LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Affaires criminelles (Page 10 of 12)

L'État condamné pour un meurtre commis par le tueur de l'Est parisien

La société est responsable d’un crime commis par un individu placé sous le régime de la semi-liberté. C’est ce que vient de décider le tribunal administratif en condamnant l’État à verser 210.000 euros à la famille de l’une des sept victimes de Guy Georges, le tueur en série de l’Est parisien.
bracelet_electronique_idh-toulon.1234253952.jpgLa semi-liberté constitue un aménagement dans la détention qui donne la possibilité à une personne condamnée de s’extraire du milieu carcéral. Par exemple pour exercer une activité professionnelle, recevoir une formation, des soins médicaux, etc.
La décision est prise par une autorité judiciaire, lorsque le condamné répond à certains critères (ici), et celui-ci doit regagner sa cellule une fois son activité terminée.

En 1991, Guy Georges est incarcéré à la prison de Caen où il purge une peine de dix ans de réclusion criminelle pour une tentative de meurtre sur Pascale N. (il a agressé la jeune femme dans sa voiture et il l’a poignardée). Placé sous le régime de la semi-liberté, un jour, il ne regagne pas la prison. Il rejoint la capitale. Dans la soirée du 24 au 25 janvier, dans la rue, il repère une jeune femme, Pascale Escarfail, âgée de 19 ans. Il la suit, pénètre chez elle et la viole. Comme elle se débat, il la frappe de trois coups de couteau à la gorge. Une blessure mortelle.

C’est pour ce crime que l’État vient d’être condamné. Le tribunal administratif estime que « la responsabilité de l’État peut être engagée, même sans faute, en raison du risque spécial créé, à l’égard des tiers, par des détenus bénéficiaires d’un régime de semi-liberté ». C’est ce que rapporte Le Figaro du 9 février 2009 (ici).

Une semaine plus tard, comme si de rien n’était, Guy Georges regagne la prison de Caen. Bizarrement, personne ne s’intéresse à son emploi du temps durant son absence. Il est libéré l’année suivante – et récidive 18 jours plus tard.

Il est cette fois condamné à cinq ans de prison dont trois avec sursis.

Guy Georges est libéré vers la fin de l’année 1993. Le 7 janvier 1994, dans un parking, il viole et tue Catherine R, âgée de 27 ans.

La première victime d’une nouvelle série de viols et de meurtres qui lui ont valu son surnom : le tueur de l’Est parisien. Vous pouvez trouver un court résumé sur ce blog (ici), dans La Petite histoire de la PJ.guy-georges_proces_bbc_news.1234254048.jpg

À la suite de cette affaire, en 1998, Élisabeth Guigou a fait voter une loi relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles. D’autres textes suivront, mais leur mise en application est parfois problématique. Ainsi, il aura fallu attendre 17 mois pour que soit publié le décret d’application concernant le placement sous surveillance électronique (bracelet), prévu par la loi de décembre 2005.

En condamnant l’État, le tribunal administratif sanctionne nettement l’autorité judiciaire. Si le Conseil d’État devait confirmer ce jugement (en cas d’appel), ce serait une remise en cause du système concernant l’application des peines. Un véritable chamboulement.

Le complice du tueur des vieilles dames est libéré

Après plus de vingt ans passés derrière les barreaux, Jean-Thierry Mathurin quitte la centrale de Poissy pour un régime de semi-liberté. Cette libération marque la fin d’une équipée tragique qui a coûté la vie à une vingtaine de mamies.

mamie-psychose_dossiermeurtre.1233037641.jpgLe 5 octobre 1984, une vieille dame de 91 ans, Germaine Petiot est agressée à son domicile, rue Lepic, près de Montmartre. Deux individus la rouent de coups pour lui faire dire où elle cache ses économies. Mais elle s’en sort vivante. Elle a de la chance. Peu après, le même jour, c’est au tour d’Anna Barbier-Ponthus. Cette personne de 83 ans rentre chez elle, son cabas à la main. Au moment où elle déverrouille sa porte, elle est poussée à l’intérieur de son petit appartement, rue Saulnier, dans le IX°, tout proche du XVIII°. Elle est ligotée, battue et finalement étouffée à l’aide d’un oreiller. On lui a volé quelques centaines de francs.

Ce sont les deux premières victimes du « tueur de vieilles dames ». Le juge Philippe Jeannin recensera dix-huit victimes et écartera trois dossiers dont le modus operandi diffère quelque peu. Seule la première victime et la dernière ont survécu.

Ces meurtres en série passionnent l’opinion publique et parallèlement créent un sentiment de peur chez les personnes âgées. La brigade criminelle se trouve devant le type même d’enquête difficile à résoudre : aucun lien entre le ou les assassins et les victimes, et aucun mobile, si ce n’est le maigre porte-monnaie de ces vieilles dames. À l’affolement qui suit la révélation de ces meurtres en série, Pierre Touraine, le directeur de la PJ, prend des mesures d’urgence. Il s’agit essentiellement de rassurer la population et de répondre à l’attente de Pierre Joxe, le manif-securite_dossiermeurtre-2.1233037876.jpgministre de l’Intérieur de l’époque. Car l’affaire devient politique. Les gens manifestent. Le XVIII° arrondissement est envahi par les forces de l’ordre – ce qui peut toujours avoir un effet dissuasif. Mais Touraine, cet ancien patron de la crim’, sait bien que cela ne fera pas avancer les choses : il met la pression sur les enquêteurs. Toute la presse est sur le pied de guerre. Le Parisien sort même un portrait-robot fondé sur un vague témoignage et les policiers interpellent un pauvre quidam qui, après quelques heures de garde à vue, sera relâché avec les excuses du commissaire. Puis, les crimes s’arrêtent et le XVIII° retrouve son calme.

Un an plus tard, ça recommence, cette fois dans le XIV°. On s’intéresse aux ouailles du curé, lequel vient de changer d’arrondissement, de passer du XVIII° à l’église d’Alésia, et qui s’occupe de jeunes en difficulté. Chou blanc. Les interpellations se multiplient dans le milieu des toxicomanes, des trafiquants de tout genre, des détraqués.
En comparant des fragments d’empreintes digitales, les enquêteurs parviennent à déterminer avec certitude que plusieurs de ces crimes sont le fait d’un même individu.

Mais qui ?

Les fiches sont classées, à cette époque, selon une codification des dix doigts. Pour obtenir une identification à partir de l’empreinte d’un ou deux doigts, pas d’autre moyen qu’une comparaison point par point. L’identité judiciaire se livre alors à un véritable travail de fourmi (le fichier n’est pas encore informatisé) qui consiste à vérifier une à une les fiches décadactylaires des archives de la Préfecture de police et celles des différents services régionaux de police judiciaire. Sans résultat.

Enfin, la chance sourit aux enquêteurs et surtout à Madame Finaltéri, qui a survécu à ses blessures. Elle fournit une description minutieuse de son agresseur : 1.80 mètre, métis, les cheveux décolorés et portant une boucle commissaire-jacob_dossiermeurtre.1233038079.jpgd’oreille. C’est ainsi que le commissaire Francis Jacob, le portrait-robot en poche, repère dans la rue un individu dont le signalement correspond. Il est seul. Il hésite, puis avec doigté il procède à l’interpellation du suspect. Thierry Paulin, puisqu’il s’agit de lui, ne fait aucune difficulté pour suivre le policier. Il croit à un simple contrôle de routine. On compare ses empreintes et bingo ! Paulin avoue – sans montrer la moindre compassion – une vingtaine de meurtres. La méthode était simple : il repérait les vieilles dames qui faisaient leur marché et il les suivait jusqu’à leur domicile. Parfois, il entamait la conversation avec sa future victime, dans le hall de l’immeuble ou dans l’escalier, parfois il la bousculait pour pénétrer chez elle. Après, c’était l’horreur… Les grand-mères étaient ligotées et martyrisées jusqu’à obtenir le précieux renseignement : la cachette où se trouvent leurs économies – de bien petites sommes, le plus souvent. Ensuite, elles étaient tuées, soit en leur mettant un sac en plastique sur la tête, soit à l’aide d’un oreiller.

On dit que Paulin a « balancé » son complice lorsque le policier qui l’interrogeait lui a brandi sous le nez un récipient contenant de la soude caustique (l’une des victimes avait été contrainte d’en avaler). Ce n’est pas moi ! aurait-il dit. C’est Jean-Thierry.paulin_dossiermeurtre.1233041212.jpg

Les enquêteurs ont toujours pensé qu’il existait un autre complice, celui qui a remplacé Jean-Thierry Mathurin, mais Paulin a refusé d’en parler. Il s’agissait probablement d’un proche. Peut-être un jour quelqu’un va-t-il ressortir ce dossier et réexaminer ces fragments d’empreintes qui n’appartiennent ni à Paulin ni à Mathurin – et chercher à identifier le troisième homme…

jean-thierry-mathurin_dossier_meurtre.1233038252.jpgThierry Paulin n’a jamais été condamné. Il est mort avant le procès, le 16 avril 1989. Quant à Mathurin, il a été reconnu coupable de sept meurtres et d’une tentative de meurtre. Dans son blog (ici), l’avocat général, Philippe Bilger, se souvient : « J’avais requis contre lui la réclusion criminelle à perpétuité et dix-huit années de peine de sûreté, en tenant compte implicitement du fait que contre Paulin j’aurais exigé vingt-deux années de sûreté. La cour d’assises avait suivi et Mathurin s’était effondré à l’énoncé de la condamnation. Aucune autre issue n’était possible. J’avais pris acte sans émotion de cette déréliction et m’étais dit que justice était faite ».

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– Une partie de ce texte découle de mon livre La petite histoire de la PJ (bientôt) dont une première version est sur ce blog.
– Les photos proviennent de Dossier Meurtre, volume 1, revue à laquelle j’ai collaboré comme conseiller technique.
– On peut lire un résumé complet de cette affaire sur le site scènedecrime (lien dans la marge).

Estelle, Maddie, Antoine et les autres…

L’information par la presse d’une nouvelle piste dans l’enquête sur la disparition de la petite Estelle Mouzin, avant même que les faits ne soient vérifiés, interpelle bon nombre de gens. Certains ont réagi violemment sur le site des journaux qui ont repris l’information. Ainsi dans estelle-mouzin-9-ans_afp.1232268264.jpgLibération, on peut lire : « Cet article risque d’être la condamnation à mort d’Estelle – Bravo la télé et les journaux ! Que cette fille soit Estelle ou non vous signez son arrêt de mort en publiant cette photo. – Quel manque de professionnalisme ! C’est honteux. ». Ou encore sur Le Monde : « Si elle est encore vivante, cette information est scandaleuse… – Je suis ahuri de l’irresponsabilité de l’AFP à pondre une dépêche là-dessus. »

Quant au père d’Estelle, il s’est étonné que les journalistes soient au courant avant que les mesures d’enquête soient mises en œuvre. Ajoutant toutefois : « Ça confirme la poursuite de l’enquête et le propos tenu par le nouveau directeur de la PJ de Versailles, lors de l’assemblée générale de l’Association Estelle le 10 janvier à Guermantes. » En effet, le commissaire Philippe Bugeaud a alors évoqué des milliers de procès-verbaux encore en phase de vérification et aussi des « millions et des millions de téléphones vérifiés » (Dans les jours qui ont suivi la disparition de l’enfant, toutes les communications échangés dans le secteur ont été remontées – Un travail jamais fait auparavant).

Rappelons qu’Estelle a été enlevée le 9 janvier 2003 (ici), alors qu’elle rentrait de l’école, à Germantes, en Seine-et-Marne. Je crois que jamais une enquête n’a mobilisé autant de moyens. Hélas sans résultat à ce jour.

Le 3 mai 2007, au sud du Portugal, c’est une petitemaddy_apev.1232268409.jpg anglaise de 4 ans, Madeleine McCann, dite Maddie, qui disparaît de sa chambre alors que son père et sa mère dînent avec des amis dans restaurant du complexe hôtelier où ils sont en vacances. Dans les mois qui suivent, les enquêteurs réunissent un faisceau de présomptions contre les parents, dans un climat tendu entre la Grande-Bretagne et le Portugal. À tel point que le policier responsable de l’enquête finit par claquer la porte (ici). Après de nombreux incidents de procédure, les parents sont relaxés. Aujourd’hui, officiellement, le dossier est refermé, et ce sont des détectives privés qui poursuivent les investigations. Une récompense de 2 millions ½ de livres est offerte à « qui donnera des informations qui contribueront à retrouver Madeleine vivante et à son retour en toute sécurité à Rothley dans la province du Leicestershire ».

Le 11 septembre 2008, le petit Antoine, 6 ans ½, disparaît du domicile familial, à Issoire, dans le Puy-de-Dôme, alors que sa mère et son compagnon se trouvent dans un restaurant situé à quelques centaines de mètres. Tous deux ont un passé chargé et les enquêteurs axent leurs investigations sur eux (ici). Sébastien, le compagnon de la maman, est incarcéré pour un passif judiciaire et la mère, antoine-et-sa-mere.1232268578.jpgAlexandrine, âgée de 23 ans, fait l’objet d’une surveillance permanente. Au moment où j’écris ces lignes, elle est en prolongation de garde à vue pour conduite sans permis. Ce qu’elle dément. À la suite de cette interpellation, Le Figaro s’est fendu d’un article, dont le seul titre m’hérisse le poil : « Disparition d’Antoine : l’étau se resserre autour de la mère ».

Cette jeune mère est sans doute une paumée, cela n’en fait ni une infanticide ni un exutoire pour la presse.

Elle est peut-être coupable, mais s’il existait la moindre preuve contre elle, il y a longtemps qu’elle serait en prison.

Des milliers de personnes disparaissent chaque année, hommes, femmes, enfants. La plupart sont retrouvées, mais pour un ou deux enfants, il n’y a plus aucune nouvelle. On imagine l’angoisse des parents…

Ici, trois enfants ont disparu :

– Estelle : des enquêteurs toujours actifs, cinq ans plus tard.
– Maddie : des enquêteurs privés et de l’argent, beaucoup d’argent.
– Antoine…

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PS. Pour répondre à un commentaire, le mot « paumée » est utilisé dans le sens égarée, perdue…

L’affaire du petit Grégory

Le 16 octobre 1984, Grégory Villemin, âgé de 4 ans ½, disparaît de la maison de ses parents, à Lépanges-sur-Vologne, dans les Vosges. Dans la soirée, on retrouve son corps dans les eaux de la Vologne, à Docelles, à six kilomètres de son domicile. Il a les jambes et les bras liés par une corde et il est mort noyé. Sur le petit corps, aucune trace de violences. À l’évidence, il a été jeté vivant dans la rivière – comme on noierait un chat. gregory-villemin_photo_lenouvelobscom.1228295222.jpgLes soupçons se portent sur la famille. Le lendemain, le père de l’enfant, Jean-Marie Villemin, reçoit une lettre anonyme : « […] Ce n’est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con… » Deux semaines plus tard, le juge d’Epinal, Jean-Michel Lambert, délivre un mandat d’écroue contre Bernard Laroche, un cousin des Villemin, qui a fait l’objet d’une dénonciation de la part de sa propre cousine, âgée de quinze ans. Quelle famille ! En février 1985, le juge le libère, et un mois plus tard, Villemin père l’abat d’un coup de fusil de chasse. Mais les rumeurs vont bon train. Elles accusent Christine Villemin, la mère du petit Grégory. Dans une divagation intello, Marguerite Duras enfonce le clou. Persuadée de sa culpabilité, elle écrit dans Libération qu’il s’agit d’un crime « sublime, forcément sublime ».

La PJ a été longtemps tenue à l’écart de cette affaire. Ses enquêteurs auraient-ils fait mieux que les gendarmes ? Le commissaire Jacques Corrazi, qui plus tard a repris le dossier, doit probablement en être persuadé. Il aurait peut-être réussi à juguler le délire d’un petit juge dont ses pairs ont dit qu’il était un « funambule de la pensée ». Christine Villemin a par la suite été mise en examen pour le meurtre de son fils. Le 3 février 1993, la chambre d’accusation de Dijon a estimé qu’il n’existait aucune charge contre elle, et elle a rendu un arrêt de non-lieu. On ne connaîtra jamais l’assassin du petit Grégory.

A moins que…

Vingt-quatre ans plus tard, la police scientifique peut-elle réussir là ou les gendarmes, la police et la justice ont échoué ? En décidant la réouverture de l’enquête, la Cour d’appel de Dijon doit penser que l’analyse des scellés, qui ont semble-t-il été soigneusement conservés (vêtements, liens, lettres du corbeau…), peut apporter aujourd’hui de précieuses indications, notamment grâce aux traces Adn.

C’est, je crois, une première en France. De quoi nous réconcilier avec le fichier génétique.

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Le résumé des faits est un extrait de « La PJ de 1984 à 1986« .

En raison de certains débordements, les commentaires (+ de 4000) sont fermés sur ce billet. GM

Antoine, l'enfant oublié

L’ancien patron des RG a rédigé un carnet noir sur Sarkozy qui a lui-même envoyé ses enquêteurs pour enquêter sur les enquêteurs qui enquêtaient sur Besancenot. La bourse joue au yoyo, les traders s’emmêlent les pinceaux, on siffle la Marseillaise… Ah oui ! On est sans nouvelle du petit Antoine.

Antoine_photo publiée à la demande de sa maman.jpgDeux poids, deux mesures : Un soir de mai 2007, le directeur central de la PJ reçoit un appel sur son téléphone portable : « Un enfant a disparu… » Dès le lendemain, des personnalités du monde politique et judiciaire sont sur place, suivies par une meute de journalistes de tous les pays. L’affaire fait la Une de la presse, en Europe, aux États-Unis… Devant les caméras, la mère adresse une supplique « à ceux qui ont fait ça ». Des spécialistes de Scotland Yard viennent aider les enquêteurs locaux. Au total, c’est 150 policiers qui sont mobilisés. Deux jours plus tard, le directeur de la PJ annonce officiellement aux médias : « Il s’agit d’un enlèvement. » Un fond de soutien se met en place sur Internet et de richissimes hommes d’affaires volent au secours de la famille.

C’était au Portugal. Madeleine McCann, la petite Maddie, a disparu le jeudi 3 mai 2007, vers 22 heures, tandis que ses parents dînaient avec des amis.

Pratiquement à la même heure, ce jeudi 11 septembre 2008, Antoine_photo publiée à la demande de sa mam.jpgAlexandrine Brugerolle de Fraissinette est allée sonner à la porte de la gendarmerie. « Mon fils a disparu », leur a-t-elle dit. Mais voilà ! Alexandrine a 23 ans, elle n’a pas beaucoup d’éducation, elle est mère célibataire et elle travaille comme serveuse dans un restaurant d’Issoire, une ville de 13.000 habitants dans le Puy-de-Dôme. J’ai bien peur que le téléphone du directeur central de la PJ soit resté muet ce soir-là. Le lendemain en fin de journée, à défaut du moindre élu, du moindre représentant du gouvernement, 80 militaires de la gendarmerie (cf. La Montagne) ont débarqué pour aider leurs collègues dans leurs recherches.

Les faits : Alexandrine et Sébastien, son amoureux, ont décidé d’aller dîner au restaurant. On ne sait pas trop si c’est Antoine qui le demande (Il n’a que 6 ans 1/2, mais il montre déjà un certain caractère) ou s’il s’agit d’une punition, mais l’enfant reste à la maison, avec les deux chiens. L’appartement où il vit avec sa maman est situé dans le centre-ville d’Issoire, au n°1 de la rue des Fours. Le restaurant Le Saïgon, où dînent Alexandrine et Sébastien, se trouve au 45 rue du Palais, à 3 minutes à pied.

plan-issoire.1224400828.jpgLorsque sa mère revient, vers 21 heures 30, Antoine n’est plus là. Aucun désordre, aucune trace d’effraction.

Les enquêteurs pensent à une fugue. On dit alors que l’enfant aurait quitté le domicile en emportant un sac à dos et un paquet de biscuits. Et le procureur de la République de Clermont-Ferrand, Jean-Yves Coquillat, ne déclenche pas le plan Alerte-enlèvement.

Il y a une constante dans les disparitions d’enfants ou d’adultes, c’est qu’au début, on refuse toujours d’envisager le pire. C’est vrai pour la famille et c’est vrai pour les enquêteurs. Les recherches démarrent donc lentement et ce n’est qu’au petit jour que les choses sérieuses commencent. Les gendarmes coordonnent leurs efforts. Ils sillonnent la ville, d’autres fouillent les environs d’Issoire… Il est fait appel à des chiens qui « marquent » une zone d’étangs. On fait venir une équipe de plongeurs. On fait même venir un hélicoptère équipé d’une caméra thermique, mais vu la météo, il ne sera opérationnel que le dimanche après-midi. Pendant ce temps, des hommes descendent dans les égouts d’Issoire. Parallèlement, une autre équipe se livre à une enquête criminelle classique : recherche de traces au domicile, audition de témoins, perquisitions…

On peut dire que tout est mis en œuvre pour retrouver Antoine, du moins sur le plan local. Mais qu’en est-il ailleurs…

L’enquête : Finalement, trois jours après la disparition de l’enfant, leAntoine_photo publiée à la demande de sa maman.jpg procureur décide l’ouverture d’une information judiciaire pour enlèvement et séquestration d’un mineur de 15 ans. Il déclare : « Plus le temps passe, plus l’hypothèse de la fugue perd de la consistance et je ne suis pas très optimiste. » Bientôt, la presse se fait l’écho de soupçons qui pèsent sur la maman d’Antoine, et en rajoute : « la femme aux cheveux rouges…, l’aguicheuse…, la mère célibataire…, elle a fait de la prison… » Les qualificatifs sont du même acabit pour Sébastien : «  drogué…, violent…, il bat Antoine… » Autant de ragots amplifiés par les sous-entendus du procureur.

Le mercredi 24 septembre, Alexandrine, son compagnon et six personnes de leur entourage sont placés en garde à vue. L’appartement est de nouveau investi par les techniciens de l’identité judiciaire. Les murs sont sondés, des lamelles de parquet soulevées, les lieux passés à la lumière fluorescente. La seule chose qu’on découvre, c’est deux petites gouttes de sang, minuscules, d’un millimètre de circonférence, près de l’interrupteur, dans la chambre d’Antoine.

Finalement, tout le monde est relâché, sauf Sébastien qui est emprisonné pour autre chose. L’un des responsables de l’enquête avoue : « Il faut tout reprendre à zéro… »

La reconstitution (sous toutes réserves) : Un mois avant le drame, Alexandrine travaillait comme serveuse au restaurant Au bon croûton, tenu par Stéphane Bourcelin. Tous deux avaient eu une aventure, lorsqu’elle avait été embauchée, en 2006. C’est elle qui avait rompu et contrairement aux cancans, on ne lui connaissait pas d’autres liaisons, jusqu’à sa rencontre avec Sébastien, en juillet 2008, époque où Antoine est en vacances chez son arrière-grand-mère. Dans la restauration, on ne connaît pas les 35-heures. Elle travaille beaucoup. De longues journées, parfois sans repos hebdomadaire. Vers la mi-août, elle craque et son médecin lui prescrit un arrêt de travail. Stéphane n’apprécie pas. D’autant qu’il ne peut plus voir Antoine. Car il semble bien qu’il se soit pris d’affection pour ce petit bambin. Souvent, il jouait avec lui, ou tous deux regardaient des vidéos. Il lui avait même offert une Playstation. Et d’un coup, il se voit privé d’Antoine et de sa… serveuse. Car Alexandrine et Sébastien ont d’autres projets. Ils veulent se marier, fonder une vraie famille. Sébastien envisage même de « reconnaître » Antoine.

alexandrine_fr3.1224398057.jpgLes choses semblent s’arranger pour Alexandrine et son fils. Peut-être la fin de la galère… Jusqu’à ce fameux soir…

Aujourd’hui, on peut reconstituer les événements avec beaucoup moins de risque d’erreur qu’au tout début. D’abord, les rumeurs selon lesquelles personne n’aurait vu le gamin depuis une dizaine de jours étaient sans fondements. En effet, deux jours après la disparition d’Antoine, les gendarmes ont enregistré la déposition d’un témoin qui a déclaré l’avoir vu, chez lui, alors qu’il sortait de la salle de bain.

Ce 11 septembre, une voisine a entendu l’enfant qui jouait dans l’appartement, vers 19 heures 15. La lumière de sa chambre était allumée. Plus tard, dans la soirée, son attention a été attirée par une voiture qui s’arrêtait en bas de l’immeuble. Puis il y eu des pas dans l’escalier. Un peu plus tard, la voiture est repartie dans un craquement de boîte de vitesses.

Antoine n’est pas sorti avec un petit sac et un paquet de biscuits, comme on l’a dit, mais avec un grand sac qui appartient à Sébastien. Un sac noir (ou bleu foncé) presque aussi haut que lui, dans lequel devaient être entassés des vêtements, vêtements qu’on n’a pas retrouvés dans son armoire. Sa peluche, un petit chat, qu’il trimballait toujours avec lui, a également disparu.

Alors, que s’est-il passé le soir du jeudi 11 septembre ? La maman d’Antoine a-t-elle découpé son enfant en petits morceaux qu’elle a ensuite enfournés dans des sacs-poubelles, comme l’a laissé entendre un journal que je ne nommerai même pas ?

Ou profitant que l’enfant était seul, quelqu’un est-il venu le chercher ? Et avec quelles intentions ?

La présidente d’Esperanzassociation, Madame Lydie Fontenil, veutavis-recherche-antoine.1224399418.jpg croire à cette possibilité. « Il n’y a rien de vraiment nouveau, m’a-t-elle dit au téléphone, mais de petits indices nous permettent de garder l’espoir… » Il faut écouter ce qu’elle raconte, car c’est une femme d’expérience. Depuis des années elle se consacre à la recherche des enfants disparus. Et elle sait que parfois, cela se finit bien. Dès la disparition d’Antoine, avec l’accord de la maman, elle a ouvert un blog qui lui est entièrement consacré. Elle répond aux nombreux appels téléphoniques, elle pressure « ses » bénévoles (elle en recherche de nouveaux), elle agite son réseau d’information, elle soutient Alexandrine (voir la vidéo), etc. « J’ai perdu 6 kilos » m’a-t-elle avoué en souriant.

Il y a quelques jours, dans la petite gare de la banlieue parisienne où je prends le RER, il y avait un avis de recherche. Cela concernait un ado d’une quinzaine d’années qui demeure à Nantes. Je ne sais pas vous, mais moi, en région parisienne, je n’ai jamais vu une affichette concernant Antoine.

C’est pour ça que j’ai voulu écrire ces lignes. Je sais, ce n’est qu’un blog…

On dit que les femmes sont plus sensibles que les bonhommes, surtout dès qu’on parle d’un enfant… Les deux ministres directement responsables de cette enquête sont des femmes. Sont-elles seulement au courant ? En tout cas, on ne les a pas entendues.

Lorsqu’un couple de touristes s’est fait enlever par des pirates, du côté de Djibouti, le président de la république a pris les choses en main.  Ce même président, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur avait remué ciel et terre pour retrouver la petite Estelle Mouzin*.

Cela fait 38 jours qu’un petit garçon de 6 ans 1/2 a disparu – et le silence de ces gens-là, ceux qui détiennent le pouvoir, est assourdissant.

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* La jeune Estelle Mouzin, âgée de 9 ans, a disparu le 2 janvier 2003. Le lendemain, le procureur de Meaux ouvrait une information judiciaire et saisissait le SRPJ de Versailles. Le village a été bouclé par 700 policiers. 400 perquisitions ont été effectuées simultanément. Toutes les communications téléphoniques (15.000) au moment des faits ont été « remontées ». Via Interpol, on a sollicité tous les pays qui exploitent des satellites. Le plan Alerte-enlèvement n’existait pas à l’époque, pourtant la photo de la petite fille en rouge a été placardée dans toute la France, et bien au-delà. Hélas en vain. Estelle n’a jamais été retrouvée, mais au moins, on s’est donné tous les moyens.

Point final dans l'affaire Agnelet ?

La chambre criminelle de la Cour de cassation doit rendre son verdict dans l’affaire c/ Agnelet. Quelle que soit sa décision, dans cette histoire invraisemblable et vieille maintenant de plus de 30 ans, à coup sûr la justice en sortira flétrie. 

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On refait l’historique :

– Agnès Le Roux, cohéritière du casino Le Palais de la Méditerranée, à Nice, disparaît entre le 26 octobre et le 2 novembre 1977.

– Cinq mois s’écoulent avant que le procureur de la république n’ouvre une information judiciaire pour séquestration arbitraire.

– Il faut attendre deux ans avant que la justice estime qu’il y a homicide volontaire.

– Six ans ou presque après les faits, au mois d’août 1983, Maurice Agnelet est inculpé.

– Deux ans plus tard, il bénéficie d’un non-lieu, confirmé l’année suivante devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. (En droit, sauf charges nouvelles, ce non-lieu interdit de nouvelles poursuites.)

– Affaire réglée ? Non ! Vingt-deux ans après la disparition de mademoiselle Le Roux, et plus de dix ans après le non-lieu (délai de prescription en matière criminelle), la même Cour d’appel, ordonne la réouverture de l’information judiciaire contre Maurice Agnelet. Nous sommes à la fin de l’an 2000.

– Au bout de six ans, en 2006, la Cour d’assises des Alpes-Maritimes acquitte Maurice Agnelet. Le procureur fait appel.

– Le 11 octobre 2007, rejugé devant la Cour d’assises des Bouches-du-Rhône, Agnelet est condamné à 20 ans de réclusion criminelle.

En se situant uniquement sur le plan technique, il me semble que l’affaire pose trois questions de fond :

– Le délai légal de prescription peut-il être interrompu par des arguties juridiques ?

– La loi sur les libertés individuelles a été prise en 2000 pour donner la possibilité aux accusés de faire appel d’une condamnation devant la Cour d’assises. En y ajoutant 2 ans plus tard, le même droit pour l’accusation, n’a-t-on pas transformé radicalement l’esprit de la loi ?

– N’y a-t-il pas acharnement judiciaire ?

Les avocats de Maurice Agnelet dans un mémoire de plus de 50 pages (cliquez ici) estiment pour leur part que par sept fois « la cassation est acquise ». 

agnelet_daylife.jpgEn conclusion, grosso modo, ils demandent à la Cour de déclarer l’appel du parquet  illégal, de casser le jugement rendu et de ne pas renvoyer l’affaire devant une nouvelle Cour d’assises.

Le parquet général a un avis contraire, mais si les avocats obtiennent gain de cause sur ces 3 points, Maurice Agnelet sera libéré séance tenante. Et 31 ans plus tard on ne saura jamais ce qu’il est advenu d’Agnès Le Roux. Car à ce jour, personne n’a pu démontrer qu’elle avait été assassinée.

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Ils doivent s’arracher les cheveux à la Cour de cass’ ! D’autant qu’un rejet du recours, sauf erreur de ma part (y a-t-il un juriste dans la salle ?) pourrait voir le dossier porté devant la Cour Européenne des droits de l’Homme.

A moins que ces hauts magistrats ne ménagent la chèvre et le chou et renvoient l’affaire devant une troisième Cour d’assises…

A voir : « Affaires criminelles », le samedi 18 octobre 2008, à 22h25, sur NT1. Docu réalisé par Frédéric Gilbert et présenté par Yves Rénier.

La maman d'Antoine nous interpelle

« Nous aimons Antoine et nous n’avons qu’une seule envie : le revoir, le câliner, le dorloter et recommencer notre vie comme avant ou presque… 

« J’aurais aimé faire partie de ces mères parfaites qui ne ratent jamais rien et qui ont ce fameux manuel ou tout est indiqué, mais ce n’est pas le cas… Ça ne se passe jamais comme dans les livres des mamans parfaites… »

C’est une citation du message que m’a laissé hier la maman d’Antoine…

Un message bouleversant. Je vous invite à le lire dans les commentaires d’une note précédente, et tout comme moi j’en suis sûr, vous n’envisagerez plus cette disparition comme un… fait divers.

Alexandrine se sent seule. Visiblement, on n’a pas pris la disparition de son fils au sérieux. Gendarmes et Procureur se sont laissés impressionner – défavorablement – par son passé, comme si une condamnation pour une histoire de drogue pouvait avoir un rapport avec la disparition de son enfant !

Et pourtant, voici ce qu’on aurait dû lui proposer :

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   DISPOSITIF OFFICIEL

En cas de disparition d’enfants, les familles peuvent obtenir une information, aide et  un soutien auprès du service téléphonique « SOS Enfants Disparus ». 

Services dont peuvent bénéficier les parents et la famille

En cas de disparition, de fugue ou d’enlèvement d’enfants, ce service permet : 

  • d’accompagner les parents, la famille par un référent unique, 
  • d’assurer le suivi du dossier durant toute la procédure, 
  • de guider les parents ou la famille vers les administrations compétentes et associations spécialisées, 
  • d’offrir une aide psychologique à la famille.

_________________________________________________________

Au lieu de ça, ON L’A MISE EN GARDE A VUE.

Au bout de 28 heures, le procureur a déclaré à peu près ceci :  » La garde à vue ne veut pas dire qu’on est coupable, mais la libération ne veut pas dire qu’on est innocent. « 

« Certains ont oublié Antoine, nous pas, et heureusement quelques enquêteurs pensent à lui plutôt qu’à autre chose. Comment peut-on se permettre avec si peu d’infos de décider que mon petit ange soit mort ou qu’on ne le cherche plus… »

Je viens de cliquer sur le site des avis de recherche de la police judiciaire : LA PHOTO D’ANTOINE N’Y FIGURE PAS !

« Pendant que vous parlez de nous, que vous scrutez notre passé, vous oubliez le seul qui soit en droit d’avoir sa photo en première page […] ANTOINE… »

« Alors, MERCI DE PENSER A LUI… »

Madame Alexandrine Brugerolle de Fraissinette communique en fin de texte l’adresse du site qui le premier (le seul ?) a diffusé un avis de recherche : http://disparition-antoine.skyrock.com/

Les internautes ont eu la peau du fichier Edvige. Ne peuvent-ils pas supplanter les insuffisances d’une administration poussiéreuse ? Malgré ce qu’on veut nous faire croire, il n’est peut-être pas trop tard pour sauver un enfant !

Et si par bonheur on voyait Antoine réapparaître, débarquant de chez sa grand-mère, de chez son oncle… ou je ne sais d’où : Coucou, c’est moi ! On ne se dirait pas qu’on a fait ça pour rien.

On serait juste contents de l’avoir fait.

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avis-gendarmerie.1222698881.jpg

 

Antoine : cellule 63

On est sans nouvelles du petit Antoine, disparu depuis maintenant quinze jours. Et nous sommes de plus en plus nombreux à nous inquiéter, à nous interroger : Tout a-t-il été mis en œuvre pour le retrouver VIVANT ?

En effet, le procureur, les gendarmes, les journalistes…, tout le monde en parle au passé. La présidente de « Esperanzassociation », qui a été l’une des premières à réagir et à diffuser un avis de recherche, m’a confié tout à l’heure au téléphone : « Il n’y a que sa mère et sa grand-mère qui en parlent au présent. »

Et c’est vrai ! On a l’impression que sur place, les enquêteurs recherchent… un cadavre. 

Même Interpol semble avoir fait au minima.

AVIS DE RECHERCHE INTERPOL

avis-recherche-interpol_53974070.1222432205.jpgPresent family name: BRUGEROLLE DE FRAISSINETTE
Birth name: BRUGEROLLE DE FRAISSINETTE
Forename: ANTOINE
Sex: MALE
Date of birth: 24 May 2002 (6 years old)
Place of birth: BEAUMONT, France
Nationality: France
Mother’s maiden name & forename: BRUGEROLLE DE FRAISSINETTE
 
Height: 1.10 meter <-> 43 inches
Weight: 19 kg <-> 42 pounds
Colour of eyes: BROWN
Colour of hair: CHESTNUT
Distinguishing marks and characteristics:
Pierced earlobes.
 
Date of disappearance: 11 September 2008 at 6 years old
Place of disappearance: ISSOIRE, BEAUMONT, France

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Or, il faut rappeler que ce jeudi soir, alors que sa mère l’avait laissé seul, le petit Antoine a pris son sac à dos et un paquet de biscuits, et il est sorti. Les chiens « renifleurs » l’ont confirmé. Ils ont suivi sa trace sur plusieurs centaines de mètres.

Mais ce garçonnet de 6 ans ½ est un débrouillard. Sa mère travaille comme serveuse dans un bar. Elle a 23 ans.

Certes, Antoine est souvent seul. Souvent, il sort pour de longues balades – toujours seul. Mais il revient. Jamais il n’a fugué.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais on se dit que les gendarmes ont eu tort de démarrer leur enquête comme s’il s’agissait d’une simple fugue. Que le procureur a failli  en ne déclenchant pas le plan Alerte-enlèvement. Mais il est facile de juger après coup… Peut-être se sont-ils laissés abuser par la personnalité de la mère du petit Antoine et par son entourage.

Mais une mère de famille n’est pas forcément un monstre sous prétexte qu’elle est un peu paumée, ou fauchée.

Cette jeune femme, Alexandrine, n’a jamais connu son père – et son fils ne connaît pas le sien. À 16 ans, elle aurait pu se faire avorter. C’était presque un droit. Elle a gardé son enfant et elle l’élève tant bien que peu, mais elle l’élève. C’est pas si mal pour une paumée.

On dit que quelques jours après la disparition une certaine zizanie s’est installée au sein de la Section de recherches de la gendarmerie, entre ceux qui voulaient découvrir des coupables et ceux qui voulaient d’abord retrouver l’enfant.

Ce midi, un rien embarrassé, le lieutenant-colonel qui assure le service de presse a reconnu que les enquêteurs devaient redémarrer l’enquête à zéro. La cellule 63 a été créée.

Un enfant est peut-être à la merci d’un détraqué sexuel.

Et l’enquête redémarre à zéro !

 

P.S : J’ai reçu plusieurs remarques pour avoir écrit que pour Alexandrine l’avortement était « presque un droit »… Je me permets ce post-scriptum pour reconnaître une formulation bien maladroite. Je voulais parler de droit moral… Mais en vérité j’aurais dû m’abstenir d’aborder un sujet aussi personnel. Mes excuses, Madame.

La disparition du petit Antoine

Le petit Antoine, âgé de 6 ans ½ a maintenant disparu depuis quinze jours. On apprend hier que sa mère, son concubin et six personnes de son entourage ont été placés en garde à vue.

Et brutalement, sans savoir pourquoi, on se dit qu’il y a eu un loupé. On se dit que tout n’a pas été mis en œuvre pour sauver cet enfant.

avis-recherche-antoine.1222327507.jpgRappelons les faits :

Le jeudi 11 septembre, la mère d’Antoine et son conpagnon vont dîner au restaurant. Ils laissent l’enfant seul. Lorsqu’ils reviennent, Antoine a disparu.

Ils préviennent la gendarmerie.

Les gendarmes ne constatent aucune trace d’effraction et, à la vue des déclarations de la mère, ils privilégient l’hypothèse d’une fugue.

Les recherchent s’organisent. Elles s’intensifient les jours suivants sans aucun résultat. En fait, personne n’a vu ce petit garçon depuis plusieurs jours.

Le plan alerte-enlèvement n’est pas déclenché, car ce dispositif mis en place en février 2006, nécessite plusieurs critères. Et ici, il manque le premier : Il doit s’agir d’un enlèvement avéré.

Finalement, le samedi 14 septembre, le procureur de la République de Clermont-Ferrand ouvre une information judiciaire pour enlèvement et séquestration de mineur.

Tout a été fait selon les règles, pourtant le système a foiré.

Ces jours derniers, les enquêteurs ont progressé. Ils s’acheminent à présent vers la possibilité d’un crime et l’étau se resserre sur la mère et plusieurs personnes de son entourage, sans qu’il soit possible d’en dire plus.

Le malaise vient de la comparaison avec la disparition de la petitemaddie_levifbe.1222327701.jpg Maddie, au Portugal. Les faits sont quasi identiques, mais dans un cas la répercussion médiatique a été colossale et dans l’autre quasi inexistante. Qu’est-ce qui fait que deux affaires semblables puissent à ce point être perçues avec tant de différences ? 

Supposons que la mère d’Antoine ait déclaré aux enquêteurs que son fils n’était pas du genre à fuguer, alors ceux-ci seraient sans doute partis sur l’hypothèse d’un enlèvement, et les radios, les télés… auraient suspendu leurs émissions pour passer des messages d’alerte. Mais elle a parlé d’une fugue, alors – rien !

antoine_leparisienfr.1222327660.jpgEn rapportant ces événements, LeMonde.fr a laissé ouverte sa rubrique appelant les abonnés à réagir. Et un lecteur, PetitGirard, a répondu : « Proposer à vos lecteurs de réagir sur un fait divers dont l’enquête est en cours et sur lequel rien n’est encore acquis, est indigne d’un journal comme Le Monde. Ouvrez le dialogue sur des sujets de sociétés, sur des faits confirmés, bien sûr. Mais inciter vos lecteurs à jouer à l’apprenti détective ou au juge amateur sur des drames dont l’enquête n’a pas encore donné de résultats probants, c’est inutile et même un tantinet racoleur. »

C’est une vraie question que pose PetitGirard. Lorsque j’ai résumé l’enlèvement de la petite Maddie, des milliers de visiteurs sont venus sur ce blog et je me suis également interrogé : Sommes-nous bouleversés par la disparition d’un enfant au point de ne pouvoir s’empêcher de réagir ou nous livrons-nous à une sorte de jeu malsain ?

Peut-être notre compassion pour ces enfants maltraités obscurcit-elle notre jugement. Et cela qu’on soit magistrat, policier, gendarme, journaliste ou simple quidam. Ainsi, la journaliste, Florence Schaal, vient d’être virée de TF1, où elle travaillait depuis 33 ans, pour avoir annoncé – à tort – la mort d’un petit garçon égaré.

Je ne sais pas ce que vous en pensez…

Agnelet en cass'

Le 17 septembre 2008, la Cour de cassation doit se prononcer sur l’affaire Agnelet. Dans son émission du 5 septembre, sur Europe 1, «café crimes», Jacques Pradel est revenu sur ce feuilleton judiciaire qui trouve son origine dans la disparition d’une jeune femme, Agnès Le Roux, héritière avec son frère et sa mère, du Palais de la Méditerranée, à Nice.

Les faits remontent à 1977.

renee-le-roux-et-maitre-kiejman.jpgDans ces années-là, Nice est au centre d’une guerre des gangs : la mafia italienne tente de s’accaparer le monopole du jeu sur la Côte d’Azur. Une enquête délicate où s’entremêlent le fric, la politique, la franc-maçonnerie, etc. Et puis l’absence de cadavre… On pense d’abord à une fugue ou à un suicide, puis on s’achemine vers un suicide « assisté » pour finalement arriver à un assassinat.

Maurice Agnelet, l’amant d’Agnès Le Roux, est soupçonné. On découvre qu’il a servi d’intermédiaire entre sa maîtresse et Dominique Fratoni, le patron du casino concurrent, qui roule pour la mafia.

En 1985, Agnelet est condamné pour avoir fait main basse sur l’argent que sa compagne avait déposé sur un compte, en Suisse. Mais il est dédouané de l’inculpation de meurtre. Renée Le Roux, la mère d’Agnès, tente de faire annuler le non-lieu, mais la Cour de cassation lui donne tort. Dossier clos ?

C’est sans compter sur la pugnacité de la vieille dame. Celle-ci est persuadée que Maurice Agnelet a tué sa fille. Elle veut une nouvelle enquête. Le procureur refuse, faute d’éléments nouveaux… Finalement, son avocat, Maître Kiejman, ancien garde des Sceaux, déterre une botte secrète : recel de cadavre. On est en 1994, mais le recel n’est pas prescriptible. C’est un délit continu. Cette fois, le procureur suit.

Six ans plus tard, Agnelet abandonne sa femme. Il a tort, car elle détient la clé de son alibi. Elle revient sur ses déclarations faites dans les années 70, et du coup la procédure criminelle est réouverte. Nous sommes en l’an 2000. C’est ainsi que le 23 novembre 2006, Maurice Agnelet se retrouve devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Et il est acquitté.

Mais le procureur ne veut pas en démordre. Il fait appel de cette décision du jury populaire. Une possibilité que lui donne la loi de l’an 2000, mais qui à ma connaissance n’a jamais été utilisée dans de telles circonstances.

L’année suivante, 30 ans après les faits, Agnelet est condamné à 20 ans de réclusion criminelle.

Est-ce l’épilogue ? Pas tout à fait : le condamné se pourvoit en cassation. Un pourvoi en dix points, dont je n’ai pas le détail. Cependant, on peut imaginer que l’un d’eux concerne la prescription, car si elle était acquise, Maurice Agnelet n’aurait jamais dû passer devant une Cour d’assises.jean-dominique-fratoni_lecrapouillot1190618046.1220702161.jpg

Il n’appartient pas à la Cour de cass’ de se prononcer sur les faits, mais uniquement sur le droit. Aussi, lorsqu’elle casse un jugement, les parties se retrouvent devant une nouvelle juridiction, pour un nouveau jugement.

Mais dans le cas présent, supposons qu’elle décide que les magistrats sont effectivement passés outre au délai de prescription… Maurice Agnelet pourrait-il être rejugé ? Ou serait-il définitivement blanchi ?

Certes, le personnage n’est pas sympathique, mais nous sommes dans un État de droit. Et l’on peut dire ici que le droit a été pas mal tournicoté. Si Agnelet avait gain de cause, il pourrait légitimement exiger de l’État un dédommagement conséquent. Allez, le chèque serait moins gros que celui de Bernard Tapie !

 

Quelques remarques juridiques formulées sous toute réserve :

Dans sa version originale la loi du 15 juin 2000 n’autorisait pas le ministère public à faire appel d’une décision d’acquittement.

C’est la loi du 4 mars 2002 qui a donné cette possibilité – mais seulement au procureur général. Le législateur a ainsi voulu souligner le caractère exceptionnel de cet appel.

Il est vraisemblable que la Cour de cassation s’interroge sur ces trois points :

– Entre le non-lieu obtenu par Agnelet en 1985/1986 et la réouverture du dossier criminel, 15 ans se sont écoulés. Or la prescription criminelle est de 10 ans après le dernier acte de procédure. Quel acte a-t-on pris en compte pour interrompre la prescription ? S’il s’agit de la procédure pour recel de cadavre, un délit peut-il interrompre la prescription criminelle ?

– On a appliqué à Maurice Agnelet une loi de 2002 pour des faits qui se sont déroulés en 1977 et pour lesquels une information judiciaire a été ouverte en 2000. Il subit donc les conséquences d’un mauvais fonctionnement de la justice en se voyant appliquer une procédure qui lui est défavorable. Cela n’est-il pas contraire au principe de non-rétroactivité des lois ?

– Dans les deux procès d’assises, c’est le même avocat général, Monsieur René Cortès, qui a représenté le ministère public. Or, une circulaire du 11 décembre 2000 prévoyait que… « dans les hypothèses d’appel principal du ministère public contre une condamnation jugée insuffisamment sévère, l’accusation soit a priori représentée en appel par un autre magistrat. » Peut-on parler de harcèlement judiciaire ?

Je n’ai pas les réponses.

PS – Madame Annie Audoye, qui a suivi de près cette enquête, pense que c’est probablement Me Boitel, le premier avocat de Madame Renée Le Roux, qui est l’origine de la plainte pour recel de cadavre. Me Kiejman a pris le relais. Et c’est finalement Me Temine qui a obtenu la condamnation de Maurice Agnelet. Dont acte.

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