LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

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Police : 2012, l’année du blues

À l’approche des élections présidentielles, 2011 aura été surtout l’année des blablas. Mais pour la police, cornaquée depuis une dizaine d’années par Nicolas Sarkozy, 2012 est le temps de l’incertitude. Toutefois, en plaçant à Beauvau Manuel Valls, l’homme de droite de la gauche, François Hollande a su éviter les erreurs de François Mitterrand. Et finalement, il n’y aura pas eu de grands chambardements, pas de chasse aux sorcières, si ce n’est le départ de quelques proches de l’ancien Président. Même le tournicotage des préfets s’est fait quasi en douceur. Et si à ce jour les résultats ne sont pas au rendez-vous, la pression est retombée dans les commissariats.  « On a l’impression d’avoir moins de travail », m’a dit l’autre jour un officier de police.

Toutefois, 2012 restera une année noire pour la police car, en dehors des changements politiques, plusieurs affaires ont sérieusement terni son image : les prolongements de l’enquête sur le commissaire Neyret, la mise en cause de policiers dans l’histoire de proxénétisme du Carlton, le réseau ripoux de la BAC de Marseille, l’atteinte aux secrets des sources du Monde… Et surtout, le plus marquant : l’affaire Merah. Car aujourd’hui encore on ne sait pas s’il s’agit d’une réussite ou d’un échec. Et ces incertitudes ne peuvent que nuire à l’Institution.

Puisque chacun y va de sa petite rétrospective, voici la mienne. Elle est complètement subjective et n’engage que moi – comme disent les twittos.

Le 7 février, au petit matin, ce ne sont pas moins de 150 policiers qui procèdent à une descente dans le milieu corso-marseillais. Une trentaine d’individus suspectés d’appartenir au grand banditisme sont interpellés. Il s’agit pour les magistrats de la Jirs de Marseille (juridiction interrégionale spécialisée) d’une sorte d’opération coup de poing, histoire de faire bouger les choses et éventuellement de mettre à l’ombre, même pour des délits mineurs, des individus soupçonnés des pires méfaits. Finalement, huit seulement seront incarcérés, essentiellement pour extorsion de fonds, alors que la commission rogatoire vise l’assassinat d’un proche d’Ange-Toussaint Federici, estampillé ATF dans les annales de la PJ. Actuellement derrière les barreaux, mais considéré comme le chef de la bande des bergers de Venzolasca, le gang qui aurait remplacé celui de la Brise de mer.

Le lendemain, mais cela n’a évidemment rien à voir, l’ancien ministre Éric Woerth est mis en examen pour trafic d’influence et recel de financement illicite d’un parti politique dans l’affaire Bettencourt..

Le 23 mars, ce n’est pas le printemps pour l’ancien premier ministre Édouard Balladur, puisque le juge Renaud Van Ruymbeke découvre sur un compte suisse la trace d’un mouvement d’argent de dix millions de francs qui proviendraient de commissions occultes sur la vente des frégates à l’Arabie saoudite. Mais le fait passe quasi inaperçu : tous les yeux sont braqués sur Toulouse où Mohamed Merah vient d’être abattu par le RAID, après 32 heures de siège. Une tribune médiatique bien controversée à quelques semaines des élections présidentielles. À ce jour, une question reste en suspens : un meilleur fonctionnement des services de renseignements aurait-il pu empêcher la mort de ses sept victimes ?

Quelques jours plus tard, c’est au tour de Dominique Strauss-Kahn d’être mis en examen pour proxénétisme aggravé en bande organisée dans l’affaire du Carlton de Lille. L’enquête, démarrée un an auparavant, avait mis en lumière une filière de prostituées de luxe destinées à des clients friqués. Plusieurs policiers ont joué un rôle ambigu dans cette affaire et le commissaire divisionnaire Lagarde, une figure de la police dans le nord de la France, a été mis en examen.

Au mois d’avril, le cannabis fait son entrée dans la campagne présidentielle. L’ancien ministre de l’Intérieur Daniel Vaillant se prononce pour un vrai débat de société sur le sujet, mais le candidat Hollande ne renchérit pas. Pendant ce temps, la police s’invite dans la campagne présidentielle. À la suite de la mise en examen pour homicide volontaire d’un policier ayant abattu un malfaiteur d’une balle dans le dos, les réseaux Sarko organisent des manifestations pour réclamer la « présomption de légitime défense ». Une revendication soutenue par le chef de l’État qui fait partie du programme de Marine Le Pen. François Hollande se contente d’abord de plaider pour une « protection administrative » des policiers avant de s’embarbouiller dans des propos chèvre et chou (il y a quelques jours, les policiers ont été informés que dorénavant ils pourront prendre un assistant de leur choix, s’ils sont convoqués pour une audition administrative). En attendant, pour la première fois peut-être, des policiers en uniforme et en armes défilent sur les Champs-Élysées – avec la bénédiction tacite des plus hautes autorités. Alors que de tels agissements peuvent entraîner une révocation d’office. Mais ces manifestations à répétition montrent le malaise d’une police mise à mal par la politique du chiffre et du saute-dessus.

Le 15 mai, François Hollande prend ses fonctions à l’Élysée et choisit Jean-Marc Ayrault comme chef de son gouvernement. Manuel Valls devient ministre de l’Intérieur. François Rebsamen et Jean-Jacques Urvoas, les deux autres prétendants au poste, font le dos rond. Lors de sa campagne, le candidat avait claironné « Mon véritable adversaire (…) c’est le monde de la finance ».  On pouvait donc s’attendre à un séisme boursier, pourtant, les marchés financiers ne bronchent pas. Mieux, les taux d’emprunt demeurent historiquement au plus bas. Quelques mois plus tard, un crédit d’impôt de 20 milliards d’euros est offert aux entreprises. Le pouvoir divinatoire des marchands d’argent m’a toujours étonné.

Au mois de mai, la Cour d’appel de Paris valide l’intégralité de la procédure dans l’affaire Neyret, rejetant toutes les demandes des avocats. L’ancien commissaire est remis en liberté. Il sera révoqué de la police au cours du mois de septembre.

Le 12 juin, un vaste atelier de fausse monnaie est découvert en Seine-et-Marne. Ce sont 350 000 billets de 20 et 50 € qui auraient été fabriqués dans un petit village du nord du département.  Le 24, c’est un réseau de douaniers ripoux qui est démantelé à l’aéroport de Roissy. Il semble qu’ils subtilisaient, dans des bagages repérés à l’avance, l’argent de trafiquants de drogue.

En juillet, Valérie Trierweiler affirme que dorénavant elle tournera sept fois son pouce avant de twitter et, à l’approche des JO, Londres se transforme en une sorte de blockhaus. La plus grande opération de sécurité mise sur pied en temps de paix, d’après David Cameron. Mais aussi un échec pour la sécurité privée, puisque G4S, la plus grosse boîte dans ce domaine, n’a pas été en mesure d’honorer son contrat de 284 millions de livres sterling. Incapable notamment d’aligner les 10 420 agents prévus, ce qui a obligé le gouvernement à faire appel à l’armée.

Au mois d’août, François Hollande part en vacances et Marseille enregistre le 14e règlement de comptes de l’année.

En septembre, la police de Lyon est à nouveau sur la sellette avec la découverte d’un réseau de ripoux. Treize personnes sont interpellées, dont sept policiers. Et le 25, un magistrat est placé en garde à vue dans le cadre de l’affaire Neyret. Il est soupçonné d’avoir fourni des informations sur des procédures en cours.

Mais au début du mois, c’est le massacre de Chevaline qui fait la Une. Trois touristes et un cycliste sont assassinés. Et si de nombreux coups de feu ont été tirés, il semble que chacune des victimes ait reçu le coup de grâce. Pendant huit heures, la scène de crime est gelée. Les gendarmes enquêteurs ont interdiction de toucher le véhicule. Ce n’est qu’à l’arrivée des techniciens de la gendarmerie qu’une fillette est découverte recroquevillée sous le cadavre de sa mère. Ce qui pose question : jusqu’à quel point doit-on « geler » une scène de crime ? Si au début de cette affaire, le procureur d’Annecy a enchaîné les conférences de presse, avant qu’on lui demande un peu de retenue, aujourd’hui encore on n’en sait pas plus. Ni sur les raisons de ces meurtres ni sur le ou les auteurs.

En octobre, des policiers de la BAC du nord de Marseille sont soupçonnés d’avoir organisé un réseau quasi mafieux au sein de la police et notamment d’avoir extorqué de l’argent à des trafiquants de drogue. Le pire des rackets, celui qui se cache derrière la force publique. Une véritable gangrène pour le procureur.

Le 16 octobre, un avocat, Me Antoine Sollacaro, est assassiné dans une station-service d’Ajaccio et le corps d’un ancien nationaliste est découvert criblé de balles dans sa voiture, à une soixantaine de kilomètres de Bastia. Le lendemain, pour la première fois, un ministre de l’Intérieur utilise le mot mafia pour désigner le banditisme corse.

En novembre, Barack Obama est réélu, tandis qu’en Chine, Xi Jinping, alias le Prince rouge, est désigné comme secrétaire général du Parti. Il devra néanmoins attendre le mois de mars 2013 pour devenir le président de la République populaire.

Signée pour la France par Nicolas Sarkozy, et malgré les redondances de François Hollande, la règle d’or entrera en application le 1er janvier 2013. La Cour de Justice européenne pourra prononcer des amendes dans le cas où l’un des 27 État signataires ne respecterait pas ses engagements. Pas de quoi s’inquiéter. D’après un document publié vendredi par la Cour européenne, entre 2008 et 2011, les États de l’Union ont déjà versé 1 600 milliards d’euros d’aides aux banques. Alors, ça ne peut pas être pire.

Allez, flics (ou simples mortels), banquiers, voyous, ripoux, choux, genoux, hiboux, cailloux… Une bonne année à tous !

Plume de poulets

Les policiers aiment se raconter. Souvent, ils retracent leurs propres expériences et parfois celles des autres, mais assez peu se risquent à la fiction. Certains se sont néanmoins jetés dans le roman ou le scénario, parfois sous des pseudos. Avec plus ou moins de succès. Et je sais de quoi je parle.

On peut se dire que la vie d’un flic est pleine de la vie des autres – souvent dans ce qu’elle a de plus tragique. Mais cela ne suffit pas à justifier ce besoin d’aligner des mots. En fait, je crois qu’il y a une autre raison. Le policier fait partie d’une drôle d’espèce : il passe une partie de son temps à raconter par écrit ce qu’il a fait durant l’autre partie. Surtout en PJ, où chaque acte fait l’objet d’un procès-verbal : déplacements, constatations, perquisitions, arrestations, autopsies, etc.  Et à la finale, l’OPJ doit encore résumer l’ensemble de son enquête avant de la transmettre au magistrat compétent. Parfois une chronologie de plusieurs dizaines de pages. Certains de ces « rapports de synthèse » sont d’ailleurs de véritables petits bijoux.

Si la plupart attendent d’avoir quitté la Maison pour prendre la plume, Danielle Thiéry n’a pas su temporiser. Son premier livre date de 1995, alors qu’elle est détachée à Air France. En 1997, elle publie La petite-fille de Marie Gare, chez Robert Laffont, qui servira de bible à la série télévisée Quai n° 1. Série dans laquelle on découvre un autre flic, Olivier Marchal. Depuis, elle n’a jamais faibli. Aujourd’hui, Danielle Thiéry est la lauréate du Prix du Quai des Orfèvres pour son manuscrit Des clous dans le cœur, publié chez Fayard. Dans son récit, on suit pas à pas un groupe de la division des affaires criminelle de la PJ de Versailles (ce qui nous change du 36) qui se dépatouille d’une enquête sur la mort mystérieuse d’une star du show-biz, un rocker sur le retour. « Le corps est allongé face contre terre entre un canapé de style anglais et une table basse chargée de revues et de vaisselle sale… ». L’enquête va se télescoper avec un vieux dossier jamais refermé. Une affaire qui a profondément marqué le personnage central du roman, le commandant Maxime Revel, et qui lui reste plantée dans le cœur comme un clou.

Le prix du quai des Orfèvres est décerné chaque année par un jury composé de policiers, de magistrats et de journalistes. Ce ne sont pas toujours des chefs-d’œuvre, mais ce prix est le seul à ma connaissance à être attribué sur manuscrit. Il s’adresse donc aussi bien aux auteurs confirmés qu’à ceux qui n’ont pas réussi à forcer la porte d’un éditeur. En tout cas, cette année, c’est un bon cru. Très bizarrement, le plus prenant ce n’est pas l’histoire, mais le  réalisme de l’enquête, sa technicité, et aussi la nature des personnages. On les suit et on a un peu l’impression de faire partie du 19 (avenue de Paris) et de pénétrer avec eux dans ces anciennes écuries de Versailles, classées monument historique, où est installée la direction régionale de la PJ.

L’année dernière, le prix avait été attribué à un avocat, Pierre Borromée, pour son livre L’hermine était pourpre, toujours chez Fayard. Une sorte d’exclusivité pour cette maison d’édition, qui s’engage, en contrepartie à une diffusion de 50 000 exemplaires. Ce qui est quand même exceptionnel.

Jean-Pierre Pochon, lui, n’a pas cherché à décrocher un prix. D’ailleurs, son livre, Sonate pour un espion, chez Robert Laffont, n’est pas un polar, mais un roman d’espionnage. Enfin, quand je dis roman…

C’est l’histoire d’un agent double, un espion tchécoslovaque en poste à Paris dans les années 80, qui décide de virer de bord. Lors d’une réception dans une ambassade, il glisse une enveloppe dans la poche du manteau d’un officier de l’armée française. Elle contient une cassette et un petit mot : à remettre à la DST. En écoutant l’enregistrement, le sous-directeur du contre-espionnage pense à une bonne blague. Il s’agit d’une sonate pour piano du compositeur tchèque Leos Janacek . Mais après la musique, en fin de bande, il y a l’enregistrement d’une conversation. C’est ainsi que le bébé arrive sur le bureau du commissaire Maxime Jaussan qui dirige la division axée sur les pays satellites de l’URSS. Un poste que justement Jean-Pierre Pochon a occupé durant plusieurs années. L’agent double restera un mystère. À la Direction de la surveillance du territoire, il est surnommé Leos, et, pour respecter la parole donnée, jamais personne ne tentera de l’identifier. Ses informations transiteront toujours par une boîte aux lettres morte, un trou dans un mur. Puis, il y a eu l’implosion du bloc communiste… Jean-Pierre Pochon nous entraîne dans le monde feutré de la rue Nélaton, là où se trouvait la DST avant que Nicolas Sarkozy ne décide de la création de la DCRI. Il nous fait découvrir un service de police bien différent des stéréotypes, un service de police où les cellules de garde à vue étaient le plus souvent vides. Dans la revue de la Défense nationale, le commissaire Jean-Paul Mauriat écrivait, il y a de cela près de 50 ans : « Le crime que nous poursuivons est un crime sans cadavre et sans indice. Le raisonnement sera le seul fil conducteur… »

Christine Rogier est capitaine de police dans un commissariat parisien mais, comme Danielle Thiéry, l’envie d’écrire la tarabuste. Pas question d’attendre la retraite ! Après un premier roman aux éditions AO, elle vient de sortir La Cristaine ou Journal d’une fliquette, chez Jacob-Duvernet. Avec son style très particulier, elle nous raconte son métier, mais aussi, dans les années 80/90, les difficultés pour une femme de s’imposer dans un milieu encore très macho. Lorsqu’elle a passé son concours de gardien de la paix, l’inspectrice qui surveille les épreuves lui confie : « Ça peut être bien [pour une femme]. Mais il faut toujours en faire plus pour obtenir le même résultat ! » Je ne suis pas sûr que ce ne soit pas toujours le cas pour les policières qui sont sur le terrain…

Depuis plus de 20 ans, Christine Rogier fréquente les commissariats parisiens. Une véritable loge sur la misère humaine. Homme ou femme, même si on aime son job, cela finit par atteindre le moral. C’est du moins ce que l’on ressent à la lecture de son livre. « Les quelques années qu’il me reste à accomplir peuvent passer vite. Je ne sais pas ce que va devenir le métier d’ici là ; ni même ce que j’en penserai… Je peux me remettre à rêver. Un jour, je raccrocherai ma tenue définitivement, comme des chaussons de danse, après une fracture irrévocable. »

Chez le même éditeur, qui a publié de nombreux livres de policiers, on peut aussi s’intéresser à une BD, Le mystère HB. C’est le compte-rendu de la prise d’otages à la maternelle de Neuilly. Le 13 mai 1993, une vingtaine d’enfants et leur maîtresse sont retenus  dans leur classe par un individu qui menace de tout faire exploser. L’histoire est racontée par Claude Cancès, alors directeur de la PJ parisienne. « Une affaire qui, par sa dimension dramatique, reste une de celles que j’ai le plus intensément vécue… » On y découvre certains éléments qui sont peu connus et notamment le déroulé de l’intervention de Nicolas Sarkozy, alors maire de la commune. Les images et un plan des lieux permettent de mieux comprendre la chronologie des faits, et s’il est amusant aujourd’hui de mettre un nom sur chacun des participants, on comprend mieux leurs hésitations à décider entre intervention et négociation.

Il y a sans doute d’autres livres de policiers qui sont sortis récemment. Mais on ne peut pas tout lire !  En tout cas, ça fait du bien de se détacher de l’actu.

Les sectes et la fin du monde

La fin du monde est annoncée pour le 21 décembre 2012. Pas d’affolement, depuis l’avènement d’Internet, ce « marronnier » revient maintenant tous les 2 ou 3 ans. Cette fois, l’apocalypse serait inscrite dans le calendrier maya… Et le seul endroit au monde où l’on aurait une chance de survivre serait le pic de Bugarach, dans l’Aude. Le Pays Cathare en a vu bien d’autres, mais à tout hasard, de crainte de voir le village se transformer en Arche de Noé, le préfet compte interdire l’accès au site à l’approche de la date fatidique.

La région plaît bien aux businessmen de la liturgie. Ainsi, à une centaine de kilomètres, dans un autre village perché sur une montagne, une secte répertoriée dans un rapport parlementaire en 1995 sous le nom d’Énergie universelle humaine, aurait fait sa réapparition. On pouvait lire à son propos, dans une édition 2003 de El periodico de Catalunya : « La secte réussissait à capter la volonté des participants en leur faisant croire que son leader avait la capacité de soigner des maladies graves comme le sida ou le cancer grâce à l’imposition des mains (…) En plus, le groupe disait que la fin du monde était imminente … »

Le gourou landais de cette résurgence serait un disciple de Curtis Cao Duy (un Américain d’origine vietnamienne), l’un des héritiers moral du Grand Maître, le Sri-lankais Dasira Narada. Dans cette secte française, les zélateurs seraient au moins 1500. Et le recrutement, dit-on, va bon train. Il se fait par étapes successives. Il faut gagner ses galons, en quelques sortes. Ici, le mentor n’a pas annoncé la fin du monde. Il parle juste d’un « grand changement à venir » – des millions de morts. Une manière de dire que l’argent est inutile et qu’il vaut mieux se défaire de ses biens matériels.

Il y aurait 500 000 membres d’une secte en France, dont 60 000 enfants.

Il y a 5 ou 6 ans, lors d’une visite surprise dans une communauté du département des Pyrénées-Atlantiques, des parlementaires s’étaient inquiétés des conditions dans lesquelles les enfants étaient scolarisés sur place. Dans leur rapport, ils relevaient le laisser-faire de l’Éducation nationale. Mansuétude ou indifférence ? La question mérite d’être posée tant on a parfois l’impression que les sectes bénéficient de certains passe-droits, voire de protection aux plus hauts niveaux. Ainsi, en 2009, la Miviludes (Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires) s’est étonnée qu’une modification de la loi retire aux juges la possibilité de dissoudre une secte accusée d’escroquerie. Et cela, à quelques jours de l’ouverture du procès contre l’Église de scientologie, alors que le Ministère public avait justement requis sa dissolution pour escroquerie en bande organisée.

On peut aussi se demander pourquoi la liste des 173 mouvements sectaires publiée par une commission parlementaire en 1995 a été reléguée aux oubliettes par la circulaire du 27 mai 2005 qui traite de la lutte contre les dérives sectaires…

Le député Georges Fenech, ancien magistrat et responsable de la Miviludes durant plusieurs années, estime que les grandes sectes infiltrent les milieux politiques, économiques et aussi de la santé. « Les sectes ne se sont jamais si bien portées », dit-il dans une interview à Nice-Matin de ce lundi. C’est un peu le Monsieur antisecte en France. Il a d’ailleurs sorti, il y a quelques mois un livre, Apocalypse : menace imminente ? chez Calmann-Lévy, sur le sujet (je n’ai pas lu). Selon un rapport parlementaire de 1999, les deux sectes les plus riches de France (donc les plus influentes) seraient Les témoins de Jéhovah et l’Église de scientologie.

Peut-on se prémunir contre les sectes ? Pas facile, car, en bons psychologues, les entremetteurs cherchent la faille. Et, à un moment ou un autre, nous sommes tous vulnérables, à la recherche de nos chimères. La croyance en une divinité pallie l’incapacité de l’espèce humaine à comprendre le mystère de la vie. (Ouah !) On a besoin d’un créateur, d’un commencement et d’une fin. Il nous faut des repères. Certains d’entre nous ne croient en rien, d’autres ont besoin d’un dieu ou d’un… marabout. Ce n’est pas nécessairement négatif, mais c’est la porte ouverte à toutes les escroqueries. Selon un sondage de 2011, 20 % des Français connaissent dans leur entourage au moins une victime des dérives sectaires. Lorsque l’un de nos proches se trouve ainsi sous influence, il n’est pas aisé de l’aider, car la loi n’est pas adaptée : notre société se doit aussi de protéger la liberté de penser, la liberté de culte, la liberté d’association… Pas facile de séparer le bon grain de l’ivraie. Et c’est la quadrature du cercle pour démontrer les dévoiements. Il existe pourtant la loi About-Picard, prise en juin 2001 sous le gouvernement Jospin. Le texte se voulait une arme contre les sectes et la manipulation mentale. Mais le projet initial a été passé au tamis et, au fil des discussions parlementaires, il a perdu de sa force pour se mouler dans le droit commun. Le lobbying américain n’est peut-être pas étranger à ces modifications : aux États-Unis, la liberté de religion n’est pas négociable (Par curiosité, ce petit guide du FBI). Ce texte reste néanmoins un outil juridique précieux pour poursuivre ceux qui s’en prennent aux personnes les plus vulnérables. La Belgique a adopté une loi  similaire l’année dernière.

Généralement, au niveau des enquêteurs du moins, on préfère asseoir sa procédure sur des délits plus classiques, comme le défaut d’assistance, les violences, la séquestration… et surtout l’escroquerie. Sans doute l’une des infractions les plus difficiles à monter en procédure. Souvent, d’ailleurs, les policiers pataugent lorsque l’on parle de sectes. Raison pour laquelle en 2009, une petite cellule de spécialistes a été mise sur pied à la DCPJ, sur l’initiative du chef de l’Office central pour la répression des violences aux personnes : la CAIMADES (Cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires). Ses enquêteurs n’ont pas pour mission de s’en prendre aux sectes mais aux individus, qui, au sein d’une secte, commettent des actes délictuels, précise le commissaire Frédéric Malon. Tout en nuances, le chef ! Ils ont aussi un rôle d’assistance aux victimes, du moins si celles-ci sont prêtes à déposer plainte. Ce qui n’est pas toujours évident car elles sont sous emprise et le plus souvent en « liberté surveillée ». Or, pour démarrer une enquête, il faut un minimum de biscuits. Ainsi, c’est lors d’un déplacement à l’étranger que l’une des victimes de l’affaire des reclus du château de Monflanquin a pu être approchée. La Caimades et la PJ de Toulouse ont traité l’enquête conjointement.

En attendant, il y aura d’autres « fins du monde ». Car en annonçant à leurs disciples le jour de leur mort, ces devins retirent à leurs ouailles la seule chose qui incite à ne pas trop ouvrir son porte-monnaie : le souci du lendemain. Heureusement, il y a les optimistes. Pour eux, le 21 décembre 2012 ne sera pas la fin du monde, mais le début d’un nouveau monde. À bien y réfléchir, je me demande si ce n’est pas pire… Mais entre nous, lorsque les scientifiques nous annoncent la disparition de la Planète Bleue dans quelques milliards d’années, doit-on les prendre plus au sérieux ? En tout cas, il y aura belle lurette que l’espèce humaine aura disparu de sa surface. J’ai lu quelque part que le dernier survivant sur notre bonne vieille terre serait un scorpion. Une bonne leçon d’humilité.

Police de Marseille : comment expliquer l’omerta ?

Alors que Manuel Valls vient de dissoudre l’équipe de jour de la BAC nord de Marseille, bien des questions restent en suspens. Comment expliquer notamment que cette affaire « d’une ampleur que nul ne conteste », comme dit le Ministre, ait pu perdurer sans que personne n’y mette le holà ? Pourquoi les policiers étrangers à ces combines crapuleuses, dont sont soupçonnés une partie de leurs collègues, n’ont rien dit. Pourquoi la hiérarchie a-t-elle gardé la tête sous l’oreiller ?

C’est le côté noir des choses. Et il faudra des réponses, qu’elles soient judiciaires ou administratives. Mais il y a le côté blanc. Le côté rassurant : une enquête de l’IGPN qui redore sérieusement son blason. Une enquête colossale réunissant des dizaines de policiers, avec des moyens techniques dignes d’une affaire relevant de la grande criminalité. Avec un message clair : les flics ne sont pas au-dessus des lois.

Pourtant, si l’on examine le fruit des perquisitions, il s’agit de ripoux petits bras. Quelques centaines de grammes de cannabis et quelques centaines d’euros en argent liquide. Mais évidemment, le problème n’est pas là. Il va même nettement au-delà de la malhonnêteté de certains fonctionnaires. En fait, ce qui est inadmissible, incompréhensible, c’est qu’un réseau quasi mafieux ait pu se mettre en place dans la police française. Une pâle copie de The Shield.

Et de plus en plus de voix s’élèvent contre l’encadrement. Sous-entendu contre les commissaires. Pierre Ottavi, qui a installé la BAC de Marseille, alors qu’il était directeur départemental de la sécurité publique, a déclaré sur BFM-TV qu’il y avait aujourd’hui un sérieux problème de commandement. Cela tient peut-être à la réforme de 2005. Depuis, les commissaires se sont éloignés de leurs équipes pour devenir un corps de « conception », tandis que « le commandement opérationnel » est désormais assuré par les officiers de police. Il ne s’agit pas jeter la pierre à l’un ou à l’autre, mais simplement de s’interroger : l’organisation actuelle des services est-elle adaptée à cette profonde modification des missions ? N’y a-t-il pas trop de chefs à certains endroits et pas assez à d’autres… Notamment sur le terrain. Notamment dans les BAC.

C’est l’un des aspects du problème. L’autre est plus délicat. Personne ne peut imaginer que des flics, dont c’est le métier, ne détectent pas des délits qui se commettraient sous leur nez. Mais que peut faire celui qui ne marche pas dans la combine ? Cafarder ? Pas facile lorsque l’on est intégré à une équipe. En revanche, il est difficile d’admettre qu’il soit quasi impossible de dénoncer des dysfonctionnements dans un service sans encourir les foudres de la hiérarchie. Or, l’administration n’est pas tendre avec ceux qui franchissent le pas.

Rappelons-nous du cas Pichon !

En 2008, ce commandant de police attire l’attention de ses supérieurs sur des irrégularités flagrantes dans la tenue du fichier STIC. Un fichier, il faut le souligner, qui ne concerne pas que les délinquants, et dans lequel figurent plus de six millions de personnes

Devant l’autisme de l’administration, il décide d’aviser les médias en rendant publique la fiche de deux stars du showbiz. Pour celle de Johnny Halliday, par exemple, les faits mentionnés remontent à plusieurs dizaines d’années et auraient dû être effacés depuis longtemps. Une démonstration par l’absurde. Il est cloué au pilori par sa hiérarchie, suspendu de ses fonctions, puis, finalement, viré de la police – alors que la procédure judiciaire à son encontre (pour violation du secret professionnel) est toujours en cours.

Et pourtant Philippe Pichon n’a pas agi par intérêt. Il ne s’est pas mis un fifrelin dans la poche. Non, il a juste eu un geste citoyen. L’année suivante, la CNIL reconnaissait implicitement qu’il avait eu raison en pointant du doigt de graves errements dans la tenue du fichier STIC. Un nouveau contrôle est d’ailleurs en cours.

Aujourd’hui, il rame pour faire vivre sa famille. Il est même victime d’un certain acharnement. Il y a une quinzaine de jours, on lui a reproché d’avoir mis en vente sur Internet des objets et des effets « de police ». Ce qu’il nie catégoriquement. Peu importe : rappel à la loi du procureur. De nombreuses personnes ont trouvé injuste qu’il soit exclu de la police pour avoir dénoncé une faille au sein de la Grande maison. Une association de défense a même été créée. À ce jour, silence radio du côté de la Place Beauvau. En désespoir de cause, son avocat, Me William Bourdon, vient de déposer une plainte auprès du doyen des juges d’instruction du TGI de Paris, contestant les procédés utilisés lors de l’enquête disciplinaire de l’IGPN, notamment l’usage d’écoutes téléphoniques administratives. Un peu comme si un patron piégeait le téléphone personnel de son salarié pour justifier son licenciement.

En marge de l’affaire de Marseille, Manuel Valls a déclaré qu’il « ne tolérerait aucun comportement qui nuise à l’image de la police… ». Il serait bien également de travailler sur l’image que les policiers ont d’eux-mêmes (ou celle que leur hiérarchie leur renvoie). Pour qu’ils se sentent fiers de faire ce métier. Un métier où les petits démerdards ne feront pas la loi.

 

Manuel Valls, de l’Intérieur

Il est sur tous les fronts. Certains le considèrent comme « l’effaceur », celui qui va faire oublier la gauche bisounours ; tandis que d’autres n’apprécient guère ses postures sarkoziennes. Dans la maison poulaga, il a été accueilli avec circonspection. Au début, on en a même souri, lorsqu’il est apparu dans son joli costume blanc. Il avait l’air tellement jeune qu’il a fallu cliquer sur Wikipédia pour s’apercevoir qu’il atteignait la cinquantaine.

C’était un moment important. Si les fonctionnaires ont l’habitude de voir tourner les ministres, les changements de majorité sont plus rares dans une carrière. Et dans la police cela se traduit souvent par un virage à 180°. Aussi, Place Beauvau, radio-gouttière allait bon train : bouleversements, chasse aux sorcières… Non, rien ! Quelques mutations de personnages politiquement trop voyants. Et même le staff réuni autour de lui n’était pas un réel indicateur de la politique du nouveau ministre. Des gens rassurants, plutôt proches de la retraite.

Lorsqu’il est arrivé, Manuel Valls avait dans sa musette les zones de sécurité prioritaires – l’un des 60 engagements du candidat Hollande. Une mesure « de bureau » qu’au moins une demi-douzaine de ministres ont dû vouloir mettre en place avant lui. Des noms différents, mais le même objectif : concentrer davantage de moyens dans des zones fortement criminogènes. Ça n’a jamais fonctionné. Mais dans la police l’obsolescence n’existe pas. Comme l’ampoule centenaire de Livermore, les idées – même mauvaises – ne s’éteignent jamais. On se souvient peut-être que sous le gouvernement Bérégovoy (Mitterrand II), Bernard Tapie avait été nommé ministre de la Ville pour s’occuper des « quartiers difficiles ». Il y a 20 ans. Alors aujourd’hui, en pleine période de disette… Mais mercredi dernier, devant les grands chefs de la police et de la gendarmerie, notre ministre a déjà pris ses distances : Les ZSP « ne sauraient résumer la politique de sécurité que j’entends mettre en œuvre », a-t-il déclaré.

On l’attendait au tournant sur le récépissé lors des contrôles d’identité : une mesure d’application difficile qui agace fortement les policiers. En fait, ce récépissé ne figure pas dans les propositions écrites présidentielles. On en avait juste parlé pour éviter les contrôles au faciès – qui eux y figurent. Ce maudit mot dit, mais non écrit, est devenu le marqueur de l’autorité du nouveau ministre. Il s’est laissé convaincre assez facilement de l’infaisabilité de la chose, et il a planté là le Premier ministre qui, lui, en avait fait une mesure symbolique.

Couac !

Bon, on peut dire que la diplomatie n’est pas la qualité première de M. Valls. On l’a bien vu en mai dernier, lors de la passation de pouvoirs entre l’ancien et le nouveau. On aurait pu envisager, par exemple, la délivrance d’un récépissé pour les contrôles d’identité approfondis… Et tout le monde aurait été content. Mais en jouant cette carte, il a passé l’épreuve « d’admissibilité » et, l’air de rien, Manuel Valls est devenu le premier flic de France. Pour l’instant, il est adopté. « On dirait du Sarko première période », comme l’écrit le journaliste du Monde Laurent Borredon, qui rapporte les propos d’un haut responsable de la police. Pour mémoire, l’état de grâce de Nicolas Sarkozy, en dehors de ses aficionados, n’a pas duré longtemps…

Il faut dire que le nouveau locataire de Beauvau est porté par les circonstances. Les événements d’Amiens et de Marseille – et leur médiatisation – ont fait grimper l’insécurité de plusieurs crans dans l’échelle des préoccupations des Français. +12 points depuis les élections présidentielles, d’après un sondage publié sur Atlantico.

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En fait les premières décisions prises à chaud concernent Marseille. Et là, Manuel Valls a montré son tempérament. À la différence de ses prédécesseurs qui ont surtout brassé du vent, en nommant un préfet de police placé directement sous ses ordres, il se campe au premier rang. Un énarque dirait sans doute que c’est une erreur de commandement, qu’il faut toujours mettre des fusibles entre la décision et l’application, mais, dans la police et la gendarmerie, on aime bien les gens qui prennent leurs patins.

N’empêche que l’idée d’installer un chef de la police et de la gendarmerie dans le département des Bouches-du-Rhône en laisse plus d’un sceptique. Cela nécessite de chambouler complètement la pyramide de la hiérarchie. Autrement dit, il faut revoir l’organisation des différentes directions, et notamment celle de la PJ. Au passage, Christiane Taubira peut-elle accepter qu’une autorité administrative glisse son nez dans les procédures judiciaires, comme cela peut se passer à Paris ? Même si l’ancien préfet de police s’en défendait. Dans son livre (11 propositions chocs pour rétablir la sécurité, aux éditions Fayard) le député Jean-Jacques Urvoas, l’un des aspirants au fauteuil, envisageait de donner au maire de Paris les mêmes pouvoirs de police que les autres maires. La police parisienne, disait-il « doit être placée sous le commandement d’un directeur régional soumis au préfet territorialement compétent, comme dans le reste du pays, et ce dernier doit redevenir le principal interlocuteur des élus. » Pourtant, on dit que c’est lui qui a soufflé cette idée d’un préfet de police marseillais copié-collé sur celui de Paris. « En créant le concept de métropole et de patron unique, on met de la cohésion dans une cité où il y a beaucoup trop de mouvements », dit-il dans Le Télégramme. Comme quoi il faut savoir s’adapter aux circonstances… Mais il est probable que le préfet de police de Marseille n’aura jamais les prérogatives de celui de la capitale.

Il est bien trop tôt pour comparer Manuel Valls à ses prédécesseurs, ni même à Nicolas Sarkozy. Je crois d’ailleurs que c’est son contraire. Alors que ce dernier était impulsif, parfois malavisé dans ses décisions, mais capable d’en changer, M. Valls semble se montrer à l’écoute. Mais il sera probablement inflexible une fois la décision prise.

On l’imagine proche de ses troupes mais en même temps sans concession. Son refus de participer au « gouvernement d’ouverture » de Nicolas Sarkozy situe bien le personnage. Certains policiers, notamment ceux qui ont manifesté contre la décision d’un juge lors de la campagne présidentielle, ont dû avoir les oreilles qui sifflent en entendant la petite phrase prononcée vendredi dernier devant la garde des Sceaux : « Je ne tolérerai pas les mises en cause des décisions de justice ».  Une menace à peine subliminale.

Dans les rangs de la police, le laxisme de ces derniers temps n’est donc plus de mise. Du coup, on entend moins les râleurs. Sinon, pour l’instant, peu de changements. Ah si, à Paris, il y a eu un arrivage de biscuits pour les gardés à vue

Apostille à l’affaire Merah : récit d’une affaire ratée

Manuel Valls a admis qu’il y avait eu des erreurs au niveau de la DCRI. Pour lui, Merah aurait dû être surveillé au vu de son profil et de ses nombreux déplacements au Moyen-Orient et en Afghanistan. Et les conclusions de l’enquête interne entraîneront à coup sûr des réformes sérieuses de la DCRI. Bien au-delà d’un changement de chef. C’est peut-être même l’ensemble de nos services de renseignements (12 à 15 000 personnes ?) qui pourrait être visé. La récente nomination d’un diplomate à la tête de la Direction du renseignement (DR) de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) donne une idée de la nouvelle ligne.

En Norvège, après les massacres perpétrés par Anders Behring Breivik, une commission gouvernementale a reconnu les erreurs de la police et des services de sécurité, estimant qu’ils auraient pu empêcher ou du moins limiter l’action du meurtrier. Chez nous, on n’en est pas là. Et si les propos du ministre de l’Intérieur laissent augurer une remise en cause des services de renseignements, il ne faut pas fermer les yeux sur les erreurs qui ont suivi, en aval du premier meurtre.

Car pour le moins, il n’y a pas eu symbiose entre la PJ et la DCRI. Il a fallu attendre l’assassinat des deux militaires, à Toulouse, pour que le contact s’établisse entre les deux services. Soit 5 jours après le premier assassinat. C’est seulement alors que l’adresse IP de la mère de Merah est repérée parmi les mails reçus par la première victime. Trop tard. Le massacre à l’école juive a lieu le lendemain. Ce délai de 5 jours est incompréhensible, alors que Mohamed Merah était considéré comme une « menace directe », selon M. Valls. Et qu’un rapport les présentait, lui et son frère, comme des proches d’islamistes radicaux qui avaient développé une filière de recrutement de candidats au djihad.

Ensuite, il y a eu la double saisine. De mémoire de flic, un truc qui n’a jamais fonctionné. Lorsque Mohamed Merah est identifié de façon quasi certaine comme l’auteur des crimes, la Brigade de recherche et d’intervention de Toulouse débarque en catastrophe près de son domicile. Avec des instructions simples : on planque sur toutes les issues et on le serre à la première occasion. Dans ce genre d’opération, en général, on attend que l’individu soit dans sa voiture. C’est là où les risques sont les moindres. Une opération classique pour des flics de l’antigang. J’imagine la tête du commandant qui dirigeait le groupe lorsqu’il s’est fait éconduire par les pontes de la DCRI sous prétexte que le poisson était trop gros pour lui. Il ne pouvait pas savoir que, lors d’une réunion qui s’était tenue un peu avant, les autorités avaient décidé de faire intervenir le RAID. Pourtant, le RAID, comme le GIGN, n’est pas là pour faire le boulot des autres mais pour prendre en charge les situations extrêmes. Lorsque les méthodes traditionnelles ne suffisent pas. Et pendant que les uns parlaient et que les autres fourbissaient leurs armes, il semble bien que personne ne surveillait le domicile de Merah. Du moins pas sérieusement, puisqu’il serait sorti de chez lui, peut-être même par deux fois. Sans que personne ne s’en aperçoive.

L’intention des hommes du RAID est de le surprendre dans son « premier » sommeil. En l’absence de toute surveillance physique ou technique, ils ne savent pas que leur client ne dort pas, puisqu’il vient de rentrer chez lui. Les policiers d’élite, équipés légers, s’approchent à pas de loup de la porte. On les imagine en chaussettes, sur la pointe des pieds… C’est une image, évidemment. Alors qu’ils s’apprêtent à faire exploser la porte, celle-ci s’entrouvre et Merah ouvre le feu. Un policier est sauvé par son gilet pare-balles et l’autre par son bouclier de protection. Les hommes du RAID ripostent à travers la porte avant de se replier.

Machine arrière. Ça doit râler pas mal dans les rangs. Y avait-il une autre méthode ? N’étant pas préfet, je ne me permettrais pas de critiquer. Je me souviens pourtant de cette affaire des environs de Nice, où le chef du GIPN avait refusé de donner l’assaut pour déloger un forcené retranché chez lui avec un fusil de chasse. Trop dangereux, avait-il dit. Pas d’otage, on peut attendre. C’était la sagesse. Mais pas l’avis des autorités. On a fait venir un autre patron. Bilan : deux policiers sérieusement blessés et l’individu est abattu, alors qu’il a tiré ses deux cartouches et que son arme est vide.

Pas simple, d’être flic !

C’est alors qu’à Toulouse, commencent des négociations invraisemblables : une véritable vitrine médiatique pour Merah. Au point qu’il pourra dire, plus tard (via le procureur de la République)  « Je suis fier d’avoir mis la France à genoux ». Et cela dure, dure…, au point que cela devient ridicule. Il y a bien quelqu’un qui a dû lâcher : On passe pour des charlots ! Donc, rebelote pour le RAID. En respectant un impératif présidentiel : le capturer vivant. Il faut savoir que les policiers de ce service s’entraînent régulièrement à des tirs de neutralisation dans des parties non-vitales. Pour eux, tuer un suspect, c’est presque un échec. Il s’agissait donc d’une consigne parfaitement inutile et qui, d’une certaine manière, les a déstabilisés. Et les voilà repartis à l’assaut avec un armement léger. Et de nouveau, ils sont accueillis par un feu nourri. Merah tire depuis sa salle de bain, réfugié dans sa baignoire et protégé par un frigo. Les premières balles ont fait péter les canalisations d’eau. Les fuites rendent la porte de la salle de bain étanche aux gaz. Il faudrait donc creuser un trou pour enfumer la pièce. Pas le temps. Merah jaillit de la salle de bain en tirant tous azimuts. C’est le deuxième groupe, celui de couverture, qui riposte, avec des armes en l’occurrence inadaptées dans un local si minuscule. Mais toujours en visant les jambes. Touché plusieurs fois par des munitions puissantes, mais à faible pouvoir d’arrêt, le forcené claudique vers la fenêtre en visant les hommes situés derrière et ceux qui sont en position, un peu plus loin. L’un d’eux tombe du balcon alors qu’il tente de se dégager et qu’une balle lui a éraflé la carotide. Merah arrose dans tous les sens. Un autre policier est blessé au pied. Finalement, un tireur d’élite enfreint la consigne et lui colle une balle dans la tête. Dans son rapport, en termes diplomatiques, le chef du RAID fait remarquer qu’en « s’interdisant l’utilisation de certaines techniques et de certaines armes alors même que les circonstances l’auraient justifiée », on a mis en danger la vie de ses hommes.

Donc, une affaire loupée de A à Z. Pourquoi ce désastre ? Il faut surtout se poser la question de savoir s’il est normal que le ministre de l’Intérieur dirige une opération de police judiciaire. Avec dans son ombre un procureur qui tente de sauver la face. Les policiers et les magistrats ont donc baissé la tête. Aucun n’a eu le courage de dire non.

Après l’affaire Neyret, comment gérer les indics ?

Plusieurs grosses pointures de la police sont venues soutenir Michel Neyret devant le conseil de discipline. Il serait un peu léger de n’y voir que du copinage. Car les ennuis judiciaires et administratifs de ce grand professionnel de la lutte contre le banditisme vont plus loin que son cas personnel et risquent de modifier en profondeur le fonctionnement même de la police judiciaire.

Bien sûr, on peut estimer que les méthodes anciennes ont vécu. Mais dans ce cas, par quoi les remplace-t-on ? Les techniques et la science ? La police technique et scientifique prend effectivement de plus en plus d’importance dans les enquêtes, au point parfois de juguler les enquêteurs. La découverte de cette petite fille prostrée sous deux cadavres, dans la BMW découverte criblée de balles, près du lac d’Annecy, en est la démonstration par l’absurde. On gèle une scène de crime – donc l’enquête – en attendant l’arrivée des techniciens. Durant huit heures ! Et si l’enfant avait été blessée ? Cela fait penser à cette mauvaise blague d’école (de police) : Que devez-vous faire en premier en présence d’un pendu ?… Couper la corde, au cas où il ne serait pas mort. On peut d’ailleurs s’étonner que les gendarmes aient fait venir leurs propres techniciens de l’Institut de recherche criminelle, basé dans la banlieue parisienne, alors que le siège de la Sous-direction des services techniques et scientifiques de la police nationale se trouve en périphérie de Lyon. Alors, police-gendarmerie, même rivalité que par le passé… On murmure d’ailleurs Place Beauvau que les deux services pourraient être regroupés au sein d’une nouvelle direction autonome. Cette « autonomie » fait bondir la PJ. La police technique et scientifique doit rester un outil à la disposition des enquêteurs, a rappelé non sans raison l’un de ses patrons.

Personne ne nie l’avancée considérable que représentent la science et les techniques modernes dans la recherche de preuves et d’indices, mais c’est toujours après le crime ou le délit. Or en matière de lutte contre le banditisme, pour être efficace, il faut intervenir en amont.

La police ADN ne marche pas à Marseille.

Bien sûr, on peut planter des écoutes sur les téléphones portables, glisser des balises sous les voitures des suspects, pressurer les dizaines de fichiers, ou pianoter frénétiquement sur les claviers d’ordinateurs, mais… où est le contact humain ?

Autrefois, il y avait autant de règlements de comptes que maintenant et la plupart des enquêtes, comme aujourd’hui, n’aboutissaient pas – mais on savait. On savait pourquoi et par qui. On maîtrisait la structure des bandes et il était même possible de prévoir le nom des prochaines victimes. À défaut de pouvoir empêcher ou réprimer un flingage, on en comprenait les raisons. Cette connaissance du milieu n’existe plus. Or, si l’on veut mettre un frein aux agissements de ces bandes qui gangrènent la région marseillaise, la police a besoin de tuyaux – donc d’indics. Depuis toujours, le système fonctionne ainsi. Même si les flics savent qu’ils jouent avec le feu.

Mais comment « noyauter » ces bandes qui vivent plus ou moins en autarcie ? Eh bien, comme il est impossible d’entrer par la porte, il faut passer par la fenêtre. Car ces jeunots du banditisme ont vieilli. Et peu à peu, ils sont en train de devenir des grands – avec tout ce que cela comporte. Et notamment le désir d’élargir leur environnement, voire de s’en éloigner, afin de mieux profiter de leur bien si mal acquis. Et pour cela, ils ont besoin de complices, des individus tout aussi douteux, mais moins dangereux et surtout beaucoup moins méfiants. Des escrocs, des faiseurs, des enjoliveurs, comme on les appelle (comme ceux que fréquentait Michel Neyret) qui vivent en périphérie du banditisme et qui, pour les enquêteurs, présentent l’avantage d’être visibles. C’est par eux que l’on peut avancer et cerner une équipe de truands. Ensuite, c’est du travail de PJ, presque la routine : surveillances et procédure. Il n’est même pas nécessaire de les prendre la main dans le sac. L’époque du flag est révolue et le code pénal est suffisamment riche pour bâtir un dossier béton pour association de malfaiteurs en emboîtant entre eux des faits qui, à l’unité, ne pèseraient pas lourd devant un juge.

Donc, si l’on veut lutter contre ce néo-banditisme, pas besoin de nouvelles lois, pas besoin de CRS ni de militaires, il faut des moyens de surveillance, de bons procéduriers et… des indics. Pas de ceux que l’on enregistre à la direction centrale et que l’on rétribue avec une poignée de figues (contre reçu, s’il vous plaît). Non, des gens qui sont presque des amis, ou qui peuvent le devenir, et auxquels il n’est pas interdit de rendre de petits services.

Cela nécessite de faire confiance aux policiers. La confiance ! Encore un mot « à l’ancienne ».

 

 

L’histoire sans fin de la sécurité

La gauche peut-elle innover en matière de sécurité ? En tout cas, elle reste divisée. Mais la droite serait mal venue de critiquer, car le bilan de cette dernière décennie n’est pas des plus brillants. Si on aligne les différentes décisions les unes derrière les autres, c’est comme une litanie. Les mêmes mots, les mêmes ficelles que l’on nous ressort à chaque changement de gouvernement, voire de ministre de l’Intérieur.

Et pour quel résultat…

 « La France a peur ! » C’est par cette phrase que le 18 février 1976 Roger Gicquel ouvre le journal de la première chaîne de télévision. Il parle de l’assassinat de Philippe Bertrand, un garçon de huit ans, enlevé à la sortie de l’école et tué par son ravisseur, Patrick Henry. Une affaire sordide comme il s’en produit hélas de temps à autre. Mais cette phrase va bien au-delà. Elle joue comme un déclencheur. C’est peut-être ce qui amène le premier ministre, Raymond Barre, à désigner un Comité d’études pour trouver des solutions à la criminalité violente.

L’ilotage ! C’est l’une des mesures phares du rapport pondu par ce comité (présidé par Alain Peyrefitte) intitulé pompeusement « Réponses à la violence ». Et, parmi les autres mesures préconisées, on trouve le redéploiement des forces de sécurité dans « les zones nouvelles d’urbanisation » et l’amélioration des relations entre la police et les citoyens.

Comme le début d’une rengaine.

Les maires montent au créneau – En 1983, la gauche est au pouvoir depuis deux ans et la police n’a pas encore retrouvé son régime de croisière. Les maires remettent à Pierre Mauroy, alors Premier ministre, un rapport intitulé « Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité ». Ils réclament des mesures pour lutter contre l’insécurité. C’est ainsi que prend forme le Conseil national de prévention de la délinquance. Mulhouse est choisie comme ville test pour mettre en place un plan de prévention. Dix ans plus tard, le président de ce Conseil, Gilbert Bonnemaison, déplorera que la France se soit engagée « dans des démarches complètement sécuritaires ». La prévention n’a jamais eu sa chance. C’est pourtant l’une des trois branches de la police de proximité. Les deux autres étant la répression et l’information.

La régionalisation des services de police – C’est l’une des premières annonces du nouveau tandem de la place Beauvau, Charles Pasqua et Robert Pandraud. On est en 1986, c’est la première cohabitation.

L’ilotage : le retour – La mesure est dans le panier de Pierre Joxe, lorsqu’il rejoint l’Intérieur pour la seconde fois, après la réélection de François Mitterrand, en 1988. Il crée également l’Institut des hautes études de la sécurité. Dans les années qui suivent, les ministres se succèdent, le dernier avant la deuxième cohabitation est Paul Quilès. Il propose un plan d’action immédiate pour la sécurité. Mais, pas le temps. C’est la deuxième cohabitation. Charles Pasqua reprend les rênes avec dans sa besace un plan pluriannuel de modernisation de la police et une volonté de remobiliser les forces de l’ordre.

Les brigades anticriminalitées – La première a vu le jour à Paris, en 1993. Environ deux cents policiers qui tournaient la nuit dans la capitale et qui pouvaient à tout moment être regroupés pour faire face à un événement imprévu. En 1996, les BAC de jour sont mises en place sur l’ensemble du territoire. C’est un peu le fer de lance de la Sécurité publique.

Un juge place Beauvau – En 1995, après 14 ans de règne, Mitterrand s’efface et laisse la place à Jacques Chirac. Jean-Louis Debré, ancien juge d’instruction, devient ministre de l’Intérieur. Il installe le Haut Conseil de la déontologie de la police nationale et met en place les premières sûretés départementales.

L’époque des « petits sauvageons » – Acte manqué pour Chirac qui, deux ans après son élection, dissout l’Assemblée nationale. Jean-Pierre Chevènement devient ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Lionel Jospin. Il prêche pour « des villes sûres pour des citoyens libres ». Avec la mise en place, en 1997, des premiers contrats locaux de sécurité. Parallèlement, un Conseil de sécurité intérieure est créé, placé sous la houlette du Premier ministre, pour mieux assurer l’impulsion de la politique de sécurité intérieure. À compter de 2002, il sera présidé par le Chef de l’État.

L’année suivante, Jean-Pierre Chevènement veut mettre un terme aux violences urbaines. Il fustige ces « petits sauvageons qui vivent dans le virtuel » et annonce le redéploiement de 3000 policiers et gendarmes dans 26 départements sensibles en vue de supprimer les « zones de non-droit ». Il se prononce pour la suspension des prestations familiales afin de responsabiliser les parents de mineurs délinquants. Aussitôt contredit par le Premier ministre. Cette année-là, on discutaille pour l’installation d’une police de proximité afin d’assurer une présence effective et rassurante dans les quartiers sensibles. Et, d’une seule voix, le gouvernement parle d’une politique de prévention « rénovée ».

La police de proximité – Le 26 avril 1999, le ministère de l’Intérieur publie la liste de 59 sites expérimentaux de police de proximité. En décembre, Lionel Jospin qualifie l’insécurité « d’inégalité sociale » et annonce un recrutement exceptionnel de 1000 policiers supplémentaires.

Pas de sheriffs dans la police – Au mois d’août 2000, Jean-Pierre Chevènement rend son tablier et laisse la place à Daniel Vaillant. Alors que le Premier ministre s’est déclaré hostile à la « municipalisation » de la police, des personnalités de droite proposent de placer le maire au centre du dispositif de sécurité de proximité. Daniel Vaillant refuse de voir se développer les polices municipales. L’année suivante, le Premier ministre enfonce le clou : « Sheriffiser la police, ce n’est pas la tradition républicaine de l’État en France ».

Chirac savonne la planche – Dans son allocution télévisée du 14 juillet 2001, Jacques Chirac insiste sur les problèmes de sécurité. On sent bien que c’est sur ce terrain qu’il va croiser le fer en vue de sa réélection. Plus tard, assumant sa défaite, Lionel Jospin dira : « Sur la question de l’insécurité, j’ai péché par naïveté… ».

Les policiers manifestent – Le 16 octobre 2001, deux policiers sont tués par un multirécidiviste, dans le Val-de-Marne. Quelques jours plus tard, plusieurs milliers d’entre eux manifestent dans toute la France. Le Premier ministre évoque la dramatique erreur d’appréciation des juges… Les policiers mettent en cause la loi sur la présomption d’innocence. Le député Julien Dray est chargé d’évaluer le texte.

 « L’impunité zéro » – Tandis que Lionel Jospin déplore une « récupération politique » de l’insécurité, Jacques Chirac prône l’impunité zéro. En vieux routier de la politique, il a enfourché le bon cheval : un sondage montre que l’insécurité est la préoccupation majeure des Français. Il est réélu le 5 mai 2002. Nicolas Sarkozy devient ministre de l’Intérieur. À l’ordre du jour, renforcement des moyens pour la justice et les forces de l’ordre, renforcement de la sécurité dans les transports d’Île-de-France et création du Conseil de sécurité qui a pour tâche d’assurer l’impulsion de la sécurité intérieure, de la coordonner et de l’évaluer.

Les Groupes d’intervention régionaux – Dans les jours qui suivent, une circulaire interministérielle donne naissance aux GIR. Il s’agit en fait d’entités, pourvues d’une cellule de permanents, rattachées à la PJ ou à la gendarmerie. Les GIR regroupent l’action de policiers, de gendarmes, de douaniers, d’agents des impôts et même d’agents de l’URSSAF. Leur objectif premier vise à lutter contre l’économie souterraine générée par le trafic de drogue au niveau d’une cité ou d’un quartier. Ces bandes de petits trafiquants étant souvent les premiers à mettre le feu aux poudres.

Le Flash-Ball – Alors que Daniel Vaillant, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, avait répondu au mécontentement des policiers en les dotant de gilets pare-balles, Nicolas Sarkozy arme les policiers de « proximité » de Flash-Ball. Un peu comme Don Quichotte, il est parti en guerre contre la délinquance. Pour « la France des oubliés », comme il dit.

La sécurité, première des libertés – En juin, le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, promet les moyens nécessaires pour lutter contre l’insécurité et, place Beauvau, on parle de la culture du résultat et de la nécessité d’alléger la loi sur la présomption d’innocence. Le programme sécuritaire du nouveau gouvernement est contenu dans la LOPSI du 29 août 2002. (En 2011, il y aura un deuxième P, pour « performance ». On sent tout de suite la différence.) Celle de 2002 porte un beau titre : « La sécurité, première des libertés » : création de 13 500 emplois dans la police et la gendarmerie, renforcement des pouvoirs des forces de l’ordre, création de nouveaux délits, comme le racolage passif, l’occupation de terrain par des gens du voyage, les attroupements dans les halls d’immeuble, la mendicité, etc.

La notation des préfets – Nicolas Sarkozy annonce qu’il publiera chaque mois la liste des 5 meilleurs et 5 plus mauvais départements sur le plan de la sécurité. Et, pour donner du baume au cœur aux préfets, il promet que 3500 CRS et gendarmes seront affectés à la sécurité publique.

On barricade les écoles – Xavier Darcos, ministre délégué à l’enseignement, souhaite équiper les établissements scolaires placés dans des zones sensibles de clôtures, portails, vidéo, etc. Il veut également permettre l’intervention des forces de l’ordre.

Vers la fin de la police de proximité – En février 2003, à Toulouse, Nicolas Sarkozy estime que la police de proximité est inutile si elle privilégie la prévention. Toutefois, quelques jours plus tard, rétropédalage. Pas question de la supprimer. Il est vrai qu’il faut d’abord trouver une solution de remplacement.

Le plan Vigipirate – En mai 2003, la tension monte d’un cran. Jean-Pierre Raffarin décide de porter le plan Vigipirate au niveau d’alerte orange.  Sauf erreur, il est aujourd’hui au niveau rouge. Il a même été écarlate en région Midi-Pyrénées, en Aude et en Lot-et-Garonne, le temps de l’affaire Merah.

Les chantiers prioritaires – Ils sont au nombre de six. C’est le plan de bataille du nouveau ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin. Mais Jacques Chirac le pousse aux fesses. En novembre, il appelle le gouvernement à aller plus loin. Il souhaite par exemple la création d’établissements pour « accueillir » les auteurs de crimes les plus graves, après leur sortie de prison. Et il veut également renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière. Dominique de Villepin fixe la barre à 20 000 expulsions pour 2005. Mais cette année-là, il rejoint l’Hôtel Matignon et Nicolas Sarkozy retrouve ses pantoufles place Beauvau.

Les émeutes de 2005 – Alors qu’au mois de mars, d’après un sondage, la sécurité ne venait plus qu’au 9° rang de la préoccupation des Français, patatras ! en novembre les banlieues explosent. Signe évident d’un affolement des autorités, le président Chirac décrète l’état d’urgence. Une mesure jusqu’alors appliquée uniquement lors de la guerre d’Algérie. Ces désordres favoriseront sans doute Nicolas Sarkozy dans sa course à la présidence.

Les UTEQ – En 2008, Michèle Alliot-Marie annonce l’expérimentation de nouvelles unités destinées aux quartiers sensibles, les UTEQ. Avec pour objectif la lutte contre le trafic de stups et le rétablissement d’un lien de confiance entre la police et la population.

Les compagnies de sécurisation – Une vieille idée parisienne qui revient à la surface : en septembre 2008 la première sécu est installée à Bobigny. Elle a pour mission de lutter contre la petite et la moyenne délinquance et contre les violences urbaines.

Une pause pour réfléchir…  En octobre, la ministre annonce la création d’un Conseil économique et scientifique de sécurité, chargé de réfléchir aux « enjeux globaux » de la sécurité et de définir « quel niveau de sécurité mettre en place et dans quelles conditions économiques et techniques ».

La Place Vendôme en effervescence – Rachida Dati est sur tous les fronts. Les lois répressives pleuvent. Concernant les jeunes délinquants, elle annonce son intention de diminuer l’âge de la responsabilité pénale avec la possibilité d’une condamnation à la prison dès l’âge de 12 ans. François Fillon s’y oppose.

Protéger les Français – C’est le discours répété du président de la République. À Orléans, il annonce qu’en 2009, toute l’action du gouvernement « sera tendue vers cet objectif ». Il débloque cent millions d’euros pour la police et la gendarmerie.

Les référents – MAM veut consolider les liens entre la police et la population pour mieux lutter contre les vols à main armée dont le nombre ne cesse de croître. Outre la vidéosurveillance, elle préconise des contrôles fixes et itinérants dans les quartiers les plus touchés et une « coopération de terrain » via la mise en place de policiers et de gendarmes référents.

Les violences en bandes – C’est le nouveau cheval de bataille du président Sarkozy. En mars 2009, il annonce 16 mesures nouvelles pour combattre ce phénomène. Et quelques mois plus tard, en réaction à des faits divers, il tance ses ministres en leur rappelant les objectifs essentiels de la politique de sécurité : « La lutte contre les bandes et les violences urbaines, la lutte contre les violences à l’école, la répression des trafics criminels, en particulier le trafic de drogue ». Dans le même temps, Martine Aubry sort un « livre noir » qui dresse un bilan des « atteintes aux libertés publiques ».

Les brigades spéciales de terrain – C’est Brice Hortefeux qui lance le projet, en 2010. Il s’agit de créer des unités dont la mission est de mettre fin à la délinquance tout en rétablissant un lien avec la population. La première BST est installée en Seine-Saint-Denis.

Les patrouilleurs – En 2011, Claude Guéant préfère les patrouilleurs. Pour faire simple, il s’agit de policiers dont la mission est de déambuler dans une rue, dans un quartier.  Il s’agit par leur présence de rassurer les gens et de nouer le contact (avec la population). En 1976, on appelait ça l’ilotage.

La LOPPSI de 2011 – La loi d’orientation et de programmation pour la performance sur la sécurité prévoit de nouvelles mesures pour permettre aux forces de l’ordre de « s’adapter avec le maximum de réactivité possible aux évolutions de la délinquance ». Malgré la promesse d’une enveloppe financière cinq fois plus élevée qu’en 2009, l’ouverture sur la sécurité privée et sur les polices municipales est presque un aveu d’échec.

Le sentiment d’insécurité – Après des années de pression, les Français sont redescendus sur terre. Dans un sondage du mois de mars, 8% seulement déclaraient que la question pèserait dans leur vote à l’élection présidentielle. Contre 14% pour les impôts et les taxes. Et 36% pour le pouvoir d’achat et le chômage.

Et maintenant ? Les têtes ont changé mais les problèmes demeurent. Après les événements d’Amiens, François Hollande a promis de mettre en œuvre tous les moyens de l’État pour lutter contre les violences. Quant à Manuel Valls, il planche sur la mise en place de nouvelles « zones de sécurité prioritaire ». Mais il a dit aussi, lors d’une interview, qu’il fallait avant tout s’attaquer aux causes. Or les violences urbaines sont souvent liées au trafic de drogue. Et, partout de par le monde, la lutte contre ce fléau a échoué. « C’est un peu comme si on était sur un vélo d’appartement ; on pédale, on pédale, mais le problème demeure », a dit Juan Manuel Santos, le chef d’État colombien. Il y a peut-être là un véritable sujet de réflexion…

Il est également intéressant de savoir que François Lamy, le ministre délégué à la Ville, a porte ouverte place Beauvau, car la police ne peut pas tout. Elle agit un peu comme un antalgique, elle calme le mal mais elle ne le supprime pas.

Plus de biscuits en garde à vue

Le nombre de gardes à vue a diminué, mais le respect de la dignité humaine n’est toujours pas au rendez-vous. Loin s’en faut. Non pas du fait des policiers ou des gendarmes, mais en raison des conditions matérielles réservées aux suspects. Autrement dit, les caisses du ministère de l’Intérieur sont vides.

Et, sans argent, la nouvelle politique de sécurité voulue par Manuel Valls a-t-elle une chance de réussir ?

Dans les commissariats parisiens, par exemple, depuis plusieurs semaines, il n’y a plus de biscuits pour le petit déjeuner. Vous me direz, des biscuits… Pourquoi pas des croissants pendant qu’on y est ! Sauf que les deux biscuits du matin constituaient l’unique pitance des gardés à vue. Même pas un café. Il leur reste la briquette de jus d’orange, du genre de celle que l’on donne aux enfants, en moins bon. Et avec ça, les gaillards doivent tenir jusqu’au repas du midi : une barquette à choisir entre deux plats. Il paraît que le poulet-riz a la faveur du public. Comme quoi ils ne sont pas rancuniers les taulards d’un jour, puisqu’ils aiment le poulet. Si on ne pratique pas en France la torture infamante, avec ce régime hypocalorique, on n’est pas loin de « la tortore affamante ».

Mouais, je sais… Et pour me faire hara-kiri, je pourrais ajouter qu’il ne reste plus aux suspects qu’à manger le morceau.

Et la nuit, ils peuvent rêvasser dans leur couverture cradoque. Le plus souvent allongés par terre, car les matelas sont bizarrement d’une taille qui correspond rarement aux bancs de GAV. Quant à la douche, il ne faut guère y compter. Si elle existe, la plupart du temps, il n’y a pas de serviettes de toilette. Comme disait un commissaire : z’on qu’à prendre du PQ. Sauf qu’il n’y en pas toujours. Il suffit que le livreur passe en l’absence du préposé au ménage, pour que la semaine se déroule sans. Et chaque fonctionnaire de planquer son petit rouleau perso dans son caisson. De toute façon, même s’il y a des douches, même s’il y avait des serviettes, il n’y aurait pas assez de personnel pour accompagner les gardés à vue aux sanitaires.

Donc, tout est pour le mieux.

Un autre exemple de la paupérisation de la police : on manque de cartouches pour les Taser ! Cela se passe dans le Haut-Rhin. C’est un syndicat qui a tiré la sonnette d’alarme : le directeur de la sécurité publique serait prêt à retirer les Taser X26 de la circulation. Heureusement, le préfet pour l’administration de la police a finalement entrouvert son escarcelle : 10 cartouches auraient été livrées.

D’ici qu’on ressorte les bâtons blancs !

Je ne dis pas ça pour me moquer, mais en lisant les instructions du ministre de l’Intérieur sur la mise en place des quinze premières ZSP (zones de sécurité prioritaires), je ne pouvais m’empêcher de me demander où diable il allait trouver les moyens de sa politique… J’ai cru comprendre qu’une partie du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) serait mobilisée. Plus de 50 millions d’euros pour 2012. Rappelons que ce fonds sert à financer en priorité la prévention de la délinquance des jeunes, et, pour plus de la moitié de l’enveloppe, la vidéoprotection. Le plan-caméra si cher au gouvernement Sarkozy-Fillon (et si cher aux contribuables), vivrait-il ses derniers jours ?

La zone de sécurité prioritaire, c’est un peu le contre-pied de la police de proximité du gouvernement Jospin. Dans sa récente circulaire aux préfets, le ministre de l’Intérieur explique qu’il s’agit de s’attaquer « aux causes » et de « lutter en profondeur contre les formes les plus ancrées de la délinquance ».

Donc, pas question de jouer au foot avec les jeunes. Mais au contraire d’unir les forces de plusieurs ministères pour être le plus opérationnel possible en se concentrant sur certains objectifs : l’économie souterraine, le trafic de stupéfiants et d’armes, les violences, les cambriolages, les regroupements dans les parties communes d’immeubles, les nuisances sur la voie publique, les incivilités, etc. Et pour être encore plus pointu, il faudra sélectionner au maxi quatre cibles par zone. Tandis que les collectivités territoriales s’intéresseraient plutôt à la prévention et à la « proximité ». Probablement des missions dévolues aux polices municipales.

Pour cette première année d’activité, il n’y aura ni effectif supplémentaire ni nouvelle implantation immobilière. On peut donc s’attendre à un certain remue-ménage dans les services. Peut-être même un remodelage des structures existantes, « l’occasion d’une redéfinition de certaines unités, notamment celles affectées à la recherche du renseignement ou à la lutte contre la criminalité de voie publique », déclare M. Valls. Entre les lignes, on pourrait penser à un retour des RG et peut-être à la fin des BAC.

Comme l’écrit dans son blog Émilie Thérouin (adjointe au maire, chargée de la sécurité à Amiens), désormais, le préfet reprend la main. Et cela semble une bonne chose. Des services comme la DCRI ont montré les limites d’une centralisation à outrance. On serait donc sur le bon chemin. À condition toutefois que la justice soit au diapason. Ce qui pour l’instant reste à démontrer. Car s’il est question du procureur de la République dans la lettre du ministre aux préfets, c’est au conditionnel. Ce magistrat pourra « s’il le souhaite » assurer la codirection de la cellule opérationnelle. Y aurait-il mésentente entre la place Beauvau et la place Vendôme ?

Réussir une telle réforme sans y mettre un sou, c’est un véritable challenge. Croisons les doigts. Pourtant, il y a une chose qui n’aurait rien coûté. Un vocabulaire plus tolérant.  Je trouve que « zone » cela fait zonard, donc marginal. J’aurais préféré que l’on parle d’espaces de sécurité prioritaire. Mais ce ne sont que des mots.

La police tunisienne en miettes

La Tunisie va mal et la police aussi. C’est du moins ce que me dit un policier tunisien dans un mail envoyé récemment. Depuis le départ de Ben Ali, le pays semble partagé entre l’idéalisme démocratique, né de la Révolution, et claironné par le président provisoire Moncef Marzouki, et une aspiration profonde à l’islam. Et cette ambigüité pèse lourdement dans la musette des policiers.

A priori, dans la rue, ce sont bien les lois islamiques qui prennent le pas sur les lois républicaines. Ainsi, en cette période de ramadan, les forces de sécurité sont souvent à l’œuvre pour fermer les bars et les restaurants, ces endroits ouverts aux « non-jeûneurs ». Mais certains s’interrogent sur la base légale de ces interventions. Et, en l’absence de loi, il semble bien que le ministre de l’Intérieur cède à la pression des « religieux » et notamment à une sorte de congrégation qui il n’y a pas si longtemps, s’appelait encore « Association de la promotion de la vertu et de la prévention du vice ». Il y a quelques jours, lors d’une opération destinée à fermer ces lieux de… perdition situés dans le centre commercial Carrefour, en périphérie de Tunis, mal à l’aise, les policiers ont justifié leur action en invoquant le principe de précaution : éviter que les salafistes ne viennent tout casser. On pourrait donc penser que la police plie devant la milice des extrémistes. Mais en fait, ils ne peuvent guère dire autre chose, les policiers, car en obéissant à un ordre sans base légale, ils se placent eux-mêmes dans l’illégalité. Cette ambigüité dans les instructions de la hiérarchie flirte avec la sensibilité de chacun. Et cela se traduit par des dissonances : une répression violente, le 9 avril, lors des manifestations pour la Fête des martyrs (commémoration de l’année 1938, lorsque les forces coloniales françaises ont tiré sur la foule), alors que quelques semaines plus tôt ces mêmes policiers offraient des fleurs aux manifestants.

Au mois de juin, des heurts violents ont eu lieu entre les forces de l’ordre et des groupes islamistes radicaux qui dénonçaient une exposition de tableaux jugée offensante pour l’islam. L’un d’eux, « Femme au couscous à l’agneau », représentait une femme nue avec en arrière-plan des bonshommes barbus. Bilan : un tribunal incendié, plusieurs postes de police attaqués et des dizaines de policiers blessés. Mais ils n’ont pas tiré à balles réelles contre les manifestants, malgré la déclaration du ministre de l’Intérieur rappelant à ses troupes qu’une loi de 1969 leur en donne le droit en « état d’urgence ». L’état d’urgence perdure en Tunisie. Il a déjà été prolongé cinq fois depuis qu’il a été prononcé, en janvier 2011. En principe, il doit prendre fin dans 48 heures – à moins qu’il ne soit à nouveau prorogé.

La  plupart des syndicats de police se sont montrés satisfaits de cette déclaration de leur ministre. Cependant, jeudi dernier, alors que des manifestants s’en prenaient à la préfecture de Sidi Bouzid, sur le terrain, les forces de l’ordre se sont limitées à des tirs de sommation et à l’utilisation de gaz lacrymogène. Que se serait-il passé dans le cas contraire ? On se souvient en effet que c’est devant cette même préfecture qu’un jeune vendeur de fruits et légumes, Mohamed Bouhazizi, s’était immolé par le feu, marquant symboliquement le point de départ de la Révolution tunisienne et par extension du Printemps arabe. Une place de Paris, dans le 14° arrondissement, porte désormais son nom.

Vu de France, il est bien difficile d’y voir clair dans cet embrouillamini politico-policier. Mais il semble bien que la liberté syndicale des policiers soit en train d’en prendre un sacré coup. Les délégués sont sérieusement mis à mal depuis qu’ils ont osé revendiquer une meilleure protection juridique et une amélioration de leurs moyens d’action afin de pouvoir exercer leur métier « dans les meilleures conditions et dans le respect des valeurs des droits de l’homme dans la Tunisie postrévolutionnaire ». Le Syndicat national des forces de sûreté intérieures exige une rupture nette avec le passé. Il faut que le ministre de tutelle arrête de recycler les symboles de l’ancien régime. Mais, pour l’instant, j’ai l’impression que la seule réforme concerne le changement des uniformes… Il y a quelques jours, ils étaient nombreux à manifester suite à l’arrestation (on ne sait pour quel motif) de leur collègue, Issam Dardouri, secrétaire général de la cellule de l’aéroport international de Tunis-Carthage (il aurait été libéré mardi dernier). Pour les syndicalistes, qui prennent d’énormes risques, la société civile doit aussi se mobiliser et les soutenir dans l’approche d’une police républicaine. « Dans le cas contraire, a déclaré un responsable national, je donne six mois à la police pour revenir à sa qualité d’outil de répression ».

En attendant, les sanctions pleuvent : mutations, révocations, arrestations administratives et judiciaires… Et, à l’opposé, pour les plus souples, promotions surprises. Il y a indéniablement une volonté de contrôler les organisations syndicales pour les empêcher de se pencher sur les dysfonctionnements mis en exergue par la Révolution et sur les errements des fonctionnaires « qui ont contribué à la dictature de l’ancien régime ».

A ma connaissance, il n’y a pas eu de véritable épuration après les répressions sanglantes. Seuls quelques dizaines de cadres auraient été renvoyés.

Et tandis que les forces de l’ordre sont déstabilisées et souvent occupées à des missions de maintien de l’ordre, la criminalité prolifère, l’insécurité s’installe et les touristes fuient le pays. La Tunisie pourra-t-elle attendre les élections prévues pour mars 2013 sans verser dans le chaos ? Et demain, quel sera son profil ? Pour Nicolas Clinchamps, maître de conférences de droit public à Paris 13, le pays est « toujours écartelé entre les deux extrêmes de l’islamisme et du nationalisme ». D’autres vont beaucoup plus loin, comme ce cheikh, al-Khatib al-Idrissi, une référence spirituelle pour les salafistes tunisiens. Lui ne se limite pas à une Tunisie sous charia mais envisage carrément une « nation musulmane » mondiale : l’oumma. Pour lui, ce sont les occidentaux qui ont dressé des frontières entre les musulmans, « mais déjà les dictatures chutent : Tunisie, Égypte, bientôt la Syrie… En même temps, d’autres pays s’affaiblissent, tout comme les États-Unis. Ils vont vers l’effondrement et l’islam en profitera ».

On ne peut être plus clair.

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