LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Argent et escroqueries (Page 4 of 5)

Le dictaphone du majordome de Mme Bettencourt

Rien de plus simple que d’écouter les conversations de la dame la plus riche de France, il suffit d’un matériel basique que l’on peut trouver n’importe où. telephone_design-technology.1277105849.JPG« Elle est bien mal conseillée, m’a dit un spécialiste du contre-espionnage. Lors de la dernière campagne présidentielle, par exemple, les deux candidats de tête ont dépensé pas loin de cent mille euros rien que pour s’assurer qu’il n’existait ni micros ni écoutes téléphoniques dans leurs locaux. » Un « dépoussiérage » qui est devenu une habitude dans les entreprises pour éviter l’espionnage industriel, la manipulation du cours de bourse, sauvegarder le secret d’une campagne de pub, etc. Une mission facturée quand même entre 300 et 500 euros de l’heure !

Mais il existe des gadgets plus sophistiqués que le « dictaphone du majordome ». Et ce n’est plus affaire de spécialistes. Leur utilisation est tellement simple que n’importe qui peut se découvrir des talents de parfait petit espion. Il n’existe pas bien sûr de statistiques officielles, mais peu de domaines échappent aujourd’hui aux oreilles indiscrètes. Les écoutes tous azimuts sont devenues un véritable fléau de la société moderne. Et si les services de l’État sont les premiers utilisateurs,  a contrario, le gouvernement tente de freiner la vulgarisation de ces matériels auprès du grand public.

C’est l’une des raisons du décret signé par le Premier ministre en juillet 2009, pour créer une agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, appelée ANSSI. Ses missions sont multiples, mais elle vient de publier un document qui rappelle « que l’intimité de la vie privée et le secret des communications électroniques sont protégés par la loi. Leur violation, la vente au public et l’utilisation de dispositifs d’écoute sont illégales et passibles de poursuites judiciaires ». Un an de prison et 45 000 euros d’amende, que ce soit pour l’utilisation, la détention, la vente et même la publicité de ces matériels.

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Même si le dictaphone du majordome s’est transformé en bombe politique, il faut bien reconnaître que les simples écoutes  sont dépassées. Aujourd’hui, le téléphone portable a changé la donne. Les renseignements les plus importants ne sont plus dans les conversations, mais plutôt dans le comportement, les déplacements, les habitudes… En fait, extrait-pub-espion-mobile2.1277106687.jpgce sont les traces que nous laissons derrière nous, dans notre vie de tous les jours, qui nous trahissent le plus.

Et pourtant, dans une poche ou dans un sac, on le trimballe tous ce satané portable, ce sycophante des temps modernes.

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Un léger problème technnique sur ce blog m’empêche de donner les statistiques du dernier billet.  

Argent sale en main propre

3.000 euros – et pas un kopeck de plus. C’est la somme maximale qu’un Français est autorisé à payer cash lorsqu’il effectue un achat. C’est un décret de mercredi dernier qui vient de fixer ce seuil.

picsou.pngOn comprend bien qu’il s’agit là de lutter contre l’argent sale.

Ce qui m’a agacé dans ce décret, c’est que le même jour, je découvrais les comptes de campagne d’Edouard Balladur. Vous savez, ce Monsieur, soutenu par Nicolas Sarkozy, qui s’est pris une veste aux Présidentielles de 95…

« La réalité (…) c’est que le financement en espèces n’a nullement été inventé par moi, qu’il est autorisé par la loi à concurrence de 20 % du total des dépenses… » C’est ce qu’il a déclaré le mois dernier, devant la Mission d’information sur les circonstances entourant l’attentat de Karachi. Pour se dédouaner de toute commission occulte, il se justifie, chiffres en main : sa campagne électorale a coûté environ 90 millions de francs (dont 30 millions remboursés par l’État), il avait donc droit à 18 millions de francs en espèces – et il n’en a utilisé que 13 (environ 2.300.000 euros).

Le brave homme !

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Extrait des déclarations d’Edouard Balladur devant la Mission d’information sur les circonstances entourant l’attentat de Karachi.

Mais tout ça, c’est du vieux. Depuis, les choses ont dû changer, me suis-je dit. Eh ben non ! La dernière campagne présidentielle a coûté environ 76 millions d’euros à l’ensemble des candidats (dont 45 millions remboursés par l’État).

Ce qui fait donc environ 15 200 000 € en espèces.

Évidemment, si l’on compare aux 700 € par mois que touche un retraité au « minimum vieillesse », on est un peu perdu dans les zéros.

Et pour 1,40 € de plus, j’apprends dans Le Monde, reprenant des informations de Médiapart et de Marianne, que le gestionnaire de la plus grosse fortune de France (celle de Liliane Bettencourt), par ailleurs patron de Mme Woerth, saupoudre de subsides certains personnages politiques, « Une pincée pour machine, une lichette pour truc… »

Je ne sais pas si c’est vrai, mais comme les dons supérieurs à 150 € doivent être réglés par chèque, c’est facile à vérifier.

Pourquoi j’ai parfois l’impression qu’on nous prend pour des cons ?

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« Libérator » a-t-il tort ? » a été lu 2 099 fois et a suscité 10 commentaires.

Internet, roulette et grosse galette

Aujourd’hui, on doit connaître les joueurs sélectionnés pour la Coupe du monde de football, mais d’autres personnages piaffent dans les starting-blocks : ceux qui attendent les jeux en ligne. Même si les choses ont pris un peu de foot-et-argent_plocteville.1273562408.gifretard, à cause de Malte, qui ne voit pas d’un bon œil lui échapper les « clandés » qui prospèrent sur son sol, c’est promis juré, avant le premier coup de sifflet de l’arbitre, les jeux seront faits. Juste deux ou trois obstacles juridiques à franchir et l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), délivrera les premières licences. Pour l’instant cela concerne le poker, les paris sportifs et les paris hippiques.

Dans les coulisses, dans le monde de la finance et de la politique, on imagine les pourparlers, les négociations, le donnant, donnant…

Car, même si Charles Pasqua a été blanchi dans l’affaire du casino d’Annemasse, on sait bien que les jeux d’argent et la politique sont inséparables.

Cette masse de billets que génèrent les casinos a toujours suscité convoitises et tentations. Et comme ces entreprises « à part » ont besoin d’autorisations administratives, on imagine les magouilles… En sera-t-il de même avec les jeux virtuels ?

Si aujourd’hui la guerre commerciale est ouverte, en tout cas, la guerre des jeux n’est pas un long fleuve tranquille, loin s’en faut. Voici deux exemples, parmi tant d’autres, l’un, vieux de plusieurs dizaines d’années, l’autre, plus récent.

Dans les années 70, grandes manœuvres pour l’ouverture d’un deuxième casino à Nice, le Ruhl. Le 13° de la Côte d’Azur. Chiffre qui ne portera pas chance à tout le monde. C’est Jean-Dominique Fratoni, dit Jean-Do, qui mène la danse. Le bonhomme est ambigu. Il cultive les relations mais il n’a sans doute pas les épaules pour agir de son propre chef. Derrière, on subodore des hommes puissants…

Jean Bozi, un ancien député UDR, appuie la demande d’agrément. Or Bozi est casino-ruhl.1273562546.jpgégalement un proche de Marcel Francisci, qui est lui-même un ami d’Alexandre Sanguinetti, lequel roule dans le sillage de Roger Frey. Pour situer les personnages, les années précédentes, alors que le pays est déstabilisé par la fin de « l’Algérie française », Frey est ministre de l’Intérieur et à ses côtés Alexandre Sanguinetti recrute des gros bras dans la pègre pour lutter contre l’OAS. Il est d’ailleurs l’un des fondateurs du SAC (service d’action civique) avec Charles Pasqua et Etienne Léandri, association 1901 destinée à l’origine à soutenir la politique de De Gaulle, et téléguidée en sous-marin par Jacques Foccart.

Pour en revenir au Ruhl, Jacques Médecin, le maire de Nice, n’est pas en reste. Il veut que sa ville supplante Monaco. Il rajoute au pot et accorde même à Fratoni une réduction importante sur le montant des taxes qu’il doit régler à la commune. Tandis que son concurrent, situé à moins de trois cents mètres, Le Palais de la Méditerranée, paie plein pot.

En fait, il n’y a pas la place pour deux casinos à Nice. Rapidement, les hostilités sont ouvertes. Ainsi, en 1975, un mystérieux groupe de joueurs italiens fait pratiquement sauter la banque du Palais dans des circonstances qui n’ont jamais été vraiment élucidées.

Mais Fratoni a beau se démener, la mayonnaise ne prend pas, et malgré le renflouement d’Alain Delon, le Ruhl connaît rapidement de sérieuses difficultés financières.

Raison qui explique la tentative de prendre le contrôle du Palais de la Méditerranée, via les actions détenues par la fille de sa dirigeante, Renée le Roux. On connaît la suite: la disparition d’Agnès Le Roux qui a conduit, plus de trente ans plus tard, son amant, l’avocat Maurice Agnelet, à être condamné à vingt ans de réclusion criminelle – sans pour cela qu’on n’en sache plus sur cette affaire.

À cette époque, derrière chaque casino, on devine l’ombre de Marcel Francisci ou de son concurrent, Baptiste Andréani. Entre les deux, une ribambelle de cadavres.

Mais indiscutablement, c’est Francisi qui  porte la couronne. Jusqu’en 1981, où ses ennuis commencent avec le nouveau ministre de l’Intérieur, Gaston Defferre. Il n’en verra pas le bout. Il est tué dans le parking de son immeuble, à Paris, en janvier 82. Trois balles de 11.43, à bout touchant. Les soupçons des enquêteurs se portent sur ses anciens associés, les frères Zemour. Sans preuve. Mais il semble que d’autres ne s’embarrassent pas de ces détails: Edgard Zemour est abattu l’année suivante, à Miami, en Floride, où il s’est retiré ; et Gilbert Zemour quelques mois plus tard. Deux balles de 357 alors qu’il promenait ses quatre caniches. Et une dernière, pour la route, le canon de l’arme sous le menton.

On peut se dire, bon, tout ça c’est de l’histoire ancienne…

Alors, parlons du cercle Concorde. Cette maison de jeu de la rue Cadet, à Paris,  a obtenu une autorisation d’ouverture en novembre 2006, alors qu’à cette époque l’établissement était dans le collimateur des policiers. Ceux-ci enquêtaient (entre autres) sur un flingage qui avait eu lieu quelques mois auparavant à Marseille, à la brasserie des Marronniers. Quatorze balles, trois morts. Lorsque les enquêteurs déterminent qu’un certain Paul Lantieri pourrait être l’un des instigateurs de ce règlement de comptes, finauds, ils font le rapprochement avec le cercle Concorde. Car le bonhomme, qui possède pas mal d’établissements de toutes sortes sur l’Île de Beauté, est également propriétaire du restaurant qui jouxte le cercle de jeux. Il est arrêté en janvier 2007 et mis en examen pour association de malfaiteurs. Bizarrement, il est laissé libre. Dès lors, la PJ ne le lâche plus d’une semelle. Ce qui va permettre aux enquêteurs un sacré coup de filet dans lequel se prendront au passage un banquier suisse, un ancien capitaine de gendarmerie et un vieux de la vieille du milieu marseillais : Roland Cassone.

Pour le folklore, celui-ci est arrêté alors qu’il taille la haie de son jardin, un flingue dans la ceinture et le gilet pare-balles à portée de la main. Un rôle en or pour le regretté Paul Meurisse.

En janvier 2008, l’Express s’interrogeait : « Il reste à comprendre pourquoi Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, a autorisé l’ouverture de la maison de jeux avec à sa tête ce sulfureux attelage à l’automne 2006, et pourquoi Michèle Alliot-Marie a renouvelé cette autorisation un an après. Dans les écoutes, l’un des suspects fait allusion à un ancien ministre proche de Charles Pasqua et de Sarkozy ».

Depuis des lustres, la roulette est interdite en région parisienne, pour éviter, disait-on dans le temps, que les ouvriers n’y laissent leur paie. Aujourd’hui, le poker, boosté par des stars du showbiz et soigneusement mis en scène par la télévision, notamment Canal +, a changé la donne. Sa popularité renforce l’attrait des salles de jeux parisiennes. Businessmen et voyous s’en pourlèchent les babines.

chien-voyou1170497922.1273562632.jpgQue va-t-il se passer lorsque les jeux en ligne vont s’ouvrir légalement aux Français ?

Pour l’instant, il paraît que le combat est acharné. L’objectif est de figurer à tout prix dans le peloton de tête, quitte à perdre de l’argent au départ. Car les gains espérés sont énormes.

Mais si tous les coups sont permis – on n’en est pas encore aux coups de calibre.

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Le torchon brûle entre commissaires et magistrats a été lu 2 290 fois et a suscité 14 commentaires.

Quand Julien Dray se fait gronder par le Procureur

L’auteur présumé d’un délit peut faire l’objet d’un simple « rappel à la loi », c’est ce que nous dit le procureur de la République de Paris. Cette déclaration a dû plonger nombre de juristes dans le fameux petit livre rouge qui ne les quitte jamais – et de tourner frénétiquement les pages… Voyons, gros-minet_segolinover-blog.gifrappel à loi, rappel à la loi… Non, rien dans la table alphabétique. Ah, voilà ! Article 41-1 : « S’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits, le procureur de la République peut […] procéder au rappel auprès de l’auteur des faits des obligations résultant de la loi… » Il peut également « orienter l’auteur des faits vers une structure sanitaire », « demander à l’auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi », « demander à l’auteur des faits de réparer les dommages », et en cas de non-exécution de l’une de ses décisions, il peut engager des poursuites, sachant que cette procédure suspend la prescription.

Cet article du Code de procédure pénale ne parle pas d’un présumé innocent, ni même d’un présumé coupable, mais, de façon répétitive, de l’auteur des faits.

Et pour ses amis, « l’auteur des faits » est innocent :

– Martine Aubry : « Le Parti socialiste n’a eu de cesse de demander le respect de la présomption d’innocence, et chacun peut mesurer, une fois de plus, les dégâts causés par ceux qui la bafouent ».
– Pour François Hollande, si ces informations sont confirmées, « ce serait une leçon pour tous ceux qui ont blessé la présomption d’innocence ».
– Quant au député-maire Manuel Valls, il se réjouit que son ami soit « rétabli dans son honneur ».
– Jean-Paul Huchon, plus pragmatique, pense aux Régionales, jugeant que Dray peut désormais « s’il le souhaite, reprendre la tête de liste dans l’Essonne ».

Ils sont gentils, mais ils n’ont peut-être pas bien compris le film…

En voici le synopsis : l’année dernière, Julien Dray fait l’objet d’une dénonciation à TRACFIN. À la suite de nombreuses vérifications, cette cellule découvre effectivement des mouvements de fonds suspects sur les comptes de l’intéressé. D’où un rapport envoyé au procureur et – incidemment – à L’Est Républicain.
À la vue de ces éléments troublants, il y a un an, ledit procureur ouvre, non pas une information judiciaire, comme on aurait pu s’y attendre, surtout pour des faits qui concernent un député, mais une enquête préliminaire, pour abus de confiance – délit punissable de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende. Mais, comme « l’accusé » n’a pas accès à son dossier, il ne sait pas exactement sur quoi repose cette accusation. Il est vrai qu’il peut, comme tout le monde, suivre l’avancée de l’enquête dans la presse…

Après un an d’investigations, en toute logique, on s’attendait à un renvoi devant le tribunal correctionnel.
Des magistrats indépendants qui jugent un député sur des éléments concrets, voilà un bel exemple d’une justice démocratique ! Et pour Julien Dray, l’occasion enfin de se défendre publiquement et de démontrer que tout ce cinéma n’était qu’un traficotage pour le détruire politiquement !

Que nenni ! Le procureur en a décidé autrement. Il estime aujourd’hui, je suppose en son âme et conscience, que Julien Dray est coupable, mais qu’il n’y a pas lieu de le poursuivre pour un mouvement de fonds suspect qui a été ramené de 351 027 € à 78 350 €. Une somme relativement modeste, nous dit-on, c’est-à-dire environ cinq ans des revenus d’un smicard…

Cette décision du procureur, rapportée par Le Monde « sous réserve que la Chancellerie le suive dans son raisonnement » ne serait pas définitive. Il est vrai qu’aujourd’hui, on ne sait pas ce qu’en pense la Garde des Sceaux. On ne sait pas non plus ce qu’en pense l’intéressé. Est-il satisfait de cette mesure, boulet_aquagora.gifgénéralement réservée aux ados pour éviter qu’une bêtise de jeunesse ne devienne un boulet dans leur vie d’adulte ?

Julien Dray peut-il faire appel de cette décision et demander à être jugé comme tout un chacun ? À dire vrai, je l’ignore – mais en a-t-il l’intention ?

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Les nouveaux détecteurs de mensonges a été lu 16.416 fois en 3 jours et a suscité 28 commentaires.

Le convoyeur a le droit de se taire

Il n’a, paraît-il, rien dit. Il nous prend pour des crétins, aurait déclaré un policier. On imagine la scène… Je me nomme Tony Musulin. C’est bien moi qui ai dérobé les onze millions et je m’expliquerai plus tard – peut-être. chut-_blogaufeminin.jpgVous savez le genre de truc qu’on voit dans les films de guerre. Interrogé, le prisonnier se contente de répéter : sergent Untel, matricule 53 221…

Le droit au silence est reconnu dans notre Code de procédure pénale, mais les policiers n’aiment pas trop. Ainsi, en l’an 2000, la loi sur la présomption d’innocence prévoit que la personne en garde à vue doit être informée de sa possibilité « de ne pas répondre aux questions des enquêteurs ».  Mais cela créé un tel tohu-bohu dans la maison poulaga, que bien vite, le législateur corrige le tir. En 2002, la formule devient « le droit de faire des déclarations ou de se taire ». Et l’année suivante, on n’en parle plus. Le gardé à vue a toujours la faculté de se taire, mais il n’est pas obligé de le savoir.

Pourtant, ça a de la gueule, ce petit morceau choisi des séries américaines : Vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous pourrez dire, etc.

Son aventure, à Tony Musulin, c’était un peu la nôtre – mais on attendait une autre fin. Avec plus de panache. Qu’il distribue une partie de son butin aux pauvres et aux démunis, par exemple. Ou qu’il envoie une petite prime à ses deux collègues mis à pied par sa faute. Mais rien ! Pourtant, lorsqu’en si peu de temps on devient une star, on se crée des obligations, non ! Il aurait dû y réfléchir. Enfin, à présent, il va avoir le temps, car la justice ne lui fera probablement aucun cadeau : le mutisme passe le plus souvent pour de la provocation. À moins qu’il n’ait eu un motif que l’on ignore…  Je ne sais pas, moi, une mère au pays qui doit se faire opérer, un enfant handicapé…

En tout cas, il en aura fait fantasmer plus d’un, le convoyeur de fonds !

Certains s’interrogent sur cet engouement pour des individus qui s’autorisent un pied-de-nez au système, comme lui, ou l’insaisissable Treiber. Après tout, le premier est un voleur et le second est suspecté d’un double meurtre…

foule_metro_boomdabassnet.jpgCroquis réalisé pour le court-métrage Foule conditionnée.

Ouais, mais voilà, dans notre vie de tous les jours, pas de rêves à l’horizon. Et pour beaucoup, pas d’horizon du tout. On subit les contraintes d’une société trop raisonnable ou des chefs trop raisonnables nous brossent un avenir trop arithmétique. Et jamais on ne voit le bout du tunnel. Sans faire de politique, on aura toujours un petit coup de cœur de plus pour Ségolène que pour Martine… L’utopie contre la raison.

En fait, notre vie, elle est trop petite pour nous.

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Coup de gueule du bâtonnier de Paris a été lu 11.283 fois en 2 jours et a suscité 32 commentaires – avec des avis très partagés.

Pourquoi Pasqua ne va pas en prison

Un an ferme, deux ans avec sursis – et l’ancien ministre est libre comme l’air. Il se fend même d’une conférence de presse tonitruante. Certains (mauvais esprits) peuvent s’étonner que dans le même temps, au tribunal de Bobigny prison_afcchurch.jpgpar exemple, les condamnés ressortent systématiquement entre deux gendarmes… Suivez-moi dans les dédales de la justice.

Lorsqu’un individu est reconnu coupable d’un délit, il est la plupart du temps condamné à une peine privative de liberté – de 2 mois à 10 ans. Mais cette peine ne mène pas forcément en prison. Elle peut être assortie d’un sursis. C’est même devenu la règle depuis la refonte du Code pénal. Tout est parti de l’idée qu’il serait de bon ton que le juge motive spécialement le prononcé des peines inférieures à quatre mois.  Mais les sénateurs, en planchant sur ce texte, ont trouvé paradoxal de motiver les peines de 2 mois de prison et pas celles de 10 ans… Alors, il a été décidé que toutes les peines de prison ferme devraient être spécialement motivées. On est donc aujourd’hui dans cette situation où le juge prononce une peine qui n’est pas exécutable, sauf à expliquer les raisons pour lesquelles le condamné doit aller en prison.

Donc, en matière de délit, la règle générale, c’est le sursis (sauf pour les condamnations à plus de 5 ans d’emprisonnement). Charles Pasqua a écopé de deux ans de prison avec sursis.

Oui mais aussi d’un an de prison ferme, ce qui aurait dû le mener derrière les barreaux…

Là, on découvre une autre subtilité de la loi. Le tribunal fixe le régime d’application des peines « en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ». Cela s’appelle le principe de la personnalisation des peines (art. 132-24 du Code pénal). Pour se décider, le juge met en balance, les intérêts de la victime, la défense de la société, la réinsertion du condamné et la prévention de la récidive. C’est ce dernier point, on s’en doute, qui généralement l’emporte sur les autres.

Les enquiquineurs pourraient estimer que le principe de la personnalisation des peines ne met pas tous les citoyens à égalité devant la loi… Le Conseil constitutionnel s’est penché sur la question avec une position que j’interprète (peut être à tort) en demi-teinte. Sans contester expressément ce principe, la Haute juridiction s’est efforcée d’en définir la portée et d’en marquer les limites (Droit pénal général, Desportes et Le Gunehec). Elle a souligné que l’article 8 de la Déclaration de 1789 n’impliquait pas que la peine soit appréciée en fonction de la personnalité du condamné et que le juge n’avait pas à disposer d’un pouvoir arbitraire ; mais dans le même temps, elle n’a pas contesté le principe de l’individualisation des peines. Alors… Quant à la verite-bigfoot_villiard.jpgConvention européenne des droits de l’homme, même si elle ne parle pas de la personnalisation des peines, elle estime que le juge doit être investi d’un pouvoir d’appréciation étendu.

On a quand même l’impression d’une justice sur mesure…

Pour autant, M. Pasqua n’est pas tiré d’affaire. Il a déjà été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour, après avoir autorisé en 1994 l’exploitation du casino d’Annemasse, profité au passage d’un large crédit pour sa campagne électorale. Or cette peine vient d’être confirmée par la Cour d’appel. Avec cette nouvelle condamnation dans l’affaire de l’Angolagate, son sursis pourrait bien tomber et il se retrouverait en prison.

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Le billet précédent, La refonte de la garde à vue suscite des questions, a été lu 788 fois en 2 jours et a suscité 9 réactions. Pour répondre au commentaire de Péhène (), j’ai cru comprendre que le projet d’instituer une retenue de six heures s’accompagnerait de la présence de l’avocat – s’il est pratiqué à l’audition du suspect. A moins que cette retenue ne vise pas uniquement les suspects…

L'homme qui valait 11 millions

Le casse du siècle, en France, a été celui de la Société générale de Nice. C’était en 1976. Avec un préjudice estimé à 50 millions de francs, mais ce butin était en partie constitué de bijoux, de titres, etc. Les voleurs ont dû en tirer, allez, disons 4 ou 5 fois moins. la-grosse-caisse_dvdtoile.jpgD’ailleurs, le cerveau de ce casse, Albert Spaggiari, est mort sans le sou, en 1989.

Donc ici, il y aurait un certain Tony Musulin qui aurait fait main basse sur une montagne de billets de banque ! Et le bougre, nous dit la presse, a calculé son coup de longue date. Au point de simuler le vol de sa Ferrari et de susciter une embrouille avec ses collègues pour faire équipe avec des bleus. Entre temps, il a vidé son compte en banque, il a vidé son appartement, pour finalement vider les lieux… Du travail d’artiste. On pense un peu au poinçonneur du métro, le père Bourdin (Bourvil), dans le film La grosse caisse (surnom donné à la rame qui transporte des fonds), lequel imagine, dans un polar bien ficelé, comment faire main basse sur cette fortune qui tous les jours lui passe sous le nez.

Mais après avoir échafaudé ce coup du siècle, après avoir minutieusement étudié chaque détail, et surtout après l’avoir exécuté sans bavure, on se demande une chose : qu’a-t-il prévu de faire, le convoyeur de fonds, de tout cet argent ?

Personnellement, deux fois dans ma carrière je me suis posé la question. Une fois, à deux pas de la frontière italienne, après avoir récupéré la rançon d’un otage. Bof, même pas l’équivalent d’un million d’euros. Ça ne valait pas le coup ! Une autre fois au cours d’une fusillade dans les rues de Paris. J’étais tout jeune commissaire. Un gars de la BRI, impatient de participer à l’action, m’a confié un sac d’environ un mètre de haut rempli de petites coupures. « Tiens, garde-ça, toi ! » m’a-t-il dit. Alors qu’il ne me connaissait même pas. Combien il pouvait y avoir ? Beaucoup. Beaucoup trop pour moi. Pourtant un moment, j’ai rêvé d’une vie à faire le lézard sous les cocotiers… Tout ça pour dire que la tentation, hein… Moi j‘ai résisté, mais sans mérite : l’argent n’a jamais été mon moteur. C’est sans doute pour ça que je suis resté honnête…

Pour en revenir à notre affaire : Avez-vous déjà essayé de payer vos courses avec un billet de 200 € ? En général la caissière appelle son chef, deux ou trois personnes viennent examiner votre billet dans tous les sens… Tout juste si on ne vous demande pas une pièce d’identité… Quant aux billets de 500, qui circulent assez couramment en Allemagne, peu de Français peuvent se vanter d’en avoir vus. Et de toute manière aucun commerçant ne les accepte. Et si vous en avez un, la seule solution est de le déposer à la banque – qui aussi sec vous dénoncera à TRACFIN.

Est-ce qu’il sait tout ça, Monsieur Musulin ?

Bon, vous me direz, y’a longtemps qu’il a passé la frontière avec ses biffetons. Oui mais voilà, depuis que les paradis fiscaux ont été désignés comme les principaux responsables (avec les traders) de la crise financière, les paradis, c’est l’enfer ! Pas question d’aller déposer ses petits millions chez nos amis suisses. Déjà qu’ils ont Polanski sur les bras, y vont pas en plus se récupérer Musulin…

J’ai lu quelque part qu’un policier aurait déclaré : « Il planque son magot, il se constitue prisonnier, il fait ses trois ans de placard et après, à lui la belle vie ! » voleur_20mai.net.gifEt le recel mon ami ? Un délit continu, sans prescription possible, sauf à rendre l’argent. Mais peut-on être poursuivi pour le recel d’un bien pour le vol duquel on a été condamné ?

Alors là, je donne ma langue au chat. Et puis, je vais vous dire un truc, Musulin, il n’a pas besoin de moi, il a suffisamment de fric pour se payer les services des meilleurs avocats de France.  À moins que ceux-ci refusent d’être payés en espèces !

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Le billet précédent, Police : le compte n’y est pas, a été lu 612 fois en 2 jours et a suscité 19 commentaires.

Ami, entends-tu…

La France est-elle ruinée ? C’est la question qu’on peut se poser devant les réflexions de Nicolas Sarkozy sur l’utilisation des forces de police et de gendarmerie. « Trois policiers par voiture, ce n’est pas normal », a-t-il extrait-couverture-du-livre-la-fleur-au-fusil-de-boissiere-copie.1254046953.jpgaffirmé. « Je ne veux plus de CRS et de gendarmes mobiles à attendre des heures dans les cars sans rien faire », a-t-il renchéri devant les parlementaires de la majorité. Et l’« on ne me fera pas le coup des effectifs ». Pour que le Président, chantre de la sécurité, envisage des économies dans ce domaine, je me suis dit qu’il devait y avoir anguille sous roche. D’autant que pour l’instant, la règle des 2 pour 1 n’est guère respectée dans la police. Alors, les choses vont-elles aussi mal ? Est-il fini l’heureux temps de la partie de poker dans le car de CRS ou du « tour d’arrière » dans la voiture de patrouille, à l’heure de la sieste ?

En feuilletant la presse, et surtout la presse économique, à la recherche d’informations, je me suis retrouvé face à une évidence : La réponse est oui. Il semble bien, comme disait Marguerite, la mamie qui s’est penchée sur ma jeunesse turbulente, qu’on ait mangé notre pain blanc en premier.

La France serait le 19° pays du monde le plus endetté. Toutes les minutes, c’est 120.000 € de plus. Bien loin le temps (de la campagne électorale) où l’ambition était de revenir aux normes européennes : 3 % du PIB, et pas un kopeck de plus. En fait, sans le savoir, on est cousu de dettes : près de 22.000 € par tête de pipe. Ce bébé qui pousse son premier cri a bien raison de rouspéter, car il est né avec une ardoise. À peine en est-il sorti qu’il est déjà dans les choux… La sécurité sociale, dont on nous rabâche qu’elle est la meilleure du monde, est à deux doigts du dépôt de bilan. Pour faire face, elle a besoin d’un découvert de 60 milliards d’euros. Un chiffre sans précédent. Sollicitée, la Caisse des dépôts déclare forfait. Elle ne peut couvrir que pour la moitié. Notre Sécu va donc émettre des obligations à court terme, ce qu’on appelle des billets de trésorerie. Sauf qu’il y en a déjà pour une bagatelle de 42 milliards et des poussières qui se baladent dans la nature, et que cette nouvelle arrivée de papiers sur le marché risque de faire effondrer les cours.

Citée dans Les Échos, la députée UMP Marie-Anne Montchamp nous dit : « Dans tous les cas, on fait de la cavalerie. On couvre des besoins de financements structurels, de long terme, avec de la trésorerie de court terme. Ce n’est pas vertueux, c’est surtout risqué. »

Simone Wapler, la rédactrice en chef de MoneyWeek, prend moins de précautions oratoires : « La « madoffisation » étatique, l’arnaque finale de la Grande Apocalypse Financière (GAF) est en cours », nous assène-t-elle comme un coup de grâce.

Et de nous dérouler le mode d’emploi, que je me permets de résumer avec mes mots de néophyte :
1 – On met d’abord en place des plans de relance et de renflouement qui sont financés par l’émission d’obligations.
2 – Le chômage continue sa progression, ce qui est le constat irréfutable d’un échec de ces mesures. Aujourd’hui, on en est là.
3 – C’est le début du processus de l’affaiblissement de la monnaie.
4 – Pour compenser l’alourdissement de la dette, on l’augmente. C’est la fuite en avant. Du coup la monnaie s’affaiblit encore plus et par ricochet les taux d’intérêt grimpent.
5 – Ce qui entraîne un effondrement du cours des obligations plus anciennes (à un taux plus bas) : les bas de laine fondent, les retraités diminuent leurs rations alimentaires et ceux qui ont quatre sous les glissent sous le matelas. La consommation s’effondre.
6 – Pour éviter le krach, les banques centrales se voient contraintes de racheter les vieilles obligations, celles dont plus personne ne veut. La planche à billets tourne…

Et c’est la phase finale. Le financement de la dette par la dette. Le cercle « dé-vertueux » est bouclé. La monnaie s’effondre et l’or atteint des pinacles.

Qu’on se rassure, tout cela n’arrivera pas. D’ailleurs le G20 y a mis bon ordre. Car ses participants, surtout du côté européen, ont tout de suite compris d’où venait le problème : le bonus des traders. On allait donc légiférer là-dessus, et tout reviendrait comme avant… Sauf que même pour ça, à la finale, on est resté sur notre faim. Des déclarations de bonnes intentions, et pis voilà !

Pas tout à fait, car la semaine passée, on a peut-être planté le décor d’une pièce qui se jouait en deux actes :

Acte I – Le Conseil de sécurité, où Obama nous convainc de la nécessité d’un monde sans armement nucléaire et tend la main à l’Iran, tandis que le méchant trublion français lui donne la réplique et passe pour le va-t-en-guerre de service. Vous savez, la scène classique du bon flic et du méchant.

Acte II – À Pittsburg, un triumvirat du « club nucléaire » se livre à un pathos d’où il résulte que l’ennemi atomique désigné est l’Iran.

Il est certain qu’on ne fera jamais une guerre pour défendre l’économie mondiale, cela ne serait… guère populaire. Mais faire une guerre en prévention d’une guerre encore plus grave, même si elle n’est qu’hypothétique, c’est un peu se positionner en défenseur de la paix… L’avantage, on l’a bien compris, c’est qu’un conflit armé justifie toutes les privations, les lois martiales, et autres petits plaisirs que nos parents ont connu.car-police_dessin-grd.1254047256.jpg

Mais je m’égare, et pour en revenir aux choses sérieuses, assavoir : les policiers doivent-ils être trois dans les voitures de patrouille, ou bien seuls, comme aux États-Unis ? J’ai posé la question à un expert, du genre de ceux qu’on voit à la télé et qui savent tout sur tout (aïe!). En résumé, il m’a dit : « Entre 3 et 1, y’a forcément une marge de négociation ».

Comme 2 et 2 font 4, quoi !

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Le compteur de dette provient du site Générateur-Langue de bois.

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Le billet précédent, Quand les députés s’auto-blanchissent, a été lu 2.010 fois en 2 jours et a donné lieu à 9 commentaires.

Affaire Dray : dernières sommations !

Julien Dray ne marquera sans doute pas l’histoire de France, mais pour avoir « bénéficié » en avant-première de la réforme du Code de procédure pénale, il a gagné sa place dans les bouquins de droit. Pourquoi ce régime particulier? Petite tentative pour comprendre…

marionnette_souriredp.1248603894.jpgEn 1990, sous le gouvernement de Michel Rocard, pour faire face à la mondialisation du trafic de stupéfiants, on décide de s’attaquer aux flux financiers internationaux générés par ce trafic en créant une cellule auprès du ministère des Finances : TRACFIN. Au fil des ans, les compétences de ce service s’étendent au crime organisé, à la corruption, aux intérêts financiers des Communautés européennes, puis à la lutte contre le terrorisme.

On en était à peu près là, l’année dernière lorsque l’affaire Dray a éclaté. TRACFIN n’est pas un service judiciaire et si lors de leurs recherches ses fonctionnaires découvrent des faits qui tombent sous le coup de la loi, leur devoir (c’est une obligation légale pour tous les fonctionnaires) est de les dénoncer au procureur de la République – et non pas de bâtir patiemment un dossier franco-français contre un homme, qu’il soit député de l’opposition ou non.

Or Dray est tellement saucissonné dans ce dossier que lorsque celui-ci échoit sur le bureau du procureur, ce dernier n’a plus qu’à saisir un juge d’instruction afin que l’affaire suive son cours. Ce qu’il ne fait pas. On peut donc supposer qu’il a reçu des instructions pour éviter qu’un petit juge ne mette le nez dans cette affaire. D’autant que ledit petit juge aurait probablement cru bon de prendre la déposition des gens de TRACFIN, voire d’effectuer une perquisition dans leurs bureaux, comme ce fut le cas dans l’enquête sur la caisse noire de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie).

On en arrive donc à cette situation ubuesque où un service administratif destiné à lutter contre le blanchiment d’argent, et qui bénéficie des mêmes prérogatives d’enquête que des policiers ou des gendarmes, monte un dossier contre un homme politique qui a longtemps été très proche de la prétendante à la présidence de la République (dans le dossier on trouve d’ailleurs un autre proche de Ségolène Royal). Et pour garder mainmise sur l’affaire le procureur décide d’utiliser les pouvoirs que devrait lui donner la nouvelle procédure pénale actuellement toujours dans les tuyaux.

Bon, on peut toujours se dire que Julien Dray l’a bien cherché et que son train de vie de nanti n’attire pas spécialement la sympathie.

Et que ces choses n’arrivent qu’aux autres…

Sauf que le décret du 16 juillet 2009 modifie sérieusement la donne. Car dorénavant, il ne s’agit plus seulement pour TRACFIN de lutter contre le blanchiment mais bel et bien de surveiller tous les habitants de l’Hexagone en mettant en place une obligation de « déclaration de soupçons ».

Qu’on le veuille ou non, on n’est pas loin de la délation organisée au niveau de l’État.  Et nous sommes tous concernés. Pour paraphraser un slogan soixante-huitard, nous sommes tous des Julien Dray.

Le texte énumère les cas dans lesquels il devient obligatoire de faire une dénonciation, euh…, je voulais dire « une déclaration de soupçons ». Il y en a 16. Certains risquent de gâcher vos relations avec votre banquier. Ainsi vous déposez espionnage_image-google.1248604003.jpegdes fonds sur votre compte, il va vous demander d’où provient cet argent. Et si vous refusez de répondre, il vous dénonce. Et s’il n’ose pas vous poser la question mais qu’il estime que la somme que vous déposez ne correspond pas à votre train de vie, il vous dénonce aussi. Vous vendez votre maison à un prix trop bas, cette fois, c’est votre notaire qui vous dénonce, etc.

Et vous n’en saurez rien, car votre banquier ou votre notaire…, n’a pas le droit de vous informer qu’il vous a signalé à TRACFIN. S’il ne vous signale pas, il risque des poursuites pour complicité et s’il vous avise qu’il vous a signalé, il risque des poursuites pénales. Il faut avouer que la marge de manœuvre est restreinte…

Vous me direz, mon banquier, mon notaire, bof ! Oui mais si vous parcourez l’article 561-2 du Code monétaire et financier, vous allez être étonné de voir le nombre de gens que cela concerne, comme les galeries d’art, les antiquaires, les agences immobilières, les loueurs de biens, etc. On s’achemine nettement vers une généralisation pour toutes les transactions commerciales à partir du moment où il existe un soupçon de possibilité d’une infraction passible d’une peine d’emprisonnement d’un an. C’est-à-dire quasiment tous les délits. Attention aux transactions sur Internet ! Si vous achetez une voiture d’occasion nettement en-dessous de son cours, devez-vous penser que vous faites une bonne affaire ou qu’elle est volée ?

Dénoncer un crime ou un délit peut être un devoir civique, mais colporter un soupçon… « On ne bâtit pas une société démocratique sur des déclarations de soupçons » a déclaré Thierry Wickers, président du Conseil national des barreaux » (Le Monde du 7 juillet 2009).

Il faut dire que les avocats sont concernés au premier chef. Comment concilier cette obligation de dénonciation avec la confidentialité qui s’attache aux relations avec leurs clients ? Le Conseil d’État a estimé que les avocats ne pouvaient arguer du secret professionnel que dans leurs « activités juridictionnelles ». Dans tous les autres cas, ils doivent informer leur bâtonnier qui prendra la décision de faire ou non une « déclaration de soupçons ». Un truc à bousiller les vacances des avocats d’affaires, qui le plus souvent interviennent comme conseils, car leur clientèle, composée essentiellement d’entreprises, risque fort de s’adresser dorénavant à des cabinets étrangers. Sûr qu’ils doivent avoir une dent contre leur consœur, Christine Lagarde, qui a longtemps été à la tête de Baker & Mckenzie, l’un des plus grands cabinets d’avocats d’affaires du monde.

Certains rouspètent contre la méthode qui consiste à promulguer un décret d’application en plein été (la loi date du mois de janvier) et estiment que ce texte va bien au-delà de la 3° directive européenne, dite directive anti-blanchiepouvantail_1max2coloriages.1248604126.jpgment.

On jugera à l’usage.

Mais pour en revenir à Julien Dray, on peut s’étonner qu’il ait étrenné et le nouveau Code de procédure pénale et les nouveaux pouvoirs de TRACFIN – le tout avant parution. Un précurseur, quoi !

À se demander si toute cette publicité autour de son cas ne ressemble pas à un coup de semonce vis-à-vis de la classe politique et du monde des affaires. On en fait un épouvantail : Voyez ce qu’on a les moyens de faire…

Une arme de dissuasion massive en quelque sorte.

TRACFIN: la fuite qui fait déborder le vase

Julien Dray voit rouge. Il menace les medias de poursuites devant les tribunaux et l’un de ses avocats a annoncé que des citations visant notamment Le Monde, Midi Libre et Le Journal du Dimanche, étaient en chantier. Le Monde est d’ailleurs sur la sellette, car on apprend que le parquet a ouvert une enquête préliminaire pour identifier les auteurs des fuites qui ont permis au quotidien de dévoiler (en décembre) le pot aux roses.

fuite-deau-ac-lille.1231941992.jpgJe n’ose à peine imaginer ce qui attend L’Est Républicain. Ce matin, ce journal a mis sur son site (ici) la reproduction intégrale d’un rapport de TRACFIN.

Ce rapport de 37 pages est accablant pour Julien Dray et ses comparses.
On y découvre par exemple qu’il détenait des comptes bancaires au fonctionnement atypique (dico : non conforme au comportement habituel) et une carte American Express Centurion (pub : la carte dont raffole les grands dirigeants) avec des achats multiples d’objets de grand luxe (Hermes, Breguet, Dunhill, Patek philippe, Van Cleef, cartier…). Pour plus de 300.000 € en 3 ans.

Le rédacteur du rapport conclut : « L’ensemble des opérations analysées suscite les interrogations de TRACFIN quant à leur logique économique et pourrait laisser présumer la commission d’agissements délictuels.
Sous réserve de votre appréciation, seule une enquête judiciaire permettrait de justifier les flux financiers précités ou, a contrario, d’établir le lien entre ces mouvements et d’éventuelles infractions. »

Alors, sans prendre la défense de Julien Dray, qu’on sent assez mal dans cette affaire, on est droit de se poser des questions… Ce rapport est probablement destiné à Madame Christine Lagarde, est-il dans les prérogatives d’un ministre des Finances « d’apprécier » le bien-fondé d’une enquête judiciaire ? D’autant que  l’article 40 du Code de procédure pénale impose à tout fonctionnaire qui dans l’exercice de ses fonctions découvre l’existence d’un crime ou d’un délit d’en informer le procureur de la République. Et comment justifier qu’on retrouve ledit rapport sur le site d’un grand journal de l’est de la France (journal qui appartient, ça ne s’invente pas, à « la banque à qui parler ») ?

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Enfin, et j’allais dire surtout, a-t-on créé TRACFIN pour que ses fonctionnaires viennent farfouiller dans les comptes d’une association, d’une fédération et d’un député, pour tenter d’y déceler des magouilles franco-françaises ?

fuite-deau_hautesavoirprefgouv.1231942956.gifSi c’est le cas, comme on vient d’apprendre par ailleurs que plus de 4.000 postes de policiers allaient être supprimés, plutôt que de fermer des commissariats, autant rayer de l’organigramme de la police judiciaire « la sous-direction des affaires économiques et financières ».

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Remerciements à Nicolas, pour son commentaire (ici) destiné à me faire rebondir. C’est gagné…

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