LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Police (Page 14 of 34)

Les hackers sont-ils des terroristes ?

Il y a quelques jours, Anonymous piratait le site d’un syndicat de police. L’action des « cyber-activistes » se serait traduite par la publication pendant quelques heures des coordonnées personnelles de 541 policiers.

Publier des informations permettant d’identifier quelqu’un dans l’intention de lui nuire est un délit, mais il n’est pas sûr que le texte soit bien adapté. L’année dernière, pour des événements sensiblement similaires, le ministre de l’Intérieur avait préféré déposer plainte pour diffamation publique. En revanche, le fait de s’introduire dans « tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données » entraîne une kyrielle de sanctions prévues dans les articles 323-1 et suivants du code pénal. Et la volonté d’entraver le fonctionnement d’un système informatique, par exemple en le saturant, est considéré comme un déni de service (5 ans de prison).

Tout cela ne fait pas des Anonymous de dangereux terroristes. Sauf, évidemment, si les autorités du pays estimaient que par leur action, ils portent atteinte aux « intérêts fondamentaux de la Nation ». Dans ce cas, peut-être, l’article 411-9 pourrait s’appliquer (15 ans de détention criminelle)…

Mais alors, pourquoi la DCRI est-elle chargée de ce type d’enquête ? C’est tout simplement que cette direction de la police nationale a hérité des services techniques de la DST. Qui, il n’y a pas si longtemps, étaient chargés entre autres de la « police des communications radioélectriques » (PCR). Et même – un peu plus avant – de la surveillance des pigeons voyageurs. Si, si ! Il y avait un groupe « colombophilie » composé, il est vrai, d’un seul enquêteur. L’ami Raymond. Les anciens de la PCR (comme moi) se souviennent des « nuits gonio » passées dans l’ancien centre d’écoutes de « la Grenouillère », à Noisy-le-Grand ; ou de la chasse aux fanas de la « citizen band », les gentils rebelles des années 60. Bon, d’accord, ce sont les mêmes poulagas qui ont tenté de « bidouiller » les locaux du Canard Enchaîné… Personne n’est parfait.

Heureusement, ces « techniciens » d’aujourd’hui ne semblent pas plus méchants que ceux des décennies précédentes. Du moins si l’on se rapporte au récit que fait Pierrick Goujon de son arrestation, à OWNI, ou sur une page personnelle : « Je ne crache pas sur des mecs qui font leur métier, ceux à qui j’ai eu affaire étaient vraiment sympas (…) Merci pour ce que vous avez fait pour moi. Et de m’avoir laissé fumer 20 clopes en 60 heures, je sais que beaucoup ne l’auraient pas fait. »

C’est vrai qu’ils sont plutôt sympas, à la DCRI. Ils auraient pu verbaliser pour « tabagisme dans un lieu à usage collectif »…

 « Nous traversons le présent les yeux bandés… », dit Soph’, dans un commentaire du billet précédent, citant Milan Kundera.

Il y a 25 ans, le 9 juillet 1986, une bombe explosait dans les locaux de la brigade de répression du banditisme (BRB) de Paris : un mort, l’inspecteur divisionnaire Basdevant, et vingt blessés. L’attentat était revendiqué par un groupuscule inconnu qui aurait voulu venger un jeune homme tué par les CRS. Toutefois, à l’époque, l’enquête s’est plutôt orientée vers l’artificier de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) – aujourd’hui en règle avec la société. Jacques Chirac, alors tout nouveau Premier ministre de François Mitterrand, s’était déplacé Quai de Gesvres : « La police est de nouveau en deuil, une fois encore, etc. ». Bon, sur le petit film de l’Ina, on voit bien qu’il a d’autres soucis en tête que la mort d’un poulet. « Notre nouvelle frontière, ce doit être l’emploi », avait-il déclaré quelques semaines plus tôt, lors de son discours de politique générale prononcé devant l’Assemblée nationale. La même volonté farouche de lutter contre le chômage que dimanche dernier, sur le petit écran…

Tout ça pour dire qu’il n’est pas mauvais de se tourner vers son passé et de vivre le présent avec discernement.

 

L’image écornée des procureurs

Dans l’affaire des fadettes du Monde, le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, a beau batailler, il n’en a pas moins été mis en examen, comme n’importe quel pékin, comme n’importe quel flic. Et l’on ne peut pas dire que ses collègues se démènent pour prendre sa défense. Il faut reconnaître que ses arguments manquent plutôt de crédibilité et surtout de panache, notamment lorsqu’il charge les policiers, dont, de par la loi, il est le patron.

Voilà une affaire qui ne va pas redorer le blason des procureurs. Déjà qu’ils n’ont pas le moral…

Ainsi, le mois dernier, lors de leur conférence nationale, ils avaient clairement manifesté leur amertume. Ils supportent de plus en plus difficilement d’être considérés comme de simples fonctionnaires, aux ordres du pouvoir exécutif. Ils réclament en priorité un statut qui ne remette pas en cause leur qualité de magistrat.

Ce n’est pas à l’ordre du jour.

Ainsi, le garde des Sceaux a mis un an avant de répondre à un député qui s’inquiétait de savoir si la réforme de la procédure pénale était d’actualité, notamment « la réforme du statut du parquet, pour qu’il soit réellement indépendant de l’exécutif » – et si le gouvernement entendait supprimer les instructions aux procureurs et modifier leur mode de nomination. Réponse embrouillée pour défendre le statut actuel du procureur, et claire pour le reste : « Il n’est pas envisagé par le gouvernement de supprimer les instructions individuelles, ni de modifier le mode de nomination des magistrats du parquet. »

Dont acte.

Les procureurs dénoncent aussi dans ce… manifeste la profusion des textes qui entraîne une sorte d’insécurité juridique, et enfin, comme beaucoup d’autres, ils rouscaillent sur le manque de moyens et de personnels. Pénurie qui amène les tribunaux à faire appel aux citoyens « délégués du procureur ». Des assistants occasionnels (dans le privé on dirait des intérimaires) habilités à prendre certaines mesures en matière répressive, et rétribués au coup par coup. Pour la petite histoire, il semble d’ailleurs que leurs rémunérations (prises sur les frais de justice) ne supportent aucune charge sociale et ne fassent l’objet d’aucune déclaration fiscale. Ce qui est en contradiction avec la loi.

Mais pourquoi ce malaise chez les procureurs ?

Les replâtrages successifs du Code de procédure pénale y sont pour beaucoup et notamment la place prépondérante prise aujourd’hui par l’enquête préliminaire. Il y a quelques années, on n’aurait jamais lu dans la presse, « le procureur a ouvert une enquête préliminaire ». Celle-ci était le plus souvent laissée à l’initiative du policier. C’était même l’apanage de l’agent de police judiciaire. En effet, nul besoin d’être OPJ car – sauf garde à vue – il n’était pas possible d’utiliser des moyens coercitifs. Je me souviens d’une époque où il était impensable d’obtenir l’identification d’un numéro de téléphone qui ne se trouvait pas dans l’annuaire sans la commission rogatoire d’un juge. Ou de ces heures passées à faire le pied de grue devant une porte en attendant le précieux document qui nous autoriserait à forcer la serrure. Les choses ont bien changé. Depuis 1993, au fil des ans, le législateur a multiplié les hypothèses de contrainte, donnant de plus en plus d’importance à l’enquête préliminaire. Au point que les pouvoirs du procureur se rapprochent aujourd’hui de ceux du juge d’instruction. Mais il est évident qu’il ne peut suivre chaque dossier comme le fait un magistrat instructeur. Il y en a trop. 96% des enquêtes. Il doit donc déléguer largement aux policiers et aux gendarmes. Et l’on voit bien les limites de cette délégation dans l’affaire des fadettes du Monde. Les responsables de l’IGS, sentant la patate, ont demandé au procureur Courroye un ordre écrit. Ce qui, a contrario, signifie que d’ordinaire, cela n’existe pas. Pour bien faire le distinguo, le juge, lorsqu’il charge un OPJ d’une mission précise, en mentionne tous les détails dans sa commission rogatoire. Il engage sa responsabilité. Ici, on arrive à cette situation, où, pour se couvrir, le commissaire Daniel Jacquème, le chef adjoint de l’IGS, fait état dans un procès-verbal, d’instructions téléphoniques lui demandant d’obtenir les textes des SMS échangés par les journalistes. Tout cela ne fait pas très sérieux.

Le procureur a une place prépondérante dans le suivi des enquêtes judiciaires. Il est aux deux bouts de la chaîne. Parfois, il peut même « négocier » une peine. Le bon sens voudrait donc que son statut évolue. C’est, je crois, l’un des engagements de François Hollande. Mais pas seulement. En novembre 2011, le député Jean-Pierre Grand et cinq de ses collègues ont déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à instaurer un « procureur général de la Nation ». Un chef des procureurs, en quelques sortes, qui serait nommé par le Conseil supérieur de la magistrature et qui ne serait pas révocable par le pouvoir politique. Une avancée sérieuse. D’autant que ce député a été élu sous l’étiquette UMP. Depuis, il faut dire qu’il a été suspendu pour avoir tenu des propos qui contredisaient le président de la République. Ce trublion faisait aussi partie du noyau de parlementaires qui a déposé un amendement à la Loi de Finances pour baisser leur salaire. Amendement rejeté. Depuis, il reverse 10 % de son indemnité au centre d’action sociale de sa commune. Cela vaut bien un petit coup de chapeau.

Bilan : les juges d’instruction condamnés un temps à disparaître sont toujours là. Et de plus en plus de voix s’élèvent pour demander l’indépendance des procureurs. Mais cela n’ira pas tout seul. Des magistrats indépendants, c’est « politiquement » ingérable.

IGS : éclairage sur le rapport de synthèse

La police des polices a-t-elle réellement truqué une procédure judiciaire sur un trafic supposé de titres de séjour, afin de nuire à des fonctionnaires jugés trop à gauche ? Et, si oui, les enquêteurs ont-ils agi sciemment, sur ordre, en se laissant aller à la prévarication ? À lire les articles du Monde, la réponse ne fait guère de doute. Et pourtant, sur le plan juridique, elle n’est pas si claire…

Une grande partie de la contre-enquête est basée sur le rapport de synthèse d’un chef de groupe à l’IGS. Il comporterait des allégations mensongères. Ce commandant de police, aujourd’hui à la retraite, aurait été mis en examen pour faux en écriture publique – infraction criminelle punissable ici de quinze ans de réclusion. Il se défend comme un beau diable, affirmant qu’il ne l’a ni rédigé ni signé. Faisant du même coup porter la suspicion de faux sur ses chefs.

Pataquès à l’IGS. Et, c’est de bonne guerre, les policiers qui ont eu affaire aux Bœufs-carottes, se frottent les mains. Chacun son tour, doivent-ils se dire !

Toutefois, cette enquête pose une interrogation : un rapport de synthèse peut-il être considéré comme une écriture publique ?

Pour Me David Lepidi, qui représente les fonctionnaires faussement accusés, il n’y a pas de doute. Se référant à un arrêt de 2003 de la Cour de cassation, il estime qu’ « un procès-verbal de police constitue une écriture publique, quel que soit son objet ». Pourtant, en 2009, le procureur de Paris, M. Marin, avait refusé d’ouvrir une enquête préliminaire en affirmant qu’un tel document n’ayant aucune valeur probante, il ne peut donc être assimilé à un procès-verbal.

On a l’impression qu’ils ne parlent pas le même langage. Alors, pour y voir clair, il suffit de lire le résumé de la position de la Cour de cassation :

Bulletin criminel 2003 n° 201

Bon, d’accord, on n’y comprend rien. Allez, je me risque à faire une… synthèse :
Dans cette affaire, dont l’origine remonte à 1998, le plaignant contestait, plusieurs années après les faits, un procès-verbal établi par le commissaire de police du 13° arrondissement de Paris, dont le caractère mensonger avait été à l’origine de son placement d’office dans un hôpital psychiatrique. Or, le juge avait refusé de recevoir sa plainte en arguant de la prescription du délit. Mais, pour l’avocat du plaignant, la prescription n’était pas acquise car le procès-verbal constituait un faux en écriture publique, donc une infraction criminelle prescriptible au bout de dix ans seulement. En 2002, la Cour d’appel de Paris confirmait toutefois la décision du juge d’instruction : il n’y avait pas de faux en écriture publique. Mais la Cour de cassation a pris l’exact contre-pied. Elle se fiche de savoir s’il s’agit d’un procès-verbal ou pas. L’objectif du commissaire était d’obtenir la confirmation par le préfet d’une décision de placement d’office. Il agissait donc dans le cadre d’une mission de police administrative en fonction d’une loi qui, à l’époque, donnait (à Paris) au commissaire de police les mêmes pouvoirs que ceux du maire. Donc, en tant que « dépositaire de l’autorité publique », s’il a menti pour faire interner un pauvre bougre, il s’est rendu coupable d’un crime (je ne connais pas la fin de l’histoire).

Alors, qu’en est-il dans l’affaire qui vise l’IGS ? Pour tenter de répondre, il faut comprendre ce qu’est un rapport de synthèse, souvent d’ailleurs appelé « rapport d’ensemble ».

On peut d’abord dire ce qu’il n’est pas : un procès-verbal.

Là, le procureur a raison. Inutile de chercher dans le Code de procédure pénale, ce n’est pas une obligation imposée par le législateur et il ne correspond à aucun acte juridique. C’est en fait un document de travail, un résumé de l’enquête et des éléments recueillis. Il n’est pas inhabituel que l’OPJ fasse état de pistes ou d’hypothèses qui n’ont pas abouti, et qu’il donne, in fine, son avis personnel. Mais surtout, il met en exergue les points essentiels de la procédure (épaisse parfois de plusieurs centimètres) en donnant la référence des procès-verbaux qui s’y rapportent. Certains sont de véritables romans policiers.

L’objectif est donc de dresser un tableau de l’affaire pour que le magistrat puisse en saisir les grandes lignes. Mais il lui appartient – évidemment – de vérifier chaque élément en se reportant aux P-V correspondants. Ainsi que le précise l’art. 81 du CPP : « Le juge d’instruction doit vérifier les éléments d’information ainsi recueillis. ». Ce n’est qu’ensuite, lorsque le juge lui aura donné une cote, que ce document fera partie intégrante du dossier judiciaire. Et rien n’empêche le magistrat instructeur d’interroger l’enquêteur pour lui demander des explications.

La meilleure preuve que ce rapport n’est pas un P-V, c’est qu’il est ordinairement rédigé à l’attention du chef de service. « J’ai l’honneur de vous rendre compte de l’enquête effectuée, conformément à vos instructions et en exécution de la commission rogatoire de M…, juge d’instruction à…, etc. » Et ledit chef de service appose son grigri pour faire suivre. En police judiciaire, par exemple, lorsque plusieurs groupes travaillent sur la même affaire, il est souvent rédigé au nom du patron.

Alors, ce document peut-il être considéré comme une « écriture publique » ?

Franchement, je ne le crois pas. Car ce n’est pas non plus un écrit qui entraîne une décision d’ordre public. Il ne vaut que simple information. Et aucune mesure – en principe – ne devrait être prise à sa simple lecture. Mais comme il existe une certaine ambiguïté, il est bien que la justice suive son cours. Gageons que l’affaire remontera en appel et peut-être en cassation. Et nous aurons une réponse claire sur la valeur juridique du rapport de synthèse.

Et si la justice devait confirmer le crime de faux en écriture publique, il appartiendrait aux écoles de police de revoir leur copie, soit en invitant leurs élèves à se limiter à la transmission de la procédure sans aucun résumé de l’affaire, soit en changeant la forme et l’esprit dudit rapport.

En attendant, si cette magouille de l’IGS était confirmée, on ne peut imaginer un instant que l’affaire s’arrête là. Il faudra bien s’interroger sur l’existence d’une institution qui traite à la fois les affaires disciplinaires et les affaires pénales. Même si l’enquête en cours se termine par un flop.

 

La mafia du Québec trahie par BlackBerry

Des bandits de haut vol ont été arrêtés grâce à l’interception de messages envoyés sur le système BlackBerry Messenger, pourtant réputé inviolable. Et, malgré la pression des avocats, les enquêteurs refusent de dévoiler la technique utilisée.

Ces truands ne sont pas n’importe qui. Ils sont soupçonnés d’avoir liquidé, le 24 novembre 2011, Salvatore Montagna, alias Sal le Ferronnier, chouchou désigné pour devenir le successeur du parrain Nicolo Rizzuto, assassiné l’an dernier. Il aurait reçu une balle et se serait jeté dans la rivière Charlemagne, sur l’Île de Vaudry, pour tenter d’échapper à son meurtrier. En tout cas, c’est là que son corps a été retrouvé. Montagna a longtemps dirigé le clan new-yorkais de la famille Bonanno, l’une des cinq familles de la Cosa Nostra, avant d’être expulsé des États-Unis, en 2009.

Le principal suspect, Raynald Desjardins, 57 ans, avait lui-même fait l’objet d’une tentative de meurtre deux mois auparavant. Sa voiture de sport a été criblée de balles près du pont d’une autoroute. Il s’agit de l’ancien bras droit du parrain de la mafia italienne à Montréal, Vito Rizzuto, le fils du précédent, qui purge une longue peine de prison aux États-Unis pour avoir liquidé trois membres du clan Bonanno. Cette famille mafieuse a tenu un rôle prépondérant dans la French Connection, puis, plus tard, dans la Pizza Connection. Desjardins est l’un des rares Québécois de souche à avoir été admis par le milieu italien. Mais il est vrai qu’il a passé son enfance en Sicile. Il a été condamné à quinze ans de prison, en 1993, pour avoir importé au Canada 740 kilos de cocaïne. On dit que les barreaux, pour lui, étaient plutôt dorés : bibliothèque, ordinateur, petits plats… Il aurait même restauré à ses frais une ancienne piste de jogging dans la cour du pénitencier. Il est aujourd’hui considéré, au Québec, comme l’un des personnages les plus influents du crime organisé. Mais c’est aussi un homme d’affaires actif, notamment dans le bâtiment.

C’est à partir de cette agression manquée sur Raynald Desjardins que les enquêteurs, persuadés que l’affaire aurait des suites, lui ont collé aux basques. Il semble même que la sûreté du Québec et ceux de la GRC (gendarmerie royale du Canada) aient pour l’occasion uni leurs efforts.

Au mois d’octobre 2011, c’est-à-dire quelques semaines après la fusillade à proximité de l’autoroute, un autre membre du clan, Lorenzo Lopresti, était assassiné alors qu’il prenait l’air sur son balcon. Et en décembre, un de plus. C’est le tour d’Antonio Pietrantonio, gravement blessé par balle, en pleine rue, à Montréal. On pourrait comme ça remonter sans arrêt en arrière et compter les cadavres. En fait, le Québec vit ces derniers mois au fil des règlements de comptes. Sans doute la suite d’une guerre des gangs sans fin qui a commencé il y a des dizaines d’années.

Coupure du journal La Presse Canada

C’est dans ce contexte que les avocats de Desjardins et de ses comparses sont montés au créneau pour demander des comptes à la police : Comment les écoutes sur lesquelles est basée une partie de la procédure, ont-elles été effectuées ? Comme la justice traîne les pieds pour répondre, plusieurs hypothèses circulent : soit la société Research in Motion (RIM), dont le siège se trouve à Waterloo, en Ontario, a répondu à une réquisition judiciaire ; soit les enquêteurs de la sûreté du Québec avaient placé un mouchard dans l’appareil de l’un ou plusieurs des suspects. Par exemple dans celui de Desjardins, alors qu’ils l’avaient sous la main, après son agression. Soit, et c’est la devinette qui circule sur le Net, les policiers ont réussi à percer le secret de la messagerie cryptée qui fait la renommée de l’entreprise canadienne. Dans une région où 46 % des utilisateurs de smartphones utilisent un BlackBerry, cela, évidemment, intéresse beaucoup de monde. Et pas uniquement les mafiosi.

Pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec ce type de téléphone, il faut rappeler qu’en plus des SMS, il est possible avec un BlackBerry d’envoyer des messages instantanés aux autres utilisateurs de BlackBerry. Et que ces messages sont cryptés. Et, si j’ai bien compris, ne laissent aucune trace ni chez l’opérateur téléphonique ni sur Internet. Ils seraient uniquement conservés au siège de RIM. Mais sans être décodés. Si cette confidentialité a fait une partie du succès de la marque, elle a déjà, de par le monde, posé pas mal de problèmes à l’entreprise. Généralement, les États n’acceptent pas que les communications privées soient chiffrées. C’est le cas de la France*. Ou alors, il faut fournir la clé de déchiffrement aux autorités. Ce que BlackBerry se refuse à faire.

Du coup, au Québec, certains experts pensent que la GRC, dont la lutte contre le crime organisé est l’une des cinq priorités, aurait réussi à percer le secret des BlackBerry. Peut-être en recrutant l’un des 2000 salariés licenciés par la firme… En tout cas, il semble bien que pour cette affaire hors du commun, leurs services techniques aient redoublé d’imagination et utilisé un matériel d’espionnage dernier cri. Au point que lors des auditions, les policiers connaissaient tellement de choses sur la vie des truands, que ceux-ci ont cru avoir été victimes d’une balance.

Ils le croient peut-être encore. L’ambigüité des sources, c’est toujours  jubilatoire pour les policiers. Et finalement, un peu d’insécurité chez les voyous, ce n’est pas si mal.

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Demain, des syndicats dans la gendarmerie ?

Dans cette campagne présidentielle qui démarre au ras des pâquerettes, M. Hollande tente de nous faire rêver en nous parlant de justice sociale. Et, puisqu’en cas d’alternance le PS ne semble pas disposé à remettre en cause le rapprochement police-gendarmerie, il pourrait se pencher sur une injustice flagrante : la différence de droits sociaux entre des hommes et des femmes qui travaillent côte à côte. Une situation qui heurte autant les gendarmes que leurs collègues policiers. J’ajoute, pour être cynique comme un candidat, qu’il y a plusieurs dizaines de milliers de voix à récolter.

Le ministère de l’Intérieur est animé d’une vie syndicale intense. Et dans cette ruche, ce bouillonnement d’idées, d’opinions, de déclarations…, près de 100 000 personnes restent sur la touche. De simples spectateurs. En effet, de par leur statut, comme tous les militaires, les gendarmes jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens, mais l’exercice de certains d’entre eux est soit interdit, soit restreint par la loi (art. L.4121-1 du Code de la Défense). Ils n’ont entre autres ni la liberté syndicale ni la liberté d’association.

Le droit syndical des agents publics a été longtemps contesté. La crainte était surtout de les voir bénéficier du droit de grève. Aussi, lorsque la Constitution de 1946 a dissocié le droit syndical du droit de grève, les barrières sont tombées. Lentement. La difficulté, on l’a bien compris, était de trouver un juste équilibre entre la continuité du service public et la capacité légitime donnée à chacun de pouvoir défendre ses intérêts. Problème que l’on retrouve aujourd’hui dans les transports.

Pourtant, seuls certains agents de l’État sont visés par des restrictions au droit de grève :

Mais les préfets, les sous-préfets et les militaires sont les seuls à ne pas disposer du droit basique de se syndiquer. Le dialogue social n’est pas totalement absent de l’armée, mais il se présente sous une forme aseptisée. Une concertation interne qui ne déborde pas le cadre du corps. Un concept désuet qui ne colle plus à notre monde.

À tel point qu’en 2008, des officiers supérieurs en désaccord avec le Livre blanc de la défense ont dû se dissimuler sous le surnom de Surcouf pour publier une tribune dans Le Figaro. Il s’en est suivi une chasse aux sorcières et une décision à l’emporte-pièce : interdiction absolue de parler aux médias. Plus tard, pour avoir bravé l’interdit en épiloguant sur le rattachement de la gendarmerie à l’Intérieur, le commandant Jean-Hugues Matelly a servi d’exemple. Il a été radié et renvoyé à ses chères études – au CNRS. (Décision annulée en janvier 2011 par le Conseil d’État.) Malgré tout, sur Internet, les discussions ont repris de plus belle. Les forums et les blogs n’ont jamais connu autant de succès. Et les commentaires vont bon train. La démonstration évidente que les militaires ont besoin de communiquer, et, parmi ceux-ci, les gendarmes sont les plus demandeurs.

Finalement, sous la pression, les autorités lâchent du lest. En juillet 2010, les ministres de l’Intérieur et de la Défense signent un arrêté commun pour réorganiser en profondeur le dialogue social au sein de la gendarmerie. Création entre autres de gendarmes référents et d’un président du personnel militaire, élu pour quatre ans, qui a vocation à représenter toutes les catégories de personnels au sein de chaque compagnie ou escadron de gendarmerie.

Au niveau national, la concertation passe par le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), dont les membres portent l’insigne, et les sept Conseils de la fonction militaire (CFM). Celui qui représente la gendarmerie (CFMG) comprend 79 membres (source Wikipédia).

La gendarmerie prend un pas d’avance sur l’ensemble de la communauté militaire. C’est la locomotive. Le 25 mars 2011, le ministre de la Défense et des Anciens combattants ratifie un document (la circulaire 3727) qui définit la nature et le champ de concertation dans l’ensemble des forces armées. Et, sans doute pour éviter de parler de dialogue social, on lui attribue le joli nom de « Charte de la concertation ». « La concertation, lit-on dans son préambule, permet d’éclairer l’autorité dans sa prise de décision sur les sujets fondamentaux qui concernent la condition et le statut des militaires. Elle est nécessaire au bon fonctionnement des armées et des formations rattachées, notamment en favorisant l’adhésion du personnel à tous les échelons, contribuant ainsi à son moral et donc à l’efficacité opérationnelle des unités. »

Dans ces quelques lignes, le mot-clé est « moral ».

Maintenir le moral des troupes est l’une des premières préoccupations de l’État. Cela pourrait être aussi un bon sujet de réflexion pour les grosses têtes de la Place Beauvau…

Alors, les soldats vont-ils conquérir le droit de s’exprimer ? On peut (peut-être) se faire une idée en regardant dans la gamelle de nos voisins. La position de l’Italie est très proche de la nôtre. En Grande-Bretagne, comme souvent, rien n’est écrit. Tout est dans la tradition. Et si les militaires ne peuvent pas constituer de syndicats, dans certaines circonstances, ils peuvent adhérer à l’extérieur. En Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, ils ont le droit d’adhérer à des associations professionnelles.  Mais c’est surtout la situation de l’Espagne qui est intéressante. En effet, la garde civile est rattachée, comme la gendarmerie chez nous, au ministère de l’Intérieur. Or, en 2007, elle a obtenu le droit d’association. Il y en aurait treize dont quatre reconnues comme représentatives du personnel. Et un organisme paritaire de concertation a été institué.

Dans le remarquable rapport d’information parlementaire sur le dialogue social dans les armées (où j’ai puisé pour rédiger ce billet), qui date de décembre 2011, les députés Gilbert Le Bris et Étienne Mourrut racontent que pour l’un des responsables qu’ils ont sollicité, le vieil adage du briscard « la famille ne fait pas partie du sac à dos » est révolu depuis longtemps. Il me semble en effet que de nos jours, surtout dans une armée de plus en plus technique, être militaire est un métier comme un autre – du moins en temps de paix. Aussi faut-il ne pas prendre à la légère cet avertissement des députés : « Sans évolution du système de dialogue social dans les armées, le risque est sérieux que se produise une double rupture entre, d’une part, les militaires et leur hiérarchie et, d’autre part, entre l’armée et le reste de la population ».

Et ils font seize propositions en ce sens. Les deux dernières paraissent capitales : autoriser les militaires à adhérer à des associations de défense de leurs droits ; leur donner la possibilité de déposer des recours collectifs contre les actes de l’autorité dont ils dépendent. Pour ce dernier point, je crois qu’il ne faut pas rêver.

Police et faits divers : 2011, une année chaude

En France, 2011 aura été l’année la plus chaude depuis le début du XX° siècle. Avant, on ne comptait pas. Sans parler d’un record, je crois qu’elle se situe également en bonne place en matière de faits divers.

L’année démarre mal. Le 7 janvier, alors qu’ils dînent dans un restaurant, deux Français sont enlevés à Niamey, la capitale du Niger. Les ravisseurs sont pris en chasse par les forces de sécurité nigériennes et les militaires français. Lorsqu’ils franchissent la frontière malienne, les commandos français reçoivent l’ordre d’intervenir. Les deux otages sont tués. Nicolas Sarkozy fait part de sa profonde tristesse après « l’assassinat de nos deux compatriotes ». Une information judiciaire est ouverte et confiée à un juge antiterroriste. Quatre policiers sont envoyés sur place. Il semble bien que l’un des otages ait été exécuté par ses ravisseurs lors de l’assaut aérien et que le second ait été brûlé vif lors de l’explosion du véhicule dans lequel il se trouvait. On ne négocie pas avec Aqmi (Al-Qaida au Maghreb islamique) aurait dit un représentant du Quai d’Orsay à Annabelle Delory, la sœur de l’une des victimes, comme pour s’excuser. Plus tard, même si comme tout le monde elle s’est réjouie de la libération de Stéphane Taponier et de Hervé Ghesquière, otages en Afghanistan, elle s’est quand même dit que « la vie de deux journalistes valait plus chère que celle de deux péquenots que personne ne connaît ».

Pendant ce temps, en Tunisie, la révolution non-violente se poursuit. En France, on n’a rien vu venir. À tel point que le 12 janvier, le ministre des Affaires étrangères, Mme Alliot-Marie, propose devant l’Assemblée nationale de transmettre à la police tunisienne le savoir-faire français « pour régler les situations sécuritaires ». Deux jours plus tard, après 23 ans au pouvoir, le président Ben Ali quitte son pays, une main devant une main derrière. Quant à Mme Alliot-Marie, elle sera remerciée un mois plus tard.

Ce mardi 18 janvier, vers 22 heures, Laëtitia Perrais, une jeune fille de 18 ans, sort de l’hôtel-restaurant où elle travaille, à La Bernerie-en-Retz, en Loire-Atlantique : on ne l’a jamais revue. Le lendemain matin, son scooter accidenté est retrouvé à proximité de son domicile. Très vite, la thèse de l’enlèvement est privilégiée, d’autant que son petit ami aurait reçu plusieurs SMS inquiétants durant la nuit. Dont un, indiquant qu’elle a été violée (ce que l’autopsie n’a pas confirmé). Sa tête et ses membres seront retrouvés le 1er février, et le reste de son corps plusieurs semaines plus tard. Entre temps, un suspect est arrêté. Il s’agit de Thierry Meilhon, un homme d’une trentaine d’années déjà condamné pour viol et dont les antécédents sont enregistrés au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS). En visite sur le futur porte-hélicoptères de la Marine nationale, Nicolas Sarkozy déclare : « Un tel drame ne peut rester sans suite… ». Il lance l’idée d’une énième nouvelle loi sur la récidive avant de se raviser et de demander la création d’une mission parlementaire. Puis, il dénonce des « dysfonctionnements graves » dans la chaîne judiciaire, ce qui soulève un vent de fronde parmi les magistrats. Du jamais vu. Quant au père d’accueil de la victime, Gilles Patron, il affiche sa tristesse et son indignation devant les médias – ce qui lui vaut d’être reçu à l’Élysée le 31 janvier. Six mois plus tard il est mis en examen pour agressions sexuelles et viols sur Jessica, la sœur jumelle de Laëtitia. Tony Meilhon, lui, reconnaît avoir percuté le scooter de la jeune fille, mais dit ne se souvenir de rien d’autre. Il était sous l’emprise de l’alcool et de la drogue. En prison, il a tenté par deux fois de mettre fin à ses jours. Il est aujourd’hui détenu en hôpital psychiatrique.

En février, Brice Hortefeux quitte Beauvau et laisse sa place au conseiller de l’Élysée, Claude Guéant. Pour la presse, c’est un virage à droite toute. En tout cas, avec lui, on ne rigole pas tous les jours rue des Saussaies. On comprend que sa feuille de route concerne l’immigration. La tasse de thé de Marine Le Pen. Mais comme les priorités évoluent vite, aujourd’hui, ce qui préoccupe le plus les Français, ce ne sont ni les étrangers ni l’insécurité, mais le chômage. Et la star du jour serait plutôt Xavier Bertrand avec son appel à mieux répartir le travail pour éviter les licenciements… Le prochain slogan des Présidentielles sera-t-il « travailler moins et gagner moins » ?

Et, pendant que Renault s’embourbe dans une rocambolesque histoire d’espionnage, nos députés se penchent sur le sort des malades mentaux. Tout a démarré par le meurtre d’un étudiant, à Grenoble, commis par un schizophrène en cavale. Comme à son habitude, notre Président a mis les pieds dans le plat, estimant que « tous les malades mentaux sont potentiellement dangereux, potentiellement criminels ».  Et de fil en aiguille, on en arrive à s’intéresser au sort des 70 000 personnes qui font l’objet d’un internement sans leur consentement, en instituant une procédure simplifiée. Une nouvelle loi que de nombreux professionnels de la santé appellent « la garde à vue psychiatrique ». Mais le Conseil constitutionnel renâcle : au-delà de 15 jours, une personne ne peut être privée de sa liberté sans l’aval du JLD (juge des libertés et de la détention). D’où, aujourd’hui, un sacré casse-tête dans les hôpitaux psychiatriques car les choses sont encore plus compliquées qu’avant.

Bernard Madeleine, lui, n’a jamais simulé la folie. C’était un truand, un voyou, mais il assumait. « Monsieur Madeleine », comme on l’appelait, est mort en ce mois de mars. Il a fait frétiller les menottes de pas mal de flics de ma génération. Je crois au fond qu’il s’est bien amusé. Autant que nous. José Giovanni s’est d’ailleurs inspiré du personnage pour écrire Le deuxième souffle. Le mois suivant, c’est un autre truand qui fait parler de lui : Henry Botey, le premier proxénète de France. Mais il n’est pas mort, le bougre ! À 77 ans, il repasse par la case prison. Il risque de prendre dix ans pour avoir fait travailler « au bouchon » les hôtesses de deux bars de Pigalle.

Le 17 mars, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 1973 qui autorise les frappes aériennes pour protéger le peuple des forces de Kadhafi. La France est fer de lance dans cette équipée. En souvenir du bon temps où le président lybien plantait sa tente dans les jardins de l’Hôtel de Marigny…

Dessin de Grémi

En avril, la Cour de cassation prend tout le monde de court en décidant que les nouvelles dispositions sur la garde à vue s’appliquent immédiatement, alors que la loi n’envisageait la chose que pour le 1er juin. La garde à vue new age débarque donc dans les commissariats et les gendarmeries. Plus de liberté pour les uns, plus de paperasses pour les autres. Pourtant, malgré les craintes affichées par plusieurs syndicats de police, les choses se passent plutôt bien. Même les avocats le reconnaissent.

Le 13 avril, des voisins inquiets de ne plus voir la famille Ligonnès avisent la gendarmerie. Huit jours plus tard, les enquêteurs découvrent un charnier sous la terrasse de la maison : les corps d’Agnès Dupont de Ligonnès et de ses quatre enfants recouverts de chaux vive. Ils ont fait l’objet d’une exécution méthodique, chacun ayant reçu au moins deux balles dans la tête. C’est le début de l’affaire de « la tuerie de Nantes ». Un mandat de recherche est lancé contre Xavier Dupont de Ligonnès. À ce jour, il est toujours introuvable. L’éventualité d’un suicide n’est pas à écarter, mais il n’est pas facile de se donner la mort et de faire disparaître son propre corps… D’après Le Parisien, les policiers rechercheraient l’un de ses amours de jeunesse. Une certaine Claudia qui vivrait à Hanovre, en Allemagne. Pour l’instant, cette affaire criminelle reste incompréhensible.

Le 24 avril, au petit matin, le corps de la comédienne Marie-France Pisier est retrouvé dans la piscine de sa propriété, dans le Var. Quoique le procureur ait exclu l’hypothèse d’un crime, les résultats de l’autopsie ne permettent pas de  déterminer avec certitude les causes de la mort. On n’en sait donc pas plus.

L’actu va vite. Le 28, un peu avant midi, une explosion détruit en partie le café Argana, sur la grande place de Marrakech. Le bilan est lourd : 17 morts, dont 8 Français et 3 Suisses, et 20 blessés. Les policiers marocains interpellent rapidement (trop rapidement disent certains) des suspects qui seraient proches du Jihad et affiliés à l’organisation Al-Qaida. Jugés en octobre, ils sont reconnus coupables d’atteinte grave à l’ordre public, d’assassinats – des actes liés à leur appartenance à un groupe religieux interdit. Tous ont nié les faits. Et, d’après ce que l’on en sait, les preuves ne sont pas légion. L’un des hommes, considéré comme le chef, est condamné à mort ; son second à une peine à perpétuité. Les sept autres comparses écopent de peines d’emprisonnement de 2 à 4 ans – des peines jugées trop douces pour les proches des victimes. Pour ces sept-là, le parquet fait appel.

Le 14 mai, c’est le début de l’affaire DSK. Les psys et les spécialistes de tout crin sautent d’un écran télé à l’autre. On va tout connaître d’une maladie habituellement tue, l’addiction sexuelle. Dans la foulée, Tristane Banon décide de porter plainte contre DSK pour une tentative de viol perpétrée il y a près de dix ans. Plainte qui sera classée le 13 octobre 2011. Et Luc Ferry, le philosophe cathodique, se distingue en refaisant surgir une rumeur qui avait couru lors de la précédente campagne présidentielle sur les agapes plus ou moins pédophiles d’un personnage en vue. C’est ainsi, tous les cinq ans, la classe politique pète les plombs.

Le 20 juin, Yvan Colonna est condamné une troisième fois pour l’assassinat du préfet Érignac. Il prend perpette simple. C’est la première fois qu’un jury (en l’occurrence de magistrats) d’une cour d’assises motive son verdict. Anticipant l’application d’une loi qui doit prendre effet au 1er janvier 2012.

Pendant ce temps, tel le personnage de Cervantes, le commandant de police Philippe Pichon se bat contre la justice et l’administration. Il a eu le tort de dénoncer les dysfonctionnements du fichier de police le plus important, le STIC, qui comprendrait actuellement des informations sur environ 6.5 millions de « mis en cause » et 38 millions de victimes. D’après un récent rapport parlementaire, 45 % des fichiers pourraient même être considérés comme hors la loi. Mais la sécurité des consultations devrait s’accroître avec l’arrivée de la nouvelle carte de police qui sera équipée de deux puces RFID et d’une piste magnétique. Quant à Philippe Pichon, il a perdu son combat devant le tribunal administratif.

Au mois d’août, le député socialiste Jean-Jacques Urvoas sort un livre qui ressemble à un programme : 11 propositions chocs pour rétablir la sécurité. Mais il ne doit pas être dans les petits papiers de François Hollande, car celui-ci préfère s’attacher les conseils de François Rebsamen, le maire de Dijon, qui a été le chef du cabinet de Pierre Joxe au ministère de l’Intérieur. Sans doute une personnalité plus classique. Dommage, j’aimais bien certaines de ses idées…

Le 7 août, Charles Bauer, qui fut un temps le complice de Jacques Mesrine, décède d’une crise cardiaque à son domicile, à Montargis, dans le Loiret. Âgé de 68 ans, il aura passé près du tiers de sa vie derrière les barreaux.

En septembre, de mauvaises langues parlent d’un cabinet noir à l’Élysée. Et Nicolas Hulot doit se dire qu’il aurait mieux fait de ne pas en rêver. Eva Joly fait un carton, du moins parmi les écolos, car dans les sondages, pour l’instant, le compte n’y est pas. Elle se maintient en ballotage autour des 5 % d’intentions de vote, le chiffre magique qui fait bondir à 8 millions d’euros la participation de l’État aux frais de campagne. Quant à Nicolas Hulot, il vient de perdre son job à TF1. Mais cela n’a sans doute rien à voir.

À la fin septembre, coup de tonnerre dans la police avec l’arrestation du commissaire Michel Neyret, le sous-directeur de la PJ de Lyon. Des fuites savamment distillées font monter la pression. Sa femme tiendrait une maison close, il aurait plusieurs comptes en Suisse, il aurait été infiltré dans la police par un réseau de narcotrafiquants, à moins qu’il ne soit le chef du gang des escrocs à la taxe carbone… Une fraude à la TVA estimée à cinq milliards d’euros. Certains journaux comme Libération, et même Le Monde, balancent des informations parfois hypothétiques. On a l’impression qu’ils se font manœuvrer, mais par qui… Et pourquoi ? On connaîtra bien un jour le fond de l’histoire. En attendant, il est difficile de lui souhaiter une bonne année, ni surtout une bonne « Santé », puisqu’il passera les fêtes en prison. Lors de sa première audition par le juge d’instruction, il y a quelques jours, le magistrat a sorti du placard des écoutes téléphoniques qui n’étaient pas dans le dossier. Du coup, les avocats, qui voulaient requérir sa libération, ont dû demander un report.

En octobre, à Lille, c’est une affaire de proxénétisme qui secoue la ville. Et de nouveau, des policiers et d’anciens policiers seraient impliqués. Cette fois, on ne fricote pas avec le Milieu, mais plutôt avec le gratin du monde des affaires et de la politique. Et l’image des francs-maçons en prend un coup. Puis le nom de Dominique Strauss-Kahn jaillit du chapeau. Comme un pare-feu pour les autres. Il apparaîtrait depuis des mois sur les écoutes téléphoniques. Ce qui fait dire à certains, que, de toute manière, sa candidature aux Présidentielles avait du plomb dans l’aile.

En novembre, c’est un lycéen de 17 ans qui reconnaît avoir violé et tué Agnès, une jeune fille de 14 ans. Ensuite, il aurait brûlé son corps. Un acte prémédité, semble-t-il. Mais, comme il était déjà mis en examen pour un viol commis antérieurement, et malgré la réserve des parents de la victime, un début de polémique pointe son nez. Bouche cousue du côté de l’Élysée. Mais quelques jours plus tard, Michel Mercier, le silencieux garde des Sceaux, déclare avoir reçu des instructions du Premier ministre. Désormais, tout mineur suspecté d’un crime sexuel particulièrement grave devra être placé en centre éducatif fermé jusqu’à la date de son jugement.

Le 6 décembre, la Cour de cassation renvoie le procureur Philippe Courroye dans ses buts : Il a bien enfreint la loi en violant le secret des sources des journalistes. C’est l’épilogue (tout provisoire) de la guerre des fadettes entre lui et le journal Le Monde.

Pendant ce temps, à Marseille, la violence semble quotidienne. Les règlements de comptes entre dealers deviennent monnaie courante et les flics ont du mal à gérer la situation. En fait, depuis le début de l’année, la seule chose qui a vraiment changé, c’est le préfet de police. Gilles Leclair a été remercié pour avoir dit tout haut ce qui se dit tout bas. En deux mots, avec les moyens dont dispose la police, impossible de faire des miracles. « Je ne suis pas le Sauveur », a-t-il déclaré devant la presse. Évidemment, la place est déjà prise.

Allez, malgré tout… Une bonne année à tous.

Grève dans les aéroports : la police prise en otage…

Les Français sont pris en otages… Une expression entendue à chaque mouvement de grève et complaisamment relayée par les gens qui nous gouvernent. Comme si, à force de la répéter, on finissait par se persuader que tous nos malheurs viennent de ces salariés qui trouvent un plaisir sadique à nous embêter pour la moindre revendication.

Avec les policiers, au moins, pas de problème, puisqu’ils n’ont pas le droit de grève. Et voila-t-il pas qu’au premier débrayage sérieux dans le domaine de la sécurité, on menace de les utiliser à une tâche dont ils ont été déchargés au profit du secteur privé ! Or, désigner les policiers comme des briseurs de grève porte gravement atteinte à leur image – qui, d’après une étude récente, n’est déjà pas trop reluisante. Et si par malheur ils laissaient passer une arme ou un objet interdit, qui serait responsable ? L’aéroport, le ministre de l’Intérieur ou le policier lambda ?

Et puis, comment voulez-vous que trois ou quatre cents policiers et gendarmes assurent le remplacement de milliers d’agents de sûreté aux quatre coins de France ?

Dans cette grève, on a d’un côté des patrons qui refusent la négociation et de l’autre un gouvernement qui montre les crocs. Comme si on recherchait le clash. Alors, il faut s’interroger : pourquoi cette épreuve de force ? Juste pour nous assurer de bonnes vacances ?

À moins que…

Le 1er janvier 2012, les agents de la sûreté aéroportuaire comme tous les autres personnels de la sécurité privée seront contrôlés par un nouvel organisme placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur : le CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité). Une personne morale de droit public compétente pour tout ce qui n’est pas du ressort direct de l’Etat. Ce sont donc 5 000 sociétés et près de 200 000 salariés qui passeront sous sa coupe. Il s’agit pour l’administration de réguler les tâches qu’elle a déléguées au secteur privé. Tandis que, pour cause de RGPP, les policiers et les gendarmes sont appelés à se recentrer sur « leur cœur de métier ».

Donc, si cette grève a lieu maintenant, ce n’est pas seulement en raison du retentissement que lui donne l’approche des fêtes… À mon sens, elle traduit aussi l’inquiétude des salariés qui craignent dans un avenir proche de nouvelles contraintes. Peut-être même se disent-ils que c’est la dernière occasion de faire grève… Car pour le gouvernement, ce n’est pas le service minimum qui est sur la table, mais bien un service maximum.

Finalement, un jour, on se dira peut-être : la police, c’était pas si mal.

Les officiers de police s’estiment trop nombreux…

Cela peut sembler paradoxal au moment même où le ministère de l’Intérieur sort un bilan de la RGPP dont la mesure phare est le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. En fait, les anciens inspecteurs font référence à un protocole d’accord de 2004 lié à la réforme des corps et des carrières voulue par Nicolas Sarkozy. Il était prévu dans ce texte que le nombre des officiers soit ramené à 9 000 en 2012 : une déperdition de plus de 5 400 postes. Mais, parallèlement, le nombre de gradés et gardiens, et des fonctionnaires de soutien, devait augmenter d’environ 10 000. À ce jour, le compte n’y est pas.

Alors que, dans les commissariats, on commence à souffrir cruellement du manque d’effectifs, cette volonté de dégonfler le corps des officiers semble anachronique… Une apparente ambigüité car l’objectif était de revaloriser leur carrière. En haut de l’échelle, le nombre de commissaires devait être ramené à 1600. Aujourd’hui, les officiers les soupçonnent de faire du lobbying pour faire traîner les choses. C’est peut-être vrai, après tout chacun défend ses intérêts… Pourtant, le corps des commissaires est en constante perte de vitesse. La 62° promotion, celle qui sortira en 2012, compte 39 élèves dont la moitié a été recrutée par concours externe (Bac+5) et l’autre moitié par voie interne. Et cette année, seulement 28 candidats ont réussi le concours (interne et externe).

Il s’agissait donc, par cette réforme, d’aspirer par le haut l’ensemble des policiers. Mais, du coup, la base est dégarnie. Aussi la position du syndicat Alliance semble avoir l’oreille du ministre : intégrer dans la police les adjoints de sécurité (ADS). « Ils pourraient ainsi réaliser des tâches opérationnelles aujourd’hui déléguées aux gardiens et gradés, qui pourraient se recentrer sur leur cœur de métier ». Alors que pour l’instant, à l’issue de leur contrat (3 ans renouvelables une fois), ces jeunes gens doivent quitter la police au moment où ils commencent à connaître le métier.

Donc, sur le papier, les officiers de police ont obtenu ce qu’ils voulaient. On leur a promis de fermer la porte derrière eux en limitant le nombre de postes et en rehaussant le niveau d’entrée (Bac+3). En réalité, et à la suite d’un nouveau protocole signé en 2007, ils ont l’impression de s’être faits avoir. Devenus cadres, ils sont désormais corvéables à merci, et, comme les effectifs globaux et les moyens ne cessent de diminuer pour cause de RGPP, ils ont encore plus de boulot qu’avant.

Dans son rapport du 14 décembre 2011, le ministère de l’Intérieur rend d’ailleurs compte de la mise en place de la RGPP au sein de la « Grande maison ». Avec un thème fort : « Recentrer les forces de sécurité sur leur cœur de métier ». Et pour cela on écarte les missions annexes. Mais est-ce vraiment une source d’économie ou un simple effet d’annonce destiné à ces nouveaux dieux : les marchés ? Car si, par exemple, on transfère les gardes statiques au secteur privé, il faut quand même payer les gens qui les assument. Et le convoyage des détenus, quelle importance pour les caisses de l’État qu’il soit assuré par des policiers ou par des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire ?

Alors, est-ce qu’on nous berlure ? Je le crois bien. Car le problème n’est pas le nombre de fonctionnaires, mais le nombre de retraités. L’administration centrale compte en effet plus de pensionnés que d’agents en activité. Et, pour avoir une comptabilité saine, dès le recrutement d’un fonctionnaire, l’État devrait commencer à « économiser » l’argent nécessaire pour payer sa retraite.

Or, l’État ne cotise pas pour les retraites des fonctionnaires, elles sont financées par les impôts. Et comme il n’existe en principe aucun risque d’insolvabilité, il n’a pas besoin de se constituer une épargne de précaution. On parle quand même d’une dette annuelle et récurrente proche des 50 milliards d’euros… Ce qui fait dire aux analystes financiers que si l’État, comme une entreprise privée, devait provisionner dans ses comptes l’argent qu’il doit à ses anciens salariés, on ne se poserait pas la question de savoir si l’on va perdre un A ou non. La France serait en dépôt de bilan.

Le fusil à pompe dans la police : une longue histoire

À défaut de renforts, les policiers vont obtenir des fusils à pompe. Quelle que soit la tristesse de perdre l’un de leur collègue, plusieurs syndicats ont manifesté leurs réserves devant cette décision prise sous le coup de l’émotion. La ficelle est un peu grosse, mais le procédé n’est pas nouveau. Au début des  années 80, alors que les attentats terroristes se multipliaient en France et que plusieurs policiers avaient trouvé la mort, Gaston Defferre, alors ministre de l’Intérieur, s’était engagé dans la même direction. Ou du moins, avait-il décidé de lancer une table ronde, à laquelle j’avais participé, pour réfléchir à l’utilisation du fusil à pompe par les forces de l’ordre, voire pour remplacer le pistolet-mitrailleur, la fameuse MAT 49. Cela avait donné lieu à une étude et à des essais très poussés en présence de policiers de tous les grades et de représentants syndicaux.

À l’époque, plusieurs pays européens avaient déjà adopté cette arme, mais uniquement pour les unités spécialisées chargées de la lutte contre le grand banditisme et le terrorisme. En revanche, aux États-Unis, de nombreux services en étaient dotée : gardes statiques, patrouilles, interventions, ordre public… Le fusil de type Riot Gun (fusil anti-émeute) était considéré là-bas comme la « bonne à tout faire » de la police. Quand je pense qu’à l’origine il s’agissait d’un fusil de chasse adapté pour abattre les pigeons voyageurs qui portaient, durant les conflits, des messages au-delà des lignes ennemies…

Quels sont les avantages et les inconvénients du Riot Gun ?

C’est une arme voyante et impressionnante, surtout au bruit de la manœuvre d’armement. Elle entraîne un triple effet psychologique : rassurant pour celui qui la tient, dissuasif pour celui qui est en face, inquiétant pour le public. Mais faire croire à un policier qu’avec une telle arme il peut se confronter à un adversaire qui le braque avec un fusil d’assaut comme une Kalachnikov, c’est l’envoyer au casse-pipe. En revanche, à quelques dizaines de mètres, avec la munition appropriée, elle peut permettre d’immobiliser un véhicule. Et c’est bien l’avantage et l’inconvénient de cette arme : ses possibilités dépendent essentiellement du type de cartouches utilisées. Or, sauf dans le cas d’une intervention mûrement réfléchie, les policiers le plus souvent subissent l’événement. Pas question de fignoler.

Quelles cartouches pour le fusil à pompe* ?

La cartouche à plombs n°5, celle le plus souvent utilisée pour la chasse, contient entre 200 et 250 petits plombs. À 3 ou 4 mètres, ils sont encore groupés, ensuite, ils se dispersent. À 40 mètres, la gerbe est éparpillée sur un rayon de 1 mètre 20.
Pour la cartouche à chevrotine 9 grains, la dispersion est deux fois moindre, mais le risque de dégâts collatéraux est encore fort. En revanche, à dix mètres, c’est la mort quasi certaine pour celui qui subit l’impact, au mieux, si c’est un membre qui est touché, c’est l’amputation.

Quant aux cartouches à projectile unique, comme la Brenneke ou la Prevot, elles sont encore plus puissantes et possèdent un effet de choc et un pouvoir de pénétration très importants. Elles peuvent sans difficulté stopper une voiture. Lors des essais, une Prevot a quasiment traversé un muret de parpaings. En revanche, ce même projectile a ricoché sur un mur de béton, et des éclats du mur ont atteint le tireur situé pourtant à 40 mètres.
Sauf à créer une munition spéciale police, c’est pourtant ce type de cartouche qui pourrait équiper les BAC.

Il existe cependant des munitions moins létales dans lesquelles le plomb est remplacé par du caoutchouc. La cartouche à billes multiples ne présente guère d’intérêt, mais celle à bille unique rapproche le fusil à pompe du lanceur de balles, type Flash-Ball.

En fait, l’essai le plus intéressant a été celui de la cartouche à gaz lacrymogène. Capable de perforer la vitre d’un véhicule, son utilisation oblige le conducteur et les passagers à descendre. Sans bobo, si ce n’est les éclats de verre. Or, sortir des malfaiteurs de leur voiture est l’un des moments les plus dangereux lors d’une arrestation.

La majorité des représentants syndicaux se sont dits opposés à l’adoption du fusil à pompe comme arme de police. Parmi leurs remarques, il y avait celle-ci : « Il n’est pas humain d’autoriser l’usage contre les personnes de munitions interdites pour la chasse au gros gibier et susceptibles de causer des blessures particulièrement affreuses. »

C’était en 1982. Aujourd’hui, un syndicat proche du pouvoir le demande et, sans aucune concertation, la décision tombe. Autre époque, autres gens.

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* Les résultats doivent être modulés en fonction de la longueur du canon, voire de l’utilisation d’un choke (rétrécissement de la bouche du canon), mais, en l’état, ces tests des années 80 restent valables.

Les assassins face à la police scientifique

Pourquoi l’assassin a-t-il brûlé le corps de la jeune Agnès Marin, si ce n’est par crainte de laisser des traces ADN, ces microscopiques morceaux de nous-mêmes que l’on abandonne à chacun de nos mouvements… À Chambon-sur-Lignon, c’est donc sur des restes calcinés que les enquêteurs ont dû se pencher pour tenter de découvrir des indices. Comme en Ardèche, au mois de juin, lors de l’assassinat d’une lycéenne, Marie-Jeanne Meyer. Question : Les performances de la police scientifique peuvent-elles modifier le comportement des assassins ?

Dans plusieurs affaires criminelles, ces derniers mois, les meurtriers ont tenté de faire disparaître toutes traces de leur acte, soit en utilisant le feu, soit en découpant leur victime. Au mois de juin, à Pau, des morceaux de restes humains ont été découverts sur une rive du Gave : la cuisse du jeune Alexandre, 14 ans, disparu trois semaines plus tôt. Et l’on se souvient du meurtre de Laetitia Perrais, près de Pornic, pour lequel Thierry Meilhon est aujourd’hui emprisonné. Son corps a été démembré avant d’être jeté dans un étang. Des procédés qui étaient auparavant l’apanage des truands ou de certains tueurs au profil bien déterminé et qui semblent devenir monnaie courante.

Autrefois, les assassins s’acharnaient sur la dépouille de leur victime, soit pour faire disparaître le corps soit pour empêcher son identification. Il faut dire qu’alors, il était bien difficile d’identifier un cadavre, surtout calciné ou en état de décomposition. La plupart du temps, on devait se contenter de l’empreinte dentaire ou, parfois, de tenter de récupérer les empreintes digitales, en découpant la peau des doigts. Faire un « gant de peau », comme disaient les techniciens.

Mais aujourd’hui, les criminels ne connaissent pas trop les limites de la police scientifique et, dans le doute, la tentation est forte de faire disparaître le corps de leur victime. Dans un sens, ils ont raison d’avoir peur, car il bien rare que les techniciens ne trouvent pas un indice. Et même un corps carbonisé va livrer ses secrets, d’autant que, souvent, certaines zones sont partiellement épargnées du feu, celles qui sont protégées par plusieurs couches de vêtements, par exemple, ou celles qui sont près du sol. Et l’autopsie, du moins si elle est praticable, permettra malgré tout de voir les blessures et de déterminer la cause du décès.

Lorsque l’on parle police technique et scientifique (PTS), on pense bien sûr à l’ADN, qui a révolutionné les enquêtes criminelles, mais les spécialistes ont bien d’autres cordes à leur arc. Comme la morpho-analyse, c’est-à-dire l’étude des traces de sang « projetées ». Elles peuvent provenir d’une artère ou d’une deuxième blessure. Pour prendre un exemple, le premier coup de couteau provoque une hémorragie interne, mais au deuxième, lorsque l’assassin retire son couteau, le sang gicle. L’étude de ces projections permet parfois de reconstituer les circonstances d’un meurtre, la position des protagonistes, voire le type d’arme utilisée. C’est la spécialité de Dexter, dans la série télévisée qui porte son nom. Et même si on les a essuyées, il demeure des marques, invisibles à l’œil nu, qui peuvent être détectées à l’aide de produits chimiques qui les rendent luminescentes. Autre spécialité, l’entomologie, ou l’étude des insectes, ces petites bêtes nécrophages qui s’attaquent à un corps sans vie. Leur niveau d’évolution permet de dater la mort. La première ponte démarre au bout d’une heure. Sur une scène de crime, on peut également prélever des grains de pollen et des spores. Ce sont des marqueurs de l’environnement. Leur étude peut conduire les enquêteurs sur des suspects qui fréquentent un certain milieu, comme un champ de colza, un centre industriel, une manufacture, etc. Ou bien encore, si le corps a été déplacé, le pollen peut permettre de circonscrire la zone du crime.

En 2003, lorsque le promoteur Xavier Flactif, sa compagne et ses trois enfants disparaissent, on pense d’abord à une fuite pour des raisons financières. Toutefois, nous explique Jacques Pradel, dans un livre qui vient de sortir, Police scientifique : la révolution (Éd. Télémaque), discrètement, sept gendarmes, des TIC (technicien d’identification criminelle), passent leur maison au peigne fin. Trois jours de recherches minutieuses et 300 scellés. Le résultat ne fait aucun doute : une ou plusieurs personnes ont bien été tuées dans cette maison. Parmi les scellés, l’ADN des cinq membres de la famille, bien sûr, et un sixième non identifié. C’est celui d’un voisin, David Hotyat, un mécanicien au chômage, qui s’était fait remarquer en donnant une interview sur TF 1 (une réaction fréquente chez les criminels). Il a brûlé les corps. Au procès, il se rétractera, alléguant que ses aveux lui ont été extorqués. Et c’est sans doute la morpho-analyse qui parviendra à convaincre les jurés, lesquels boivent les paroles de l’expert de l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) en imaginant le cheminement du meurtrier grâce aux photos de projections de sang.

La police scientifique est enveloppée de mystères. On ne connaît pas bien ses possibilités. Peut-être un jour, la crainte des policiers ou des gendarmes en blouse blanche sera suffisamment forte pour mettre un frein à la criminalité, du moins lorsqu’elle est préméditée. L’effet dissuasif pourrait être plus important que ces lois démagogiques qui s’accumulent à chaque fois qu’une affaire aussi triste que la mort d’Agnès se présente. On peut l’espérer.

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