LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Police (Page 6 of 34)

L’affaire Empain par le trou de la serrure, acte II : Flingage sur l’autoroute du soleil

Le PDG d’un groupe industriel qui pèse 22 milliards de francs a vraisemblablement un agenda chargé. Mais le 23 janvier 1978, à 10 h 30, tout s’arrête pour Édouard-Jean Empain. Ce qui était important ne l’est plus, lorsqu’il se retrouve couché au fond de sa propre voiture, une cagoule sur la tête. À ce moment-là, il est persuadé qu’il part pour son dernier voyage. Il en reviendra, mais il ne s’en relèvera pas.

Il est conduit dans une maison en ruines, du moins sous sa cagoule l’imagine-t-il, sans eau, sans électricité. En guise de bienvenue, on lui dit : On va vous couper un doigt. Et en fait, il a tellement cru que sa dernière heure était arrivée, que ces mots pourtant terribles le rassurent. « Tout ce qui n’est pas pire est mieux que le pire », se plaît-il à dire. Il est placé sous une tente, des chaînes aux poignets, aux chevilles et au cou, comme les bagnards, dans les livres de notre jeunesse.

Il va rester là un mois, sans aucune hygiène, avec des repas de misère et l’obligation d’enfiler sa cagoule dès que quelqu’un approche. « Si tu nous vois, t’es mort ! »

Cette cagoule, il la portera jusqu’au dernier moment, lors de sa libération. Ce soir-là, 63 jours plus tard, ses ravisseurs le déposent sur un coin de trottoir. « T’es libre ! » Il n’y croit pas. Pourtant, il entend la voiture s’éloigner. Non sans crainte, il soulève sa cagoule : « Je me dis, on va entendre boum, boum ! Et c’est fini. » Rien. C’est la première chose interdite qu’il ose faire depuis deux mois (Faites entrer l’accusé, 2005).

Mais revenons en arrière…

Un bout de doigt

Dès le lendemain de son kidnapping, un bref coup de fil parvient au siège de l’entreprise : « Les instructions sont dans la consigne 595 de la gare de Lyon. » C’est Jean-Jacques Bierry, l’ami le plus proche d’Empain, qui se rend sur place. Il est accompagné d’un policier, tandis que d’autres surveillent les alentours. Les ravisseurs exigent une rançon extravagante : 80 millions de francs. Leur revendication est accompagnée d’un petit flacon contenant la phalange d’un doigt. Le policier, se fiant à son expérience, se veut rassurant : « Vous savez, ils ont sans doute coupé le doigt d’un cadavre pour vous impressionner. Il n’y a aucune raison que ce soit lui. » Mais il ne convainc pas son interlocuteur : « J’ai vu tout de suite que c’était lui, il se rongeait les ongles », dira-t-il plus tard, en privé.

Pour les enquêteurs de la brigade criminelle, c’est la première fois qu’un otage est mutilé avant même le début des négociations.

Cette rapidité des ravisseurs à se manifester et cette preuve incontestable, coupent l’herbe sous les pieds des farfelus qui tentent de prendre l’affaire à leur compte, comme les Noyaux armés pour l’autonomie populaire (NAPAP), qui, sinon, auraient pu être crédibles, surtout après l’enlèvement et l’assassinat de Hanns Martin Schleyer, le patron des patrons, l’année précédente, en Allemagne.

Les flics sont dans le vent

Les enquêteurs se trouvent dans cette situation étrange où, malgré la demande de rançon, ils ne parviennent pas à dresser un profil des ravisseurs – et certains d’entre eux, dubitatifs, doutent même de l’authenticité de ce kidnapping hors norme. Continue reading

Benalla, l’homme qui se croyait sorti de la cuisse de Jupiter

Le pouvoir, ça se prend. Ce doit être la devise d’Alexandre Benalla. Il a su, non sans maestria, profiter de la faiblesse de ce nouveau monde que l’on nous promet, celui qui veut nous coconner pour mieux faire de nous des moutons.

La police est un bon exemple de cette régression des valeurs humaines et les policiers qui se battent pour conserver l’audace du métier sont hélas ! de moins en moins nombreux.

Les flics sont sortis du roman.

Ce qui fait mal aux tripes, entre autres, dans cette affaire, c’est que si Benalla avait été un vrai policier, tout le monde aurait trouvé « normal » qu’il tape sur des manifestants non violents. D’ailleurs, personne ne relève le fait que le jeune homme, une fois à terre, ait été rudement molesté par les CRS, comme on peut le voir sur une vidéo diffusée par Mediapart. Tout ça en agissant sous les ordres d’un pékin qu’ils ne connaissaient probablement pas, mais qui a su se glisser dans la peau du chef.

On perd nos repères.

Et la police aussi, depuis que le pouvoir en a fait un instrument politique. Mais les poulets vont y laisser des plumes, car nos dirigeants restent défiants vis-à-vis de la « grande maison ». Dans une interview accordée au Monde daté de ce jour, le secrétaire général du syndicat indépendant des commissaires de police (SICP), le commissaire Jean-Paul Megret, ne dit pas autre chose : « Il y a quelques mois, on nous a prévenus que le Groupe de sécurité du président de la République (GSPR) allait quitter le giron de la police nationale pour devenir une entité à part, sous l’autorité unique de l’Élysée, et qu’il pourrait recruter en dehors de la police et de la gendarmerie. Cette logique est dangereuse. »

C’est le moins. Ça sent la barbouze ! Continue reading

De Empain à Pétronin : le business des enlèvements

Après 63 jours de séquestration dans des conditions inhumaines, au lendemain de la libération du baron Empain, la presse est dithyrambique sur l’efficacité de la police judiciaire parisienne. C’est le triomphe du commissaire Pierre Ottavioli, le patron de la brigade criminelle, qui a mené cette enquête de main de maître avec le concours de la BRI des commissaires Marcel Leclerc et Robert Broussard.

Tout a été dit sur cette affaire : le 23 janvier 1978, Édouard-Jean Empain, âgé de 40 ans, PDG du groupe industriel Empain-Schneider, quitte son domicile de l’avenue Foch, à Paris, vers 10 h 30. Son chauffeur l’attend pour le conduire à son bureau situé rue d’Anjou. C’est alors qu’une estafette coince la 604 Peugeot. Cinq individus masqués et armés surgissent et les neutralisent tous les deux. L’homme d’affaires est bâillonné, enchaîné et jeté dans la Peugeot qui démarre avec les ravisseurs, abandonnant le chauffeur ligoté dans la fourgonnette.

Le lendemain, Jean-Jacques Bierry, le principal collaborateur du baron, récupère dans la consigne d’une gare la troisième phalange de l’un de ses doigts et un mot d’Empain lui-même, indiquant le montant de la rançon : 80 millions de francs, soit plus de 40 millions d’euros, si du moins j’en crois un convertisseur qui tient compte de l’érosion monétaire.

C’est la première erreur des ravisseurs  Continue reading

Le mort est-il un justiciable comme les autres ?

Des policiers, une minorité, mais qui ont accès aux médias, réclament une sorte de blanc-seing pénal qui s’appliquerait automatiquement aux forces de sécurité lorsque l’un de leurs membres enlève une vie dans l’exercice de ses fonctions. Cette revendication n’est pas nouvelle, mais lorsqu’elle émane d’un syndicat, elle est pure démagogie.

Comment en effet imaginer qu’un homme puisse être abattu sans qu’il y ait une enquête, ne serait-ce que pour démontrer que les violences mortelles étaient légitimes et nécessaires !

Si cette enquête est indispensable, une autre paraît beaucoup moins évidente : l’enquête contre le mort.

Or, c’est quasi systématique, lorsqu’un homme est tué au cours d’une opération de police, parallèlement à l’enquête de l’Inspection générale, le parquet ordonne une seconde enquête dirigée contre la personne décédée.

Les exemples foisonnent :

  • – Dans un article récent (le policier devrait passer devant la cour d’assises dans les mois qui viennent), Mediapart, a rappelé une affaire vieille de dix ans dans laquelle un brigadier-chef de la BAC de POITIERS a tué d’une balle dans le ventre Olivier Massonnaud, un homme de 38 ans. Immédiatement après les faits, le procureur ouvre une enquête pour les violences que le mort aurait exercées contre les agents de la force publique.
  • – Le 3 décembre 2015, Babacar Guèye, un jeune homme de 27 ans, armé d’un couteau, mais visiblement en état de démence, est abattu par la BAC de RENNES. Parallèlement à l’enquête de l’IGPN, la PJ est chargée d’une enquête sur le mort pour tentative de meurtre sur les policiers qui l’ont tué.
  • – Le 7 janvier 2016, dans le VAL-D’OISE, un ancien militaire de 32 ans, Mehdi FARGHDANI, est abattu de six balles de 9 mm, alors que dans un état second, coincé dans un studio, il menaçait 6 policiers de la BAC de CERGY, avec un couteau de cuisine vraisemblablement sans lame : la PJ est saisie pour tentative de meurtre sur des fonctionnaires de police.

Et bien d’autres encore. Donc, dans ces conditions, la mort d’un homme entraîne deux enquêtes : Continue reading

PSQ : une police « déconcentrée »

Le discours du président Macron devant « les forces de sécurité intérieure de notre pays » est un modèle du genre. La seule fausse note, a priori volontaire, tient à une petite phrase dans laquelle il assène aux gendarmes et aux militaires qu’ils ne sont pas concernés par la directive européenne sur le temps de travail.

Il faut dire que cette directive de 2003, adoptée à l’initiative de la France, impose des temps de repos inhabituels dans les services actifs. Pour la gendarmerie, qui l’applique partiellement depuis un an, cela constituerait une perte d’activité d’environ 6 %, soit l’équivalent de 6 000 gendarmes-temps.

Inutile de dire que la déclaration présidentielle a créé un certain tohu-bohu. Richard Lizurey, le directeur général de la gendarmerie, a tenté d’éteindre l’incendie : « Nous ne reviendrons pas en arrière », a-t-il déclaré à l’Essor. Tandis qu’à l’opposé, le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Jean-Pierre Bosser, se réjouissait à l’idée de ne pas mettre en œuvre cette directive qui aurait mis « sous forte contrainte les armées au plan des effectifs ».

Quant au ministre de l’Intérieur, il a déclaré à l’AFP que la réforme du temps de travail mise en place en septembre 2017 dans la police ne serait pas remise en cause.

Ça couac de partout !

Comme quoi d’un bon discours on ne retient souvent qu’une petite phrase !

Il faut dire que notre président doit avoir du mal à accepter que se volatilisent dans le farniente les dix mille postes supplémentaires qu’il a prévus pour lancer son projet d’une « police de sécurité au quotidien ». Continue reading

Police, douane, gendarmerie… la drogue les rend fous

Les tribulations des agents en charge de la lutte contre les narcotrafiquants ne cessent de nous étonner. Vu de l’extérieur, on a l’impression qu’ils se livrent à une course au trésor dans laquelle les coups de Jarnac sont comme des pratiques rituelles. Mais il semble bien que la récente mise en examen de l’ancien patron de l’office des stups, François Thierry, va apporter un coup de projecteur sur les méthodes utilisées, tant par les enquêteurs que par la justice, et peut-être même un coup d’arrêt.

Sans remonter à la création de l’OCRTIS (office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants), le plus ancien office après celui de la fausse monnaie (OCRFM), les turpitudes actuelles qui font l’actualité démarrent bien loin de chez nous, en Républicaine dominicaine, lors de cette fameuse nuit du 19 au 20 mars 2013, au moment où un avion privé appartenant à la SA Alain Afflelou, le Falcon F-GXMC, est stoppé in extremis sur le tarmac de l’aéroport de Punta Cana.

Dans le même temps, en France, gendarmes et douaniers du Var peaufinent un plan d’intervention. Des mois de surveillance pour ce moment tant attendu : l’arrestation en flag d’une équipe de la « french cocaïne ». Dans quelques heures, lorsque le Falcon va atterrir sur la piste de l’Aéroport international du Golfe de Saint-Tropez, tout sera plié. Continue reading

Affaire Grégory : une mère de famille devant le tribunal pour enfants

Finalement, Murielle Bolle est sortie de prison. Les arguments de Jean-Jacques Bosc, le procureur général de Dijon, qui avait demandé son maintien en détention « pour les nécessités de l’enquête et l’efficacité des actes à venir », n’ont pas été convaincants.

Cette requête était assez incompréhensible dans la mesure où les contraintes du contrôle judiciaire sont justement faites pour éviter ce genre de situations. Trop souvent, la justice ferme les yeux sur l’article 137 du code de procédure pénale qui rappelle que si une personne mise en examen et présumée innocente peut être mise en détention, ce n’est qu’à titre exceptionnel. La pratique montre qu’on est loin du compte. Mais dans le cas présent, il est quand même difficile de penser que les suspects vont détruire des preuves d’une affaire passée au tamis depuis plus de trente ans, ou qu’elles vont soudain se rendre coupables d’une « concertation frauduleuse », comme il est dit à l’article 147 du code de procédure pénale.

On a l’impression que les mesures d’isolement imposées aux trois personnes actuellement mises en examen sont plutôt destinées à les éloigner de la curiosité des médias.  Chat échaudé…

Il faut bien reconnaître que l’on voit rarement autant de précautions pour préserver le secret de l’instruction… Mais si l’on veut se faire une idée de la tournure prise par l’enquête, il faut comparer la qualification retenue par la justice. On est passé de l’assassinat (meurtre avec préméditation) à enlèvement suivi de mort. Une infraction tout aussi grave puisque la victime est un enfant : réclusion criminelle à perpétuité.

Quelques années plus tôt, avant 1981, c’était l’article 355 du code pénal qui aurait été applicable. Il se terminait ainsi : « L’enlèvement emportera la peine de mort s’il a été suivi de la mort du mineur. » Continue reading

Dans l’affaire Grégory, avec le temps le piège des faux souvenirs

Si l’enquête sur l’assassinat de Grégory Villemin s’arrêtait aujourd’hui, elle serait prescrite en 2037. Et tout nouvel acte durant ce délai, même émanant de la partie civile, c’est-à-dire de la famille de la petite victime, ferait courir un nouveau délai de prescription d’une durée de vingt ans.

C’est ce qu’il ressort de la nouvelle loi sur la prescription pénale du 27 février 2017. Auparavant, le délai de prescription en matière criminelle était de dix ans, mais dans les faits, cela ne change pas grand-chose, car certains dossiers semblent ne jamais se prescrire, comme la mort du ministre Robert Boulin (1979) ou l’attentat antisémite de la rue des Rosiers (1982).

Mais l’affaire Grégory est d’une autre dimension. Je le dis avec respect pour la famille, mais pour les gendarmes comme pour les magistrats, c’est devenu un challenge. C’est plus avec un esprit de revanche que de justice, comme le dit le juge Lambert dans sa lettre posthume, que ceux qui ont failli il y a trente ans, ou plutôt leurs successeurs, ont rouvert le dossier.

On nous a dit alors qu’un mystérieux logiciel avait analysé des milliers de procès-verbaux Continue reading

Polar au Bastion

Le déménagement est en cours. Peu à peu, les services de la PJ parisienne vont rejoindre les locaux tout neufs du quartier des Batignolles. Tous grades confondus, bien des policiers y vont à reculons, même si les patrons doivent faire bonne figure. À terme, ce sont plus de 1500 fonctionnaires qui vont se retrouver sur ce site. Il s’agit, d’après l’administration, de maintenir une proximité entre les services de police judiciaire et ceux de la justice – du moins lorsque le futur tribunal de grande instance sera terminé. L’année prochaine. Si tout va bien. Cette raison avancée paraît un peu paradoxale, alors que les moyens de communication actuels permettent mieux que jamais de compenser l’éloignement et que le télétravail commence à gagner certaines administrations, même l’Intérieur…

Il faut surtout y voir, me semble-t-il, une volonté de concentration qui va au-delà d’un simple souci d’efficacité… Et pourtant, on ne peut pas dire que le transfert à Nanterre des services actifs de la DCPJ, tout comme le blockhaus de la DGSI, à Levallois, soient des réussites !

Mais la police, plus que jamais, est devenue une police d’État, qui s’éloigne de la population, et chacun sait que la préfecture de police de Paris, est un État dans l’État. Il est où le temps où certains élus socialistes (pas de nom, on ne tire pas sur une ambulance) voulaient mettre à bas la citadelle !

La PJ parisienne va-t-elle retrouver son âme après ce déménagement ? Peut-être, dans quelques années, ou plutôt quelques décennies. Continue reading

Police de proximité : l’arlésienne ?

Pour colmater la cassure entre la population et sa police, mise en exergue par l’affaire Théo, certains semblent redécouvrir la police de proximité. On nous a déjà fait le coup. Après sa suppression en 2003 par Nicolas Sarkozy (« La police n’est pas là pour organiser des tournois sportifs… »), elle renaît de ses cendres sous des noms divers au moins par trois fois. La dernière en 2011, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant justifiant alors l’apparition des « patrouilleurs » par le besoin de « créer un climat, une ambiance de sécurité ».

Cette méconnaissance du principe même de la police de proximité est tout simplement affligeante.

Car faire de la « polprox » ne consiste pas à mettre sur le trottoir des gardiens en baguenaude, c’est au contraire une véritable révolution, on pourrait presque dire une philosophie, qui s’inscrit dans un précepte simple : la police n’est pas là pour servir l’État, mais pour assurer la sécurité des citoyens.

C’est un concept relativement nouveau qui est apparu à la fin des années 1980 aux États-Unis et en Angleterre sous l’expression « community policing ». Continue reading

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