, elle sera remerciée un mois plus tard.

Ce mardi 18 janvier, vers 22 heures, Laëtitia Perrais, une jeune fille de 18 ans, sort de l’hôtel-restaurant où elle travaille, à La Bernerie-en-Retz, en Loire-Atlantique : on ne l’a jamais revue. Le lendemain matin, son scooter accidenté est retrouvé à proximité de son domicile. Très vite, la thèse de l’enlèvement est privilégiée, d’autant que son petit ami aurait reçu plusieurs SMS inquiétants durant la nuit. Dont un, indiquant qu’elle a été violée (ce que l’autopsie n’a pas confirmé). Sa tête et ses membres seront retrouvés le 1er février, et le reste de son corps plusieurs semaines plus tard. Entre temps, un suspect est arrêté. Il s’agit de Thierry Meilhon, un homme d’une trentaine d’années déjà condamné pour viol et dont les antécédents sont enregistrés au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS). En visite sur le futur porte-hélicoptères de la Marine nationale, Nicolas Sarkozy déclare : « Un tel drame ne peut rester sans suite… ». Il lance l’idée d’une énième nouvelle loi sur la récidive avant de se raviser et de demander la création d’une mission parlementaire. Puis, il dénonce des « dysfonctionnements graves » dans la chaîne judiciaire, ce qui soulève un vent de fronde parmi les magistrats. Du jamais vu. Quant au père d’accueil de la victime, Gilles Patron, il affiche sa tristesse et son indignation devant les médias – ce qui lui vaut d’être reçu à l’Élysée le 31 janvier. Six mois plus tard il est mis en examen pour agressions sexuelles et viols sur Jessica, la sœur jumelle de Laëtitia. Tony Meilhon, lui, reconnaît avoir percuté le scooter de la jeune fille, mais dit ne se souvenir de rien d’autre. Il était sous l’emprise de l’alcool et de la drogue. En prison, il a tenté par deux fois de mettre fin à ses jours. Il est aujourd’hui détenu en hôpital psychiatrique.

En février, Brice Hortefeux quitte Beauvau et laisse sa place au conseiller de l’Élysée, Claude Guéant. Pour la presse, c’est un virage à droite toute. En tout cas, avec lui, on ne rigole pas tous les jours rue des Saussaies. On comprend que sa feuille de route concerne l’immigration. La tasse de thé de Marine Le Pen. Mais comme les priorités évoluent vite, aujourd’hui, ce qui préoccupe le plus les Français, ce ne sont ni les étrangers ni l’insécurité, mais le chômage. Et la star du jour serait plutôt Xavier Bertrand avec son appel à mieux répartir le travail pour éviter les licenciements… Le prochain slogan des Présidentielles sera-t-il « travailler moins et gagner moins » ?

Et, pendant que Renault s’embourbe dans une rocambolesque histoire d’espionnage, nos députés se penchent sur le sort des malades mentaux. Tout a démarré par le meurtre d’un étudiant, à Grenoble, commis par un schizophrène en cavale. Comme à son habitude, notre Président a mis les pieds dans le plat, estimant que « tous les malades mentaux sont potentiellement dangereux, potentiellement criminels ».  Et de fil en aiguille, on en arrive à s’intéresser au sort des 70 000 personnes qui font l’objet d’un internement sans leur consentement, en instituant une procédure simplifiée. Une nouvelle loi que de nombreux professionnels de la santé appellent « la garde à vue psychiatrique ». Mais le Conseil constitutionnel renâcle : au-delà de 15 jours, une personne ne peut être privée de sa liberté sans l’aval du JLD (juge des libertés et de la détention). D’où, aujourd’hui, un sacré casse-tête dans les hôpitaux psychiatriques car les choses sont encore plus compliquées qu’avant.

Bernard Madeleine, lui, n’a jamais simulé la folie. C’était un truand, un voyou, mais il assumait. « Monsieur Madeleine », comme on l’appelait, est mort en ce mois de mars. Il a fait frétiller les menottes de pas mal de flics de ma génération. Je crois au fond qu’il s’est bien amusé. Autant que nous. José Giovanni s’est d’ailleurs inspiré du personnage pour écrire Le deuxième souffle. Le mois suivant, c’est un autre truand qui fait parler de lui : Henry Botey, le premier proxénète de France. Mais il n’est pas mort, le bougre ! À 77 ans, il repasse par la case prison. Il risque de prendre dix ans pour avoir fait travailler « au bouchon » les hôtesses de deux bars de Pigalle.

Le 17 mars, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 1973 qui autorise les frappes aériennes pour protéger le peuple des forces de Kadhafi. La France est fer de lance dans cette équipée. En souvenir du bon temps où le président lybien plantait sa tente dans les jardins de l’Hôtel de Marigny…

Dessin de Grémi

En avril, la Cour de cassation prend tout le monde de court en décidant que les nouvelles dispositions sur la garde à vue s’appliquent immédiatement, alors que la loi n’envisageait la chose que pour le 1er juin. La garde à vue new age débarque donc dans les commissariats et les gendarmeries. Plus de liberté pour les uns, plus de paperasses pour les autres. Pourtant, malgré les craintes affichées par plusieurs syndicats de police, les choses se passent plutôt bien. Même les avocats le reconnaissent.

Le 13 avril, des voisins inquiets de ne plus voir la famille Ligonnès avisent la gendarmerie. Huit jours plus tard, les enquêteurs découvrent un charnier sous la terrasse de la maison : les corps d’Agnès Dupont de Ligonnès et de ses quatre enfants recouverts de chaux vive. Ils ont fait l’objet d’une exécution méthodique, chacun ayant reçu au moins deux balles dans la tête. C’est le début de l’affaire de « la tuerie de Nantes ». Un mandat de recherche est lancé contre Xavier Dupont de Ligonnès. À ce jour, il est toujours introuvable. L’éventualité d’un suicide n’est pas à écarter, mais il n’est pas facile de se donner la mort et de faire disparaître son propre corps… D’après Le Parisien, les policiers rechercheraient l’un de ses amours de jeunesse. Une certaine Claudia qui vivrait à Hanovre, en Allemagne. Pour l’instant, cette affaire criminelle reste incompréhensible.

Le 24 avril, au petit matin, le corps de la comédienne Marie-France Pisier est retrouvé dans la piscine de sa propriété, dans le Var. Quoique le procureur ait exclu l’hypothèse d’un crime, les résultats de l’autopsie ne permettent pas de  déterminer avec certitude les causes de la mort. On n’en sait donc pas plus.

L’actu va vite. Le 28, un peu avant midi, une explosion détruit en partie le café Argana, sur la grande place de Marrakech. Le bilan est lourd : 17 morts, dont 8 Français et 3 Suisses, et 20 blessés. Les policiers marocains interpellent rapidement (trop rapidement disent certains) des suspects qui seraient proches du Jihad et affiliés à l’organisation Al-Qaida. Jugés en octobre, ils sont reconnus coupables d’atteinte grave à l’ordre public, d’assassinats – des actes liés à leur appartenance à un groupe religieux interdit. Tous ont nié les faits. Et, d’après ce que l’on en sait, les preuves ne sont pas légion. L’un des hommes, considéré comme le chef, est condamné à mort ; son second à une peine à perpétuité. Les sept autres comparses écopent de peines d’emprisonnement de 2 à 4 ans – des peines jugées trop douces pour les proches des victimes. Pour ces sept-là, le parquet fait appel.

Le 14 mai, c’est le début de l’affaire DSK. Les psys et les spécialistes de tout crin sautent d’un écran télé à l’autre. On va tout connaître d’une maladie habituellement tue, l’addiction sexuelle. Dans la foulée, Tristane Banon décide de porter plainte contre DSK pour une tentative de viol perpétrée il y a près de dix ans. Plainte qui sera classée le 13 octobre 2011. Et Luc Ferry, le philosophe cathodique, se distingue en refaisant surgir une rumeur qui avait couru lors de la précédente campagne présidentielle sur les agapes plus ou moins pédophiles d’un personnage en vue. C’est ainsi, tous les cinq ans, la classe politique pète les plombs.

Le 20 juin, Yvan Colonna est condamné une troisième fois pour l’assassinat du préfet Érignac. Il prend perpette simple. C’est la première fois qu’un jury (en l’occurrence de magistrats) d’une cour d’assises motive son verdict. Anticipant l’application d’une loi qui doit prendre effet au 1er janvier 2012.

Pendant ce temps, tel le personnage de Cervantes, le commandant de police Philippe Pichon se bat contre la justice et l’administration. Il a eu le tort de dénoncer les dysfonctionnements du fichier de police le plus important, le STIC, qui comprendrait actuellement des informations sur environ 6.5 millions de « mis en cause » et 38 millions de victimes. D’après un récent rapport parlementaire, 45 % des fichiers pourraient même être considérés comme hors la loi. Mais la sécurité des consultations devrait s’accroître avec l’arrivée de la nouvelle carte de police qui sera équipée de deux puces RFID et d’une piste magnétique. Quant à Philippe Pichon, il a perdu son combat devant le tribunal administratif.

Au mois d’août, le député socialiste Jean-Jacques Urvoas sort un livre qui ressemble à un programme : 11 propositions chocs pour rétablir la sécurité. Mais il ne doit pas être dans les petits papiers de François Hollande, car celui-ci préfère s’attacher les conseils de François Rebsamen, le maire de Dijon, qui a été le chef du cabinet de Pierre Joxe au ministère de l’Intérieur. Sans doute une personnalité plus classique. Dommage, j’aimais bien certaines de ses idées…

Le 7 août, Charles Bauer, qui fut un temps le complice de Jacques Mesrine, décède d’une crise cardiaque à son domicile, à Montargis, dans le Loiret. Âgé de 68 ans, il aura passé près du tiers de sa vie derrière les barreaux.

En septembre, de mauvaises langues parlent d’un cabinet noir à l’Élysée. Et Nicolas Hulot doit se dire qu’il aurait mieux fait de ne pas en rêver. Eva Joly fait un carton, du moins parmi les écolos, car dans les sondages, pour l’instant, le compte n’y est pas. Elle se maintient en ballotage autour des 5 % d’intentions de vote, le chiffre magique qui fait bondir à 8 millions d’euros la participation de l’État aux frais de campagne. Quant à Nicolas Hulot, il vient de perdre son job à TF1. Mais cela n’a sans doute rien à voir.

À la fin septembre, coup de tonnerre dans la police avec l’arrestation du commissaire Michel Neyret, le sous-directeur de la PJ de Lyon. Des fuites savamment distillées font monter la pression. Sa femme tiendrait une maison close, il aurait plusieurs comptes en Suisse, il aurait été infiltré dans la police par un réseau de narcotrafiquants, à moins qu’il ne soit le chef du gang des escrocs à la taxe carbone… Une fraude à la TVA estimée à cinq milliards d’euros. Certains journaux comme Libération, et même Le Monde, balancent des informations parfois hypothétiques. On a l’impression qu’ils se font manœuvrer, mais par qui… Et pourquoi ? On connaîtra bien un jour le fond de l’histoire. En attendant, il est difficile de lui souhaiter une bonne année, ni surtout une bonne « Santé », puisqu’il passera les fêtes en prison. Lors de sa première audition par le juge d’instruction, il y a quelques jours, le magistrat a sorti du placard des écoutes téléphoniques qui n’étaient pas dans le dossier. Du coup, les avocats, qui voulaient requérir sa libération, ont dû demander un report.

En octobre, à Lille, c’est une affaire de proxénétisme qui secoue la ville. Et de nouveau, des policiers et d’anciens policiers seraient impliqués. Cette fois, on ne fricote pas avec le Milieu, mais plutôt avec le gratin du monde des affaires et de la politique. Et l’image des francs-maçons en prend un coup. Puis le nom de Dominique Strauss-Kahn jaillit du chapeau. Comme un pare-feu pour les autres. Il apparaîtrait depuis des mois sur les écoutes téléphoniques. Ce qui fait dire à certains, que, de toute manière, sa candidature aux Présidentielles avait du plomb dans l’aile.

En novembre, c’est un lycéen de 17 ans qui reconnaît avoir violé et tué Agnès, une jeune fille de 14 ans. Ensuite, il aurait brûlé son corps. Un acte prémédité, semble-t-il. Mais, comme il était déjà mis en examen pour un viol commis antérieurement, et malgré la réserve des parents de la victime, un début de polémique pointe son nez. Bouche cousue du côté de l’Élysée. Mais quelques jours plus tard, Michel Mercier, le silencieux garde des Sceaux, déclare avoir reçu des instructions du Premier ministre. Désormais, tout mineur suspecté d’un crime sexuel particulièrement grave devra être placé en centre éducatif fermé jusqu’à la date de son jugement.

Le 6 décembre, la Cour de cassation renvoie le procureur Philippe Courroye dans ses buts : Il a bien enfreint la loi en violant le secret des sources des journalistes. C’est l’épilogue (tout provisoire) de la guerre des fadettes entre lui et le journal Le Monde.

Pendant ce temps, à Marseille, la violence semble quotidienne. Les règlements de comptes entre dealers deviennent monnaie courante et les flics ont du mal à gérer la situation. En fait, depuis le début de l’année, la seule chose qui a vraiment changé, c’est le préfet de police. Gilles Leclair a été remercié pour avoir dit tout haut ce qui se dit tout bas. En deux mots, avec les moyens dont dispose la police, impossible de faire des miracles. « Je ne suis pas le Sauveur », a-t-il déclaré devant la presse. Évidemment, la place est déjà prise.

Allez, malgré tout… Une bonne année à tous.

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