La France a peur. On a frôlé l’ambiance des années 60, lorsque Michel Debré, en pleine nuit, lançait son appel pour exhorter les Parisiens à prendre les armes et à repousser les militaires factieux qui préparaient un coup d’Etat. Et chacun (du moins ceux qui n’étaient pas couchés) de lever les yeux au ciel pour détecter ces affreux paras qui devaient sauter sur la capitale.
Ce n’était qu’une rumeur. Tout comme celle, colportée par une certaine presse, à laquelle, il faut bien le reconnaître Le Monde s’est associé, qui disait que notre service secret, la DCRI, avait ouvert une enquête sur la rumeur concernant les époux Sarkozy. C’est du moins ce qu’a dit la Première dame : « Il n’y a aucune enquête de police, c’est inimaginable de dire une chose pareille… »
Pourtant si c’était vrai. Si, comme l’a rapporté son patron, Bernard Squarcini, son service avait été saisi par le directeur général de la police afin d’effectuer une « remontée informatique au plus près du point de départ dans le temps (de la rumeur) et si possible de la source ». Alors…
Alors, on se dit que tout cet arsenal législatif, que tous ces moyens en hommes et en matériel, que tous ces trucs destinés à lutter contre le terrorisme, et accessoirement la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants et la pédophilie, pourraient bien être utilisés à d’autres fins.
Des fins moins avouables. Au mieux des broutilles.
Comme piéger un site internet pour identifier les automobilistes qui achètent des détecteurs de radars routiers.
Oh, le phénomène n’est pas nouveau ! Ainsi, lorsque j’étais petit inspecteur à la DST, on était supposés pourchasser les espions du bloc de l’Est. À Noisy-le-Grand, près de Paris, au lieu-dit La Grenouillère, nous balayions les ondes à longueur de journées et de nuits pour détecter les « flashes » des espions. C’était le moyen de communication préféré des « agents dormants ». Un message morse, chiffré et compressé, qui se traduisait par un bzz de mouche tsé-tsé. Pas facile à capter. Au petit matin, pour se défouler, dans cet immense terrain inculte où seules poussaient les antennes radio, on faisait des cartons sur les animaux chouchous de Stéphane Guillon, l’humoriste de France Inter.
Je sais, pas de quoi s’en vanter.
Mais comme tout ce travail n’était guère productif (de mémoire d’homme, on n’a jamais trouvé un espion de cette manière), on pourchassait aussi les cibistes, ces radioamateurs qui passaient leurs soirées à discutailler sur les ondes un peu comme le font aujourd’hui les internautes.
Dans des véhicules dotés d’un matériel hors de prix, nous sillonnions la capitale pour « gonioter » les délinquants. Et enfin, lorsqu’après des semaines et des semaines d’efforts on débarquait chez eux pour saisir le matériel, on savait bien que tout ça, c’était « pour de rire ». Pas de menottes, pas de garde à vue, pas de fouille à corps, pas de gyrophare, pas de traversée de Paris le pied au plancher. En bout de course, le président du tribunal, leur collait cinq cents francs d’amende, « et n’y revenez pas », ne manquait-il pas d’ajouter, goguenard.
Je raconte ça pour expliquer qu’on ne peut pas rentabiliser un service secret en limitant son
action à ce pour quoi il est fait. Lutter contre les espions, les terroristes…, ça remplit pas le filet.
Et tout bien réfléchi, et pour en revenir à toutes ces fausses rumeurs, comme celle qui dit que le patron de la DCRI pourrait bien devenir le Monsieur sécurité de l’Élysée, la France n’a pas peur, elle s’ennuie.
Alors, toutes les occasions de rigoler un brin sont bonnes à prendre.
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Drôle d’époque ! On vit dans le passé, on s’accroche au présent, on œuvre pour le bien de ses enfants, on imagine la fin du monde, dans un siècle ou deux – et, en même temps, on ne voit pas plus loin que le bout de son nez.
Et qu’on arrête de nous enquiquiner avec de telles futilités. Comme dirait 

