Alors qu’on parle de nouveau des fichiers de police, dans une affaire récente, les tribunaux se sont penchés sur la légalité de la consultation d’un fichier de police – par des policiers – sans l’autorisation du Procureur. En l’occurrence, il s’agissait d’un banal contrôle routier : les agents constatent que l’une des serrures du véhicule porte des traces d’effraction. Par radio, ils contactent le fichier national des immatriculations qui confirme que la voiture est signalée volée. Arrestation. Procédure. La routine.
Et voilà-t-il pas que l’avocat du suspect soutient que cette consultation du fichier est illégale car elle ne fait pas mention de l’autorisation du Procureur ! Pire, la Cour d’appel suit ce raisonnement et lui donne raison en appliquant à la lettre les prescriptions de l’article 77-1-1 du Code de procédure pénal, qui dit : l’autorisation du procureur de la République est nécessaire à l’OPJ pour requérir toute personne, tout établissement ou organisme privé ou public, ou toute administration publique, dans le but d’obtenir les documents susceptibles d’intéresser une enquête, « y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives ».
La police étant une administration publique, les policiers seraient donc contraints de demander l’accord du Proc pour consulter leurs propres fichiers…
Qu’on se rassure, dans un arrêt du 15 septembre 2009, la chambre criminelle de la Cour de cassation a corrigé le tir. En fait, elle a biaisé, estimant que l’aval du magistrat n’était pas nécessaire pour solliciter une information et que la personne interrogée était parfaitement libre de lui répondre. Un échange de bonnes manières, quoi !
Il est quand même amusant de constater que les fichiers de police ne peuvent être consultés « légalement » par les policiers qu’en s’appuyant sur une argumentation aussi fragile…
On comprend bien que le législateur s’est un peu fourvoyé en rédigeant cet article 77-1-1. Il donne en fait le pouvoir à tout OPJ de consulter n’importe quel fichier, qu’il soit administratif ou privé. Cela va de la sécu à votre opérateur téléphonique en passant par votre magasin habituel ou votre employeur. Et il est impossible d’opposer un refus lié par exemple à la protection du secret professionnel, sauf pour certaines professions (avocats, médecins, presse…) où le consentement est nécessaire.
Cela dit, et pour en revenir aux deux nouvelles « bases de données » annoncées par le ministre de l’Intérieur, celle qui concerne la réalisation « d’enquêtes administratives liées à la sécurité publique » est assez inattendue. On peut penser qu’il s’agit là d’un premier pas vers la reconnaissance officielle de certaines activités privées (agents de surveillance, enquêteurs privés, etc.).
Il faut dire que la sécurité est devenu un enjeu économique bien réel, avec à la clé 1.500.000 emplois en Europe.
Quant au bien-fondé de ces fichiers, je ne sais pas. Ce qui est inquiétant, c’est qu’ils s’ajoutent à une liste déjà longue, avec la tentation, en arrière-fond, de les raccorder les uns aux autres – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
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